Le terme « travail de groupe » est général ; il existe différents types et différentes formes de travail de groupe, comme le travail de groupes hétérogènes ou de groupes homogènes, le travail de collaboration ou de coopération, etc.
Avec ce travail de recherche, je souhaite étudier la collaboration créative. Celle-ci se pratique plus spécialement à partir de la 3ème année, mais très rarement, voire pas du tout avant. Elle consiste à faire travailler les élèves par groupe de pairs. Les élèves doivent créer ensemble un objet en fonction des consignes, plutôt brèves, données précédemment par l’enseignant. L’apprentissage se réalise lors du processus de création, ce n’est donc pas l’objet final qui est important mais les échanges que les élèves ont entre eux. On considère plus précisément la collaboration créative « en tant que construction d’une relation qui s’établit entre les élèves ayant l’objectif commun de créer un objet nouveau, en discutant et en partageant leurs « idées » et une « compréhension commune » » (Miels & Littleton, 2004, cité par Giglio, 2014, p.3).
Il est important de comprendre que lors de la collaboration créative, les élèves vont pouvoir apprendre à interagir, à créer et à collaborer. Il ne s’agit pas d’enseigner la créativité, car comme il est stipulé dans l’approche vygotskienne, la créativité ne peut pas s’enseigner ; mais il s’agit de l’encourager chez les élèves (Giglio, 2014). Pour éclaircir la notion de créativité, j’utilise l’explication suivante : « La créativité est une activité au cours d’un processus qui comprend la fantaisie, l’imagination, le jeu, le sens et les symboles cognitifs » (John-Steiner, Sean Connery & Marjanivic-Shane, 2010 cités par Giglio, 2014, p. 3). Cependant, pour Vygotski (1931/1994), l’imagination est une activité de transformation créatrice qui peut être transférée, en particulier chez les jeunes, d’une forme concrète à l’autre et qui est seulement possible grâce à l’aide de l’abstraction. De ce fait, cette forme de travail n’est mise en place qu’avec des élèves âgés d’au moins 6 – 7 ans.
Dès lors, il me semble pertinent de m’interroger sur la faisabilité de cette forme de travail avec des élèves de 2e année. La collaboration créative apporte une multitude d’aspects positifs pour soutenir l’apprentissage des élèves et sa mise en place dès les premières années de la scolarisation serait un avantage pour la suite du parcours scolaire de l’élève. En étant rapidement confronté au travail de groupe et à la collaboration, l’élève développe des compétences qui lui sont bénéfiques pour la suite de sa scolarisation ainsi que sa future vie professionnelle. Il s’agit là, selon moi, du rôle primordial de l’école : aider l’élève à devenir citoyen, c’est-à-dire à faire partie de la société, à s’y sentir à sa place et à pouvoir développer ses propres connaissances et compétences.
Depuis le XXe siècle, une nouvelle forme de travail est apparue dans les classes : le travail de groupe et donc également la collaboration. Bien que certains pédagogues comme Freinet et Pestalozzi aient déjà introduit la collaboration dans les classes, c’est avec l’arrivée de scientifiques tels que Piaget ou Vygotski que l’école ne consistât plus en un maître transmettant son savoir à ses élèves et ayant le devoir de « remplir leur tête vide ».
Piaget est donc l’un des premiers psychologues à remettre en cause l’enseignement utilisant des méthodes dites « traditionnelles ». Il rejette ces méthodes dans lesquelles seul l’enseignant est actif. Il insiste sur le fait que les élèves doivent construire eux-mêmes leurs savoirs, car ceci leur permet un développement cognitif plus efficace. « Le fait d’apprendre à plusieurs autorise une élaboration des idées plus difficilement accessible à la seule pensée individuelle » (Baudrit, 2005, p.14). Piaget (1969) ajoute même qu’une école active est une école qui a comme méthode « le travail par groupe, qui consiste à laisser les enfants poursuivre leur recherche en commun, soit en « équipes » organisées, soit simplement au gré des rapprochements spontanés » (cité par Peyrat-Malaterre, 2011, p. 27).
La collaboration créative place les élèves dans des situations qui créent des conflits socio-cognitifs, c’est-à-dire que les élèves vont pouvoir se confronter : ils mettent «en relation leurs connaissances, pas forcément exactes, provenant de divers élèves du même groupe, mettant à jour deux ou plusieurs points de vue et provoquant la nécessaire argumentation de chacun pour défendre son idée » (de Vecchi, Carmona-Magnaldi, 1996, p. 252). Le fait de devoir défendre son point de vue, son raisonnement, etc. pousse l’élève à remettre en question ses certitudes, ses compréhensions, ses questionnements et ainsi il est amené à se « décentrer » (Pierret-Hannecart et Pierret, 2006).
« Les conflits, qu’ils soient affectifs ou cognitifs, jouent un rôle moteur dans le développement des individus » (De Vecchi, Carmona-Magnaldi, 1996). En effet, pour qu’il y ait un apprentissage, « il faut qu’un « conflit » naisse d’une contradiction entre ses attentes [de l’élève] et ce qu’il perçoit de la réalité : il y a alors un « conflit cognitif» qu’il lui faut résoudre pour ne pas demeurer dans un sentiment de déséquilibre » (Piaget, 1947 ; Inhelder, Sinclair & Bovet, 1974, cité par PerretClermont et Giglio, sous presse, p.5). Le conflit socio-cognitif n’est donc pas luimême créateur de nouvelles connaissances, mais il permet de déclencher le déséquilibre nécessaire à l’apprentissage de celles-ci (Perret-Clermont, Grossen, Schaubauer-Leoni, 1996).
De plus, dans le conflit socio-cognitif, les élèves n’ont pas besoin de maîtriser le sujet. Ils peuvent, ensemble, construire un nouveau savoir. Cependant il est important que les élèves n’aient pas un écart trop grand de connaissances afin que tous les élèves puissent se sentir concernés et suivre le cheminement du groupe (de Vecchi, Carmona-Magnaldi, 1996).
En outre, il est important d’ajouter que, malgré tous les avantages que peuvent présenter le travail de groupe et le conflit socio-cognitif, il ne s’agit pas pour autant d’une formule « magique ». Il existe un certain nombre de risques et de dérives au travail de groupe. Meirieu (1994) parle de dérives productives : la qualité du « produit» à fabriquer supplante l’apprentissage individuel et les élèves se divisent le travail selon les aptitudes de chacun. Il existe également, selon Meirieu, les dérives fusionnelles : le plaisir d’être ensemble domine et l’apprentissage passe au second plan. De plus il est essentiel d’apprendre aux élèves à travailler ensemble afin d’éviter que certains s’attribuent tout le travail à effectuer ou jouent le rôle de «professeur-transmetteur » (Pierret-Hannecart et Pierret, 2006). Finalement, l’apprentissage revient toujours à l’apprenant et personne ne peut le faire à sa place (Pierret-Hannecart et Pierret, 2006).
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Table des matières
CHAPITRE 1. PROBLEMATIQUE
1.1 DEFINITION ET IMPORTANCE DE L’OBJET DE RECHERCHE
1.1.1 Raison d’être de l’étude
1.1.2 Présentation du problème
1.1.3 Pertinence de la recherche
1.2 ETAT DE LA QUESTION
1.2.1 Origine ou bref historique
1.2.2 Champs théoriques et concepts
1.2.3 Controverses et ressemblances entre études
1.2.4 Résultats des recherches, théories et synthèses
1.2.5 Intérêt de l’objet de recherche
1.2.6 Point de vue personnel à l’égard de la théorie
1.3 QUESTION DE RECHERCHE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
CHAPITRE 2. METHODOLOGIE
2.1 FONDEMENTS METHODOLOGIQUES
2.1.1 Type de recherche
2.1.2 Type de démarche
2.1.3 Type d’approche
2.2 NATURE DU CORPUS
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Échantillonnage
2.2.4 Résumé
2.3 METHODES ET/OU TECHNIQUES D’ANALYSE DES DONNEES
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthodes et analyse
CHAPITRE 3. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
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