LA CHIMIE SOL GEL ET LES DEPOTS PAR VOIE LIQUIDE
Principe de la chimie sol gel
Le procédé sol gel permet la formation d’oxydes métalliques par polymérisation inorganique de précurseurs moléculaires en solution tels que des sels métalliques ou des alcoxydes de métal. Ces synthèses sont généralement réalisées en milieuxhydro-alcoolique ou aqueux à température ambiante ou dans des conditions hydrothermales. Au cours de cette thèse, nous nous sommes attachés à travailler dans les conditions les plus simples possibles, c’est-à-dire en milieu hydroalcoolique et à température ambiante.
Le procédé sol gel repose sur deux étapes fondamentales qui sont l’hydrolyse et la condensation comme le montre la Figure I.1.
≡M-X + H2O ↔ ≡M-OH + HX (a) Hydrolyse
≡M-OH + ≡M-OH ↔ ≡M-O-M + H2O (b)
≡M-X + ≡M-OH ↔ ≡M-O-M + HX (c)
Figure I.1. Equations de réaction du procédé sol gel: (a) hydrolyse, (b) condensation par oxolation, (c) condensation par alcoxolation.
Les précurseurs utilisés ont pour formule générale MXn (M = Si, Ti, Zr, Al, …) avec n la valence du métal M et X un groupe facilement hydrolysable, typiquement un atome de chlore ou un groupement alcoxyde (-OR). Les précurseurs utilisés lors de cette thèse ont été principalement des alcoxydes de silicium tels que le méthyltriéthoxysilane (MTEOS) ou le tetraéthoxysilane (TEOS); seul ce dernier cas de figure sera discuté comme exemple par la suite. Lors de l’étape d’hydrolyse (Figure I.1.a), le groupement X (-OCH2CH3) est substitué en présence d’eau par un groupe hydroxyle avec la formation d’éthanol comme second produit d’hydrolyse. La fonction hydroxyle portée par le site métallique peut alors se lier lors de l’étape de condensation à un autre site métallique pour créer une liaison oxo. Deux réactions différentes sont possibles pour la formation de ces ponts intermétalliques. La première, l’oxolation, met en jeu deux sites hydroxylés avec régénération d’eau (Figure I.1.b). La seconde, l’alcoxolation, voit réagir un site hydroxylé avec un site portant encore un groupement alcoxyde donnant cette fois-ci un alcool comme sous produit (Figure I.1.c). Les cinétiques des deux étapes d’hydrolyse et de condensation dépendent des conditions de synthèse (précurseurs, solvant, pH, concentration, force ionique, etc …) et conduisent à différentes structures moléculaires.
En solution diluée, une catalyse acide permet la formation d’oligomères plutôt linéaires et faiblement condensés; c’est la catalyse qui a été choisie pour la synthèse de nos films minces. Une catalyse basique favorise plutôt, quant à elle, la formation d’oligomères plus ramifiés et condensés donnant lieu à la formation de particules.
Ces solutions d’oligomères ou solutions colloïdales (sol) permettent lors de la percolation des espèces inorganiques la formation d’un gel qui, après avoir été séché et éventuellement traité thermiquement, donne un matériau inorganique solide. Ce passage d’un état liquide à un état de gel est rendu possible par le contrôle des cinétiques de réaction, soit en solution, soit par évaporation des solvants du milieu réactionnel. Le passage du sol au gel permet une mise en forme de matériaux variés tels que des films, particules, monolithes, fibres, etc. En plus de la souplesse de mise en forme et du grand nombre d’oxydes métalliques (SiO2, TiO2, ZrO2, SnO2, etc…) amorphes ou cristallins synthétisables, le procédé sol gel permet de fabriquer une grande palette de matériaux de composition complexe. En effet, la synthèse en solution à faible température permet d’incorporer facilement des molécules organiques au système créant ainsi une classe de matériaux dite « hybrides ». L’ajout d’espèces organiques peut se faire par l’intermédiaire de précurseurs inorganiques portant un ou plusieurs groupements organiques fonctionnels X non hydrolysables, par exemple un groupe méthyle pour le MTEOS qui permet la synthèse de films hydrophobes. Ce type de matériaux où les espèces organiques et inorganiques sont liées de façon covalente donne lieu à la dénomination : matériaux hybrides de classe II. Les matériaux de classe I, pour leur part, possèdent une fonctionnalité organique liée de façon non-covalente au réseau inorganique. Certaines molécules organiques peuvent aussi être utilisées pour leur capacité à s’auto-assembler de façon organisée et jouer ainsi le rôle d’agents structurants pour la synthèse de matériaux inorganiques mésostructurés.
Auto-assemblage et matériaux sol gel mésostructurés
En 1992, les chercheurs de Mobil Oil Corp ont ouvert une nouvelle perspective dans le domaine de la synthèse inorganique en obtenant pour la première fois des réseaux poreux organisés (hexagonal, cubique) d’oxydes métalliques (SiO2, SiO2 Al2O3). Ces matériaux inorganiques poreux sont synthétisés à l’aide d’une structure secondaire servant d’agent structurant (cristal liquide) obtenue par auto-assemblage de molécules organiques. La présence de cette phase organique au sein du matériau durant sa synthèse dirige l’agencement des précurseurs et impose une structuration particulière lors la condensation du réseau inorganique.
Ces structures organiques sont obtenues par auto-assemblage de molécules ou macromolécules amphiphiles. Elles sont constituées d’une partie hydrophobe qui peut être une chaîne alkyl par exemple et d’une partie hydrophile qui peut être ionique ou polaire. Ces espèces organiques sont communément appelées des tensio-actifs, elles ont la propriété de diminuer les énergies d’interface et ainsi stabiliser une phase hydrophobe dans une phase hydrophile. En général, les molécules et macromolécules amphiphiles s’auto-assemblent en formant des micelles ou micelles inverses dans un solvant polaire ou apolaire respectivement. Ces micelles se forment et sont en équilibre avec les espèces monomériques quand leur concentration dans un milieu excède la concentration micellaire critique (CMC). Au cours de cette thèse, nous avons exclusivement travaillé en milieux hydro alcooliques. Dans ce type de milieu polaire, les micelles se forment à partir de la CMC avec un nombre minimum d’espèces amphiphiles. Les parties hydrophobes se regroupent au centre de la micelle tandis que les parties hydrophiles forment une coque souple à l’extérieur en contact avec le solvant et les précurseurs inorganiques hydrolysés ou partiellement hydrolysés. Pour des concentrations supérieures, voire très supérieures à la CMC, afin de minimiser l’énergie libre du système en fonction de la température et de la force ionique du milieu, les micelles forment des phases lyotropiques de cristaux liquides.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : La chimie sol gel et les dépôts par voie liquide
I.1. Principe de la chimie sol gel
I.2. Auto-assemblage et matériaux sol gel mésostructurés
I.3. Auto-assemblage induit par évaporation
I.4. Dépôt en voie liquide par trempage retrait « dip coating »
I.4.a. Principe du « dip coating »
I.4.b. Influence de la vitesse de retrait
I.5. « Dip coating » en accélération et gradient de fonctionnalité
I.5.a. Aspect théorique du dépôt en accélération
I.5.b. Exemples de matériaux à gradient de propriété
I.5.c. Conclusion
I.6. Conclusion
Chapitre 2 : Synthèse de films minces inorganiques antireflets sur substrat polymère (Projet AVATAR)
II.1. Antireflets et couches bas indices
II.1.a. Antireflet à gradient d’indice de réfraction
II.1.b. Antireflet à interférences destructives
II.1.c. Antireflet par voie sol gel
II.1.d. Matériaux sol gel pour revêtement antireflet
II.1.e. Conclusion
II.2. Projet AVATAR
II.2.a. Polariseur des écrans Thalès
II.2.b. Cahier des charges du projet et choix du système anti réflectif
II.2.c. Conclusion
II.3. Synthèse de films mésoporeux de silice par traitement ammoniaque
II.3.a. Détails expérimentaux
II.3.b. Optimisation des conditions du traitement en vapeurs d’ammoniaque
II.3.c. Influence du temps de traitement sur la porosité des films S5M5-N
II.3.d. Influence du temps de traitement sur la porosité des films S10-N
II.3.e. Proposition de mécanismes induits par traitement en vapeur d’ammoniaque
II.3.f. Résistance à l’abrasion
II.3.g. Propriétés optiques et résistance des films sur substrat de PMMA
II.3.h. Conclusion
II.4. Antireflet bicouche sur polariseur
II.4.a. Polariseur et couche bas indice
II.4.b. Bicouche, performances optiques et mécaniques
II.4.c. Conclusion
II.5. Conclusion
Chapitre 3 : Etude des phénomènes d’adsorption, désorption et de diffusion dans les matériaux mésoporeux
III.1. Condensation et stabilisation d’eau à l’aide de molécules d’alcool dans des mésopores hydrophobes
III.1.a. Détails expérimentaux
III.1.b. Caractérisations structurales des films
III.1.c. Etude de la co-adsorption d’eau et d’éthanol
III.1.d. Conclusion
III.2. Observation aux interfaces de la diffusion de l’eau à l’intérieur de xérogels de silice par ellipsométrie environnementale
III.2.a. Détails expérimentaux
III.2.b. Prise en eau des xerogels suivie par ellipsométrie
III.2.c. Cinétiques d’adsorption d’eau dans les xerogels, discussion
III.2.d. Conclusion
III.3. Conclusion
Conclusion