Cela fait quelques décennies que la société humaine a, en majorité, pris conscience de l’urgence climatique qui se profile devant nous. Les mesures prises tour à tour avec les protocoles de Montréal (1987), Kyoto (1997) et Kigali (2016), la COP21 (2015) ou encore la convention citoyenne pour le climat (2020) visent toutes les mêmes objectifs. Nous devons transformer notre société pour faire face au changement climatique. Cela passe par des actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), décarboner l’énergie, réduire et recycler les déchets, réduire l’utilisation d’énergie d’origine fossile et réduire la consommation d’énergie.
L’efficacité énergétique fait partie de ces objectifs et passe par des innovations technologiques et sociales. Les pompes à chaleur sont des innovations technologiques permettant de produire plusieurs unités d’énergie sous forme de chaleur pour une seule consommée sous forme d’électricité. De fait, elles sont pertinentes pour réduire la consommation d’énergie. L’alimentation de cette technologie avec la valorisation de chaleur fatale permet de remplir les objectifs de réduction des déchets (énergétiques ici) et de réduction de l’utilisation d’énergie fossile (en remplaçant la production de chaleur par combustion par exemple). Selon l’origine de l’électricité utilisée (bas carbone nucléaire ou renouvelable), ce couplage produit de l’énergie décarbonée.
Chaleur fatale
La consommation de combustibles, majoritairement du gaz (Climat, Air et Énergie : Chiffres-clés – édition 2018, 2018), liée à un usage énergétique a été estimée à 270 TWh, en 2013 dans l’industrie française, en faisant le 3e poste de consommation d’énergie en France, derrière le secteur Résidentiel et celui du Transport. La plupart de cette énergie industrielle est utilisée par les fours et séchoirs .
Lors du fonctionnement d’un procédé de production ou de transformation, une partie de l’énergie fournie au procédé n’est pas utilisée. Cette énergie, dégagée sous forme de chaleur, est appelée chaleur fatale. Une partie de cette chaleur est récupérable et valorisable . En France, la chaleur fatale industrielle est estimée à 109.5 TWh/an, ce qui correspond à 36% de la consommation de combustibles de l’industrie. Pour réduire la chaleur fatale, plusieurs actions peuvent être envisagées:
– L’optimisation des équipements existants, en améliorant la régulation et les systèmes d’utilisation de l’énergie.
– La récupération de chaleur, en optimisant les flux de chaleur (mise en cascade de procédés) ou en intégrant des dispositifs de récupération (échangeurs, pompes à chaleur,…)
– Le remplacement des équipements existants par de nouveaux, plus performants.
Quelles que soient les actions entreprises, les effluents de chaleur fatale doivent souvent être traités avant leur rejet (raisons techniques ou réglementaires), ce qui engendre des coûts de traitement. La récupération et la valorisation de cette chaleur fatale constituent donc un potentiel d’énergie intéressant à exploiter La récupération de chaleur fatale consiste à mettre en regard les sources de chaleur fatale, avec les différents besoins d’un site industriel, voire même d’un parc industriel entier. La perte de chaleur devient alors un gain énergétique, économique et environnemental.
L’intérêt de la valorisation est donc multiple et à plusieurs échelles. Pour une entreprise, la valorisation de la chaleur fatale permet de limiter l’achat d’énergie extérieure (donc de réaliser un gain économique). Elle permet aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre (par l’utilisation d’une énergie de récupération à contenu d’équivalents CO2 nul et par l’empêchement d’émission de polluants issus de la combustion). Enfin, elle constitue un moyen de développer la stratégie RSE de l’entreprise (Responsabilité Sociétale des Entreprises) par la valorisation de chaleur fatale. A l’échelle d’un territoire, la valorisation de chaleur fatale permet de répondre à un besoin en chaleur dans un bassin de population, de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et de créer une synergie économique et environnementale avec le tissu industriel (projet d’Écologie Industrielle et Territoriale par exemple).
Enfin, à l’échelle du pays, cette valorisation permet de réduire les importations d’énergie, de diminuer la dépendance énergétique, de favoriser le développement industriel par l’investissement dans des équipements de valorisation et de respecter les engagements environnementaux permettant de lutter contre le réchauffement climatique.
Exploitation de la chaleur fatale
La chaleur fatale peut se présenter sous plusieurs formes : des rejets gazeux ou liquides en passant par le large spectre des rejets diffus . Leur captage est alors plus ou moins aisé. Par exemple, les rejets liquides dans les purges de chaudières sont plus facilement récupérables que des rejets gazeux issus des fumées de fours. Les rejets diffus, eux, sont logiquement les plus difficiles à capter. La température de la chaleur perdue est généralement comprise entre 30 et 90°C (industries agroalimentaires, papier-carton, chimie) ou entre 200 et 500 °C (industries des métaux, verre, ciment). Presque la moitié de la chaleur fatale industrielle en France est perdue à plus de 100°C (52.9 TWh).
Différentes solutions de récupération d’énergie fatale existent. La plupart implique un échangeur qui permet de récupérer de l’énergie sur : les fumées des fours ou des chaudières à vapeur, les condenseurs de groupes froids, les buées de séchage. Si la température de l’effluent est supérieure à la température d’un besoin en chaleur, l’échangeur de chaleur est la solution à privilégier. Si ce n’est pas le cas, une solution couplant un échangeur de chaleur et une pompe à chaleur (PAC) peut être utilisée. L’échangeur permet d’optimiser les échanges de chaleur entre différents flux et la PAC permet d’exploiter la chaleur restante en sortie de l’échangeur en élevant sa température. Si le site industriel n’a aucun besoin en chaleur, la valorisation de chaleur fatale peut se faire sur un autre site industriel proche ou dans un réseau de chaleur. Enfin, si la valorisation sous forme de chaleur n’est pas possible et que le niveau des rejets thermiques le permet (typiquement entre 150 et 200°C), la chaleur récupérée peut être transformée en électricité à l’aide d’un cycle organique de Rankine (ORC).
Bien souvent, une valorisation directe par un simple échangeur n’est pas possible car le niveau thermique de cette chaleur fatale n’est pas suffisant. La pompe à chaleur est alors une technologie intéressante car elle permet de rehausser la température des rejets thermiques pour une valorisation interne ou externe . Ces deux axes de valorisation thermique sont complémentaires.
Note : Les PAC à compression mécanique sont les plus répandues de par la simplicité de leur cycle. Des technologies comme la PAC à absorption permettent d’obtenir les mêmes résultats en remplaçant la plupart des besoins électriques par de la chaleur.
Cas du séchage industriel
La consommation de combustibles des procédés de séchage en France équivaut à 65 TWh en 2014, soit 21% de la consommation totale industrielle (toutes industries confondues). Les pertes thermiques associées à ces procédés sont évaluées à 40 TWh. Plus particulièrement, d’après un rapport de 2012, les procédés de séchage dans l’industrie papetière représentent 39% de la consommation énergétique (soit le premier secteur industriel) (L’efficacité énergétique dans l’industrie : verrous et besoins en R&D, 2012). Cette consommation énergétique représente 10 à 30% de leurs coûts de production. Les procédés de séchage industriels représentent donc un puits de chaleur fatale non négligeable.
Dans l’industrie papetière, le procédé de séchage permet de retirer l’eau restante dans la feuille de papier. La solution la plus utilisée est l’évaporation de l’eau par conduction. La feuille de papier passe sur des cylindres alimentés en vapeur d’eau surchauffée. De l’air sec est envoyé dans le séchoir et se charge en eau (buées).
Un simple échangeur entre l’air humide extrait et l’air sec entrant ne permet de récupérer qu’une faible quantité de chaleur (estimée à moins de 8% de l’énergie introduite dans le sécheur). Pour récupérer la plus grande partie de l’énergie perdue, il faut refroidir l’air extrait à un niveau de température suffisamment bas (T < Trosée) pour condenser une partie significative de l’eau contenue dans l’air (chaleur latente de vaporisation). Cependant la chaleur récupérée est alors à un niveau de température trop bas pour être utilisée directement par le sécheur. Pour ce faire, l’utilisation d’une pompe à chaleur est nécessaire. Parce que l’écart de température au condenseur est élevé (typiquement de 60 à 120°C), le COP est faible (environ 2) et ne permet pas d’assurer une rentabilité économique du dispositif.
EDF s’est penché sur l’optimisation et le développement d’une PAC permettant ce grand écart de température au condenseur et la rentabilité de l’installation. Une étude EDF/Armines sur l’optimisation d’intégration de pompes à chaleur haute température à compression mécanique de vapeur a été réalisée (Besbes, 2015). Son objectif est le développement d’une pompe à chaleur permettant d’assurer la rentabilité de l’installation. Les contraintes de l’analyse sont les suivantes :
– Source de chaleur : air humide saturé à 50°C
– Puits de chaleur : air sec à 60°C, devant être chauffé à 120°C .
Il s’agit des températures typiques que l’on retrouve dans un sécheur et qui seront utilisées pour le développement de la maquette de pompe à chaleur. Un modèle a été développé et a prouvé que, pour ces niveaux de température, l’utilisation d’un cycle transcritique associé au fluide HFC-32 permet de multiplier le COP d’un facteur proche de 2 par rapport à une PAC classique.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Contexte
1. Introduction
a. Chaleur fatale
b. Exploitation de la chaleur fatale
c. Cas du séchage industriel
2. Fluides frigorigènes
3. Compresseurs
4. Huiles de lubrification
5. Problématique : Sélection de l’huile
6. Conclusion
Chapitre II : Mesures expérimentales
1. Introduction
2. Etat de l’art
a. Détermination de la solubilité : Méthodes expérimentales
b. Méthode synthétique
c. Viscosité cinématique
3. Description de l’équipement
a. Composés chimiques
b. Cellule d’équilibre
i. Description
ii. Étalonnage
iii. Incertitudes
c. Densimètre
i. Description
ii. Étalonnage
iii. Incertitudes
d. Viscosimètre
i. Description
ii. Étalonnage
iii. Incertitudes
e. Sondes de température
i. Description
ii. Étalonnage
iii. Incertitudes
f. Capteurs de pression
i. Description
ii. Étalonnage
iii. Incertitudes
4. Protocole de mesure
a. Fonctionnement couplé
b. Fonctionnement séparé
5. Discussions
6. Conclusion
Chapitre III : Modélisation
1. Introduction
2. Modélisation de la solubilité
a. Corps purs : pression de vapeur saturante
b. Mélanges : solubilité
i. Formalisation de l’équilibre liquide-vapeur
ii. Algorithme de flash
iii. Algorithme de pression de bulle
3. Modélisation de la viscosité cinématique
a. Cas des fluides newtoniens
b. Corps purs
i. Huile de lubrification
1. Modèle d’Andrade
2. Modèle d’Ubbelohde-Walther
3. Masse volumique
ii. Fluides frigorigènes
1. Cas général : Modèle de TRAPP
2. Fluide de référence
3. Cas du HFO-1234ze(E)
4. Masse volumique : modèle du GERG
5. Masse volumique : fluide de référence
c. Mélanges
4. Conclusion
Chapitre IV : Résultats
Conclusion générale