Lors de la préparation d’une intervention en sport dans une classe d’école enfantine, j’ai souhaité mettre en place 5 ateliers représentant un parcours imaginaire. Certains de ces ateliers ont nécessité un équipement lourd et dangereux que j’ai été le seul à pouvoir aménager. Je n’ai pas voulu mettre en place les ateliers seul et laisser les élèves sans activité. En effet, il est important que les élèves se familiarisent avec le matériel de sport et laisser les élèves inactifs n’aurait pas été pédagogique. J’ai décidé de donner la responsabilité aux élèves de s’occuper des ateliers dont le matériel n’est pas dangereux. J’ai réalisé deux groupes de 7 élèves et leur ai demandé de créer les 2 ateliers «équilibre» et «lancer et slalom». Le reste des élèves m’ont accompagné pour participer à la construction des 3 autres ateliers.
Depuis 2008, l’enseignant doit faire face à un nouveau problème que lui impose le nouveau plan d’étude. En effet, celui-ci prend en compte cinq grands champs de Capacités transversales. Nous pouvons lire dans le PER (2010) que «L’enseignant est appelé à favoriser le plus souvent possible des mises en situation permettant à chaque élève d’exercer et d’élargir ces cinq Capacités transversales». De plus, ces capacités transversales ont «des incidences sur l’organisation du travail de la classe, la réalisation d’activités ou la gestion de l’enseignement» (PER, 2010, p. 35). Ces capacités transversales doivent être mobilisées dans diverses situations contextualisées afin d’être développées chez les élèves.
Bissonnette et Richard (1993) expliquent que l’essor des nouvelles technologies de l’information pousse les individus à faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Le temps d’apprentissage ne se limite plus à la période de la vie scolaire. D’où, «l’école se doit de développer chez les élèves les aptitudes et attitudes qui leur permettront de continuer à apprendre par eux-mêmes toute leur vie durant» (Bissonnette et Richard, 1993, introduction p. XIV). La Suisse ainsi que l’Angleterre, l’Australie, la Belgique et le Québec ont révisé leurs programmes d’études pour qu’à la fin de la scolarité les jeunes soient mieux formés aux exigences de la vie professionnelle. Cela passe par un modèle axé sur le développement des compétences. Donc d’étendre chez les élèves des savoir-faire, mais également des savoir-être. Les recherches de Goleman, (1997) confirment que le savoir-faire ainsi que le savoir-être sont essentiels au développement des capacités transversales et mettent en évidence que le savoirêtre précède même le savoir-faire. Le traitement de l’information au niveau cérébral se fait d’abord par le cerveau émotionnel, qui gère toute l’affectivité reliée au savoir-être. Goleman, (1997) a prouvé que l’affectif prédomine sur le cognitif, dans les tâches scolaires ainsi que dans celles de la vie quotidienne.
La créativité
Selon Lubart, Mouchiroud, Torjman et Zenasni (2003), la créativité est la capacité à réaliser une production qui soit à la fois originale, nouvelle (soit pour l’individu, soit pour la société plus largement) et adaptée aux contraintes de l’environnement dans lequel cette production prend place.
Georgsdottir et Lubart (2003) expliquent que dans l’acte créatif certaines capacités intellectuelles sont particulièrement sollicitées. D’une part, la pensée divergente exploratoire qui correspond à la capacité à rechercher des idées, à chercher dans son environnement et ses connaissances des composants en adéquation avec sa tâche. D’autre part, la pensée convergente-intégrative qui correspond à la capacité de synthèse, de mise en relation de différents éléments dans le but d’aboutir à une idée aussi unique et complète que possible. Archambault et Vernet (2007) expliquent que Vygotski a aussi mis en évidence que la création d’une production imaginaire est le résultat de deux opérations mentales. Il appelle la première «dissociation», qui représente la séparation des impressions vécues en ses éléments et conservation de certaines parties modifiées. La deuxième opération mentale est l’ «association», qui consiste à combiner des éléments altérés qui peuvent réunir des aspects subjectifs et des données objectives afin de se terminer par la création d’un nouveau produit concret .
Afin de favoriser le développement du potentiel créatif des élèves, Beghetto et Kaufman (2010) proposent la perspective «teaching creatively» qui fait en sorte que l’élève évolue dans un environnement physique et social qui le stimule. Nous mettons à disposition de l’enfant différents matériaux avec lesquels il apprend à travers des stratégies différentes qui favorisent sa flexibilité. La flexibilité étant la capacité à faire un va-et-vient entre la pensée divergenteexploratoire et la pensée convergente-intégrative afin de résoudre un problème. Offrir aux élèves la possibilité de manipuler du matériel sportif semble adéquat pour étoffer leur flexibilité.
Giglio (soumis) décrit la compétence à réaliser une tâche créative comme «un ensemble de ressources réelles ou imaginaires qu’un élève est capable de mobiliser en vue d’agir et d’aboutir à la naissance d’une idée nouvelle, à la réalisation d’un objet original ou à la conception d’une pratique plus ou moins innovante dans des champs plus ou moins spécifiques et niveaux plus ou moins complexes d’élaboration» (Giglio, soumis, p. 3). La conception d’un atelier d’un parcours de motricité par les élèves répond à cette définition. En effet, cela leur permettra de développer des capacités psychomotrices et de s’exprimer avec leur corps en exerçant les perceptions sensorielles, la création et la découverte de mouvements (tels que courir, grimper, sauter, tourner, lancer) et le maintien et le déplacement en équilibre à travers le matériel mis à disposition. Il y aura aussi un apprentissage créatif comme Craft (2005) le décrit, c’est-à-dire lorsque les élèves mobilisent leur imagination afin de combiner des éléments pour créer quelque chose de nouveau.
Giglio explique que «l’interdépendance de la créativité avec d’autres descripteurs proposés dans les programmes, tels que la collaboration, … , devient dès lors fondamentale dans cette organisation. (Giglio, soumis, p.2)».
La collaboration
Une des références concernant les apprentissages coopératifs est le psychologue Lev Vygotsky qui est un des précurseurs du modèle socioconstructiviste. Il affirme que «… les connaissances se construisent au travers d’interactions entre les personnes au sein d’une société» (Baudrit, 2007a, p.16). Il développe le concept de zone proximale de développement. Il s’agit de «l’écart existant entre ce que l’enfant est capable de faire seul et ce qu’il est susceptible de réaliser avec l’aide d’un adulte ou d’un pair plus compétent» (Vygotski, 1978) (cité par Baudrit, 2007a, p.16). Les élèves peuvent donc avancer dans cette zone proximale de développement grâce aux interactions sociales. Qu’en est-il donc du travail en petit groupe ?
D’après Reide, Forrestal et Cook (1993), il semble que l’apprentissage en petits groupes offre de nombreux avantages. Travailler en petits groupes favorise l’occasion de s’exprimer et de contribuer à développer le langage des élèves, levier important de l’apprentissage. Cela offre plus d’intimité et l’occasion de réagir aux interventions des autres élèves, ce qui favorise le développement des habiletés d’écoute. Les petits groupes permettent aux élèves d’optimiser le temps d’apprentissage en classe. «Dans un environnement coopératif, les élèves s’expriment plus ouvertement que dans une classe traditionnelle. Ils peuvent réaliser que leurs propres pensées et leur propre expérience sont valables dans l’apprentissage d’une nouvelle notion». De plus, «ils peuvent apprendre des autres et montrer aux autres, en expliquant, questionnant, rappelant et imaginant, au moyen des modèles d’interaction avec lesquels ils sont les plus familiers». (Reide, Forrestal et Cook, 1993, p. 20).
Intéressons-nous donc à la collaboration. L’apprentissage collaboratif, selon Dillenbourg (2009), se définit à travers les notions de situation et d’interaction. Il explique qu’une situation peut être qualifiée de collaborative à partir du moment où des personnes de même niveau cognitif, dont les statuts sont équivalents, sont capables de travailler ensemble dans un but commun. Par contre, «le flou de l’autonomie inhérente à l’apprentissage collaboratif peut amener les élèves à prendre des responsabilités de façon disproportionnée, à s’investir inégalement dans leur travail groupal» (Baudrit, 2007b, p.117). Mais il précise qu’il ne faut pas oublier les points forts de cette méthode. En effet, l’avantage est de «réunir pour travailler ensemble ceci afin d’œuvrer dans le sens de réalisations collectives». (Baudrit, 2007b, p.118). Il ajoute que cela «permet d’approfondir le raisonnement, de découvrir de nouvelles idées, de résoudre des problèmes à plusieurs».
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. PROBLEMATIQUE
1.1. Importance de l’objet de recherche
1.2. État des connaissances lié au thème
1.2.1. La créativité
1.2.2. La collaboration
1.2.3 Les moments et formes de collaboration créative
1.2.4. Une situation scolaire favorisant l’apprentissage créatif et collaboratif
1.2.5. L’éducation physique et la gestion disciplinaire
1.2.6. L’étayage ou les gestes professionnelles de l’enseignant
1.3. Question de recherche et hypothèses de recherche
CHAPITRE 2. METHODOLOGIE
2.1 Types et démarche de recherche
2.2 Type de paradigme : « processus-produit »
2.3 Approches méthodologiques
2.4 Récolte des données
2.5 Echantillonnage
2.6 Processus et protocole de recherche
2.7 Entrevue de planification
2.8 Méthodes et/ou techniques d’analyse des données
CHAPITRE 3 ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
3.1 Gestion disciplinaire à travers la conception d’un parcours de motricité
3.2 Le travail de groupe à travers la conception d’un parcours de motricité
3.3 Les gestes de l’enseignant qui permettent de développer la collaboration créative
CONCLUSION
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