“ La Chrysalide ” : réflexion sur les émotions d’une future psychomotricienne

Une fois adulte, voilà la chrysalide qui nous prépare à devenir professionnels. Le cocon se tisse au fil des différentes expériences, bien souvent en prenant la couleur de l’arbre sur lequel la chenille se trouve, en s’imprégnant des pratiques qu’elle découvre au sein de sa formation théorico-clinique. Confortablement installée dans ce cocon qu’elle s’est tissée, va survenir “la métamorphose”. La chenille va vivre un vrai chambardement souvent douloureux, semé d’embûches mais nécessaire pour se réorganiser et s’adapter à sa vie future. Le papillon ne verra alors le jour que lorsque les conditions d’ensoleillement et d’humidité seront pour lui favorable… 

Nous pouvons à présent entendre les premiers craquements de la chrysalide…

Dès notre entrée en institut de formation en psychomotricité, on nous prévient qu’il va falloir s’écouter et s’accorder des moments pour nous. Pour autant, nous ne pouvons pas à ce moment toujours en connaître réellement la portée, car sans expériences cela ne reste que des mots. Dans des situations inattendues, nous pouvons être bouleversés, que ce soit dans la formation universitaire ou dans nos stages. C’est ce qui m’est arrivé en dernière année de formation, dans le cadre d’un stage en SESSAD. Entre émotions positives et négatives, comment construire son identité professionnelle? L’identité est un concept vaste qui permet de séparer le soi du non-soi. Il marque ainsi l’unicité de l’individu mais aussi son appartenance à un groupe, ici celui des psychomotricien(ne)s.

Avant de parler de mon expérience personnelle, il s’agira de développer les éléments théoriques qui ont participé à ma réflexion. Nous irons en premier lieu parler du fonctionnement des émotions et de leur spécificité pour le psychomotricien, pour ensuite se pencher sur la population qui alimente ma clinique: le polyhandicap. J’approfondirai par la suite mon expérience auprès de deux enfants, Mayssa et Hamis, qui me permettront d’étayer ma réflexion lors d’une discussion sur l’enjeu des émotions dans la construction identitaire professionnelle.

Le cerveau émotionnel

Définition de l’émotion

Le mot “émotion” vient du verbe émouvoir qui contient le mot ‘motion’, c’est à dire “mouvement” dans l’ancien français. Le nom “émotion” induit en lui-même une action du corps, reliant ici même le corps et la psyché en une seule entité non distincte. L’émotion est un phénomène dynamique émergeant de soi, provenant parfois de l’environnement et souvent reliant les deux dans une relation bidirectionnelle. On peut caractériser les émotions par des sensations physiques de plaisir ou de déplaisir correspondant à des modifications physiologiques en réponse à des stimulis environnementaux. Il s’agit de réactions spontanées, intenses et brèves pour une situation donnée qui va se traduire par le corps. Malgré tout, il n’existe pas de définition fixe concernant les émotions que nous pouvons formuler aujourd’hui.

Les scientifiques s’accordent pour citer quatre émotions fondamentales : la joie, la tristesse, la colère et la peur. Pour autant, selon d’autres études il existerait aussi la surprise et le dégoût mais cela reste plus controversé. Les émotions dites plus complexes seraient des combinaisons de ces émotions primaires. Pour que cela soit plus clair nous pouvons dire que le mépris est une combinaison de la colère et de la peur d’exprimer celle-ci. Les émotions sont universelles et reconnues par tous (excepté dans certaines pathologies: autisme, alexithymie…). Il s’agit d’une vraie communication infra-verbale présente chez tous les Animaux. Cela a été conceptualisé par Charles Darwin (1872) dans « L’expression des émotions chez l’homme et les animaux » dont les travaux ont été repris par Paul Ekman (1990), qui s’est intéressé à la reconnaissance des émotions à travers le monde entier.

Dans le langage courant, les émotions sont souvent confondues avec les sentiments, même si leurs définitions sont bien distinctes.

Un sentiment est l’apogée d’une émotion. Il prend naissance face à une émotion primaire. La grande distinction entre ces deux ressentis se trouve au niveau de leur durée et de leur intensité. L’émotion est une réaction spontanée, intense, brève et universelle. Le sentiment quant à lui est un état affectif complexe et durable. Il est subjectif, personnel et serait le résultat de l’intellectualisation de nos émotions ainsi que des représentations interne de celle-ci. Nous pouvons nommer parmi les sentiments: l’amour, la haine, la confiance ou encore la fierté. Dans Le Sentiment même de soi, Antonio Damasio (2001) insiste sur la distinction à établir entre sentiments et émotions : «Les émotions sont des actions. Certaines se traduisent par des mouvements des muscles du visage, comme des expressions faciales de joie, de colère, etc…, ou du corps, la fuite ou la posture agressive. D’autres se traduisent par des actions internes, comme celles des hormones, du cœur ou des poumons. Les émotions sont donc d’une certaine façon publiques, on peut les mesurer, les étudier. Les sentiments, par contre, sont privés, subjectifs. Ils sont ressentis par l’individu et lui seul. Il ne s’agit pas de comportements mais de pensées. » (2001, p.72) .

Le rôle des émotions

Il est légitime de se questionner sur le rôle de ces émotions primaires.

Dans un premier temps, ces émotions nous réunissent, elles ont un rôle social qui nous permet de mieux nous comprendre. La joie est une émotion primaire, elle est d’ailleurs la seule que notre cerveau tente de reproduire sans cesse, c’est celle qui va permettre de rassembler socialement. La tristesse détient aussi ce rôle bien que cela puisse paraître étonnant au premier abord : elle fait venir un groupe vers la personne triste, grâce au phénomène d’empathie. “L’homme est un animal social”, comme l’énonçait déjà Aristote (philosophe grec) du temps de l’Antiquité. Un autre rôle important de l’émotion est lié à la protection de l’espèce: nos émotions nous permettent de survivre, et cela depuis des siècles. L’Homme préhistorique ressentait le dégoût afin d’avoir une sélection sur les produits qui l’alimentent, cette émotion est un guide qui va ainsi influencer nos comportements dans la vie quotidienne.

Avec un rôle proche du dégoût, la surprise tout comme la peur va activer un mécanisme de défense permettant de réagir le plus rapidement possible (fuir ou se rapprocher).

La colère quant à elle nous donne la force de franchir des obstacles.

Le neurologue Antonio Damasio (2001), a démontré le rôle des émotions dans nos décisions, en étudiant la façon dont le comportement est affecté lors de dommages sur le lobe préfrontal-amygdale. Les décisions de ces personnes sont faussées. Pour autant ni leur quotient intellectuel (QI) ni aucune capacité cognitive ne semble être diminués. L’intuition basée sur l’émotion est alors d’autant plus importante que la cognition lors d’une prise de décision. « Anatomiquement, le système qui gouverne les émotions peut agir indépendamment du néocortex. Certaines actions et certains souvenirs émotionnels peuvent se former sans la moindre intervention de la conscience, de la cognition » dit LeDoux (Goleman, 1998, p.4) .

Dans une tonalité plus psychomotrice, les émotions permettent aussi de construire notre image du corps car selon la définition de Paul Schilder : « L’image du corps humain, c’est l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont notre propre corps nous apparaît à nous-mêmes. Des sensations nous sont données [en provenance de toutes les parties du corps]. Pardelà ces sensations, nous éprouvons de façon directe qu’il y a une unité du corps. » (Jeannerod, 2010, p.185) .

En résumé les émotions ont un rôle prédominant dans notre vie. Elles nous permettent de vivre ensemble, de partager nos expériences, d’être présent et de répondre de façon adaptée dans la relation.

Le fonctionnement des émotions

Comme nous l’avons vu précédemment, les émotions nous permettent de survivre. Les scientifiques ont démontré des liens étroits entre certaines structures neurologiques et les émotions grâce à l’électroencéphalogramme (EEG) qui mesure l’activité électrique du cerveau. Ainsi, les émotions sont des réactions automatiques, notre cerveau les détectent bien avant d’avoir conscience de nos ressentis. Afin de mieux comprendre le fonctionnement neurologique, prenons un exemple : D’abord je suis confronté à une certaine situation de part une stimulation externe (vision, odeur) ou interne (faim). Ces informations vont alors se diriger vers mon cerveau, plus précisément au niveau du thalamus. Celui-ci va traduire le message (besoin de se nourrir) afin d’envoyer ces informations à la zone du cortex préfrontal spécifique à la stimulation détectée, pour lui donner un sens (j’ai faim). Parallèlement, l’information est aussi transmise à l’amygdale, c’est à ce niveau qu’apparaissent les émotions (douleur du ventre, sensation de faim, recherche de plaisir). Cette émotion sera ensuite dirigée vers l’hypothalamus qui contrôle le système nerveux autonome, c’est à dire la commande des réflexes vitaux comme le fait de gargouiller plus fortement et la modification des battements cardiaques. Il va répercuter sur l’organisme les effets de l’émotion afin de fournir l’énergie nécessaire et le comportement adapté pour réagir à la situation (se déplacer et manger). L’amygdale étant proche de l’hypothalamus, zone très importante pour la mémoire comme nous l’avons déjà précisé, cela va permettre plus tard à la personne de reconnaître une situation similaire et d’y réagir plus vite (j’ai déjà eu faim, je sais que pour y remédier je dois me nourrir). En effet, les émotions sont stockées, traitées et analysées dans le système limbique, qui est : « L’ensemble des structures cérébrales situées au centre du cerveau, sous le néocortex. Il est constitué du thalamus, de l’hippocampe, de l’amygdale, du fornix, du septum, de l’hypothalamus et de l’hypophyse. » : Comme nous l’avons vu, ces structures sont liées les unes aux autres afin de permettre le bon fonctionnement neurologique des émotions.

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Table des matières

Introduction
THÉORIE
I. Le cerveau émotionnel
A. Définition de l’émotion
B. Le rôle des émotions
C. Le fonctionnement des émotions
D. Le Dialogue tonico-émotionnel (DTE)
II.Spécificité du psychomotricien
A. Posture d’un soignant dans nos sociétés
B. La relation soignant soigné
C. Spécificités du psychomotricien
1. La vision globale du patient
2. Le travail du corps
3. L’adaptabilité
4. Le jeu, les médiations, la créativité
5. Empathie, humanitude et disponibilité
D.Le cadre thérapeutique: à la recherche de la juste distance
1. Les fonctions du cadre thérapeutique
● La fonction de contenance
● La fonction limitante
● La fonction symbolisante
2. La juste distance
3. La spécificité du cadre thérapeutique à domicile
III. Les Limites du psychomotricien
A. Le sentiment d’impuissance, la frustration et la remise en question
B. Attachement et projection
C. Transfert
D. Contre transfert
E. Quand les émotions débordent
IV. L’enfant polyhandicapé
A.L’enfant
B. La notion de l’handicap
C. Le polyhandicap
D. Étiologie
E. Sémiologie générale et psychomotrice
1.Déficience motrice
2.Déficience intellectuelle
3.Troubles sensoriels
3.La communication et la relation
4.Troubles secondaires associés
CLINIQUE
I. L’institution
A.Spécificités
B. Les professionnels
C. Projet de soin individualisé
D. La place de la psychomotricité
II. Les enfants
A. MAYSSA
1.Histoire de l’enfant
2. Première rencontre
3. Bilan psychomoteur
4. Le travail en psychomotricité
5. Mes émotions avec Mayssa au cours de l’année
B. HAMIS
1.Histoire de l’enfant
2. La première rencontre
3. Bilan psychomoteur
4. Le travail en psychomotricité
5. Mes émotions avec Hamis au cours de l’année
III. Le temps de se trouver, mon placement de stagiaire
DISCUSSION
I. Apprentissage émotionnel
II. Conscientiser différents éléments
A.Le handicap physique
B. Les émotions de l’enfant polyhandicapé
C. Incurabilité
D. Le cadre à domicile
E. L’évolution de l’enfant
III. Réguler ses émotions pour s’adapter
A. Communiquer
1.La relecture
2.La verbalisation
3. Le travail en équipe
4. La supervision, les groupes d’analyses des pratiques
B. Nouvelle présence psychocorporelle
1.La respiration
2.La posture
3.Le toucher
4. Mouvement
IV. La construction du psychomotricien
A.Identité personnelle
B. La formation
1.L’apprentissage théorique
2.L’enseignement pratique
3.Les stages
C. Le temps
1.Le temps de l’émotion
2.Du temps au rythme de stage
3.Temps et transformation des représentations du polyhandicap
4.Temps et processus identitaire
D. La singularité, savoir se différencier
Conclusion
Bbliographie
Annexes

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