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Principes fondamentaux de la république romaine
La souveraineté du peuple
Sous la république romaine, le pouvoir politique était régi par trois organes fondamentaux à savoir les comices, le Sénat et les magistratures à travers lesquels le peuple exprimait sa souveraineté. Le peuple exerçait à travers les comices quelques pouvoirs tels que les votes, mais l’essentiel du pouvoir était détenu par les magistrats et le Sénat. En réalité, la souveraineté appartenait à un ensemble de personnes groupées institutionnellement sous un nom dont le sigle est très célèbre : SPQR qui signifie Senatus PopulusQue Romanus désignant littéralement « le Sénat et le peuple romains ». Ainsi, la souveraineté de la république romaine était unique, mais bicéphale du fait de sa composition : le Sénat et le peuple.
En effet, d’après Bertrand LANÇON33, le Sénat qui existait depuis l’époque royale n’était pas séparé du peuple, mais il en était l’expression jugée la plus élevée de la constitution républicaine. Ce dernier informe que « le Sénat regroupait les représentants des familles les plus prestigieuses de Rome, qu’elles fussent patriciennes ou, à partir du IVème siècle, plébéiennes ». Le Sénat romain était en effet composé de trois cent (300) membres dont la liste était révisée tous les cinq ans par les censeurs. Suivant toujours Bertrand LANÇON, les sénateurs étaient désignés et se désignaient mutuellement par le terme usuel de Patres Conscripti qui signifie « pères conscrits ». En fait, les noms des sénateurs étaient inscrits ensemble sur l’album sénatorial par ordre hiérarchique. Ainsi, l’appellation de « pères » montre leur considération comme les pères de la patrie. En effet, il y avait parmi eux des sénateurs patriciens qui avaient le droit d’auspice qui illustre leur puissance.
Les sénateurs étaient les gardiens et les garants du mos majorum qui vaut dire l’usage ancestral ou encore la coutume des ancêtres, c’est-à-dire la continuité de la tradition. Ils détenaient aussi un pouvoir appelé l’auctoritas qui était une qualité donnant force de loi aux avis du Sénat. Etymologiquement, le terme « auctoritas » dérive de « augere »34 (augmenter) qui a une racine « aug » désignant un pouvoir, une force (celle des dieux). Ainsi, l’auctoritas peut se comprendre comme étant l’une des vertus nécessaires à l’homme d’Etat romain. Elle était l’une des composantes majeures de l’exercice du pouvoir suprême. D’après Mbaye MBOW35, l’auctoritas est une compétence morale et un prestige qui sont l’apanage de l’assemblée composée essentiellement des anciens magistrats, c’est-à-dire le Sénat. En théorie, les magistrats et le peuple sur l’initiative d’un magistrat pouvaient se passer du Sénat, mais c’était une chose très rare. C’est pourquoi le Sénat jouissait d’un immense pouvoir et d’une forte influence dans le pouvoir politique romain.
Ainsi, la vie politique romaine se fondait particulièrement sur une notion morale, l’auctoritas, conçue comme un principe. Cette étroite relation entre la morale et la politique explique le caractère oligarchique de la constitution républicaine sous laquelle la validité d’une décision était soumise à l’approbation de l’auctoritas senatus (patrum) qui apportait à celle-là un poids, un supplément nécessaire. Par ailleurs, l’auctoritas s’identifie à la Lex Curiata de imperio36. Il faut souligner qu’avec cette Lex Curiata de imperio les comices curiates avaient le pouvoir de conférer l’imperium aux magistrats supérieurs cum imperio après leur élection, et donnaient elles-mêmes force de loi aux décisions des autres comices. A cette époque, avec notamment l’accession des plébéiens au Sénat à partir de 367/366 avant J.-C., l’autorité du Sénat s’exprimait principalement par des sénatus-consultes.
Le concept « populus romanus » désigne littéralement, quant à lui, le peuple romain. Le populus ne comprenait en réalité que les personnes détenant la citoyenneté romaine : c’était « une réunion d’individus liés par un accord unanime en vue de leur utilité commune »37. Ainsi, ce peuple romain ne saurait être confondu avec l’ensemble des habitants de la cité et des territoires soumis à l’autorité de Rome, car nombreux étaient ceux qui ne détenaient pas le droit de cité qui leur permettait d’accéder à la vie politique et d’exercer les fonctions politiques. Le populus romanus composé des citoyens dûment recensés ayant les droits politiques ne constituait qu’une minorité de la population. Ce populus était donc une notion restrictive comme le démos athénien. Avec l’avènement de la république, ce populus eut une part importante dans la vie politique de Rome en exerçant notamment un certain pouvoir à travers les différents comices (tributes, curiates et centuriates) qui constituaient le lieu d’expression de la souveraineté de ce populus.
Par ailleurs, ces comices constituaient l’organe caractéristique de la « démocratie » dans le régime républicain romain. Cependant, ce populus déléguait une importante partie de ses pouvoirs et prérogatives à des représentants, en l’occurrence les magistrats, qu’il élisait au sein des comices. En fait, le populus n’avait pas dans ce régime la direction politique, mais il était plutôt le but suprême de l’activité politique. Ainsi, nous pouvons dire avec Bernard DURAND que « le régime républicain romain n’est pas un gouvernement par le peuple, mais un gouvernement pour le peuple »38.
La libertas
La libertas est un terme latin dérivé de « liber »39 qui veut dire « libre ». Ainsi la libertas désigne littéralement la « liberté » ; c’est une notion plus récente que l’auctoritas. Elle signifie non la liberté de l’individu mais celle du citoyen ; elle tempérait l’auctoritas. Elle emportait certains droits, notamment les jus suffragii et honorum, mais aussi des garanties40. Selon Mbaye MBOW, la libertas est la faculté naturelle qui permet à chacun de faire ce qu’il veut41. La libertas était un principe fondamental inhérent à la république car « elle est même le symbole, le socle sur lequel se dresse la république, devant être le point de départ d’une nouvelle expérience politique »42. En fait, la libertas constituait l’incarnation de la république instaurée sur les cendres ou mieux sur les périls de la tyrannie royale : elle était donc affiliée à la république. Cette libertas romaine consistait à privilégier les droits personnels et politiques du citoyen romain, droits qui lui sont garantis par la forme républicaine du gouvernement43.
Pour Tite-Live, la république se caractérisait par cette liberté car il affirmait à ce sujet que « c’est d’un peuple romain désormais libre que je montrerai maintenant […] les magistratures annuelles, l’autorité des lois, plus puissantes que celles des hommes »44. Ainsi, du fait qu’elle constituait une aspiration collective après le viol de Lucrèce, la libertas se confondait chez certains auteurs comme ce dernier au régime républicain. Mbaye MBOW affirme également que « la respublica était confondue et désignée sous le nom de libera civitas »45, considérant du coup qu’il y avait une interpénétration entre la res publica et la libertas. Ce dernier considère en fait que la libertas était la clé de voûte des revendications politico-civique.
La libertas constituait un principe par lequel le peuple eut plus de liberté et de considération dans la vie politique de Rome, d’autant plus qu’elle était le principe ou le mot d’ordre sur lequel le peuple s’était rassemblé pour destituer le dernier roi. Ainsi, c’est par cette libertas que le peuple romain eut non seulement une certaine liberté individuelle voire collective et politique, mais aussi c’est elle qui lui permit de caractériser sa « res publica » différente de la royauté où le peuple avait peu de part aux affaires publiques. En plus, cette libertas était pour les Romains, notamment la plèbe à travers la provocatio et le véto de ses magistrats, un outil d’affranchissement du joug patricien. En effet, la puissance tribunicienne était un véritable rempart de la liberté du peuple romain, particulièrement la plèbe.
Par ailleurs, le droit de secours aux tribuns de la plèbe et l’appel au peuple romain constituaient les deux citadelles de la liberté. L’instauration de la libertas était notamment marquée par l’entremise de nouvelles institutions parmi lesquelles il y a le tribunat de la plèbe qui garantissait la liberté des citoyens46. Ainsi, la libertas était un élément de cristallisation des synergies pour la réalisation de la république. Elle a également joué un rôle primordial dans les relations interinstitutionnelles voire intra-institutionnelles de la république, d’autant plus qu’elle favorisait la neutralité, l’opposition et la responsabilité au sein des organes politiques.
Les lois républicaines et leurs pouvoirs
On distinguait sous la république romaine divers types de lois à savoir les lois publiques, les plébiscites et les sénatus-consultes. Les premières traduisant théoriquement la volonté populaire étaient des actes émanant des organes politiques ; elles étaient appelées les leges publicae. On nous fait état de deux sortes de lois dans le mécanisme législatif de la Rome républicaine. Il s’agit d’une part des leges rogatae qui sont des lois votées par les citoyens dans les comices. En effet, c’est par une loi appelée la Lex Curiata de imperio que les comices curiates conféraient l’imperium aux magistrats supérieurs. D’autre part, nous avons les leges datae qui étaient une émanation des magistrats dont l’objet concernait l’organisation des territoires conquis par Rome. A côté de ces lois dites publiques, nous avons les plébiscites qui n’étaient rien d’autres que les textes votés par les comices tributes dont la validation nécessitait, au début, le consentement du Sénat par l’approbation de son auctoritas.
Ce n’est qu’à partir des lois Valeriae Horatiae de 449 avant J.-C., que ces plébiscites, qui ne sont rien d’autre que les décisions de la plèbe, eurent force de loi mais toujours assujettis à la sanction de l’auctoritas du Sénat. Ces plébiscites seront définitivement indépendants de l’auctoritas patrum à partir de 287/286 avec les lois hortensiennes. A l’origine, ces plébiscites ne s’appliquaient qu’à la plèbe. Mais depuis leur reconnaissance comme étant des lois en 449 avant J.-C., ils eurent une portée de plus en plus générale car ils s’appliquaient à toute la société romaine, le populus. Retenons que les autres lois, dont seuls les magistrats supérieurs détenaient l’initiative, étaient votées par les comices centuriates47.
Le projet de loi appelé rogatio était rédigé par les scribes et affiché pendant quinze jours avant son vote. La loi était promulguée à la majorité des votants, cependant elle pouvait être suspendue par le véto d’un magistrat. Les sénatus-consultes (avis) étaient des décisions votées par le Sénat qui pouvaient également avoir force de loi. En effet, le Sénat était titulaire d’un certain nombre d’attributions ordinaires que ces sénatus-consultes transformaient en actes officiels. Toutefois ces décisions du Sénat pouvaient être bloquées, d’après Bertrand LANÇON48, par les consuls et les tribuns de la plèbe grâce à leur pouvoir d’intercessio.
Au terme de ce premier chapitre, nous pouvons retenir que la démocratie athénienne et la république romaine étaient deux régimes politiques populaires qui avaient pour objectif l’exercice du pouvoir soit par leur peuple soit pour leur peuple. Ces deux régimes étaient également très attachés à la liberté du citoyen et à la souveraineté populaire, deux choses qui constituent d’ailleurs leurs principes fondamentaux. En effet, le fait qu’ils aient accordé la liberté et la souveraineté au peuple, contrairement aux autres régimes comme la monarchie ou encore la tyrannie, constitue un de leurs points communs et montre qu’ils étaient des régimes populaires. En plus, ils se caractérisaient par un profond respect des lois établies qui étaient d’ailleurs le véritable souverain, particulièrement à Athènes.
Cependant, nous pouvons remarquer que « la souveraineté populaire, collectivement et individuellement »49, était plus effective à Athènes qu’à Rome dans la mesure où les Athéniens étaient non seulement libres, mais aussi égaux politiquement. Tandis qu’à Rome, la souveraineté était certes accordée au peuple, mais celle-ci était en réalité exercée par le Sénat et les magistrats. En effet, le démos athénien possédait non seulement l’éligibilité nécessaire pour postuler aux différentes charges politiques et le droit d’élire des magistrats, mais également le pouvoir de décider dans tous les domaines de la vie politique et le droit de juger de toutes les causes quelles qu’elles soient50. En fait, la démocratie athénienne connut une large participation populaire aux rouages de la cité. C’est pourquoi nous pouvons prétendre dire qu’il y avait une démocratie directe à Athènes dans la mesure où l’Ecclésia, accessible à tout citoyen sans distinction aucune et à travers laquelle le démos exprimait sa souveraineté, avait de larges pouvoirs.
HISTORIQUES DES DEUX RÉGIMES JUSQU’À 338 AVANT J.-C.
Historique de la démocratie athénienne
La démocratie athénienne et ses différentes institutions sont le fruit d’une longue évolution historique. Lancée vers la fin du VIIème siècle par le code de lois de Dracon, celle-ci fut instaurée par les réformes de Clisthène de 508/507. Elle a été consolidée au cours du Vème siècle, notamment dans le contexte des guerres médiques qui ont conscientisé le démos, mais aussi par les réformes d’Ephialtès et de Périclès sous lequel la démocratie avait connu son apogée. Mais dès la fin du IVème siècle, le régime a été secoué par de multiples crises qui étaient surtout marquées par les deux renversements du régime.
Les prémices de la démocratie athénienne
Les origines sont à situer principalement à partir des troubles sociopolitiques du VIIème siècle dues à l’apparition de nouvelles conditions économiques et techniques qui secouaient la société athénienne. Ces crises seront suivies par les réformes de Dracon en 621/620 et de Solon en 594/593. D’une part, les transformations économiques avaient engendré entre autres, sous l’effet de la révolution économique, l’apparition d’une nouvelle classe émergente fondée sur la fortune mobilière et non plus foncière, l’adaptation d’une économie rurale fondée sur la constitution de grands domaines au détriment de la petite propriété, la constitution d’une classe moyenne d’artisans, d’industriels et de marchands désireuse de s’émanciper de la tutelle de l’aristocratie qui était d’ailleurs minée par des rivalités internes. La réussite de la révolution qui aboutira à l’instauration de la démocratie a été particulièrement favorisée par le cadre géographique, notamment l’étroitesse de la cité, comme cela sera le cas aussi à Rome.
D’autre part, la révolution technique favorisée par l’usage du fer et l’utilisation de la céramique suscita des bouleversements dans l’armée entraînant une réforme militaire appelée « réforme hoplitique » qui consiste à l’apparition de la phalange d’hoplites, mais également navale avec l’utilisation des navires à nombreux rameurs dans les guerres1. Cette réforme nécessitait donc la constitution de corps de fantassins dans l’armée. Ainsi, les conditions militaires incitent les nouveaux soldats à exiger l’égalité des droits après celle des charges. C’est ainsi que s’installent des luttes sociopolitiques entre les différentes classes sociales, entraînant l’instabilité de la cité aristocratique. C’est pour résoudre ces crises que l’aristocratie et le peuple se sont entendus pour attribuer de pleins pouvoirs aux législateurs pour établir les réformes nécessaires : politiques, sociales et juridiques2.
La réforme de Dracon de 621 avant J.-C. consistait à l’établissement et la rédaction d’un code de lois commun et connu de tous. Elle mettait non seulement fin à l’arbitraire des juges de l’oligarchie, mais aussi fixait des peines égales à tous qui prenaient compte de l’intention coupable : elle régissait notamment les crimes de sang et de meurtre. Sa réforme est surtout réputée par sa sévérité et sa rigueur ; elle marqua une importante étape dans l’histoire car la société athénienne fit un pas vers l’égalité. Au sortir de sa réforme, le peuple prit conscience de l’injustice et de l’esclavage qu’il subissait. Ainsi, malgré le labeur du législateur, les aristocrates et les roturiers s’engagèrent dans un véritable bras de fer. C’est pour remédier à ce bras de fer que Solon fut investi en 594 avant J.-C. de pleins pouvoirs afin d’instaurer une nouvelle constitution3. La réforme de Solon fut plus démocratique que celle de Dracon.
En effet, la réforme de Solon visait à mettre fin au monopole de l’aristocratie et à alléger les charges des classes populaires. Elle consistait d’une part à une réforme politique qui, substituant aux distinctions fondées sur la naissance par des distinctions d’après la fortune, établissait une hiérarchie précise des citoyens d’après leur capacité censitaire en divisant la société en quatre (4) classes censitaires : les pentacosiomédimnes, les chevaliers ou hippeis, les zeugites et les thètes. Dès lors, la condition sociale du citoyen devenait proportionnelle à une valeur concrète et mesurable qu’est le revenu. Ainsi les charges politiques sont accessibles selon l’appartenance à une classe censitaire. Les trois premières classes, supportant les plus lourdes charges, détiennent le monopole de l’exercice des magistratures, mais les plus hautes magistratures sont réservées à la première classe. Les thètes ont, quant à eux, accès à l’assemblée et aux tribunaux.
D’autre part sur le plan social, il leva les bornes hypothécaires qui pesaient sur les paysans, abolit et interdit l’esclavage pour dettes. D’après Claude MOSSÉ, il aurait donné plus de poids à l’assemblée des citoyens et, pour faire pièce à l’autorité de l’Aréopage, créé le conseil des quatre cents tirés au sort4. Toutefois, Solon se garda d’affaiblir le vieux conseil aristocratique de l’Aréopage et de redistribuer les terres. C’est ce qui reste imparfait aux yeux du peuple, mais assure aux nouvelles classes une participation accrue à la vie politique. Et vers le milieu du VIème siècle, Athènes connut une nouvelle lutte entre trois factions qui fut remportée par Pisistrate. Ce dernier instaura en 561/560 avant J.-C. une tyrannie et il sera succédé par ses fils. Sous la tyrannie de Pisistrate, Athènes connut une politique favorable, notamment la petite paysannerie, mais aussi un développement fulgurant du commerce5. Cette tyrannie des Pisistratides dura jusqu’en 510 avant J.-C., date à laquelle le dernier tyran, Hippias, sera chassé d’Athènes par une révolution aristocratique.
La réforme de Clisthène et l’instauration du régime démocratique
La démocratie athénienne est née d’une double révolution : d’abord en 510 avant J.-C., l’une mit fin à la tyrannie des Pisistratides au profit de l’aristocratie et puis l’autre, en 508, fut une victoire du parti populaire sur cette même aristocratie6. En effet, après la chute des tyrans, des querelles se rallumèrent entre les factions aristocratiques et singulièrement entre Clisthène et Isagoras7. Dès lors Clisthène décida, pour reprendre les termes d’Hérodote, de « faire entrer le démos dans son hétairie » pour combattre Isagoras et instituer une réforme démocratique en 508/5078. En sanctionnant ses réformes, il procéda par une réorganisation du corps civique, en créant de nouveaux cadres politiques, et par une modification profonde des instituons politiques. La réforme de Clisthène acheva ainsi le renversement de l’aristocratie des eupatrides en la dépouillant de ses pouvoirs et ceux de ses structures. Il substitua en effet aux quatre anciennes tribus par dix tribus nouvelles9 réparties chacune d’elles en dix « dèmes »10.
Ces nouveaux dèmes qui étaient des circonscriptions administratives de base de la société de l’Attique avaient chacun sa propre administration locale. Ces dèmes étaient répartis en dix tribus et en trente trittyes, à raison de trois trittyes par tribu composée d’une trittye d’Athènes (Attique ou urbaine), une de la paralia (la côte) et une de la mésogée (rurale ou région de l’intérieur). Ces circonscriptions devaient ensuite déléguer certains de leurs membres par le tirage au sort pour les représenter dans l’administration centrale, notamment dans la Boulè. Aux dires d’Aristote, tous les hommes libres, c’est-à-dire les citoyens, furent dès lors répartis dans ces cadres formés par Clisthène, non plus d’après leur naissance comme c’était le cas autrefois, mais plutôt d’après leur domicile11.
Le crépuscule de la démocratie : les crises de la fin du Vème siècle et du IVème siècle.
A partir de la fin du Vème siècle, la démocratie se heurta à de nombreuses crises qui allaient l’entraîner par la suite dans la chute. En effet, cette époque est marquée, notamment à partir de 431 avant J.-C., par la fameuse guerre du Péloponnèse qui opposait Athènes à Sparte, la révolte générale des cités alliées contre Athènes et le décès de Périclès en 429 avant J.-C. Ces évènements furent suivis par la destruction de l’équilibre démocratique qui a été forgé durant le Vème siècle et l’accentuation de « l’opposition entre la population rurale et la masse urbaine »26. Déjà en 411, à la suite de la désastreuse expédition de Sicile, les oligarques prenaient le pouvoir avec l’aide de Sparte en instaurant le régime des « Quatre Cents » qui supprimait la misthophorie et réduisait le nombre des citoyens à cinq mille (5000). Et en 410, l’ancien régime démocratique fut rétabli sans troubles majeurs sous la conduite d’Alcibiade. Ce rétablissement du régime s’accompagna d’une révision de la constitution confiée aux nomothètes divisés en deux commissions : les Syngrapheis, chargés d’établir une constitution, et les Anagrapheis (des secrétaires), chargés de codifier les textes en vigueur.
La démocratie fut rétablie avec l’ajout de nouvelles mesures de protection. Mais en 404, Sparte imposa à Athènes, avec le désastre d’Aigos-Potamos et l’invasion de la flotte spartiate au Pirée qui marquèrent une nouvelle défaite d’Athènes, l’oligarchie des « Trente ». Celle-ci ne dura que quelques mois, car en octobre 403 sous l’archontat d’Euclide la démocratie fut restaurée. C’est cette démocratie qui gouvernera Athènes jusqu’à 322 avant J.-C. malgré la défaite des cités grecques en 338 face à la Macédoine, une défaite qui marquera la fin de leur indépendance. La démocratie de cette période de crises est, d’une part, marquée par l’apparition des démagogues dans le milieu politique qui radicalisèrent le régime et, d’autre part, par un désintérêt ou encore la démission politique du démos. C’est ce qui aura pour conséquence directe, d’après Claude MOSSÉ, la professionnalisation de la vie politique avec l’apparition de nouveaux hommes politiques issus de la bourgeoisie industrielle27.
Historique de la république romaine
La constitution de la république romaine est le fruit d’une longue évolution. En effet, les institutions de la république résultèrent d’une création continue liée à plusieurs facteurs externes et internes. En réalité, la république a duré environ cinq siècles, mais l’institutionnalisation de ses différentes institutions de gouvernement date de ses deux premiers siècles qui constituent d’ailleurs notre époque d’étude. Robert COMBÈS indique à ce propos que les auteurs anciens eux-mêmes tels que Polybe, Cicéron et Tite-Live pensaient que les institutions romaines avaient été le fruit d’une création continue28. Par ailleurs, l’épanouissement de la cité romaine durant le IVème siècle a été favorisé par « la création d’institutions garantissant un certain équilibre entre les différentes classes sociales »29. Dans cet historique, il est question de voir en plus bref les dates marquantes du régime républicain, particulièrement celles qui marquent la création des divers organes politiques.
L’avènement de la république
De nombreuses hypothèses sont avancées concernant les origines de la république romaine. Selon l’hypothèse la plus répandue soutenue par Tite-Live, l’avènement de la république romaine fut engendré par la révolution du peuple sous la conduite de l’aristocratie avec comme chef Brutus et Collatin. Cette aristocratie patricienne était soutenue dans « sa révolution » par la plèbe qui espérait voir ses conditions d’existence s’améliorer après un changement de régime. Suivant Tite-Live30, la révolution qui avait abouti à l’instauration de la république était suscitée par le viol de la femme de Collatin appelée Lucrèce. A la suite de ce viol et le suicide de cette femme, une révolution fut menée contre le régime tyrannique de Tarquin le Superbe qui fut destitué en 509 avant J.-C. Robert COMBÈS écrit à ce propos que « la République est née à Rome autour du cadavre de Lucrèce, dont la fidélité conjugale a permis de remplacer un roi viager par un collège de magistrats annuels »31. Ainsi, la république a été instaurée pour « libérer » le peuple de la tyrannie du roi despotique.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : PRINCIPES FONDAMENTAUX, HISTORIQUES ET CITOYENNETÉ DANS LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE ET LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.
CHAPITRE I : PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DÉMOCRATIE ATHENIENNE ET DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE
I- Principes fondamentaux de la démocratie athénienne
1- La souveraineté populaire
2- La liberté et l’égalité
3- La souveraineté et le respect de la loi
II- Les Principes fondamentaux de la république romaine
1- La souveraineté du peuple
2- La libertas
3- Les lois républicaines et leurs pouvoirs
CHAPITRE II : HISTORIQUES DES DEUX RÉGIMES JUSQU’À 338 AVANT J.-C.
I- Historique de la démocratie athénienne
1-Les prémices de la démocratie athénienne
2- La réforme de Clisthène et l’instauration du régime démocratique
3- Les réformes d’Ephialtès et de Périclès
4- Le crépuscule de la démocratie : les crises de la fin du Vème siècle et du IVème siècle.
II- Historique de la république romaine
1- L’avènement de la république
2- La création des institutions républicaines
3- La lutte patricio-plébéienne et la conquête plébéienne des institutions
CHAPITRE III : LA CITOYENNETÉ DANS LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE ET LA RÉPUBLIQUE ROMAINE
I- Les citoyens
1- Les citoyens athéniens
2- Les citoyens romains
II- Les non-citoyens
1- Les non-citoyens athéniens
2- Les non-citoyens romains
III- Comparaison de la citoyenneté démocratique et républicaine
DEUXIEME PARTIE : LA COMPARAISON DE L’ORGANISATION POLITIQUE DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE ET DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.
CHAPITRE I : L’ECCLÉSIA ET LES COMICES
I- L’Ecclésia athénienne
1- Composition et séances
2- Les pouvoirs de l’Ecclésia
II- Les comices romains
1- Les comices curiates
2- Les comices centuriates
3- Les comices tributes et les conciles de la plèbe
III- Comparaison de l’Ecclésia athénienne et des comices romains
CHAPITRE II : LA BOULÈ ET LE SÉNAT
I- La Boulè
1- Composition et organisation
2- Pouvoirs et prérogatives de la Boulè
II- Le Sénat
1- Composition et organisation
2- Pouvoirs et prérogatives du Sénat
III- Comparaison de la Boulè athénienne et du Sénat romain
CHAPITRE III: LES MAGISTRATURES ET TRIBUNAUX ATHÉNIENS ET LES MAGISTRATURES ROMAINES
I- Les magistratures et les tribunaux athéniens
1- Les magistratures
2- Les tribunaux
II- Les magistratures romaines
1- Caractéristiques
2- Les magistratures ordinaires
3- Les magistratures extraordinaires
III- Comparaison des magistratures athéniennes et des magistratures romaines
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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