LA CARTOGRAPHIE DU MODE D’OCCUPATION DU SOL
LES ENJEUX FONCIERS DU MILIEU INSULAIRE REUNIONNAIS
La Réunion, espace insulaire de 2512 km2 situé dans l’Océan Indien, se caractérise par un fort développement économique et démographique qui entraine une évolution rapide du MOS, modelée par plusieurs enjeux spatiaux. L’aménagement de l’île est contraint par un fort relief et par son patrimoine naturel protégé (principalement le Parc National de la Réunion qui couvre 40% de la surface insulaire). Les zones « aménageables » se concentrent par conséquent dans les « Bas », le long d’une bande littorale comprise entre 0 et 400m d’altitude, où la concurrence pour la ressource foncière entre les surfaces urbaines et les surfaces agricoles s’intensifie (Bonnal et al., 2003). En effet, dans les premiers 500m à partir de la côte, la densité de population atteint la valeur de 1000 hab./km2 (INSEE, 2012).
La population totale à la Réunion est actuellement de 840 000 hab. et continue à augmenter avec une croissance annuelle moyenne de 1,65 % (INSEE, 2014). Ce dynamisme démographique entraîne des phénomènes consommateurs d’espace, tels que l’étalement urbain1 et le mitage2, qui, en particulier, réduisent sensiblement le foncier agricole (Aulanier, 2012 ; Lagabrielle, 2005). Ainsi, la Surface Agricole Utile (SAU)3 a connu une diminution moyenne de 88ha./an depuis l’année 2000 (SAFER, 2014). Cette tendance accroit les tensions entre les différentes filières agricoles, qui non seulement doivent maintenir leurs niveaux de production primaire, mais qui sont aussi sollicitées pour participer au développement de l’île. C’est le cas de la canne à sucre mise à contribution pour produire de l’énergie à partir de la biomasse provenant de nouvelles variétés de canne. Ce nouveau débouché vient exacerber la concurrence foncière avec l’élevage et le maraîchage sollicités pour réduire la dépendance alimentaire de l’île. L’agriculture réunionnaise poursuit donc sa mutation, à l’image de l’agriculture européenne, vers une agriculture de services, multifonctionnelle, qui conduit à la diversification des cultures et leur mise en concurrence dans un espace foncier de plus en plus restreint.
LA CARTOGRAPHIE DU MODE D’OCCUPATION DU SOL
La cartographie du MOS produit une donnée géographique qui révèle la couverture biophysique des différentes surfaces d’un territoire, en offrant également une interprétation spatiale des activités humaines qui ont lieu sur ces surfaces (Anderson, 1976 ; Fisher et al., 2005). Cette information peut être extraite à partir des données spatiales de base que sont les images satellitaires et les photographies aériennes, en établissant des relations entre les surfaces détectées et leur usage. Il existe deux techniques principales pour l’élaboration de la cartographie du MOS à partir d’images : (1) La plus conventionnelle consiste à digitaliser manuellement les objets géographiques d’intérêt dans un logiciel de Systèmes d’Information Géographique (SIG), puis à leur attribuer une classe par photo-interprétation4 de l’image de base. (2) La deuxième technique comprend l’analyse et le traitement des images via des méthodes de télédétection plus ou moins automatisées, dont l’objectif est de délimiter les objets d’intérêt puis de les classer grâce aux informations quantifiables contenues dans les images.
Dans les deux cas, la cartographie finale du MOS va fortement dépendre des caractéristiques des images utilisées : la résolution spatiale conditionne l’échelle de l’information géographique extraite et par conséquent le niveau de détail atteint. La résolution temporelle (fréquence et nombre des images) conditionne aussi la capacité à distinguer différents usages, agricoles en particulier, grâce aux dynamiques de croissance spécifiques des cultures pouvant être identifiées par des images suffisamment rapprochées dans le temps. La donnée cartographique du MOS révèle des informations précieuses (dynamiques territoriales de consommation ou diversification des espaces agricoles, entre autres) pour orienter les stratégies de planification et gestion du territoire. Elle est donc une donnée essentielle pour les organismes d’aménagement (Foody, 2002). De ce fait, de nombreux projets de recherche continuent à examiner de nouvelles méthodes pour l’élaboration de la cartographie du MOS, tout en profitant des nouvelles avancées technologiques.
LE POTENTIEL DE LA THRS ET L’OBIA POUR LA CARTOGRAPHIE DU MOS
Le développement rapide de la technologie spatiale – nouvelles données satellitaires et ressources informatiques de traitement d’images toujours plus performantes – incite la recherche scientifique à élaborer de nouvelles méthodologies qui permettent d’exploiter des informations de plus en plus proches de la réalité terrain. Ainsi, la cartographie du MOS se fait à une échelle spatiale toujours plus fine en profitant des hauts niveaux de détail offerts par les nouvelles données à THRS (≤ 1m de résolution spatiale). Les satellites optiques d’applications civiles qui fournissent des images à THRS (présentés dans le tableau 1) jouent un rôle de plus en plus important dans les différentes applications de la télédétection (Baatz et Schäpe, 2000). Les données issues de ces satellites offrent de nouvelles possibilités de caractérisation du MOS en mettant en évidence des textures, motifs, et formes qui aident l’opérateur à dériver des informations sur les activités humaines présentes. Les méthodes de traitement conventionnelles par approche pixel, basées uniquement sur les valeurs de réflectance des pixels individuels, n’exploitent pas ces nouvelles possibilités et sont donc peu appropriées aux données à THRS (Fisher et al., 2005). De plus, à THRS l’hétérogénéité spectrale entre pixels voisins est très élevée (les images étant fortement texturées), ainsi, la cartographie résultant des classifications par approche pixel souffre du chatoiement (aussi connu comme l’effet « poivre et sel ») et se révèle donc imprécise (Zhang et Maxwell, 2006).
« L’information sémantique précieuse pour interpréter une image, n’est pas reflétée dans les pixels individuels, mais dans des groupes de pixels qui représentent des objets significatifs et dans leurs relations mutuelles » (Baatz et Schäpe, 2000) En répondant aux faiblesses de l’approche pixel, l’Analyse d’images par approche Orientée Objet (OBIA) est devenu l’objet de multiples recherches, avec des applications tout à fait diverses, et le sujet de publications de plus en plus nombreuses (voir Blaschke, 2010). Les méthodes d’OBIA consistent principalement à segmenter une image en regroupant les pixels considérés comme homogènes, pour ensuite leur appliquer des règles et méthodes de classification. L’opérateur détermine l’influence qu’aura la radiométrie en opposition à la forme dans la constitution du critère d’homogénéité pour la conception des objets. Une fois que les objets obtenus sont proches des objets physiques d’intérêt, l’opérateur peut utiliser leurs caractéristiques texturales, radiométriques et morphologiques pour leur classification postérieure.
L’OBIA, contrairement à l’approche par pixel, permet également de caractériser efficacement les surfaces à partir d’une analyse multi-échelle de l’image, en générant différents niveaux de segmentation. Pour chaque niveau de segmentation il est donc possible de définir des critères de classification en fonction de la relation spatiale entre les objets d’un même niveau (voisinage, distance/proximité) où entre différents niveaux (hiérarchie). Ceci permet d’obtenir des classifications avec un contenu topologique significatif (Maxwell, 2005), où les relations mutuelles entre les différents objets constituent un « réseau sémantique spatial » qui reproduit de manière fidèle la réalité des relations qui ont lieu entre les différentes surfaces (Benz et al., 2005 ; Antunes et al., 2003). L’automatisation des processus de traitement complémente l’expertise de l’opérateur – qui doit choisir les paramètres de segmentation puis de classification – garantissant ainsi des classifications précises et objectives. En conclusion, l’OBIA s’avère une option idéale pour le traitement des images à THRS (Benz et al., 2005), et pour la cartographie du MOS en particulier (Platt et Rapozza, 2008).
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Table des matières
TABLE DES MATIERES
LISTE D’ACRONYMES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
1 INTRODUCTION
2 CONTEXTE DE L’ETUDE
2.1 LES ENJEUX FONCIERS DU MILIEU INSULAIRE REUNIONNAIS
2.2 LA CARTOGRAPHIE DU MODE D’OCCUPATION DU SOL
2.3 LE POTENTIEL DE LA THRS ET L’OBIA POUR LA CARTOGRAPHIE DU MOS
2.4 LES LIMITES DE LA DONNEE ACTUELLE DU MOS A LA REUNION : LE DEFI CARTOGRAPHIQUE DU DOMAINE AGRICOLE
2.5 PRESENTATION DE L’ETUDE
2.5.1 LA ZONE D’ETUDE
3 MATERIELS ET METHODES
3.1 DESCRIPTION DES DONNEES SOURCES ET LOGICIELS UTILISES
3.1.1 LA DONNEE RASTER
3.1.2 LES DONNEES VECTORIELLES
3.1.3 LOGICIELS MOBILISES
3.2 TRAVAUX PRELIMINAIRES
3.2.1 ENTRAINEMENT SUR LE TERRAIN
3.2.2 DEFINITION DE LA TYPOLOGIE DE CLASSES
3.3 PRETRAITEMENTS
3.3.1 PREPARATION DE L’IMAGE
3.3.2 CALIBRATION RADIOMETRIQUE
3.3.3 FUSION D’IMAGES PAN ET MS
3.3.4 CREATION DES MASQUES
3.4 ANALYSE ET TRAITEMENT DES DONNEES PAR APPROCHE ORIENTEE OBJET
3.4.1 LA SEGMENTATION MULTI-NIVEAUX
3.4.2 LES METHODES DE CLASSIFICATION
3.4.3 EXTRACTION DES CLASSES GENERALES DE MOS
3.4.4 EXTRACTION DES CLASSES CULTURALES
3.4.5 ELABORATION DE LA CARTOGRAPHIE FINALE
4 ANALYSE DES RESULTATS
4.1 RESULTATS DE L’EXTRACTION DES CLASSES GENERALES DE MOS
4.2 RESULTATS DE L’EXTRACTION DES CLASSES CULTURALES
4.3 RESULTAT CARTOGRAPHIQUE
5 LIMITES ET PERSPECTIVES
6 CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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