Les traitements
Dans les cas de gonarthrose et d’arthrose en général, les traitements visent en premier lieu à atténuer la douleur. L’activité physique, la physiothérapie, les ultrasons sont des solutions non médicamenteuses habituellement recommandées pour un soulagement à court terme. Quant aux traitements médicamenteux prescrits, on retrouve analgésiques, anti-inflammatoires ou encore injections intra-articulaires de stéroïdes ou d’acides hyaluroniques (Hunter, 2011; Ontario Health Technology Assessment, 2005). Lorsque le sujet gonarthrosique présente une surcharge pondérale importante, la perte de poids est préconisée pour diminuer la douleur et permet même de recouvrer de la mobilité (Altman & Lozada 1998). Cependant, bien que l’efficacité de ces traitements à soulager la douleur soit établie, ils ne permettent généralement pas de ralentir la progression de la gonarthrose jusqu’à un stade avancé (Hunter, 2011). Il est accepté que 3 conditions sont à remplir pour que le remplacement articulaire total soit indiqué :
1) observation radiographique d’une arthrose sévère (grade élevé dans les échelles présentées plus haut),
2) douleur modérée à sévère, non soulagée par 6 mois de traitement non opératoire et
3) perte de fonction du genou impactant la qualité de vie – la section suivante détaillera quelles méthodes sont à dispositions pour évaluer cette perte de fonction (Carr et al. 2012; NIH Consensus Statements, 2003; Zhang et al. 2008).
Dernier recours dans la prise en charge du sujet, le remplacement articulaire revient à supprimer entièrement les cartilages, les ostéophytes et les portions osseuses endommagées du fémur distal et du tibia proximal et à mettre en place une prothèse totale. Si les lésions se trouvent sur un seul compartiment de l’articulation, le remplacement est dit partiel ou unilatéral. Les critères évalués pour la prise de décision chirurgicale sont équivalents à ceux mentionnés pour le remplacement par prothèse totale. La diminution de l’interligne articulaire doit être prédominante sur un compartiment du genou, la douleur reportée soulagée par aucun traitement (opératoire ou non) et le sujet capable de réaliser une flexion supérieure à 120° (Ontario Health Technology Assessment, 2005).
Dans les mois suivants l’opération, la qualité du remplacement articulaire peut-être évaluée selon des critères tels que la fonction du genou, son amplitude de mouvements, sa stabilité ou encore son niveau de sensibilité (Bachmeier et al., 2001). La chirurgie est efficace pour la majorité des sujets opérés. Ces dernier montrent des signes d’amélioration pour ce qui est de la diminution de la douleur et de la rigidité du (Bachmeier et al., 2001). Il a quand même été enregistré que pour jusqu’à 20% des sujets, la douleur au genou persiste après chirurgie (Carr et al. 2012).
Les questionnaires
Le questionnaire Western Ontario and McMaster universities arthritis index (WOMAC) permet de renseigner sur l’état du genou en notant la sévérité des symptômes du patient et de ses limitations physiques. Grâce à 24 courtes questions, le WOMAC évalue la douleur (5 questions, 20 points au maximum) et la raideur de l’articulation (2 questions, 8 points) et sa fonction (17 questions, 68 points). Chaque question est notée à l’aide d’une échelle de Lickert, de 0 à 4 (de nul à extrême) ou d’une échelle visuelle analogique (croix à positionner sur une ligne de 100 mm). Au final, un score global est obtenu, normalisé et pour un maximum de 100 points et représente l’état multidimensionnel de l’articulation (Boivin 2010) . La simplicité d’utilisation, la sensibilité et la validation rigoureuse de cet outil contribue à sa popularité (Kon, Altadonna, Filardo, Matteo, & Marcacci, 2014). Le questionnaire a été développé pour évaluer les capacités d’une population arthrosique mais âgée. Certains cliniciens ont donc souligné que le score WOMAC n’était pas approprié pour l’étude de patients arthrosiques plus jeunes ou plus dynamiques. En 1998, cette critique de l’outil a donné lieu au développement du Knee Ostearthritis Outcome Score (KOOS), à partir même du WOMAC : les questions du WOMAC sont incluses dans le KOOS (Roos & Toksvig-Larsen 2003; Roos et al. 1999).
Ainsi, il évalue cinq dimensions : la douleur (9 questions, 36 points), les symptômes (7 questions, 28 points), la fonction au quotidien – activities of daily living (17 questions, 68 points), la fonction dans des activités sportives et récréatives – sport and recreation function (5 questions, 20 points) et la qualité de vie – knee related quality of life (4 questions, 16 points). Comme le WOMAC, le score global du KOOS est normalisé et donne 100 points au maximum en l’absence de douleur ou autre dysfonction du genou. Ces questionnaires fournissent une information précieuse sur la perception qu’un patient a de sa propre gonarthrose. Il a été montré que par le biais de tels outils, le patient fournit un jugement valide et fiable sur son état de santé relatif à la pathologie (Roos & Toksvig-Larsen 2003; Fitzpatrick et al. 1992). Parce que subjective, cette information permet de complémenter les mesures objectives des cliniciens. En revanche, ces questionnaires ne permettent pas une analyse objective de la fonction du genou.
Le questionnaire Hospital for Special Surgery (HSS) est lui aussi beaucoup utilisé en clinique pour évaluer l’état fonctionnel du genou arthrosique dans des activité de la vie quotidienne, et en particulier avant remplacement prothétique (Hernandez-Vaquero & Fernandez-Carreira 2012a). Contrairement aux deux questionnaires présentés au-dessus, le HSS n’est pas autoadministré, et une portion du score est issue de mesures objectives faites par un opérateur expérimenté. Il nécessite la mesure de l’amplitude de mouvement du genou (18 points), de la force musculaire (10 points), de la difformité (10 points), de l’instabilité (10 points). La douleur et la fonction de l’articulation représentent respectivement 30 points et 22 points. À nouveau, le score HSS est normalisé et total de 100 points serait obtenu pour un genou dont l’état est « excellent » (Kon et al., 2014). Pour finir, mentionnons brièvement deux questionnaires auto-administrés aussi utilisés dans la littérature lorsqu’il est question d’estimer la fonction du genou : le Health Assessment Questionnaire (HAQ) et le Fitness, Arthritis and Seniors Trial Functional performance Inventory (FAST FPI). Ils sont tous deux génériques, par opposition au WOMAC ou au KOOS développés pour l’étude de l’OA spécifiquement.
Sur les 8 totales (80 points), 3 sections du HAQ permettent d’évaluer la fonction du membre inférieur, à savoir : le passage en position debout (2 questions, 6 points), la marche (2 questions, 6 points) et les activités quotidiennes communes (3 questions, 9 points). Le FAST FPI est similaire au HAQ dans la mesure où il évalue lui aussi largement les activités de la vie quotidienne, et non spécifiquement celles impliquant le membre inférieur ou le genou. 3 sections [déplacement (4 questions, 20 points), transfert de masse corporelle (5 questions, 25 points), activités complexes (5 questions, 25 points)] sur un total de 5 (115 points) notent la fonction du membre inférieur. Dépendamment des études, les auteurs considèrent l’ensemble des questions ou seulement les sections associées au membre inférieur pour produire un score global reflétant la fonction (McAlindon et al., 1993; Miller, Rejeski, Messier, & Loeser, 2001; Rejeski et al., 1995).
Comme l’écrit Barker (Barker, Lamb, Toye, Jackson, & Barrington, 2004), « il existe une discordance dans la littérature médicale au sujet du poids à accorder aux caractéristiques radiographiques dans l’évaluation du genou arthrosique » (Barker et al., 2004, p. 794). Et pour mieux saisir cette discordance, les questionnaires jouent un rôle très pertinent, puisqu’ils permettent d’étudier la relation entre ces caractéristiques radiographiques et la fonction du genou arthrosique. Plusieurs groupes se sont penchés sur la question et les tableaux 1.2 et 1.3 regroupent le détail de dix études qui ont établi une corrélation entre grade radiographique de l’arthrose et la fonction articulaire établie par questionnaire. Les populations qui y sont étudiées sont similaires en termes d’indice de masse corporelle (IMC) et d’âge, à l’exception de celles de Miller (sujets d’âges plus variables), Sanghi et Barker (sujets plus jeunes et à IMC moins élevé). Tous les sujets arthrosiques présentent des signes d’OA fémoro-tibiale mais la condition de l’articulation fémoro-patellaire ou du membre contralatéral n’est pas rapportée systématiquement dans les études.
Ainsi, certains reportent une corrélation forte et significative entre les deux approches : les observations radiographiques corroborent la fonction articulaire telle que décrite par les sujets (Duncan et al., 2007; Herman et al., 2015; Hernandez Vaquero & Fernandez Carreira, 2012; Ozcakir, Raif, Sivrioglu, & Kucukcakir, 2011; Sanghi et al., 2011; Zifchock, Kirane, Hillstrom, & Group, 2011). À l’inverse, d’autres estiment la corrélation faible ou inexistante (Barker et al., 2004; Creamer et al., 2000; McAlindon et al., 1993; Sanghi et al., 2011). D’autres méthodes, entièrement objectives cette fois, permettent de quantifier la condition de l’articulation arthrosique en mouvement. Il s’agit cette fois de mesurer le déplacement tridimensionnel des os du genou – on parle de cinématique 3D, au cours de diverses activités comme par exemple la marche, la fente ou l’accroupissement. En comparant les paramètres cinématiques des sujets sains et des sujets arthrosiques, il est possible d’isoler les caractéristiques fonctionnelles propres aux derniers. Dans les paragraphes suivants, nous détaillerons de manière non exhaustive les principales méthodes existantes pour l’analyse de la cinématique 3D du genou.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1Le genou
1.2La gonarthrose
1.2.1Les facteurs de cause
1.2.2Le diagnostic
1.2.3Les traitements
1.3La fonction du genou
1.3.1Les questionnaires
1.3.2La cinématique 3D : suivi de marqueurs
1.3.3La cinématique 3D : analyse par imagerie médicale
1.3.4Les études de la cinématique du genou dans la littérature
1.3.5La définition des axes
1.3.6La cinématique 3D du genou : les valeurs dans la littérature
CHAPITRE 2CHOIX MÉTHODOLOGIQUES,HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS
2.1Choix méthodologiques et hypothèses pour cette thèse
2.1.1Choix méthodologiques et hypothèses cliniques
2.2Objectifs de la thèse
2.2.1Objectifs techniques
2.2.2Objectifs cliniques
CHAPITRE 3CONTRIBUTION PERSONNELLE MÉTHODE DE CALCUL DE LA PSEUDO-CINEMATIQUE 3D FEMORO-TIBIAL EN ACCROUPISSEMENT PSEUDO-DYNAMIQUE PAR RECALAGE 2D/3D RIGIDE ET INTRINSÈQUE
3.1Mise en contexte et introduction
3.2Matériel et méthode
3.2.1Acquisition des radiographies biplan EOS®
3.2.2Méthode pour la reconstruction 3D des os du membre inférieur (fémur, tibia, péroné)
3.2.3Segmentation des contours osseux
3.2.4Méthode de recalage 2D/3D rigide
3.2.5Calcul de la pseudo-cinématique 3D
3.3Conditions expérimentales
3.3.1Description de la cohorte
3.3.2Validation de la méthode
CHAPITRE 4 CONTRIBUTION PERSONNELLE : INTRODUCTION AUX GRADES KELLGREN-LAWRENCE COMPOSITES
4.1Mise en contexte et introduction
4.2Matériel et méthode
4.2.1Sujets
4.2.2Analyse par regroupement :similarités d’alignement du genou dans le plan frontal
4.2.3Analyse statistique : grades KL composites et calculs de corrélation
4.3.2Extraction des grades KL composites KLCOMPOSITE et calculs de corrélation
4.4Discussion et conclusion intermédiaire
CHAPITRE 5 CONTRIBUTION PERSONNELLE : ÉTUDE DE LA ROTATION TIBIALE DE SUJETS ASYMPTOMATIQUES ET ARTHROSIQUES AVEC LE SYSTÈME RADIOGRAPHIQUE BIPLAN EOS®
5.1Mise en contexte et introduction
5.2Matériel et méthode
5.2.1Sujets
5.2.2Calcul de la rotation tibiale dans les derniers degrés d’extension et évaluation de paramètres tibiaux géométriques et biomécaniques
5.3Résultats
5.4Discussion
CHAPITRE 6 DISCUSSION GÉNÉRALE
6.1Synthèse des travaux
6.2Limites et recommandations
6.2.1Protocole d’acquisition
6.2.2Support proprioceptif
6.2.3Méthode de segmentation
6.2.4Recalage 2D/3D et reconstruction 3D biplan
6.2.5Validation de la méthode de calcul des pseudo-cinématiques 3D
6.2.6Recrutement de sujets d’étude
6.2.7Étude des pentes tibiales 2D
CONCLUSION
ANNEXE I ADAPTATION DE LA MÉTHODE DE RECALAGE PONDÉRÉ
GRADUEL AUX RADIOGRAPHIES BIPLAN TRONQUÉES
ANNEXE II PSEUDO-CINÉMATIQUES 3D ÉVALUÉES DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE DE VALIDATION
ANNEXE III INFLUENCE DE L’ERREUR DE RECALAGE SUR L’INCERTITUDE DE MESURE
ANNEXE IV ÉTUDES DE SILHOUETTES SUPPLÉMENTAIRES
ANNEXE V VALEURS DES ADDUCTIONS AUX CINQ POSITIONS DE FLEXION
ANNEXE VI LISTES DES PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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