La chine et l’allemagne, une histoire partagée

La Chine, ce vaste et lointain pays dont nous entendons parler quasi quotidiennement de nos jours, dont les productions se vendent partout et dont la culture « s’est développée sous tous ses aspects et tend de plus en plus à s’exporter, de la cuisine aux arts plastiques en passant par la littérature et le cinéma», est entrée en relation avec l’Occident il y a fort longtemps, à la faveur de routes marchandes, alors qu’elle était encore cet « Empire du Milieu » dont on s’imagine toujours le lustre et le mystère d’antan. Si de nombreux Européens, des commerçants et des missionnaires avant tout, se sont rendus en Chine dès le Moyen-Âge, la Chine ne s’est ouverte à l’Europe que tardivement, contrainte et forcée d’abord, puis de manière plus volontaire et intéressée. L’occupation par les puissances impérialistes européennes, parmi lesquelles a figuré l’Empire allemand, de portions du territoire chinois à la fin du XIXe siècle, fut un tournant dans l’histoire des contacts entre la Chine et le monde occidental, dont les conséquences, de type psycho-politiques, continuent à imprégner l’évolution de la Chine ainsi que la perception qu’elle a d’elle-même et du rôle qu’elle tend à vouloir jouer dans le monde.

L’histoire des relations entre la Chine et l’Allemagne, depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui étant assez largement inconnue à ceux qui ne s’y seraient plongés de manière ciblée, nous allons revenir dans cette première partie sur les épisodes qui ont jalonné les contacts entre les deux pays, tantôt les rapprochant, tantôt les éloignant l’un de l’autre. Un panorama historique global, commençant par la période coloniale pour s’étendre jusqu’à nos jours, nous permettra de familiariser le lecteur avec les événements qui ont marqué la mémoire des auteures de notre corpus et constituent le contexte général d’émergence de la littérature produite par des immigrés d’origine chinoise en Allemagne. À cet égard, le rappel de l’histoire de l’immigration en Allemagne au XXe siècle, qui nous conduira à la découverte de l’immigration chinoise dans ce pays depuis ses débuts jusqu’à notre époque, nous procurera une vue d’ensemble sur un phénomène dans lequel LUO Lingyuan, XU Pei et LIN Jun sont venues s’inscrire, il y a vingt à trente ans environ. La réflexion que nous mènerons sur le concept de la « diaspora » et de la « diaspora chinoise » nous conduira ensuite à réfléchir aux enjeux de « la vie en diaspora » et à la qualité des relations qui peuvent se nouer entre Chinois immigrés en Allemagne et « autochtones », sur la base d’une histoire des représentations culturelles dont nous interrogerons les origines, les formes et la portée.

La Chine, l’Europe et l’international

Dans son introduction au dossier sur la diaspora asiatique en Allemagne publié par la fondation Heinrich Böll en janvier 2014, Kien Nghi Ha souligne à juste titre que l’Europe et l’Asie sont des entités culturelles et géographiques que l’on ne peut clairement séparer l’une de l’autre. Sans frontière naturelle entre les deux, la dizaine de lignes de démarcation que l’on a pu tracer entre elles tout au long d’une longue histoire résultant de constructions politiques et culturelles, elles forment depuis environ 250 millions d’années le continent le plus étendu de la terre : l’Eurasie . Ce mot-valise, fruit d’une apposition des noms « Europe » et « Asie » qui se sont fondus l’un dans l’autre, reflète une perméabilité souvent oubliée entre ces deux régions du globe. Celle-ci transparaît pourtant dès que l’on s’intéresse aux mouvements migratoires qui n’ont cessé de les relier, ne serait-ce que depuis l’époque des échanges commerciaux Est-Ouest  sur la route de la soie .

La Chine, pays producteur de cette soie tant convoitée, a été en contact avec l’Europe et ses ressortissants à plusieurs reprises de son histoire, ces derniers ayant souvent pénétré en Chine de force. Ainsi, la présence de missionnaires chrétiens en Chine est attestée depuis le VIII e siècle, les expéditions de missionnaires les plus importantes ayant eu lieu au XIIIe siècle avec les franciscains et les dominicains, puis aux XVIIe et XVIIIe siècles avec la grande Mission jésuite .

Au XIXe siècle, « c’est dans le cadre de la politique d’expansion coloniale de l’Europe qu’il faut envisager les relations entre la Chine et l’Europe […] même si la Chine n’a jamais été, à proprement parler, colonisée » . La volonté d’isolement dont faisait preuve l’Empire chinois (attestée au moins depuis le XVIe siècle  ), l’immensité de son territoire ainsi que les richesses qu’il renfermait, ont en effet constitué autant d’éléments suscitant l’avidité des puissances impérialistes européennes de l’époque, au premier rang desquelles se trouvait la Grande Bretagne. Pour équilibrer sa balance commerciale avec la Chine, dont elle importait massivement du thé, la Grande-Bretagne poussa les sujets du Céleste Empire à consommer de l’opium. La forte consommation de ce produit ne tarda pas à provoquer une crise sanitaire, sociale et économique en Chine à laquelle le gouvernement des Qing tenta de remédier en décrétant les lois anti-opium. Cette prohibition décidée en 1838-39 déclencha la première guerre de l’opium (1838-42), qui déboucha sur le Traité de Nankin en 1842. Ce dernier consacra l’ouverture forcée de cinq ports aux Britanniques (Shanghai, Canton, Fuzhou, Xiamen et Ningbo) ainsi que la cession de la ville de Hong-Kong à la Grande-Bretagne qui n’a été « rendue » à la Chine qu’en 1997 .

La seconde guerre de l’opium opposa la Grande-Bretagne et la France à l’Empire chinois et dura de 1856 à 1860. C’est lors de ce conflit qu’eut lieu, du 17 au 20 octobre 1860, le sac du Palais d’Eté des empereurs situé à 8 km au nord-ouest de Pékin, dont on peut encore observer les vestiges aujourd’hui. La seconde guerre de l’opium fut close par l’établissement des « traités inégaux » et la division du territoire des Qing en zones d’influence abandonnées aux « Huit armées étrangères alliées » (la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l’Allemagne , la Russie, les États-Unis, l’Autriche-Hongrie et les Pays-Bas). Les puissances colonisatrices atteignirent leur but, qui avait été d’obtenir de nouvelles concessions commerciales et territoriales à partir desquelles il leur était possible d’importer et d’exporter librement les marchandises de leur choix (parmi elles l’opium notamment) .

L’occupation étrangère en Chine étant fondée sur l’humiliation de tout un peuple, la révolte d’une partie de celui-ci contre les colons provoqua la guerre dite des Boxers  de 1899 à 1901 qui fut durement réprimée par une coalition entre la France, la Russie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie et le Japon.

Une dizaine d’années plus tard, la révolution éclata en Chine en 1911. La dynastie d’origine mandchoue des Qing s’éteignit en 1912 et la République de Chine fut proclamée par Sun YatSen (1866-1925) au moment où l’Europe s’apprêtait à plonger dans les tourments de la Première Guerre mondiale. Cela détourna l’attention des puissances impérialistes du territoire chinois dont l’histoire allait être marquée désormais par l’opposition entre le Guomindang (le parti nationaliste) et les communistes d’une part et le Japon d’autre part. La Deuxième guerre sino japonaise  qui s’étendit de 1937 à 1945 mobilisa un temps aussi bien les troupes nationalistes du Guomindang que les troupes communistes, avant que la guerre civile entre ces deux camps n’éclate à nouveau. Cette dernière finit par consacrer en 1949 la victoire des communistes et aboutit à l’avènement de Mao Zedong à la tête de la République Populaire de Chine. Il s’ensuivit la fuite des nationalistes autour de Tchang Kaï-chek (1887-1975) sur l’île de Taïwan (anciennement Formose), qui est toujours aujourd’hui le siège de la République de Chine fondée originellement par Sun Yat-Sen sur le continent.

La fondation de la République Populaire de Chine sous Mao Zedong (1893-1976) s’est accompagnée d’une période de fermeture de la Chine vis-à-vis des puissances industrielles de l’Ouest. En pleine Guerre Froide sévissait par ailleurs la peur du communisme et de son aspiration supposée à une révolution mondiale ce qui ne fit que creuser le fossé entre le « bloc de l’Ouest » et le « bloc de l’Est » dont faisait partie la Chine « rouge ». Ce n’est qu’à partir de 1955 que la Chine communiste s’ouvrit une première fois , notamment aux médias de l’Ouest, une détente qui se confirma au début des années 1960, avec la fin de la coopération entre la Chine et l’ex-URSS qui durait depuis 1949.

Des intérêts de type économique et géopolitique poussèrent les nations européennes de l’Ouest (ainsi que les États-Unis) à recréer des plateformes d’échanges avec la RPC (République Populaire de Chine) en vue de contrer la puissance soviétique. À partir des années 1960, les mouvements de gauche occidentaux commencèrent à s’intéresser au régime communiste chinois. La Révolution culturelle (1966-1976) fut plébiscitée (l’idéalisation dont elle fit l’objet révèle l’ampleur de la méconnaissance qui régnait sur la situation véritable de la Chine à l’époque). Si l’anticommunisme était prépondérant dans les années 1950 et au début des années 1960, le potentiel et les possibilités de coopération avec la Chine sur le plan économique favorisèrent le rétablissement de relations officielles entre des nations de l’Ouest et la Chine. Ainsi, l’instauration de relations diplomatiques entre la RPC et la France fut décidée dès 1964, l’Italie reconnut la RPC en 1970, l’Allemagne et l’Angleterre firent de même en 1972 (cette année-là, le dialogue reprit également avec les États-Unis). En outre, la RPC récupéra son siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies en 1971 (qui était détenu depuis 1949 par la République de Chine de Taïwan) .

L’histoire des relations entre l’Allemagne et la Chine, de la période coloniale à aujourd’hui

La période coloniale : 1897-1919

Visées impérialistes, la Chine au centre des convoitises
Bis in die 1960er Jahre hinein ist die deutsche überseeische Expansion seit dem letzten Drittel des 19. Jahrhunderts im Hinblick auf die Bismarckära als „deutsche Kolonialpolitik“, im Hinblick auf die wilhelminische Epoche als „deutsche Weltpolitik“ bezeichnet worden. Sie wurde also entweder mit einem eigentümlich verengten oder einem auf eine angeblich deutsche Spezialität abhebenden Begriff charakterisiert. Tatsächlich geht es aber in beiden Fällen darum, dass auch die deutsche Expansion ein integraler Bestandteil des westlichen Imperialismus in jenen Jahrzehnten gewesen ist .

La politique européenne de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle est à placer sous le signe d’un impérialisme nationaliste qui se distingua par le fait que l’on ne souhaitait plus « se limiter à l’exploitation économique de contrées ultra-marines, mais bien s’approprier des territoires dans l’intention de passer du statut de grande puissance à celui de puissance internationale. » Dès le départ, la politique coloniale du chancelier Bismarck (1815-1898) avait par ailleurs tout autant visé à apaiser les conflits sociaux internes, à consolider le système hiérarchique et à stabiliser l’ordre social dans le nouvel Empire allemand qu’à permettre la création d’un sentiment d’appartenance et d’identité nationales crucial pour le maintien de l’unité de l’Empire .

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Table des matières

INTRODUCTION
État de la recherche sur la littérature d’auteurs chinois de langue allemande
Le choix du sujet : motifs personnels
Le choix du corpus
Méthodologie et problématique
Plan de la thèse
PARTIE I. LA CHINE ET L’ALLEMAGNE, UNE HISTOIRE PARTAGÉE
CHAPITRE 1. LA CHINE DANS LE MONDE, ENTRE FERMETURE ET OUVERTURE
1. La Chine, l’Europe et l’international
2. L’histoire des relations entre l’Allemagne et la Chine, de la période coloniale à aujourd’hui
2.1. La période coloniale : 1897-1919
2.1.1. Visées impérialistes, la Chine au centre des convoitises
2.1.2. Qingdao et la tentative d’instauration d’une « colonie modèle »
2.1.3. Le rôle de l’Allemagne dans la guerre des Boxers
2.2. Les années 1920-1930 et 1937-1949
2.3. La République Populaire chinoise jusqu’aux années 1970-1980
2.4. Des années 1990 à nos jours
2.4.1. Le tournant des années 1989-1990
2.4.1.1. La question de la réunification allemande
2.4.1.2. Les manifestations pro-démocratiques en Chine
2.4.1.3. Le 4 juin 1989 et la répression des manifestations sur la place Tiananmen à Pékin
2.4.1.4. Réactions allemandes
2.4.2. Les années 1990-2000, le boom économique de la Chine et ses conséquences sur les relations entre la RPC et la République fédérale d’Allemagne
CHAPITRE 2. LES CHINOIS DANS ET À TRAVERS LE MONDE
1. L’immigration en Allemagne au XXe siècle
1.1. Retour sur une immigration marquée par les deux guerres mondiales
1.2. Le recrutement de « travailleurs invités » en Allemagne de l’Ouest et son pendant à l’Est
1.3. L’immigration japonaise, coréenne et vietnamienne en RFA et en RDA
1.4. L’immigration chinoise en Europe, un court récapitulatif
1.5. L’immigration chinoise en Allemagne, de ses débuts à aujourd’hui
2. La transformation du tissu démographique et culturel allemand, quelques réflexions théoriques sur l’immigration et ses conséquences en contexte actuel
2.1. La mobilité et ses conséquences
2.1.1. Culture(s) et migration(s)
2.1.2. Le concept de « transnationalisme »
2.2. Le cas chinois
2.2.1. La notion de « diaspora »
CHAPITRE 3. DE LA FORCE DES IMAGES ET DES IMAGINAIRES
1. La Chine et les Chinois, une histoire des représentations
1.1. De la mécanique stéréotypique
1.2. « De la sinophilie à la sinophobie »
1.3. Le mythe du « Péril jaune »
1.3.1. Le « Péril jaune » militaire et démographique
1.3.2. Le « Péril jaune » culturel
1.3.3. Le « Péril jaune » politique
1.3.4. Le « Péril jaune » économique
1.4. La Chine, « terre d’exotisme »
1.5. L’actualité des représentations de la Chine en Allemagne
1.5.1. Dans la presse et les médias
1.5.2. Dans la littérature allemande
1.5.2.1. Depuis les débuts jusqu’à nos jours, un rapide tour d’horizon
1.5.2.2. Quelques aperçus contemporains
1.5.3. Le cas des immigrés d’origine chinoise installés en Occident
2. L’Occident dans l’imaginaire chinois
2.1. Des « diables étrangers » aux « lǎowài »
2.2. Occidentalisme, Orientalisme et « auto-orientalisation »
PARTIE II. LA LITTÉRATURE « SINO-ALLEMANDE » EN CONTEXTE
CHAPITRE 1. LA LITTÉRATURE D’« EXPRESSION ALLEMANDE », IMAGINAIRES ET CONCEPTS
1. En guise d’introduction, un panorama
2. De la « Gastarbeiterliteratur » à la littérature transculturelle en passant par la littérature « de la migration »
2.1. La « Gastarbeiterliteratur »
2.2. La littérature « Chamisso »
2.3. La littérature « inter- et transculturelle »
2.4. De la pertinence de l’approche « postcoloniale » en contexte allemand et sinoallemand
CHAPITRE 2. LES ÉCRIVAINS D’ORIGINE CHINOISE D’EXPRESSION ALLEMANDE
1. Repères chronologiques et remarques biographiques
2. Une littérature placée sous le signe du « life writing »
CHAPITRE 3. LE CORPUS : TROIS AUTEURES, TROIS PARCOURS, TROIS ŒUVRES
1. Présentations biographiques
1.1. Luo Lingyuan / 罗令源 (1963-)
1.2. Lin Jun / 林俊 (1973-)
1.3. Xu Pei / 徐沛 (1966-)
2. Présentation et résumés des œuvres
2.1. Les nouvelles
2.2. Les romans
2.3. Les poèmes
3. Remarques méthodologiques
CONCLUSION

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