La chimie, une industrie essentiellement fossile
Contexte de l’étude : un cycle du carbone perturbé
Commencées dans les années 70 par le Club de Rome (Rapport Meadows ou Les limites à la croissance), les alertes sur l’état de l’environnement ne font que se multiplier depuis plusieurs décennies. Point d’orgue de ces études environnementales et climatiques, les rapports du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) ont bien mis en avant la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique actuelle En effet, sans influence humaine, du fait des équilibres naturelles du dioxyde de carbone (CO2) sur Terre (photosynthèse, sédimentation, solubilisation dans l’océan, etc.), le climat est dans un état de relatif stabilité et ce depuis la fin de la dernière glaciation (12 000 ans). On observe depuis le siècle dernier une élévation de la température moyenne à la surface du globe qui atteint aujourd’hui environ 1,3 °C.
Ce phénomène de réchauffement climatique est essentiellement dû à la combustion de ressources fossiles (charbon, gaz et pétrole) qui émet d’importantes quantités de dioxyde de carbone. Seul 50% des émissions humaines de CO2 sont absorbées par le cycle de l’hydrosphère et celui de la biosphère tandis que le reste s’accumule dans l’atmosphère et accroit l’effet de serre, processus naturel qui explique la température terrestre. Du fait des conséquences létales du changement climatique (sécheresse, canicule, inondation, 6e extinction de masse, etc.) sur les sociétés humaines comme sur les non-humains, il est donc urgent de réduire l’utilisation des ressources fossiles.
Consommation et émission de l’industrie chimique
Au niveau mondial, l’industrie représente 29 % de la consommation d’énergie primaire et 24 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). [2,3] À elle seule, l’industrie chimique représente 3 % des émissions totales de GES (3e industrie la plus émettrice après la sidérurgie et la cimenterie). L’industrie chimique présente la particularité de ne pas utiliser les ressources fossiles uniquement pour son aspect énergétique (production de chaleur en général) mais également comme matière première à plus de 50 % de sa consommation énergétique totale . On peut citer par exemple les productions à haut tonnage du méthanol ou de l’ammoniaque à partir de gaz naturel mais également la production croissante de plastiques à partir de produits pétroliers. Les ressources fossiles représentent une large librairie de briques de base utilisées ensuite pour la synthèse de molécules complexes : engrais chimiques, pesticides, polymères, médicaments, etc…
Autant la production de certaines molécules pourra et devra diminuer, on peut penser aux engrais et aux pesticides responsables du déclin de la biodiversité, d’autres vont continuer à être nécessaires comme les médicaments ou les matériaux pour la rénovation des bâtiments. Du fait de cette utilisation, bien que première consommatrice d’énergie fossile, elle n’est que troisième en termes d’émissions directes de gaz à effet de serre. En effet, les produits chimiques vont plutôt libérer des gaz à effet de serre lors de leurs usages ou après, par décomposition par exemple. À cela peut s’ajouter l’émission de protoxyde d’azote, un autre GES, issu des engrais azotés ou bien d’autres polluants comme les microplastiques issus des déchets, cosmétiques et fibres synthétiques.
Changement de stratégie de synthèse
La biomasse, une bibliothèque de composés
Nous avons donc vu dans la partie précédente la nécessité de repenser intégralement l’industrie. Si des changements de mode de consommation permettront de se passer de certains produits chimiques (engrais, pesticides, plastiques, etc.), d’autres resteront indispensables (médicaments en particulier) et leurs voies de synthèse devront être repensées pour ne plus dépendre de produits pétroliers. Ainsi, depuis quelques années une chimie biosourcée, ou chimie du végétal, émerge afin de substituer les synthons pétrosourcés par des synthons issus de la biomasse. En effet, cette dernière regorge de molécules avec une très grande variété. De plus, cette grande diversité ouvre la voie à la synthèse et la découverte de nouveaux composés complexes élargissant ainsi le spectre des molécules utilisées pour tout type d’application. Bien qu’en plein essor, sa part dans la production industrielle reste très marginale. Sur les 400 millions de tonnes produit par an, tout au plus 2 millions de tonnes de produits chimiques sont biosourcées.[6] Toutefois cela pourrait être amené à changer dans les années à venir. La Commission Européenne estime une croissance de 20 % par an de ce secteur avec environ 15 millions de tonnes de dérivés biosourcées produits en 2030.
Différentes ressources végétales sont utilisables pour produire des molécules de base pour la chimie : plantes amidonnières (blé, maïs), sucrières (canne à sucre, betterave), oléagineuse (colza, tournesol), lignocellulosique (bois, paille, chanvre), résineux (pin) et contenant des substances actives. Des processus ont été développés pour valoriser ces matières premières notamment par dépolymérisation[7–9] ou fermentation. Ainsi des composés essentiels comportant des fonctions chimiques diverses (alcools, carbonyles, alcènes, carboxyles) peuvent être isolés pour servir comme briques élémentaires à la chimie de synthèse . Le potentiel de la biomasse ne s’arrête pas seulement à la synthèse de produits à haute valeur ajoutée. On peut mentionner le développement de biosolvants afin de remplacer les solvants organiques très toxiques aujourd’hui utilisés. [11] De nouveaux excipients pharmaceutiques biosourcés sont également explorés[12] ou encore le développement de biopolymères à partir de polysaccharides (cellulose, chitosan, amidon), protéines (kératine, caséine) et même polynucléotides.
Il faut toutefois souligner que le développement d’une chimie biosourcée à grande échelle nécessite un débat ouvert sur les besoins en produits chimiques. En effet, l’utilisation de biomasse comme source de briques élémentaires pour la chimie peut rentrer en compétition avec la production de denrées alimentaires et également accroître la déforestation pour gagner en surface cultivable au détriment de la biodiversité. On peut prendre l’exemple de la culture de maïs destinée à la production de bio-éthanol. L’essor d’une chimie végétale ne doit pas être une manière de perpétuer une surconsommation tandis que la sous-nutrition reste le quotidien de plusieurs centaines de millions de personnes sur Terre. L’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, Food and Agriculture Organization) estiment dans son rapport 2021 entre 720 et 811 millions de personnes souffrant de la faim dans le monde, principalement en Afrique et en Asie.
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Table des matières
Partie I – Introduction générale
Chapitre 1 – La chimie, une industrie essentiellement fossile
Chapitre 2 – Généralités sur les groupements carboxyles et les réactions de décarboxylations
Objectifs du projet
Partie II – Hydroalkylation par transfert d’imines par des formiates de benzyle
Chapitre 3 – Contexte et intérêt de l’étude
Chapitre 4 – Développement de la réaction d’hydroalkylation par transfert des imines
Chapitre 5 – Etude du mécanisme de l’hydroalkylation des imines par transfert
Conclusions et perspectives
Références
Partie III – Vers de nouvelles réactions de transfert
Chapitre 6 – Réactivité des formiates de benzyle sur des dérivés carbonylés
Chapitre 7 – Réactivité des formiates de benzyle sur le styrène
Conclusions et perspectives
Références
Partie IV – Développement de réaction de décarboxylation/sulfonylation
Chapitre 8 – Contexte de l’étude
Chapitre 9 – Réaction de décarboxylation sulfonylante cupro-catalysée
Chapitre 10 – Réaction de décarboxylation sulfonylante sans catalyseur
Conclusions et Perspectives
Références
Partie V – Conclusion générale
Partie VI – Partie expérimentale