LA CASTRATION DE LA VACHE LAITIERE
ETUDE EXPERIMENTALE DE L’INFLUENCE DE LA CASTRATION SUR LA LACTATION DES VACHES LAITIERES
Objectifs
Cette étude rétrospective a été proposée par un vétérinaire praticien qui après avoir castré plus de 50 vaches en 2002 voulait connaître la répercussion de la castration sur la production laitière. Aucune étude de cette envergure n’avait été réalisée auparavant. Cet enregistrement de résultats a été effectué pour évaluer les effets de la castration sur la production de vaches laitières. Le principal objectif est de déceler une différence imputable à la castration en effectuant une étude cas-témoins, c’est-à-dire en comparant la lactation entre deux lots de vaches appariées.
Matériels et méthode
Elevages et animaux
Les animaux permettant l’étude cas-témoins sont issus des clientèles de trois vétérinaires praticiens situés dans les départements de Seine Maritime et de Saône et Loire. Ces vaches appartiennent à deux races : Montbéliarde et Prim’Holstein. L’étude compte 44 Montbéliardes et 76 Prim’Holstein. Toutes les Montbéliardes proviennent du même élevage qui effectue de la sélection génétique phénotypique. Dans cette sélection, l’éleveur a pris l’habitude de castrer les vaches possédant un critère phénotypique défaillant. Les Prim’Holstein sont toutes élevées dans la région rouennaise et proviennent de 14 élevages.Ce sont toutes des vaches laitières qui sont traites deux fois par jour. Tous les élevages d’où elles proviennent sont inscrits au contrôle laitier. Les animaux ont été castrés entre le 24 février 2001 et le 26 août 2003.Dans le tableau IV figurent la taille des élevages en nombre de vaches laitières, le nombre de vaches castrées rentrant dans l’étude, leur race ainsi que le vétérinaire s’occupant de l’élevage.Dans le cas de l’élevage de Montbéliardes, l’éleveur a choisi de castrer toutes les vaches qu’il ne ferait pas reproduire tandis que dans les autres élevages, ce sont plutôt les vétérinaires qui ont conseillé les éleveurs au cas par cas de castrer une vache, souvent pour des raisons d’infertilité. Il n’y a qu’un seul élevage pour lequel la volonté de pratiquer cette opération provient de l’éleveur lui-même.
Vétérinaires et technique chirurgicale
Les vaches ont été castrées par trois vétérinaires qui pratiquent ce type d’intervention depuis plus de dix ans. Deux exercent en Normandie près de Rouen et le troisième travaille en Bourgogne près de Matour. Toutes les vaches de l’étude ont été castrées par voie vaginale et par la technique de striction du pédicule ovarien. Les 22 Montbéliardes ont été castrées à l’aide de la pince à anneau Elastrator modifiée et les Prim’Holstein avec la technique écrou-élastique. La seule différence reste donc la taille de l’élastique utilisé. Un examen gynécologique préopératoire a toujours été réalisé. Il a permis d’écarter ou de reporter l’opération des vaches présentant une contre-indication à la castration. L’intervention a donc été programmée à l’avance suite à une discussion entre les éleveurs et leur vétérinaire pour choisir les vaches à castrer.Les animaux ont tous été opérés au cornadis avec leur éleveur présent à côté pour assurer la contention tout en tenant la queue de la vache. Aucune sédation n’a été réalisée. Aucune mise à la diète n’a été effectuée avant castration. Deux oblets antibiotiques sans délai d’attente ont été déposés systématiquement en fin de chirurgie en intra abdominal. L’opération a duré environ trente minutes par vache en comptant le temps préalable de nettoyage et de désinfection des zones péri-anale et vaginale.Rappelons brièvement les points importants de cette chirurgie :
• voie d’abord vaginale : préparation du matériel, nettoyage et désinfection,
• ponction vaginale à l’aide d’un vaginotome ou de ciseaux de Mayo,
• préhension du premier ovaire et pose d’un élastique sur son pédicule ovarien,
• préhension du second ovaire et pose d’un élastique sur son pédicule,
• mise en place de deux oblets d’amoxicilline en intra abdominal,
• suture de la plaie vaginale par un point en X avec un fil résorbable.
Pour toutes les vaches, une suture de la plaie vaginale a été pratiquée. A bout de bras, il a fallu poser un point en X à l’aide d’une aiguille de section triangulaire au niveau de la brèche vaginale. L’introduction de la deuxième main a facilité ce dernier temps opératoire chez les vaches le permettant. Cette suture n’a pour but que de rapprocher les lèvres de la plaie vaginale pour faciliter la cicatrisation et éviter les complications dues aux hernies ou aux hémorragies post opératoires. L’obturation reste imparfaite mais suffisante. C’est en effet la phase la plus difficile de l’opération, mais pas la plus délicate, qui reste sans conteste la ponction vaginale.
Questionnaires
Deux questionnaires simples et rapides à remplir ont été complétés lors d’une visite dans chacun des élevages. Ils ont été placés en annexes 1 et 2.
Le premier questionnaire intitulé « questionnaire éleveur » cherche à référencer l’élevage grâce
à son nom, son adresse et son numéro d’élevage ainsi qu’à connaître l’avis général de l’éleveur
à propos de la castration. Les premières questions permettent de cerner l’importance de la castration dans l’élevage. Elles cherchent à savoir depuis quand l’éleveur pratique ce type d’intervention, à quelle fréquence et quelles sont les observations post opératoires dont il se souvient. Sept autres questions auxquelles l’éleveur doit répondre par oui ou non visent à connaître son avis général sur la castration. En effet, il lui est demandé si après castration les vaches sont plus calmes, si leur production augmente, si elles produisent un lait de meilleure qualité organoleptique, si elles sont gardées plus longtemps dans l’élevage et si elles engraissent mieux. Enfin, la dernière question s’intéresse à la rentabilité du point de vue de l’éleveur.
Le second est intitulé « questionnaire vache » et a pour fonction de noter les références de la vache castrée, son numéro dix chiffres, sa date de vêlage, de castration et son rang de vêlage. Lors de cette même visite, il était possible de visualiser les documents d’élevage et plus particulièrement les feuilles du contrôle laitier pour pouvoir apparier les vaches castrées avec des vaches gestantes suivant les critères qui suivent.
Critères d’appariement : définition d’un couple
Toutes les vaches témoins non castrées ont été gestantes et ont vêlé durant la lactation de comparaison aux vaches castrées. Un couple se compose de deux vaches du même élevage, de la même race, d’un rang de lactation comparable et ayant vêlé à deux dates les plus proches possible. En effet il faut que les vaches d’un même couple aient reçu la même conduite d’élevage au même moment pour que la comparaison puisse être réalisable. Les vaches appartiennent toujours au même lot et ont donc reçu la même ration alimentaire. Pour leur rang de lactation, les primipares n’ont été appariées qu’avec des primipares ; il en est de même pour les deuxième et troisième rangs de lactation. En admettant que la production laitière n’augmente plus considérablement passé le quatrième vêlage, les vaches ayant un rang de lactation égal ou supérieur à quatre ont été appariées avec des vaches ayant un rang de lactation égal ou supérieur à quatre mais pas forcément identique.
Un entretien avec l’éleveur a permis d’écarter les vaches qui avaient eu de graves ou de longues pathologies comme des boiteries récidivantes ou des vaches ayant un ou plusieurs quartiers taris.
Récupération des données
Les données de production individuelle ont été fournies par le contrôle laitier de Normandie pour les Prim’Holstein et par l’éleveur lui-même pour les Montbéliardes car il possède toutes les données de son élevage informatisées. Une clause de confidentialité est respectée conformément à la loi Informatique et Libertés.
Les données chiffrées mensuelles récupérées sont la production laitière en kg, les taux butyreux et protéique ainsi que le nombre de cellules comptées par le contrôle laitier pour la lactation actuelle à la castration et pour la lactation précédente de toutes les vaches de l’étude. Ces données ont pu être récupérées pour moitié sous forme de fichiers informatiques et pour le reste sous forme de version papier qui a du être saisie ensuite sur informatique.
Pour chacune des 120 vaches de l’étude, on connaît ses performances mensuelles lors de la lactation durant laquelle les vaches castrées ont été opérées (cette lactation est notée L1), et aussi ses performances durant la lactation précédente qui elle est notée L0 (annexes 3 et 4).
En effet, il a semblé intéressant d’avoir suffisamment de données pour pouvoir comparer plusieurs lactations entre elles et ainsi interpréter l’évolution des lactations en comparant des lots de vaches suffisamment nombreux pour avoir des résultats statistiquement fiables.
Enregistrement des données sur informatique
Les données ont toutes été centralisées sur un même fichier et ont permis l’établissement d’une importante base de données. Après avoir complété toutes les données manquantes en travaillant en collaboration avec un ingénieur du contrôle laitier, il a pu être réalisé une modélisation de chacune des lactations. Les points de contrôle mensuels ont donc permis après extrapolation, d’obtenir les courbes continues de lactation, de taux butyreux, de taux protéique et de nombre de cellules pour toutes les vaches de l’étude. Dans un premier temps, les lactations de toutes les vaches ont été tracées en respectant leur date de vêlage et les dates de contrôle.
Dans un deuxième temps, deux problèmes sont apparus. Le premier concerne l’intervalle de temps entre les vêlages des vaches d’un même couple et le second concerne l’intervalle de temps entre le vêlage et le premier contrôle. Pour les résoudre, il a été décidé de faire commencer les lactations d’un même couple le même jour et de raisonner par quinzaine de jours. C’est-à-dire d’attribuer la valeur obtenue au premier contrôle au contrôle numéro 1 si celui- ci a été réalisé dans la première quinzaine suivant le vêlage. Un contrôle effectué 55 jours après vêlage constitue le contrôle numéro 4, car il a été réalisé dans la quatrième quinzaine après vêlage. Ce travail a été réalisé pour toutes les lactations récupérées et a permis de tracer des courbes individuelles pour chaque vache en fonction des critères étudiés : production laitière, taux butyreux, taux protéique et nombre de cellules. Il a été aussi possible de tracer des courbes générales en formant différents lots (annexe 10).
Description des variables
L’étude de ces variables permettra tout d’abord d’effectuer la comparaison des deux lots, pour vérifier qu’ils sont bien identiques. Puis, elle permettra de savoir si la castration engendre un
changement au niveau de la production laitière.
Les variables observées sont :
numéro de couple : les vaches ont été appariées deux à deux pour former des couples numérotés de 1 à 60 et dont la variable est notée « NC » pour numéro de couple.
le type de vache est noté « V » et correspond à : la vache castrée d’un couple est notée
« VC » tandis que la vache témoin est notée « VT ». C’est une variable qualitative à deux classes qui permet de former deux lots regroupant l’un les vaches castrées et l’autre les vaches non castrées témoins. Ces deux lots sont à la base de l’étude statistique.
variable relative à la race : les vaches appartiennent à deux races différentes qui sont notées « M » pour les Montbéliardes et « PH » pour les Prim’Holstein.
variables relatives à la lactation : pour toutes les vaches exceptées les primipares castrées, il a été enregistré les résultats aux contrôles mensuels de la lactation contemporaine à la castration notée « L1 » et les résultats aux contrôles mensuels de la lactation précédente notée « L0 ». Pour les couples de primipares castrées il n’existe que la « L1 ».
variables relatives au vêlage : l’étude de ces variables permettra d’effectuer la comparaison des deux lots. Les variables sont :
¾ « DV » pour la date de vêlage. Les couples dans lesquels la vache castrée est une multipare possèdent deux dates de vêlages notées « DVL1 » pour la date de vêlage précédent la castration et « DVL0 » pour la date de vêlage de la lactation précédente. Les couples dans lesquels la vache castrée est une primipare ne possèdent qu’une date de vêlage notée « DVL1 ».
¾ « RV » pour le rang de vêlage. Ainsi une primipare a comme rang de vêlage 1 alors qu’une vache qui vêle pour la quatrième fois a comme RV : 4.
¾ « CTx » avec x nombre entier positif est la variable relative au numéro du contrôle après vêlage. Ainsi CT1 fait référence au premier contrôle qui a été effectué dans la quinzaine de jours suivant le vêlage. Il sera intéressant de comparer les résultats aux CT4 et CT6 entre les VC et les VT lors de leur deux lactations.
¾ variables quantitatives : ceux sont les valeurs mesurées par le contrôle laitier
mensuellement. Elles sont au nombre de quatre : « PL » pour la production laitière exprimée en kilogrammes de lait, « TB » pour le taux butyreux exprimé en grammes par kilogramme de lait, « TP » pour le taux protéique exprimé lui aussi en grammes par kilogramme de lait et « CELL » pour le nombre de leucocytes trouvés dans un échantillon de lait exprimé en milliers par ml de lait.
¾ variable concernant la date de castration notée « DC ».
¾ variable concernant la date de tarissement notée « DT ». Elle a été calculée pour toutes les vaches de la même façon ; elle correspond à la date du dernier contrôle plus 15 jours. Cela a du être fait pour résoudre deux incertitudes : la première est que la date de tarissement est rarement connue ou notée avec exactitude, la seconde est que le contrôle laitier réalise 11 contrôles par an, donc il y a toujours un mois où les vaches ne sont pas contrôlées.
Certaines de ces variables peuvent être combinées : par exemple « PLCT6 » fait référence à la production laitière lors du sixième contrôle. Ces variables ainsi que leur intitulé sont regroupées dans le tableau V.
Méthodes statistiques
Toutes les données ont permis la constitution d’une base de données traitée sous Access. En effet, ce logiciel permet un tri et une sélection des données facile et rapide. Après chaque requête dans Access, il a été possible d’effectuer des tableaux Excel qui pouvaient être analysés de manière statistique grâce au logiciel SAS (Statistical Analysis System).
Le test statistique utilisé dans cette étude est le test t qui permet de connaître la relation existant entre une variable quantitative et une variable qualitative à deux classes qui est Vache castrée/ Vache témoin.
Tout d’abord il est intéressant d’étudier la répartition du nombre de vaches dans chaque lot au cours du temps (figure 21). On remarque que les vaches gestantes sont pour moitié taries à 10 mois alors que les vaches castrées sont taries pour moitié à 13 mois. De plus 7 vaches castrées sont toujours en production après 18 mois de lactation. La date moyenne de castration a lieu trois mois après vêlage. L’étude statistique a suivi une démarche logique en 5 étapes. Tout d’abord elle a consisté à vérifier l’appariement des vaches par rapport à leur rang de vêlage, leur date de vêlage et leurs résultats aux contrôles laitiers 2 et 3 lors des deux lactations (figure 22).
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Table des matières
INTRODUCTION
1 ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LA CASTRATION DE LA VACHE LAITIERE
1.1 Anatomie de l’appareil génital de la vache
1.1.1 Structure anatomique des différents organes
1.1.2 Moyens de fixité, rapports anatomiques et vascularisation
1.2 Indications de la castration en troupeaux bovins laitiers
1.2.1 Indications zootechniques
1.2.2 Indications thérapeutiques
1.2.3 Contre-indications
1.2.4 Indications raisonnées, choix des vaches à castrer
1.3 Techniques chirurgicales employées pour la castration
1.3.1 Ovariectomie par le flanc
1.3.2 Ovariectomie par voie inguinale
1.3.3 Ovariectomie par voie vaginale
1.3.4 Ovariectomie par clampage transvaginal
1.3.5 Avantages et inconvénients des différentes techniques chirurgicales
1.4 Accidents per et post opératoires
1.4.1 Cas général
1.4.2 Accidents per-opératoires
1.4.3 Accidents post-opératoires
1.5 Résultats
1.5.1 Suppression des chaleurs
1.5.2 Répercussion sur la production bouchère
1.5.3 Influence de la castration sur la production laitière
1.6 Conclusion de la première partie
2 ETUDE EXPERIMENTALE DE L’INFLUENCE DE LA CASTRATION SUR LA LACTATION DES VACHES LAITIERES
2.1 Objectifs
2.2 Matériel et méthode
2.2.1 Elevages et animaux
2.2.2 Vétérinaires et technique chirurgicale
2.2.3 Questionnaires
2.2.4 Critères d’appariement : définition d’un couple
2.2.5 Récupération des données
2.2.6 Enregistrement des données sur informatique
2.2.7 Description des variables
2.2.8 Méthodes statistiques
2.3 Résultats
2.3.1 Résultats du questionnaire rempli par les éleveurs
2.3.2 Comparaison des deux lots
2.3.3 Comparaison de la production laitière
2.4 Discussion
2.4.1 Comparaison des deux lots
2.4.2 Etude du protocole expérimental
2.4.3 Effets directs de la castration sur la production laitière
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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