La classe des Mollicutes et le groupe «mycoides»
CONTEXTE SCIENTIFIQUE
L’introduction de maladies animales infectieuses exotiques représente un risque financier très élevé pour de nombreux pays où l’élevage participe activement à l’économie. Pour les pays en développement, ce risque est d’autant plus accru qu’une fraction de la population dépend directement de l’élevage pour sa survie. La réintroduction de la peste bovine en Europe au début du XXIème siècle a sensibilisé de nombreux pays à ce risque et fut à l’origine de la création de l’office international des épizooties (OIE), maintenant appelé organisation mondiale de la santé animale, dont le siège est à Paris, rue de Prony. Cet organisme international a d’ailleurs précédé la création d’autres organismes internationaux comme la société des nations dénommée aujourd’hui organisation des nations unies (ONU).
Un des rôles de l’OIE est de définir les règles qui président à la lutte contre ces maladies infectieuses et, en particulier, les règles non tarifaires de barrière aux frontières afin d’empêcher leur introduction dans un pays indemne. Ces règles doivent être acceptées au niveau international pour éviter les recours trop fréquents devant les tribunaux de l’organisation mondiale du commerce. Ainsi l’OIE établit des listes de maladies animales dont la déclaration est obligatoire, et prescrit les tests de référence à utiliser pour les confirmer. L’ensemble est inclus dans le « Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres » qui est régulièrement mis à jour. Pour la révision de ces textes, l’OIE s’appuie alors sur un ensemble de laboratoires internationaux de référence ainsi que des experts. Chaque pays désigne en général un laboratoire de référence chargé de réaliser les tests prévus en cas de suspicion et organiser un plan de surveillance.
La péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) est une de ces maladies à déclaration obligatoire qui figure dans la liste de l’OIE. En effet celle-ci fut l’un des plus grands fléaux de l’élevage bovin au XIXème siècle et de nombreux pays ont réalisé des campagnes d’éradication coûteuses pour recouvrer un statut indemne. Il existe plusieurs laboratoires de référence OIE pour la PPCB, en Italie, au Portugal, au Botswana et en France. Pour la France ce sont en fait deux laboratoires qui sont associés, l’ANSES et le CIRAD. En effet l’ANSES est un laboratoire dépendant du ministère de l’agriculture et il supervise les plans de surveillance en France alors que le CIRAD dépend des ministères de la recherche et des affaires étrangères. Le CIRAD s’occupe principalement de projets collaboratifs avec de nombreux pays dans le monde où cette maladie est encore présente, particulièrement sur le continent africain.
Ce projet de thèse s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre l’ANSES et le CIRAD afin de renforcer les liens entre les deux équipes travaillant sur la PPCB pour en améliorer la surveillance et le contrôle. Le choix d’un sujet portant sur les polysaccharides des mycoplasmes du groupe « mycoides » a été fait en commun et a résulté de plusieurs constatations. Tout d’abord, il n’existe que très peu de données récentes sur ce type de molécule chez les mycoplasmes pathogènes de ruminants, bien que ces produits aient été identifiés très précocement comme des facteurs de virulence potentiels. Par ailleurs, une meilleure connaissance de ces molécules pouvait laisser entrevoir le développement de produits avec des applications pour le diagnostic et les vaccins. Cela est important pour l’ANSES et le CIRAD dont l’un des objectifs principaux est de réaliser des recherches appliquées. Cependant aucun des deux laboratoires n’avait d’expérience concernant la caractérisation des polysaccharides et c’est pourquoi une collaboration supplémentaire a été recherchée auprès d’un laboratoire spécialisé, le Laboratoire des Polysaccharides Microbiens et Végétaux (LPMV) de l’Institut Universitaire de Technologie (IUT) d’Amiens.
Caractéristiques majeures de la classe des Mollicutes
Les Mollicutes sont le fruit d’une évolution régressive par perte massive de gènes à partir d’un ancêtre commun avec les bactéries à Gram positif et constituent, à cette issue, la plus petite unité procaryote douée de réplication autonome connue à ce jour (Fraser, et al., 1995). Le terme Mollicute vient du latin molli (mou, doux) et cutis (peau) et rend compte de l’une des caractéristiques principales de ces bactéries : l’absence de paroi rigide. Cette déficience explique leur aspect pléiomorphe (Fig. I.1), à l’exception des spiroplasmes qui adoptent préférentiellement une forme hélicoïdale due à la présence d’un cytosquelette (Razin, et al., 1998). L’absence de paroi n’est pas le seul caractère remarquable des Mollicutes, les différenciant ainsi des autres eubactéries. En effet, les membres de cette classe sont de petite taille, entre 0,3 et 0,8 μm de diamètre, contre 2μm de long sur 0,8μm de diamètre pour Escherichia coli. Ils présentent un génome de taille réduite (0, 58 Mpb pour Mycoplasma genitalium à 2,2 Mpb pour Spiroplasma ixodetis contre 4,6Mpb pour E. coli) avec un faible taux de moles en G+C (23 à 40% contre 50% pour E. coli). Par ailleurs, ils mettent à profit majoritairement le codon UGA comme codon tryptophane sauf pour les acholeplasmes et les phytoplasmes qui l’utilisent en tant que codon stop tel que décrit dans le code génétique universel (Blanchard, 1990).
Outre la perte de la capacité de synthèse de peptidoglycane, les Mollicutes sont également incapables de synthétiser leurs propres acides gras, acides aminés, précurseurs d’acides nucléiques ou encore certaines vitamines et autres coenzymes. Excepté les phytoplasmes et les acholéplasmes, ils doivent également importer les stérols (cholestérol ou phytostérol) exogènes nécessaires à leur architecture membranaire. De ce fait, les Mollicutes sont définis comme des parasites obligatoires ou saprophytes et sont capables de coloniser un large spectre d’hôtes tels que les plantes (le plus souvent via des arthropodes vecteurs), les humains et les animaux. Ce parasitisme est corrélé à la perte de nombreux gènes voire de voies métaboliques complètes que ces eubactéries ont subi au cours de leur évolution (Pollack, et al., 1997). Pour leur culture in vitro, les milieux doivent être enrichis en extrait de levures fraiches, en sérum animal et en glucose afin d’apporter les éléments garantissant leur croissance. Pour certains espèces de culture fastidieuse, tel que Mycoplasma capricolum subsp. capripneumoniae, la croissance peut être améliorée grâce à l’ajout de pyruvate dans le milieu (Miles, et al., 1988). Cultivés sur gélose, les mycoplasmes forment des colonies dites en « oeuf sur le plat » (Fig. I.2) définies par une zone foncée centrale, enfoncée « en clou » dans la gélose et entourée d’une zone claire périphérique en surface de la gélose (Razin & Oliver, 1961).
Taxonomie
La classe des Mollicutes est subdivisée en 4 ordres, 5 familles et 8 genres (Razin, et al., 1998), si l’on ne tient pas compte des organismes incertae sedis (Eperythrozoon et Haemobartonella) et du genre Candidatus Phytoplasma (Krieg, et al., 2010). L’ordre des Mycoplasmatales comprend 1 seule famille Mycoplasmataceae et 2 genres : Mycoplasma et Ureaplasma. Les Mycoplasmatales infectent les hommes et les animaux. Ces organismes ont besoin de cholestérol pour leur croissance et sont principalement aérobies. Les bactéries du genre Ureaplasma ont la particularité d’hydrolyser l’urée. Mycoplasma est le genre le plus représentatif de la classe des Mollicutes. Récemment, sur la base d’analyses des ADNr 16S, quatre membres des genres Haemobartonella et Eperythrozoon de l’ordre des Rickettsiales ont été rattachés à l’ordre des Mycoplasmatales et se sont vu attribuer le nom de genre Mycoplasma (Neimark, et al., 2001, Neimark, et al., 2002).
Cependant l’inclusion de ces espèces dans le genre Mycoplasma a été contestée en raison de leur distance évolutive avec d’autres mycoplasmes telle que constatée sur l’ADNr 16S (Uilenberg, et al., 2004, Uilenberg, et al., 2006). L’ordre des Entomoplasmatales regroupe des bactéries isolées chez les arthropodes et à la surface, voire dans le phloème des plantes. Il se divise en 2 familles : les Entomoplasmataceae avec les genres Mesoplasma et Entomoplasma et les Spiroplasmataceae ne comprenant que le genre Spiroplasma. Ils sont plus ou moins exigeants en stérols. L’ordre des Acholeplasmatales présente 1 famille Acholeplasmataceae et 1 seul genre : Acholeplasma. Ils ne nécessitent pas l’apport de stérols. Leurs hôtes sont des mammifères, des insectes ou encore des plantes. Le genre Candidatus Phytoplasma est toutefois rattaché à cet ordre bien que son statut taxonomique reste incertain du fait de l’impossibilité de cultiver ces organismes in vitro. Les phytoplasmes se multiplient chez les insectes et dans les tubes criblés du phloème.
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Table des matières
ABBREVIATIONS
LISTE DES PUBLICATIONS
LISTE DES COMMUNICATIONS
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
CONTEXTE SCIENTIFIQUE
CHAPITRE I SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1.La classe des Mollicutes et le groupe «mycoides»
I.1. La classe des Mollicutes
I.1.1. Caractéristiques majeures de la classe des Mollicutes
I.1.2. Classification
I.1.2.1. Phylogénie
I.1.2.2. Taxonomie
I.1.3. Les Mollicutes, des génomes petits mais complexes
I.2. Le groupe « mycoides »
I.2.1. Présentation du groupe « mycoides »
I.2.1.1. Identification et classification
I.2.1.2. Les maladies ou syndromes induits par les membres du groupe «mycoides»
I.2.2. Pathogénicité des membres du groupe «mycoides»
I.2.2.1. La sécrétion d’H2O2
I.2.2.2. Les lipoprotéines
I.2.2.3. Les variations antigéniques
I.2.2.4. Les polysaccharides
II.Les polysaccharides bactériens et leur biosynthèse
II.1. Les polysaccharides bactériens
II.1.1. Composition
II.1.2. Classification selon la composition chimique
II.1.2.1. Les homopolysaccharides
II.1.2.2. Les hétéropolysaccharides
II.1.3. Classification selon la localisation
II.1.3.1. Polysaccharides structuraux ou pariétaux
II.1.3.2. Polysaccharides capsulaires
II.1.3.3. Les exopolysaccharides
II.2. Les polysaccharides en tant que facteurs de virulence
II.3. Biosynthèse des polysaccharides
II.3.1. Transport des sucres
II.3.2. Modifications enzymatiques et activation du monosaccharide importé
II.3.3. Polymérisation
II.3.4. L’export du polymère
III. Les polysaccharides de mycoplasmes
III.1. Généralités
III.2. Les polysaccharides découverts chez les mycoplasmes du groupe «mycoides»
III.2.1. Le galactane de Mmm
III.2.1.1. Découverte et caractérisation
III.2.1.2. Implication du galactane dans la virulence de Mmm
III.2.2. Les polysaccharides des autres membres du groupe «mycoides»
III.2.3. Les polysaccharides du groupe «mycoides» dans le diagnostic
Objectifs de recherche
CHAPITRE II ETUDE DES EXOPOLYSACCHARIDES SECRETES PAR MYCOPLASMA MYCOIDES SUBSP. MYCOIDES
I.Résumé
II.Article-1 : Caractérisation des exopolysaccharides libres sécrétés par Mycoplasma mycoides subsp. mycoides
III. Résultats complémentaires
III.1. Introduction
III.2. Matériel et Méthodes
III.2.1. Souches, mutants et conditions de culture
III.2.2. Préparation des échantillons
III.2.3. Production des anticorps monoclonaux
III.2.4. Sélection des clones d’hybridomes positifs et analyse des mutants de la banque
III.3. Résultats :
III.3.1. Production d’anticorps monoclonaux dirigés contre le galactane de Mmm
III.3.2. Recherche de mutants déficients dans la production de galactane
Points de conclusion du chapitre II
CHAPITRE III ETUDE DES POLYSACCHARIDES SECRETES DES MYCOPLASMES MEMBRES DU GROUPE « MYCOIDES »
I.Résumé
II.Article 2 (version provisoire)
II.1. Abstract
II.2. Introduction
II.3. Materials and methods
II.3.1. Mycoplasma strains and culture conditions
II.3.2. EPS production and extraction
II.3.3. Monosaccharide composition
II.3.4. NMR spectroscopy
II.3.5. Monoclonal antibodies production
II.3.6. SDS-PAGE and western blotting
II.3.7. Agar gel immunodiffusion test (AGID)
II.3.8. In silico analyses
II.4. Results
II.4.1. Presence of EPS in extracts
II.4.2. Chemical characterization of EPS from Mycoplasma mycoides cluster by HPAEC and NMR
II.4.3. Generation of monoclonal antibodies against EPS of Mmm and Mccp
II.4.4. Immunological comparisons
II.4.5. In silico analysis of EPS biosynthetic pathways in the MMC
III. DISCUSSION
III.1. EPS composition
III.2. In silico analysis of EPS biosynthetic pathways in the MMC
Conclusions and perspectives:
Points de conclusion du chapitre III
CHAPITRE IV CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
Conclusions générales
Perspectives
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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