LA CENSURE EN BIBLIOTHEQUEย
ร chacun sa dรฉfinition du pluralisme
Les faits maintenant รฉtablis, ce quโil est intรฉressant de constater ici cโest que les deux partis, la municipalitรฉ et la bibliothรจque, reprรฉsentรฉe par son ancienne conservatrice Mme Canazzi, justifient leurs actions et leur rรฉsistance respective au nom du mรชme principe : le pluralisme.En effet, en reprenant le discours de M. Bompard, dรฉjร citรฉ prรฉcรฉdemment, on constate quโil fait bien รฉtat dโun souci de ยซ diversitรฉ ยป et donne la dรฉfinition dโune bibliothรจque oรน lโon doit ยซ tout ยป trouver et pas seulement ยซ des ouvrages politiquement orientรฉs ยป. Cette revendication, correspond parfaitement ร la mission des bibliothรจques. Lโintention ne semble alors pas nรฉgative, au premier abord, mais cโest sans prendre en compte les ouvrages que M. Bompard fait entrer dans les collections de la bibliothรจque de la ville quโil administre.Le maire dโOrange, assure que ยซ lโidรฉologie nationaliste est sous reprรฉsentรฉe ยป et cโest au nom du pluralisme et pour pallier ร ce manque, quโil souhaite donc pourvoir les รฉtagรจres de la bibliothรจque de nouveaux ouvrages. Ainsi, comme nous lโavons รฉvoquรฉ plus haut, des dons sont acceptรฉs par M. Lagier au nom de la bibliothรจque. Et cโest ainsi que la directrice se voit forcรฉe dโaccepter lโouvrage Le Cerisier du Hoggar dโun certain Jean-Luc Sirviey. Ce dernier, sโavรจre รชtre en fait le pseudonyme de Louis Castay, tรชte de la liste FN des รฉlections municipales de 1995 ร Vaucresson et en 1993, supplรฉant de Sophie Brissaud, directrice de communication de Jean-Marie Le Pen. La bibliothรจque reรงoit รฉgalement plusieurs ouvrages de Max-Rodolphe Franรงois (dont nous nโavons pu trouver de dรฉtails biographiques au cours de nos recherches, pour dรฉtermine en quoi ses oeuvres pouvaient porter ร questionnement). On peut dรจs lors remarquer, que la vision du pluralisme de M. Bompard, semble sโaxer sur un seul courant politique : celui dont il porte lโรฉtiquette. On note cependant que ce dernier nโest peut-รชtre pas complรฉtement dans son tort au sens oรน le courant frontiste est peut-รชtre effectivement non reprรฉsentรฉ. Si nous nโen avons pas la preuve, on peut nรฉanmoins le supposer, sachant que de faรงon gรฉnรฉrale en France ร lโรฉpoque ce courant avait bien plus dโadversaires que de partisans dans lโopinion publique. Cependant, il doit y avoir dโautre courants politiques, ou dโautres sujets qui sont ยซ sous reprรฉsentรฉs ยป qui pourraient รฉgalement profiter de cet appel ร un rรฉรฉquilibrage pour plus de pluralisme. De faรงon gรฉnรฉrale, par exemple, les questions du fรฉminisme et/ou de lโhomosexualitรฉ sont souvent mal reprรฉsentรฉes en bibliothรจques municipales de petite envergure comme celle dโOrange.
Dรจs lors, la question du conflit dโintรฉrรชt se pose inรฉvitablement et cela remet en cause le statut de la bibliothรจque par rapport ร la mairie : est-elle un service de la mairie (au mรชme titre que le service des espaces verts par exemple) ou une institution ร demie-indรฉpendante, qui pour des raisons administratives et par tradition, est rattachรฉe ร la mairie de la ville ? Adjacente ร cette question se pose celle du rรดle du bibliothรฉcaire et de son statut : est-il un employรฉ de la mairie comme un autre subordonnรฉ aux directives hiรฉrarchiques ou sโapproche-t-il plus du collaborateur ร qui on reconnaรฎt des compรฉtences prรฉcises et ร qui on fait confiance pour mener une mission ร bien ?
Sur ces deux questions, le maire dโOrange, semble rapidement trancher par son interventionnisme, au dรฉtriment de Mme Canazzi conservatrice et directrice de la bibliothรจque, et aussi au dรฉtriment du rรดle dont elle revendique les applications de ยซ sรฉlection vis ร vis d’ouvrages qu’elle jugeait partisans ou sans qualitรฉ littรฉraire, autoรฉdition pour une moitiรฉ135 ยป dans une lettre quโelle adresse au maire136, afin de sโopposer ร lโarrivรฉe de ces ouvrages dans les rayonnages. Et si lโargument de la qualitรฉ littรฉraire peut-รชtre contrebalancรฉ parce que se basant relativement sur des critรจres rรฉpondant ร la subjectivitรฉ de chacun, le premier argument sur le parti-pris des ouvrages, fait lui appel au devoir dโobjectivitรฉ minimum, que se doit dโavoir une bibliothรจque, notamment sur les ouvrages ร thรจme politique. Cette objectivitรฉ se traduit par le pluralisme des thรจses reprรฉsentรฉes et non par lโabsence dโengagement de ses ouvrages, le but nโรฉtant pas dโรฉviter toutes discussions mais plutรดt dโรฉveiller ร lโesprit critique de chacun. Cโest pourquoi elle se dirigera dโavantage vers des รฉtudes ร caractรจre scientifique plutรดt que vers des รฉcrits qui auraient une valeur de propagande. De plus en pointant du doigt ยซ lโautoรฉdition ยป, on suppose que cela insiste sur la qualitรฉ de lโouvrage, puisquโil nโest pas passรฉ par les circuits officiels de lโรฉdition qui lรฉgitiment (plus ou moins, certes, selon la renommรฉe et la valeur de la maison dโรฉdition) les รฉcrits publiรฉs. Qui plus est, M. Bompard offre une vision restrictive du rรดle des bibliothรจques. En effet, pour lui une bibliothรจque doit dโabord et avant tout avoir un but divertissant, balayant ainsi les missions dโinformations et de culture. La bibliothรจque devient la vitrine dโune vision politique qui soutient que la culture doit dรฉfendre lโidentitรฉ nationale.
Quant ร la question du rรดle des bibliothรฉcaires, et notamment ceux en charge des acquisitions, lโรฉquipe municipale dโOrange (au travers des propos de M. Beck, chargรฉ de communication) esquisse les contours de ce rรดle ainsi : ยซ le bibliothรฉcaire ne doit pas exercer une censure; la bibliothรจque (โฆ) doit pouvoir offrir un รฉventail รฉtendu des opinions politiques; l’opinion du bibliothรฉcaire ne peut pas รชtre celle d’un lecteur de maison d’รฉdition รฉdictant le publiable et l’impubliable ยป. Cette vision retourne lโaccusation de censure vers le bibliothรฉcaire en le remettant en cause dans son rรดle de sรฉlectionneur et de fondateur dโune collection cohรฉrente aux missions de lecture publique et ร son implantation dans une communautรฉ. De plus, elle rรฉduit la seule compรฉtence du bibliothรฉcaire ร ยซ son opinion ยป, basant ces choix sur des critรจres rรฉpondant ร une loi du marchรฉ, au mรชme titre que les รฉditeurs. Or il y a confusion dans cette vision, le rรดle du bibliothรฉcaire nโest pas de donner un jugement sur ce qui est ยซ publiable ยป ou non mais dโoffrir une sรฉlection la plus vaste possible qui rassemble la diversitรฉ des points de vue sur le plus de sujets possibles (pluralisme et encyclopรฉdisme), tout en prenant compte le cadre dans lequel il travail, cโest-ร -dire les caractรฉristiques du public auquel il sโadresse :
ยซ Gรฉrer une politique dโacquisition, cโest faire entrer dans la balance du choix des paramรจtres de tous ordres : la satisfaction des demandes du public actuel et du public potentiel, objet de toutes nos attentions ; lโidรฉe, quโavec un budget donnรฉ, on va offrir ร ce public un reflet aussi pertinent que possible de la production รฉditoriale, dans sa diversitรฉ, son foisonnement, son actualitรฉ, son originalitรฉ, son audace parfois ; lโรฉquilibre dโun fonds, matiรจre vivante ร modeler, non en fonction de critรจres ร proprement parler idรฉologiques, mais en fonction de lโexistant et du patrimoine de demain13
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Table des matiรจres
LISTE DES ABREVIATIONS
SOMMAIRE
INTRODUCTIONย
SOURCES
I. DE LA CENSURE EN BIBLIOTHEQUE : DES PREMICES A SA PRATIQUE PONCTUELLE
1. Les premiรจres bibliothรจques : des temples ร lโaccรจs privรฉ
2. Lโรจre des Bibliothรจques Publiques
2.1. Les premiรจres bibliothรจques publiques
2.2. Le dรฉbut de lโEnfer en Bibliothรจques
2.3. Le cas particulier des cabinets de lecture
3. Les Bibliothรจques du XXe siรจcle
3.1. Les Bibliothรจques et lโoccupation allemande : la pรฉriode de la guerre 39-45
3.2. La guerre est finie, la censure perdure : des annรฉes 50 aux annรฉes 80
3.3. Un nouveau public, une censure resserrรฉe : les bibliothรจques jeunesses.
3.3.1. De lโinterprรฉtation dโune loi : rappel sur la loi du 16 juillet 1949 ร destination des publications
jeunesses
II. LA CENSURE, UNE REALITE TOUJOURS DโACTUALITE
1. Dรฉfinition du cadre de la censure
1.1. Les acteurs
1.1.1. Les tutelles
1.1.2. Les associations ou groupes citoyens
1.1.3. Les usagers
1.2. Thรจmes ร censure
2. Orange amรจre
2.1. Mainmise de la municipalitรฉ sur la bibliothรจque
2.2. ร chacun sa dรฉfinition du pluralisme
2.3. Dโimportants soutiens mais peu de rรฉsultats
2.3.1. La faible marge de manoeuvre dโune conservatrice face ร sa tutelle
2.3.2. Un รtat qui sโimplique faiblement
2.3.3. Une forte mobilisation mรฉdiatique et une implication citoyenne
2.3.4. Un soutien professionnel
a) Le soutien de lโABF
b) Le soutien de bibliothรฉcaires รฉtrangers c) Le soutien de LโIFLA
2.3.5. Et aprรจs ?
III. LA CENSURE EN BIBLIOTHEQUE : ET LES PROFESSIONNELS ?ย
3. Le discours des professionnels : quelle perception, quelles rรฉactions, quelles actions ?
3.1. Les bibliothรฉcaires face ร la censure extรฉrieure
3.1.1. Les actions des professionnels ร lโรฉchelle nationale
a) Qui marquent une opposition de principe
b) Qui marquent une opposition ponctuelle, en rรฉponse ร un รฉvรฉnement particulier
3.1.2. Les actions des professionnelles ร lโรฉchelle locale
3.1.3. La position des bibliothรฉcaires face aux censeurs
a) Face ร lโautoritรฉ tutรฉlaire
b) Face aux usagers
3.2. Les bibliothรฉcaires censeurs
3.3. La frontiรจre entre sรฉlectionner et censurer
4. Du recours ร une Loi Anastassiou Diane | Bibliothรจques Publiques et Censure. รtude sur une pratique toujours dโactualitรฉ
4.1. Le statut des bibliothรจques
4.1.1. Des lois qui concernent les bibliothรจques
4.2. Un projet proche de lโaboutissement ?
4.2.1. Le cas des bibliothรจques europรฉennes
4.3. De la divergence dโopinions chez les professionnels
a) De lโavis des partisans
b) De lโavis des opposants
CONCLUSION
ANNEXES
1. Annexe 1 : Badge de LโABF contre la censure, par Claude Ponti
2. Annexe 2 : Chartre du rรฉseau Lire au Havre (premiรจre page)
3. Annexe 3 : Communiquรฉ de LโABF du 7 novembre 2005, en rรฉponse ร lโarticle de Delphine de
Maleville, paru dans le Figaro
4. Annexe 4 : Pรฉtition de lโABF, contre la censure pratiquรฉe ร Orange, 1997
5. Annexe 5 : Politique dโacquisition de lโAssociation des Bibliothรฉcaires Franรงais en 12 points,
premiรจre page
6. Annexe 6 : Liste des ouvrages et autres supports qui ont fait polรฉmiques ou on donnรฉ lieu ร des
actions de censures
7. Annexe 7 : Liste des sujets relatifs ร la censure, de 1986 ร 2014, dans les publications professionnelles: Bibliothรจque(s), le Bulletin dโinformation de lโassociation des bibliothรฉcaires
franรงais, le Bulletin des bibliothรจques de France
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
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