Avec seulement 0,3% du territoire national, soit une superficie de 550 km², la Région de Dakar concentre pourtant la quasi-totalité des infrastructures administratives, l’essentiel de l’industrie et des services du pays. Ce qui lui confère son statut de métropole national du point de vue administrative et socio-économique. En outre, la dégradation des conditions climatiques des années 1970, qui a rendu difficile la vie des populations dans les campagnes , a renforcé un exode rural vers une capitale hypertrophiée (Gérard, 1994 cité par Charbit et Ndiaye, 1994). La population de la Région de Dakar est estimée en 2008 à 2 482 294 habitants, soit prés du quart de la population du pays, estimée la même année à 11 841 123 habitants ( SRSD-Dakar, 2008) alors qu’elle était de 2 267 356 habitants en 2002 (ANSD, RGPH 2002).
Cette croissance rapide de la population de la Région de Dakar s’accompagne d’un fort taux d’urbanisation qui induit du coup une forte densité de la population. Selon les projections de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), en 2010, la région de Dakar compte 2 520 054 citadins sur une population totale de 2 592 191 habitants, soit un taux d’urbanisation de 97,21%. La densité de la population de la Région de Dakar s’élevait en 2008 à 4 513 habitants/km² (SRSD Dakar, 2008) contre 4 415 habitants/km² en 2007 (SRSD-Dakar, 2007). Cette rapide croissance de la population n’est pas sans conséquences sur la gestion de l’espace et de l’environnement.
Actuellement, avec l’augmentation de la population et l’essor des activités dans la Région, on assiste à une production de plus en plus importante de déchets domestiques, agro industriels et agricoles. La conséquence immédiate de cette situation est la création des dépotoirs d’ordures sauvages qui se généralise du fait d’absence ou d’insuffisance des infrastructures nécessaires pour assurer la collecte et le traitement des déchets (Seck, 1997). La région de Dakar concentre 80% des industries et 75% des activités économiques et administratives du pays ce qui explique en partie la diversité des déchets produits dans la région. La gestion de ces déchets est un défi majeur pour les décideurs politiques.
Des solutions pour remédier à cette situation sont recherchées. La mise en décharge des ordures dans l’unique dépotoir de la région, la décharge de Mbeubeuss, reste la seule forme de gestion pratiquée. Cependant, d’autres solutions sont recherchées et de plus en plus la valorisation des « déchets » notamment la partie fermentescible qui pourrait constituer une ressource pour l’agriculture du fait qu’elle contribue non seulement à l’assainissement de la ville, mais aussi au développement de l’agriculture urbaine et périurbaine, est perçue comme une solution à ce problème. Le recyclage des matières organiques (MO) dans l’agriculture est une longue tradition dans la région de Dakar. Mais, vue l’importance de la part de contribution de l’agriculture urbaine et périurbaine dans l’approvisionnement de la ville en produits alimentaires, les instituts de recherche s’intéressent davantage au recyclage de ces matières organiques (MO) dans l’agriculture qui s’avère important pour le maintien et la durabilité de ce secteur dont le rôle économique et sociale est non négligeable. L’agriculture urbaine et périurbaine est une activité qui gagne de plus en plus de place dans l’économie de la région. Elle est surtout pratiquée dans les marges urbaines des départements de Pikine et de Rufisque où on note l’existence de plusieurs systèmes de culture. L’usage de matières organiques (MO) comme fertilisants agricoles est de mise et varie d’un milieu à un autre.
Contexte et justification
Contexte
Selon le rapport de l’Agence des Nations Unies pour la population, « depuis 2008, et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population de notre planète vit en milieu urbain (FUNUAP, 2008) ». D’après le même rapport, « en 2030, le nombre de citadins devrait avoisiner les 5 milliards, soit 60% de la population mondiale ». Cette forte croissance urbaine mondiale est aujourd’hui beaucoup plus marquée dans les pays en développement alors que jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les sociétés citadines étaient l’apanage des pays occidentaux de l’Amérique du Nord à l’Europe de l’Ouest et au Japon (Paulet, 2005).
Les pays en développement qui se caractérisent donc par une urbanisation récente mais accélérée, se distinguent par leurs forts taux d’accroissement urbain. Par exemple, durant la période de 1950 – 2005, la population urbaine a augmenté à un rythme inférieur à 1,4% par an dans les pays développés et supérieur à 3,6% dans les pays en développement (Véron, 2007). C’est en Afrique que cette croissance urbaine a été plus rapide avec un taux d’accroissement urbain de 4,3% par an (Véron, 2007).
D’après les prévisions des Nations Unies pour la population (ONU, 2000), l’Afrique de l’Ouest devrait connaître une croissance démographique de 2,4% entre 2005 et 2010, et la population de cette région risque d’être multipliée par plus de deux entre 2008 et 2050, passant de 293 millions à 617 millions, l’essentiel de cette croissance aurait lieu dans les zones urbaines. Selon les travaux de l’Organisation de Coopération et de Développement en Europe (OCDE) et du Club du Sahel, en Afrique de l’Ouest, la population urbaine passera de 40% de la population totale en 1990, à 50 – 60% en 2020 (soit plus de 270 millions d’urbains sur 430 millions d’habitants) (Snrech, 1994 cité par N’Diènor, 2006). Au Sénégal, la croissance urbaine date de la période coloniale. Mais c’est surtout à partir des années 1970 que de fortes migrations urbaines ont été notées (Charbit et Ndiaye, 1994). Cette décennie a coïncidé avec la grande période de sécheresse au sahel. Durant cette période, toutes les capitales régionales et la plupart des chefs-lieux de département vont connaître un taux de croissance supérieur à la moyenne nationale qui se situait à 2.17% (Charbit et Ndiaye, 1994). Selon les projections des Nations Unies (World population prospects, 2006 and World Urbanisation prospects, 2007), il y aura autant d’urbains que de ruraux au Sénégal en 2030 .
Cependant, les flux se sont surtout orientés vers la région de Dakar. Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), la population de Dakar est passée de 1970 à 2010 de 724 462 habitants à 2 592 191 habitants avec un taux d’accroissement variant entre 2,7 et 4,4% par an. Elle se situera selon les mêmes projections de l’ANSD, autour de 2 927 422 habitants en 2015 (ANSD : Estimations de la population de la région de Dakar de 2010-2015). Cette forte et rapide croissance de la population de la région de Dakar s’accompagne d’une forte croissance urbaine. D’après le rapport du Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Dakar de 2007 (SRSD-Dakar, 2007), la région de Dakar reste fortement urbanisée avec 97,16% de citadins contre 2,84% de ruraux.
Cette forte croissance urbaine va s’accompagner inexorablement d’une augmentation des besoins alimentaires dans la ville d’où la nécessité de promouvoir davantage l’agriculture urbaine et périurbaine, et d’une production importante de déchets urbains solides (DUS) dont la gestion pose problème. Entre 1971 et 2009, la production annuelle de déchets dans la région de Dakar est passée de 118 625 tonnes à 501 875 tonnes soit une augmentation de 3% par an (Seck, 1997 ; Cadak Car, 2009). La gestion de ces « déchets » notamment les ordures ménagères, pose un véritable problème aux autorités municipales et étatiques qui sont souvent confrontés au manque de moyens financiers. Les solutions explorées jusque là pour la gestion de ces déchets sont liées à la mise en décharge à Mbeubeuss dans la commune d’arrondissement de Malika depuis 1968. Cette décharge plus que jamais saturée, est à l’origine de nombreux problèmes sanitaires et environnementaux (Vie, 2008). Dans la perspective de fermeture de cette décharge, d’autres solutions alternatives comme l’enfouissement des déchets sont en phase d’étude dans l’arrondissement de Sindia situé dans la région de Thiès à moins d’une centaine de kilomètres de Dakar. En plus de ces déchets urbains solides ménagers généralement mis en décharge à Mbeubeuss ; par ailleurs on note également une production importante de déchets issus de certains secteurs d’activité comme l’élevage, l’assainissement (traitement des eaux usées par les stations d’épuration) et l’industrie agro-alimentaire. Ces déchets sont potentiellement utilisables comme matières fertilisantes en agriculture. Ce sont surtout ces « déchets » qui feront l’objet d’étude dans ce mémoire. On note actuellement une absence de stratégie globale de recyclage des déchets urbains ménagers solides par l’agriculture alors que ces déchets notamment organiques pourraient constituer une ressource pour l’agriculture urbaine et périurbaine qui a besoin de se maintenir et d’accroître sa production pour mieux satisfaire la demande alimentaire croissante de la ville. De plus en plus, la valorisation agricole des matières organiques issues des ménages, des élevages, des unités de traitement des eaux usées, des industries agroalimentaires, est perçue comme l’une des solutions aux problèmes liés à la gestion des déchets urbains solides. Cette valorisation des PRO par l’agriculture a un double intérêt : (i) elle contribue, par le recyclage des déchets, non seulement à la réduction de la quantité de déchets produits par la ville, (ii) mais aussi au maintien de la fertilité des sols et donc à la productivité des terres indispensables à la durabilité des systèmes agricoles. Cette voie de valorisation des déchets, donc des ressources locales renouvelables, est de plus en plus souhaitée. Ce regain d’intérêt s’explique, entre autres, par le renchérissement du coût des engrais chimiques lié à la crise des énergies fossiles.
L’agriculture urbaine est une partie intégrante de l’économie de la région de Dakar en employant une main d’œuvre non négligeable et contribuant fortement à l’approvisionnement de la ville en produits frais. La contribution de cette agriculture urbaine à l’approvisionnement des villes est mal connue du fait qu’une bonne partie des agriculteurs travaille dans l’informel. Cependant, les rares sources disponibles indiquent que Dakar à lui seul prend 40% de la demande totale de légumes du Sénégal et cette région couvre plus de 60% de sa consommation en légumes (Mbaye et Moustier, 2000). De même, en fournissant 33% de la production nationale de poulet, la région de Dakar arrive à satisfaire 65 à 70% sa demande en poulet (Mbaye et Moustier, 2000). Selon le rapport 2009 du Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Dakar (SRSD-Dakar, 2009), en 2008 la production horticole (toutes espèces confondues) s’élevait à 47 950 tonnes et celle de la viande de volaille à 16 359 881 tonnes, soit 80% de la production totale du pays. Il y a donc entre 2000 et 2008 un foisonnement d’élevage de volaille dans cette région.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DE LA REGION DE DAKAR
Chapitre 1 : Caractéristiques physiques de la région de Dakar
Chapitre 2 : Caractéristiques humaines de la région de Dakar
Chapitre 3 : Atouts et contraintes de la pratique de l’agriculture à Pikine et Rufisque
DEUXIEME PARTIE : VALORISATION DES PRODUITS RESIDUAIRES ORGANIQUES (PRO) PAR L’AGRICULTURE DANS LA REGION DE DAKAR
Chapitre 1 : Identification et localisation des unités de production (UP) de produits résiduaires organiques (PRO)
Chapitre 2 : Typologie et quantification des produits résiduaires organiques (PRO)
TROISIEME PARTIE : FLUX ET TYPES D’UTILISATIONS DES PRODUITS RESIDUAIRES ORGANIQUES (PRO) DANS LA REGION DE DAKAR
Chapitre 1 : Flux et types d’utilisations des produits résiduaires organiques (PRO) issus des eaux usées et des ordures
Chapitre 2 : Flux et types d’utilisations des produits résiduaires organiques (PRO) issus des élevages
Chapitre 3 : Flux et types d’utilisations des produits résiduaires organiques (PRO) issus des unités de production agro-alimentaire
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE