La carte mentale

Les sites de la recherche

Le site de l’Ogooué-Ivindo

La recherche s’est effectuée sur deux sites : dans la province de l’Ogooué-Ivindo (en zone rurale) et dans la province de l’Estuaire (Libreville, en zone urbaine). Le site situé en zone rurale regroupe les villages Imbong, Mbéza, Ibéa et Malondo qui sont plus ou moins éloignés de Mékambo, la préfecture du département de la Zadié. Les autres départements de l’Ogooué-Ivindo sont : le département de l’Ivindo, de la Lopé et de la Mvoung (Meyo-Bibang & Nzamba, 1994). Imbong, Malondo et Ibéa sont des villages situés sur l’axe Mékambo-Mazingo. Quant au village Mbéza, il se trouve sur l’axe Mékambo-Ekata (voir annexe 6).

Quand on quitte Libreville pour se rendre dans les villes ou villages situés à l’intérieur du « Gabon profond »22, on se rend vite compte du contraste qui existe entre Libreville (la capitale du Gabon) et le reste du pays. Les déplacements font prendre conscience de la véritable problématique de la route. La région de Mékambo est relativement isolée, elle est à 752 kilomètres. Ce trajet n’est goudronné que sur la première moitié du parcours, l’autre moitié est plutôt un chemin caractérisé par un mauvais état et le passage incessant des grumiers; ce qui le rend dangereux et difficilement accessible. Ainsi, par voie terrestre, il faut entre quinze et vingt heures pour atteindre Makokou en partant de Libreville et environ quatre heures pour se rendre à Mékambo (175 kilomètres) en partant de Makokou (la capitale de la province de l’Ogooué-Ivindo).

Le premier site visité est Imbong, village natal de la personne ressource qui a servi de guide pendant la collecte des données. Ce village a été le point de base dans la mesure où on a fait la navette entre Imbong et les autres villages. Le village Imbong est situé à sept kilomètres de Mékambo sur le canton nord Djoua. C’est une agglomération longue d’un kilomètre et demi. Ce village est peuplé de 173 Bakoya de tous sexes et âges confondus. Le village est peuplé de trois groupes ethniques (Bakoya, Mouéssa, Bakwelé) et un petit nombre de Bakota. Précisons que les Mouéssas, les Bakwelé et les Bakota appartiennent au groupe bantou. Le village est administré par un chef de regroupement et deux chefs de village. Ici on parle de regroupement d’Imbong. Le regroupement d’Imbong c’est comme le grand village d’Imbong qui est divisé en trois petits villages : Imbong, Mintombei et Mangombe. Les trois chefs que dispose le village ont été choisis selon les ethnies du village. Le village n’a pas d’infrastructures sociales (dispensaire, marché, commerces) cependant, il compte une école privée catholique.

Le deuxième village de la recherche est Ibéa. Situé à 12 kilomètres sur le canton Djouah au nord de Mékambo, Ibéa est peuplé des groupes ethniques suivants : Bakota, Boungomou, Bakoya. Les Bakoya représentent 258 personnes. C’est un long village d’environ un kilomètre et demi et compte une école primaire protestante. On peut relever un intérêt des missionnaires catholiques et protestants pour la scolarisation des enfants pygmées à travers la construction des écoles dans le village Imbong et Ibéa. Rappelons que la présence des missionnaires en terre africaine demeure l’évangélisation c’est-à-dire propager le christianisme à travers la conversion des personnes qui font acte de foi en Jésus-Christ, fils de Dieu et sauveur du monde. Dans cette mission d’évangélisation l’école se présente comme un moyen par excellence. Ndongmo (2006) observe que tous les historiens de l’Afrique reconnaissent aux missionnaires leur immense oeuvre éducative. « Partout où les organisations religieuses arrivent, dès les premières années, elles fondent des écoles » (p. 33). L’engouement des missionnaires pour les écoles résident dans le fait qu’elle permet de travailler sur les structures mentales, ce qui va dans le même sens que le travail d’évangélisation. Dans ces écoles, la religion fait partie des apprentissages à travers la récitation du catéchisme.

Le troisième village est Malondo, situé entre la piste d’atterrissage de l’aéroport et le quartier Coco, à deux kilomètres de Mékambo. Il est peuplé exclusivement des Bakoya. Les populations de ce village sont originaires de Mbéza et ont préféré émigrer pour se retrouver un peu plus proche de la grande ville Mékambo. D’après le recensement effectué par le Mouvement des minorités autochtones, indigènes et pygmées du Gabon (MYNAPIGA), mouvement que dirige la personne ressource qui a servi de guide durant la période de collecte de données, la population était de 108 habitants en 2011. Il n’y a pas de dispensaire, de commerce, d’école. Les enfants vont à l’école à Mékambo et parcourent ainsi deux kilomètres à pieds chaque jour. Le dernier village est Mbéza, situé à 14 kilomètres de Mékambo. Le village est peuplé de trois groupes ethniques : Mahongoué, Boungom (ethnies bantoues) et Bakoya. En ce qui concerne les Bakoya, ils représentent juste trois familles qui n’ont pas voulu émigrer vers le village Malondo entre la piste aéroportuaire et le quartier Coco. Le village compte une école primaire.

Soulignons que ces villages ont tous la même configuration : les maisons sont alignées en bordure des routes. Il y a différents types de maisons et on peut observer que les plus petites appartiennent aux Bakoya. Elles sont construites en terre battue recouvertes de feuilles, contrairement à celles des Bantous qui sont des grandes maisons construites en terre ou en planches, recouvertes de tôle. Derrière les maisons, on a un certain nombre de pistes qui mènent aux plantations et en forêt. Ces villages n’ont pas l’électricité ni l’eau courante.

Comme il a été mentionné plus haut, contrairement au village Malondo, dans les autres villages visités, les Bakoya cohabitent avec d’autres ethnies bantoues. On a voulu ainsi connaître les types de relations que les Bakoya entretiennent avec les populations bantoues dans les différents villages visités. Le guide note que les relations entre la communauté bakoya et les groupes ethniques bantous diffèrent d’une ethnie bantoue à une autre. Les Bakoya entretiennent des relations plus ou moins humaines avec les Mouéssas (groupe ethnique bantou) au village Imbong. La longue cohabitation a fini par favoriser les liens étroits ayant conduits aux mariages entre certaines femmes bakoya et certains hommes mouéssas. Le guide déplore le fait que les mariages mixtes soient toujours à l’avantage du mari bantou qui finit, après avoir eu beaucoup d’enfants avec sa femme koya23 Contrairement aux Mouéssas, les Bougoms considèrent les Bakoya, et ce, jusqu’à ce jour comme leurs esclaves, leurs propriétés et ils le proclament à haute voix. Le guide raconte que lorsque les missionnaires sont arrivés pour évangéliser les populations bakoya, les Bougoms ont refusé en disant : « ce sont mes Pygmées, il ne faut pas les entraîner dans vos églises pour les évangéliser ». Soulignons que sur le plan linguistique, les Bougoms et les Bakoya parlent le koya qui est un dialecte du ngom, langue parlée par les Bougoms (Soengas Lòpez, 2010).

Les Mahongoués, malgré leur mépris vis-à-vis des Bakoya arrivent quand même à collaborer avec ces derniers. Les Bakota, quant à eux sont, plus humains aux dires du guide pour la simple raison que certains Bakoya ont été bénéficiaires de cet esprit d’humanisme de la part des Bakota qui les ont aidés à faire des études en leur payant pour certains des frais de scolarité, pour d’autres des fournitures scolaires. On a remarqué que pour communiquer avec leurs voisins, les Bakoya parlent les langues bantoues comme le mwesa, le kwele, le kota et le mahongoué.

Le site de l’Estuaire

Dans l’Estuaire, la recherche s’est principalement déroulée à Libreville, la capitale gabonaise, principalement dans les trois quartiers des Akébés: Akébé potaux, Akébé plaine et Akébé frontière. Les Akébés constituent le deuxième grand secteur de Libreville en termes de populations avec ses 40.000 habitants. C’est un quartier multiethnique où se côtoient les nationaux (bakota, batéké, obamba, punu, vili, fang, bakoya, etc.) et les étrangers (sénégalais, maliens, burkinabés, mauritaniens, libanais, etc.). Dans cette population, le groupe ethnique bakoya représente à peine une quinzaine de personnes. Les Akébés sont multireligieux (catholiques, protestants, musulmans, chrétiens éveillés). Il y a un marché central (marché d’Akébé) et plusieurs boutiques alimentaires détenues par les Mauritaniens, les Libanais, les Chinois et les Ouest africains (Sénégalais, Malien, etc.). Les Akébés sont entourés de plusieurs snacks bars. Il y a au moins six écoles primaires publiques et privées (qui vont de la maternelle au CM2) et à l’intérieur de ces écoles privées, il y a un jardin d’enfants qui accueille les enfants de 0 à 5 ans. Il y a plusieurs écoles secondaires parmi lesquelles : le CES24 d’Akébé, le Collège évangélique d’Akébé qui est une école secondaire protestante, le Collège des rois mages qui est une école secondaire catholique.

Au sujet du type de relation que les Bakoya entretiennent avec les autres habitants des Akébés, le guide souligne que la plupart des Bakoya venus à Libreville ont été amenés par les Bantous. Une fois à Libreville, les Bantous ont révélé leurs vraies intentions : celle d’en faire des esclaves contemporains. Par exemple, plusieurs filles bakoya ont déserté le foyer de la personne qui les avait amenées à Libreville pour aller se cacher soit chez un ressortissant du même village ou chez un petit copain. Le guide déclare que les Pygmées en général sont encore victimes de stigmatisation. Ils sont considérés comme des sorciers par les Bantous. Aussi, pour éviter la stigmatisation, la plupart des Bakoya des Akébés se fondent dans la masse en parlant le téké qui est la langue parlée par les Batéké (groupe ethnique bantou). Le guide affirme que les Bakoya n’ont aucun problème avec les autres habitants ressortissants des pays étrangers qui les considèrent comme des Gabonais à part entière.

Les instruments privilégiés pour la collecte des données

En cohérence avec les éléments conceptuels concernant les RS, à l’effet que le langage est le lieu et le support privilégiée d’élaboration et d’expression des représentations, le lieu où le sujet peut se situer par rapport à lui-même, par rapport à son expérience, par rapport à l’autre et au monde, on a jugé pertinent de recourir à l’entrevue semi-dirigée. Toutefois, avant la réalisation des entrevues, on a utilisé la technique de la carte mentale.

La carte mentale

La carte mentale, ou encore appelée l’association des mots est une technique de collecte de données couramment employée quand il est question des études sur les RS (Abric, 1994a; De Rosa, 2003). De Rosa (2003) note que « […], le réseau d’associations ne soulève pas, chez les sujets, le sentiment que l’on est en train d’enquêter sur leur compétence à propos du problème en question […] » (p. 82). La carte mentale renvoie à plusieurs expressions : « mental map » (Gould & White, 1984; Tuan, 1977), « dessin » (Fournand, 2003), « maps in mind » (Downs & Stea, 1977). La perspective théorique qui est à la base de la carte mentale considère qu’il faut prendre en considération les rapports de l’individu à son environnement car on stipule que tous les comportements sont fonction du contexte. Cet espace est ainsi défini comme le fondement des relations de la personne avec son milieu (Fischer, 1997). C’est dans le domaine de la géographie que les études ayant recours à cet outil de recherche sont abondantes (André, Bailly, Ferras, Guerin & Gumuchian, 1989; Audas, 2010; Didelon, 2010). Dans le cadre de ces recherches, les participants sont invités à dessiner sur une feuille la vision qu’ils se font par exemple de leur environnement, de leur espace, de leur ville ou de leur quartier.

Ainsi, la carte mentale permet une analyse de l’espace sous forme de dessin qui exprime l’espace imaginé et représenté par l’individu. Le sujet est considéré comme un être-là, un être avec le monde et dans le monde. Il n’est plus une identité isolée. C’est un être incarné dans un milieu. C’est dans ce sens que Fischer (1997) affirme que :
Dans chaque système d’organisation spatiale il y a un sens des lieux, un sentiment de la région qui est une des valeurs les plus profondément ressenties. L’idée du chez soi, du foyer, de la maison, mais aussi celle de la petite communauté, du groupe social sont matérialisés par toute une série de symboles qui donnent à l’espace une partie de sa lisibilité. (p. 15)

Le choix de la carte mentale comme outil de collecte de données pour la présente recherche réside dans le fait que tout comme l’espace, la vision qu’un sujet se fait d’un objet (comme par exemple l’école) est le résultat du bagage culturel qu’il a reçu et dans lequel il baigne depuis son enfance. C’est ce bagage culturel qui définit le cadre de référence, les valeurs qui sont véhiculées dans le milieu social et transmises par l’éducation. Le sens que le sujet donne à un objet est le fruit d’interactions cognitives et affectives. La carte mentale tient compte du rapport établi entre le sujet et son environnement et, en ce sens elle semble pertinente pour cette recherche dont l’objectif est de dégager la façon que les parents bakoya se représentent l’école. Cette vision de l’école est certainement marquée par les sentiments, les idées qui circulent dans leur environnement et l’utilisation de la carte mentale permet d’avoir une vue d’ensemble des mots, images, phrases, expressions, adjectifs se rapportant à l’école en partant de ce que les parents bakoya savent déjà ou croient savoir sur l’école. L’analyse des éléments issus de la carte mentale a constitué la base pour l’élaboration du canevas d’entrevue qu’on a utilisé lors de l’entretien semi-dirigé individuel.

L’entretien semi-dirigé individuel

L’entretien permet aux participants de dire ce qu’ils pensent d’un phénomène, d’exprimer leur expérience et leurs convictions, leurs points de vue et leurs définitions des situations vécues (Demazière & Dubar, 2004, p. 7). Son rôle est de mettre à jour la subjectivité du participant. Pour Moliner, Rateau et Cohen-Scali (2002), L’entretien est une technique souvent utilisée pour collecter les discours exprimant les opinions, les croyances, les idées et les attitudes concernant divers objets sociaux. Il permet l’accès in vivo des représentations de la population au moment de l’étude par la collecte d’informations personnalisées (p. 55).

Dans le présent travail, on a opté pour l’entretien semi-dirigé car cet outil de collecte de données a permis non seulement d’orienter les discussions vers les thèmes qui ont émergé de la carte mentale, mais également de laisser la latitude nécessaire aux participants d’apporter des nuances, des explications à leurs dires si le besoin se faisait ressentir. On a privilégié l’entretien individuel car il semblait le meilleur moyen pour saisir le sens que revêt l’école pour chaque participant et pour éviter que ce dernier ne soit influencé ou ne se sente mal à l’aise face à la présence des autres participants s’il avait été question d’un entretien de groupe.

Les entretiens se sont déroulés pendant les mois d’août et septembre 2012. Ils ont été menés au domicile des participants et ont été enregistrés sur bande audio avec évidemment, le consentement du participant. Ces enregistrements ont permis de transcrire fidèlement les discours des participants. L’entretien a duré entre 45 minutes et 1 heure. Soulignons toutefois que, même si l’utilisation de l’entrevue semi-dirigée se présente, certes, comme un moyen judicieux dans la saisie des RS, il est nécessaire aussi de prendre en considération certains paramètres à savoir : la situation sociale et l’environnement, le contrat de communication et les modes d’interventions (Gotman & Blanchet, 2005).

La situation sociale et l’environnement

Blanchet et Gotman rappellent que l’entretien est d’abord un rapport social, une situation qui met en relation l’interviewer et l’interviewé. Par conséquent, les différentes caractéristiques économiques, sociales, culturelles, professionnelles, l’âge, le sexe des interlocuteurs même si ce sont des caractéristiques « externes à l’entretien » conditionnent la communication. Pour ces auteurs, l’environnement social peut influencer le contenu et le style du discours.
Avant de commencer cette étude, on ne connaissait pas grande chose des Pygmées en général, à part cette idée qui circule dans les communautés bantoues que les Pygmées sont des personnes de petites tailles, qu’ils ne sont pas vaillants et pas du tout intelligents. Cette idée renforce celle qui dit que les relations entre Bantous et Pygmées sont traversées de préjugés. Il est arrivé aussi de surprendre un Bantou traité un autre Bantou de Pygmée pour lui signifier qu’il n’était pas civilisé ou bien qu’il manquait de savoir vivre et qu’il se comportait comme un homme de la forêt c’est-à-dire sans éducation. On a été conscient que cette relation peut être sujette à des tensions et en étant Bantou, on s’est posé certaines questions : comment les Bakoya allaient percevoir la présence d’une étudiante bantoue parmi eux et dans leur domicile? Est-ce qu’ils allaient l’accepter ou pas? Est-ce qu’ils n’allaient pas la catégoriser comme ces chercheurs dont avait fait mention le guide, des chercheurs que ce dernier jugeait ingrats au point de ne pas les citer comme contributeurs à leurs projets de travail.

Au regard de ce questionnement, il a fallu instaurer un climat de confiance. Le fait de se présenter avec un représentant de la communauté bakoya, un membre actif de l’association MYNAPIGA qui milite pour la défense et la protection des droits des Bakoya, qui est au courant de leur condition de vie et leurs difficultés, a constitué un atout majeur. On pense que les parents qui ont accepté de participer à cette étude se sont certainement dits que si la chercheure avait la confiance de leur représentant, il n’y avait pas de raison qu’ils ne puissent pas le faire à leur tour. En outre, suivant les recommandations du guide, lors des entretiens avec les parents, on est arrivé avec quelques présents : paquets de sucre, de sel, savons, huile pour cuisine, pétrole, lampes tempêtes, bougies, allumettes, biscuits, bonbons, sacs de riz, sardines fumées, sardines en boîte, whisky, régab (la bière locale), etc. Cela a contribué à renforcer ce climat de confiance. Les rencontres étaient amicales, chaleureuses, remplies de blagues de la part des participants. Ils se sentaient à l’aise. Du côté du chercheur, ce doute qui l’a habité avant le début de la collecte de données avait disparue. L’instauration de ce climat de confiance l’avait également rassurée. Une fois le climat de confiance installé, on devait établir un contrat de communication et bien spécifier dans ce contrat, outre les objectifs de recherche, le choix des participants et préciser qu’on était là tout simplement pour comprendre leur manière de faire, de penser et d’être à l’égard de l’école.

Le contrat de communication

Pour ce qui est du contrat de communication, il est primordial de bien informer les participants sur la question de recherche, les objectifs visés, leur expliquer clairement pourquoi ils sont sollicités et de quelle manière seront menés les entretiens. Pour ce faire lors du premier contact (questionnaire d’identification et l’élaboration de la carte mentale sur l’école) avec les Pygmées bakoya, on s’est présenté en ces termes :

Je m’appelle Nadège Bikie Bi Nguema. Je suis étudiante au doctorat à l’Université du Québec à Chicoutimi au Canada et je m’intéresse à ce que vous pensez de l’école. Je veux connaître ce que vous, parents, vous pouvez m’apporter car il n’y a personne qui pourra mieux m’expliquer que vous autres la situation que vous vivez avec vos enfants et avec l’école. L’avantage que représente ce travail est qu’il permettra de mieux connaître votre point de vue sur l’école, vos besoins, vos attentes à l’égard de l’école. Cette étude sera utile pour les enseignants qui ne savent pas comment se comporter avec vous et avec vos enfants car ils ignorent votre réalité. En outre, les résultats de mon travail pourraient renseigner l’État dans l’élaboration des politiques éducatives qui prennent en compte vos besoins face à l’école. Dans un premier temps, vous allez me dire de façon spontanée cinq mots qui vous viennent à l’esprit quand je vous dis « École ». Ensuite, il y aura un entretien individuel qui va vous permettre de mieux expliquer votre point de vue sur les questions que je vais poser au sujet de l’école. Il faut que vous sachiez que je ne suis pas là pour juger si ce que vous me dites sur l’école est vrai ou faux. L’important est de connaître votre point de vue sur les questions qu’on va aborder avec vous. Les rencontres vont se dérouler chez vous, selon votre disponibilité, votre horaire. Elles vont durer entre 45 minutes à 1 heure et seront enregistrées sur cassette sonore pour que je puisse vous réécouter une fois la rencontre terminée. Sachez aussi que votre nom ne sera pas mentionné et que la personne qui sert de guide assistera aux différentes étapes de cette recherche, si vous le souhaitez. Sachez qu’il ne vient pas pour vous juger non plus.

Les modes d’interventions

L’entretien semi-dirigé implique une dynamique interactive. L’interviewer est amené à faire des interventions soit pour donner des consignes, soit pour faire des commentaires. Blanchet (1987) distingue ainsi les interventions-consignes et les interventions-commentaires. Comme son nom l’indique, les interventions-consignes visent à apporter des éléments d’informations au contrat de communication. Mais pour assurer la pertinence du discours, l’interviewer ne doit pas multiplier les interventions-consignes au risque de rompre le rythme des interventions de l’interviewé (Gotman & Blanchet, 2005). Les interventions-commentaires quant à elles servent à donner des explications, faire des remarques, des observations au sujet des propos de l’interviewé. Elles visent à relancer le discours de l’interviewé de manière à l’amener à préciser sa pensée. C’est ce type d’intervention qui a surtout dominé l’entretien semi-dirigé individuel car la plupart des participants s’exprimaient dans un français local. On devait alors préciser la question en utilisant le français local. On devait les amener à préciser leur pensée parfois en leur demandant de donner des exemples. Parfois, on reprenait leurs derniers commentaires sur une question afin d’approfondir de leur propos. Cela avait pour effet de susciter chez le participant de nouvelles explications sur le sujet abordé.

Le journal de bord

En complément aux deux principaux outils de collecte de données à savoir la carte mentale et l’entretien individuel semi-dirigé, on a tenu un journal de bord qui a pour fonction de « garder le chercheur réflexif pendant la recherche, celle de lui fournir un espace pour exprimer ses interrogations, ses prises de conscience, et celle de consigner les informations qu’il juge pertinentes » (Savoie-Zajc, 2000, p. 196). Dans la présente étude, le journal a permis d’apporter des descriptions riches du contexte d’étude par exemple la description des sites de recherche, mais également des renseignements sur les moeurs, les coutumes, les traditions des Bakoya. Ce journal de bord a aussi permis de mieux comprendre la relation que les Bakoya entretiennent avec les groupes ethniques bantous. On a également noté des enjeux émotionnels, des perceptions subjectives, suscités pendant le déroulement de la collecte des informations sur les lieux, les participants et les évènements particuliers.

Ce journal contient la planification du déroulement de la collecte de données, mais également des aspects théoriques tels que les analyses qui se dégageaient de la carte mentale et de l’entretien ou les grandes lignes directrices des thèmes abordés lors de l’entretien semi-dirigé. Ce journal de bord se détaille de la façon suivante : 1/ description des situations significatives; 2/ analyse des situations une à une; 3/ synthèse de l’ensemble des situations afin de dégager et de mieux comprendre les similitudes et différences dans les RS que les parents bakoya ont à l’égard de l’école; 4/ analyse et interprétation des données recueillies en faisant le lien avec certains auteurs qui ont travaillé sur les Pygmées, ou encore sur les différentes thématiques abordées lors de l’entretien semi-dirigé.

Procédures d’analyse

Il s’agit de voir comment les données recueillies sont analysées. Rappelons que l’analyse consiste à trouver un sens aux données recueillies et à montrer comment celles-ci répondent à la question de recherche Selon Savoie-Zajc (2004), l’étape d’analyse des données qualitatives constitue une période de la recherche où on s’interroge sur le sens contenu dans les données. Lorsqu’on arrive à cette étape, plusieurs orientations méthodologiques peuvent être envisagées notamment l’analyse de contenu, l’analyse thématique et l’analyse de discours quand il s’agit d’aborder la parole des participants. Le social prend forme dans le langage. Les RS sont portées par des mots et véhiculées dans les messages (Anadón, 1999). Selon Négura (2006), la théorie des RS est étroitement liée à l’analyse de contenu. Moscovici (1961) a eu recours à cet outil d’analyse pour étudier la RS de la psychanalyse. En effet, l’analyse de contenu est Un ensemble de techniques d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des énoncés, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces énoncés (Bardin, 1983, p. 43).

De cette définition de Bardin, il ressort que l’objet de l’analyse de contenu est la communication qui se trouve d’ailleurs être le processus de formation des RS aux dires de Moscovici (1961). Donc, l’analyse de contenu est un outil qui doit prendre en compte la dynamique des RS. L’entretien se fait dans un cadre dialogique. Dans ce contexte d’interaction, « le discours des enquêtés s’est créé dans la communication avec l’enquêteur » (Négura, 2006, p. 3). L’entretien semble être un outil pertinent pour saisir la dynamique des RS. Dans la présente thèse, l’analyse des données recueillies suit une logique inductive qui permet de partir des données brutes pour en construire le sens. Pour analyser le verbatim recueilli, on opte pour l’analyse de contenu thématique telle que définie par Paillé et Mucchielli (2012) c’est-à-dire une analyse qui consiste à un travail de réduction ou de synthèse du corpus qui peut être très vaste. Aux dires de ces auteurs, l’analyse thématique « est d’abord et avant tout une méthode servant au relevé et à la synthèse des thèmes présents dans le corpus » (p. 249). La synthèse permet de réduire le corpus en exprimant tout simplement l’essentiel et l’importance de ce qui ressort du verbatim recueilli.

Ce travail de réduction ou de synthèse peut se faire par catégorisation c’est-à-dire que, le chercheur doit être capable d’étiqueter le contenu sous un certain nombre de thèmes qui rendent bien compte de ce dont il est question dans les propos du corpus analysé. Ainsi, l’analyse a deux fonctions : une fonction de repérage qui consiste à localiser l’ensemble des thèmes contenus dans le verbatim recueilli et une fonction de documentation qui va au-delà du simple repérage des thèmes puisqu’elle permet de faire des parallèles, de mettre à jour les oppositions et les divergences entre les thèmes.

Dans le cadre de cette thèse, on a recourt à cette forme d’analyse car d’une part, elle permet d’échapper à l’analyse statistique des données qui caractérise l’analyse de contenu classique faisant du langage un simple instrument dénotatif et d’autre part, parce que l’analyse de contenu thématique permet une analyse approfondie du contenu (Beauregard, 2006). La procédure d’analyse a deux volets. Le premier volet concerne l’analyse de la carte mentale et le deuxième volet est celle de l’analyse de l’entretien semi-dirigé individuel.

Au sujet de la carte mentale, tous les participants ont effectué individuellement des associations libres avec le mot inducteur « École ». La consigne était : « lorsque je vous dis le mot école, quels sont les cinq premiers mots, adjectifs, images, phrases, expressions, etc., qui vous viennent en tête présentement » (voir annexe 7). Dans le journal de bord, on a répertorié tous les mots énoncés par chaque participant. On a obtenu au total 60 mots qui se rapportent à l’école. Une fois ce travail effectué, on a procédé au repérage des thèmes qui se dégageait du verbatim de la carte mentale. Selon Paillé et Mucchielli (2012), « le thème est un ensemble de mots permettant de cerner ce qui est abordé dans l’extrait du corpus correspondant, tout en fournissant des indications sur la teneur des propos » (p. 242). On a identifié six thèmes autour desquels s’est organisée la carte mentale sur l’école : le bien-être social, les difficultés et les faveurs liées à l’école, les apprentissages scolaires, le personnel enseignant et non enseignant, le rôle du parent, l’appréciation de l’école et le rôle de l’élève. Après avoir identifié les thèmes principaux de la carte mentale, on a classé dans ces thèmes chaque propos des parents tel qu’il ressortait de la carte mentale (voir annexe 11, annexe 12, annexe 13, annexe 14, annexe 15 et annexe 16). Après avoir élaboré la carte mentale et classé les mots sur l’école, on a construit le canevas de l’entretien semi-dirigé individuel (voir annexe 9). Ce tableau d’élaboration a nécessité la mise au point des informations recherchées en lien avec les thèmes de l’entretien semi-dirigé individuel (voir annexe 8).

PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

Dans le chapitre portant sur la problématique, on a établi que l’objectif de cette thèse est de dégager les représentations sociales que les parents bakoya du Gabon ont de l’école. Cet objectif principal oriente toute la démarche de la description, de l’analyse et de l’interprétation des données recueillies auprès des parents bakoya. Dans le chapitre 3, on a présenté les pistes méthodologiques de l’étude qui est essentiellement qualitative. La carte mentale sur l’école et l’entretien semi-dirigé individuel ont été les deux principaux outils de collecte de données pour répondre à l’objectif de recherche. Ces deux outils ont permis d’avoir des données provenant de différentes sources et de pouvoir réaliser une analyse plus intégrée et plus globale de ce que les parents pensent et disent sur l’école, le sens qu’ils lui accordent, les enjeux qu’ils y attachent et les critiques à son égard.

Le présent chapitre présente l’analyse des données issues de l’entretien semi-dirigé individuel combinées à celles de la carte mentale. Comme on l’a mentionné au chapitre 3 consacré à la méthodologie, la présentation des données issues de la carte mentale et de l’entretien semi-dirigé individuel se fera suivant un premier mouvement essentiellement descriptif. Ici, on adopte une posture restitutive (Demazière & Dubar, 2004) dans laquelle le discours des parents bakoya sur l’école est exposé tel qu’il ressorte des deux outils de collectes de données, sans rien omettre et sans rien ajouter. L’attention du chercheur est portée sur le langage de l’interviewé. Rappelons qu’on est parti des thèmes de la carte mentale sur l’école pour élaborer le canevas d’entretien semi-dirigé qui a permis de donner la parole aux parents en leur permettant d’aborder en profondeur les thèmes donnés. Dans la carte mentale, les discours des parents bakoya semblent homogènes. Toutefois, quand ils ont la possibilité d’aller plus en profondeur lors de l’entretien, on voit clairement apparaitre des nuances, bien qu’il n’y ait pas de contradiction avec la carte mentale. Dans l’entretien, les parents explicitent ce qu’ils ont dit dans la carte mentale. Notons que l’entretien semi-dirigé individuel a permis d’identifier quatre thèmes (ou catégories). Chaque thème comprend trois à quatre sous-thèmes (ou sous catégories). Présentons chacun de ces thèmes et sous-thèmes.

La vision générale de l’école et de sa fonction éducationnelle

Ce point traite d’abord du regard des parents bakoya sur l’école de leur enfance, c’est-à-dire des souvenirs qu’ils ont gardés de l’école de leur enfance. Il traite ensuite du regard que ces mêmes parents portent sur l’école que fréquentent leurs enfants à travers les conceptions qu’ils se font de l’apprentissage et des agents scolaires.

Des souvenirs qui marquent : de l’école idyllique à l’école mitigée

Au sujet des souvenirs d’enfance de l’école, la carte mentale a révélé que seulement huit parents sur onze en ont parlé en termes de difficultés et de bons souvenirs liés à l’école (C-P1, C-P3, C-P4, C-P5, C-P6, C-P8, C-P10, C-P1125). Lors de l’entretien, on a pu toutefois observer que tous les parents interrogés ont des souvenirs de l’école de leur enfance. On constate deux positions contradictoires lorsque les parents en parlent. Il y a d’abord une position qui porte un regard qui idéalise l’école (E-P2, E-P7 et E-P926). Cette position est celle des parents non instruits. Sans avoir eu une expérience directe avec l’école, ces derniers sont en amour avec celle-ci. L’image que ces parents ont de l’école est celle que leur renvoient les enfants de leur âge qui y sont allés. Sans jamais y avoir mis les pieds, ces parents aiment celle-ci à travers le comportement des enfants scolarisés. Quelques témoignages des parents illustrent parfaitement cette image idyllique de l’école :

Regard sur l’association des parents d’élèves : entre méfiance et nécessité

Pour ce qui est du point de vue des participants sur l’association des parents d’élèves, on note qu’il y a une majorité (E-P2, E-P3, E-P6, E-P7, E-P8, E-P9, E-P10) qui se montre méfiants à l’égard de celle-ci. L’association des parents d’élèves est un regroupement de parents qui participent au fonctionnement de l’école en défendant les intérêts moraux et matériels de tous les parents d’élèves. Mais les participants à cette étude se font une conception négative de cette association :

Je pense que l’association est un endroit où les plus instruits et les plus nantis de la société viennent jouer les m’as-tu vu, c’est comme si les parents attendaient cette réunion pour venir montrer aux autres que moi c’est tel et je travaille à tel endroit, j’ai appris dans tel collège ou université// j’ai voyagé à tel endroit (E-P2).

L’association des parents d’élèves c’est vraiment du n’importe quoi, c’est une perte de temps pour moi (E-P9).

C’est du grand n’importe quoi, les parents se retrouvent là pour parler d’argent et de cotisation comme si on est dans une tontine du village ou du quartier (E-P6).

L’association c’est de l’arnaque et l’autre jour mon enfant m’a dit que demain il doit apporter 100 francs CFA pour acheter le balai pour la classe, donc je paye les frais de scolarité ainsi que les fournitures et je dois aussi payer le balai pour la classe et que fait l’association des parents d’élèves et où va l’argent qu’on cotise, je ne sais même pas ce que l’on fait avec cet argent, est-ce que cet argent ne peut pas servir à acheter le balai et à entretenir les salles de classe (E-P7).

Ces parents critiquent l’association des parents qui, à leur avis, a failli à sa mission qui est celle de défendre les intérêts de ses membres en se penchant sur leurs conditions de vie et les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Ils reprochent également à leur association de ne pas s’intéresser à des questions importantes comme celle de la gratuité scolaire prônée par le gouvernement qui n’est pas appliquée par les établissements scolaires. Par contre, il y a une minorité des parents qui soutiennent la nécessité de l’association des parents (E-P1, E-P4, E-P5, E-P11). Pour ces parents, les réunions des parents d’élèves sont des occasions d’échange où ils peuvent rencontrer l’enseignant de leurs enfants et discuter avec lui des difficultés rencontrées par leurs enfants sur le plan scolaire :

Pour moi aller aux réunions des parents d’élèves est une bonne chose, si tu ne pars pas tu ne vas pas savoir ce que l’école ou le maître veut et c’est bien d’aller écouter ce que le maître dit pour savoir si l’enfant travaille bien à l’école, voir avec le maître si l’enfant se comporte bien en classe et s’il n’est pas perturbateur (E-P11).

L’association des parents d’élèves est une bonne chose car ça permet de rencontrer d’autres parents, de pouvoir discuter ensemble de l’école de nos enfants et c’est aussi l’occasion de faire des suggestions aux autres parents pour que l’école des enfants aillent mieux, c’est une bonne chose parce qu’on se retrouve entre parents pour voir ce qu’on peut faire pour l’école des enfants (E-P4).

Moi je trouve que l’association est importante parce qu’elle représente la voix de tous les parents d’école, donc quand il y a un problème avec l’école et que l’association s’en mêle et la direction de l’école est obligée de nous écouter or quand tu as un problème et que tu vas rencontrer tout seul la direction parfois on ne te prend pas au sérieux, or quand c’est un problème soumis par l’association la direction de l’école se sent comme obligée et je peux dire que l’association est une force (E-P5).

Tu sais avant à l’école de mon enfant il n’y avait pas l’histoire des cours de vacances ou des semaines de rattrapage avant le concours d’entrée en sixième ou du CEP27, c’est l’association qui a émis cette idée et il y a aussi les cours de répétition pour les élèves qui ont des difficultés, l’association des parents d’élèves a négocié auprès de la direction de l’école du montant à payer pour les parents dont les enfants ont des difficultés d’ordre académique et ces cours ont lieu chaque samedi (E-P1).

L’association permet d’établir un dialogue entre les parents et la direction de l’école pour le bon fonctionnement de l’école et afin de garantir l’avenir des enfants. A travers l’existence de l’association des parents d’élèves, c’est la place des parents à l’école qui est reconnue.

Les motifs parentaux de fréquentation de l’école ou la « mise scolaire »

Cette partie de la recherche présente les raisons évoquées par les parents pour envoyer leurs enfants à l’école. On constate que la plupart le font parce qu’ils restent convaincus que l’école contribue à la réussite sociale, et que l’école est une « planche de salut » de l’enfant bakoya. D’autres font référence au fait qu’ils envoient leurs enfants à l’école pour la simple raison que c’est un moyen d’émancipation de la jeune fille bakoya. Enfin, parmi les raisons de la mise scolaire, il y a le fait que l’école permet d’obtenir un diplôme pour trouver un emploi plus tard. Regardons de façon détaillée ce que disent les parents.

L’école comme outil de réussite sociale

A l’unanimité pour les parents bakoya, l’école se présente comme l’unique vecteur de réussite sociale (E-P1, E-P2, E-P3, E-P4, E-P5, E-P6, E-P7, E-P8, E-P9, E-P10, E-P11). En d’autres mots, les parents soutiennent qu’il n’y a point de salut en dehors du circuit scolaire :

La personne qui a dit que qu’un enfant peut réussir sa vie sans avoir été à l’école a menti. Dans ce pays tout passe par l’école et quand tu as fait l’école tu es bien et il n’y a pas beaucoup de chemins à prendre pour réussir sa vie. Le seul chemin c’est l’école et je crois en l’école pour aider mon enfant à devenir quelqu’un (E-P2).

Mon enfant ne peut réussir qu’à l’école. Le reste là c’est zéro et ça ne vaut rien du tout, le reste là c’est seulement pour se débrouiller, faire des petits bricoles qui ne payent pas bien et n’apportent aucune considération à la personne. En dehors de l’école l’enfant va devenir comme nous autres qui n’avons pas fait l’école et donc pas de travail sûr. Et puis dans notre village il n’y a personne qui est bien placé en dehors du circuit scolaire (E-P10).

Moi je n’ai pas poussé loin dans les études et ma vie est dure. Je fais des petits boulots par ci et par là mais ce n’est pas facile et il n’y a aucune sécurité pour l’avenir. J’ai mes grands enfants qui ont abandonnés très tôt l’école. Leur vie est dure aussi et il y a un des enfants qui est coupeur de bois. Il transporte parfois de gros bois sur son épaule et sous le soleil et il le fait juste pour avoir un peu d’argent pour manger. Donc si on avait poussé un peu dans les études notre avenir à tous aurait été meilleur (E-P8).

C’est vrai qu’il y a des gens qui disent que l’école ne sert à rien. Tout simplement parce qu’il y a par exemple les gens qui ont créé l’agence de voyage à Libreville pour voyager à Mékambo. Ces gens n’ont pas poussé loin dans les études et pourtant ils gagnent parfaitement leur vie mais cet exemple il n’y en a pas de milliers comme ça dans notre pays. La plupart des gens qui ont réussi leur vie dans ce pays ont été à l’école et ils ont eu des diplômes pour ça, donc pour moi il n’y a que l’école et rien d’autre pour aider mon enfant à réussir dans la vie (E-P9).

Donc, les parents bakoya envoient leurs enfants à l’école pour que ces derniers puissent réussir leur vie. Aux dires de ces parents, ils constatent que dans la société gabonaise, l’école est l’unique moyen de réussite dans la vie. Ils évoquent des cas spectaculaires de réussite d’enfants bantous qui ont fréquenté l’école. Ces enfants bantous sont : ministre, médecin, capitaine d’armée, instituteurs, etc. Le participant 2, par exemple, pour montrer le rôle incontournable de l’école dans la réussite, cite en exemple le cas du fils de sa voisine bantoue qui a réussi en allant à l’école. Selon les propos de ce participant, l’exemple de cet enfant est très démonstratif puisque la voisine en question vivait dans la misère, elle se battait durement afin de faire vivre ses enfants et de les envoyer à l’école.

Avant ma voisine souffrait beaucoup en vendant les tomates et les atangas sous le soleil agnangoulé du Gabon (E-P2).

Sa persévérance a fini par porter des fruits car, une fois que l’un de ses enfants a obtenu son baccalauréat, il a, par la même occasion, obtenu une bourse d’études pour les États-Unis de la part du gouvernement gabonais. Depuis lors, ce participant remarque que la condition sociale de sa voisine bantoue a changé. Elle ne vend plus au marché et son enfant lui a construit une belle maison climatisée. Ce participant conclut en disant :

C’est à cause de l’école que l’État a envoyé son enfant faire des études aux États-Unis et c’est à cause de l’école que l’enfant a eu un travail, et c’est à cause de l’école qu’il a construit une belle maison à sa mère. L’école c’est une bonne chose (E-P2).

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Table des matières

REMERCIEMENTS 
ACRONYMES 
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES 
RÉSUMÉ
INTRODUCTION 
CHAPITRE 1 
LES FONDEMENTS DE LA PROBLÉMATIQUE
1.1 L’ÉDUCATION POUR TOUS : LEVIER DU DÉVELOPPEMENT
1.1.1 Qu’est-ce que l’éducation?
1.1.2 Qu’est-ce que le développement?
1.1.3 Le lien éducation et développement
1.2 LA QUESTION DE « L’ÉDUCATION POUR TOUS »
1.2.1 Situation générale de la question de l’éducation pour tous
1.2.2 La situation du Gabon en matière d’éducation pour tous
1.3 LA SITUATION DES BAKOYA DU GABON
1.3.1 Ce que nous savons du Gabon, de ses régions, de ses ethnies
1.3.2 Mode de vie des Bakoya
1.3.3 La conception de l’éducation chez les Bakoya
1.3.4 Le processus de sédentarisation
1.3.5 La question scolaire
1.4 VERS UNE NOUVELLE COMPRÉHENSION DU PHÉNOMÈNE
1.4.1 Les parents comme acteurs stratégiques
1.4.2 De l’implication parentale dans la scolarisation des enfants
1.4.3 Les représentations sociales comme angle d’étude
1.5 QUESTION, OBJECTIF DE LA RECHERCHE
1.6 PERTINENCE SOCIALE ET SCIENTIFIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 2 
CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE 
2.1 PERSPECTIVE D’ÉTUDE DE L’EXPÉRIENCE SCOLAIRE
2.1.1 Notre position théorique
2.2 PERSPECTIVE D’ÉTUDE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES
2.2.1 Fondements épistémologiques des représentations sociales
2.2.1.1 Des représentations collectives aux représentations sociales
2.2.1.2 Définitions des représentations sociales
2.2.1.3 La double nature des représentations sociales
2.2.2 Lien entre représentations sociales et pratiques sociales
2.2.3 Le concept d’implication parentale
CHAPITRE 3 
CHOIX MÉTHODOLOGIQUES 
3.1 APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES PRÉCONISÉES DANS LA SAISIE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES
3.1.1 Notre approche méthodologique : Une démarche qualitative
3.1.1.1 Les fondements de l’approche «dite» qualitative
3.2 LE DEVIS MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
3.2.1 La constitution de l’échantillon et profil des participants
3.2.1.1 L’échantillonnage
3.2.1.2 Le profil des participants
3.2.2 Les sites de la recherche
3.2.2.1 Le site de l’Ogooué-Ivindo
3.2.2.2 Le site de l’Estuaire
3.2.3 Les instruments privilégiés pour la collecte des données
3.2.3.1 La carte mentale
3.2.3.2 L’entretien semi-dirigé individuel
3.2.3.3 Le journal de bord .
3.2.4 Procédures d’analyse
CHAPITRE 4 
PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 LA VISION GÉNÉRALE DE L’ÉCOLE ET DE SA FONCTION ÉDUCATIONNELLE
4.1.1 Des souvenirs qui marquent : de l’école idyllique à l’école mitigée
4.1.3.1 Leur point de vue sur les enseignants : des enseignants distants aux enseignants démotivés
4.1.3.2 Regard sur l’association des parents d’élèves : entre méfiance et nécessité
4.2 LES MOTIFS PARENTAUX DE FRÉQUENTATION DE L’ÉCOLE OU LA « MISE SCOLAIRE »
4.2.1 L’école comme outil de réussite sociale
4.2.2 L’école comme « planche de salut » de l’enfant bakoya
4.2.2.1 L’école, un moyen de considération
4.2.2.2 L’école, un moyen de faire mieux que les parents
4.2.2.3 L’école, un moyen d’émancipation de la jeune fille bakoya
4.2.3 L’école comme outil d’obtention du diplôme
4.2.3.1 La nécessité du diplôme
4.2.3.2 Le diplôme oui, mais
4.3 LA VISION DE L’IMPLICATION PARENTALE ET SON RÔLE DANS LE CHEMINEMENT SCOLAIRE DE L’ENFANT
4.3.1 Une conception de l’implication parentale beaucoup influencée par le propre niveau d’instruction des parents
4.3.2 Un discours unanime sur l’importance de l’implication, mais à des degrés différents
4.3.3 Le bulletin scolaire et l’angoisse du jugement suprême
4.3.4 Un lien reconnu entre implication parentale et cheminement scolaire de l’enfant
4.4 UN REGARD SOCIOCRITIQUE SUR L’ÉCOLE
4.4.1 La critique de l’école payante : renforcement des inégalités sociales
4.4.2 La déstabilisation des valeurs morales par l’école
4.4.3 L’école assimilatrice
4.5 SYNTHÈSE DES DONNÉES ISSUES DU DISCOURS DES PARENTS BAKOYA SUR L’ÉCOLE
CHAPITRE 5 
INTERPRÉTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 
5.1 L’ÉCOLE : UN ESPACE POUR FORMER LE « GRAND TYPE »
5.1.1 Points d’enracinement de l’image du « grand type » comme symbole de la réussite sociale par l’école
5.1.2 L’image du grand type : un symbole socialement partagé
5.1.3 L’image du grand type : un symbole qui va au-delà des parents bakoya
5.2 UNE IMAGE STÉRÉOTYPÉE DE LA FILLE INSTRUITE
5.3 L’ÉCOLE ASSIMILATRICE OU LA REPRODUCTION DE LA DOMINATION BANTOUE SUR LES PYGMÉES
5.3.1 Un rapport de dominé à l’égard de l’école
5.3.2 La question identitaire : lieu d’ancrage de l’ambiguïté des RS de l’école des parents bakoya du Gabon
5.3.3 Quand les Bantous prennent la place du colonisateur
5.3.4 Petite incursion dans la sociologie des inégalités
5.3.5 Le droit à la différence : une réponse à l’endroit de l’école assimilatrice
5.4 L’ÉCOLE PAYANTE : UN OBSTACLE À L’ÉGALITÉ DES CHANCES
CONCLUSION
1. RETOUR SUR LE PROCESSUS D’ÉLABORATION DE LA THÈSE
2. RETOUR SUR LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ET RETOMBÉES PÉDAGOGIQUES, SOCIALES ET POLITIQUES
2.1 Des résultats significatifs pour une prise en compte du rôle de l’État dans l’intégration scolaire des Pygmées
2.2 La relation école-famille : une relation à construire pour une prise en compte du rôle de l’école dans l’intégration scolaire des Pygmées
3. LIMITES DE LA RECHERCHE ET PISTES DE RÉFLEXION POUR DES RECHERCHES FUTURES
ANNEXE 1
LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE DU GABON
ANNEXE 2
LOCALISATION DES GROUPES ETHNIQUES BANTOUS
ANNEXE 3
LOCALISATION DES GROUPES ETHNIQUES PYGMÉES
ANNEXE 4
LES ÉTAPES DE LA RECHERCHE QUALITATIVE
ANNEXE 5
QUESTIONNAIRE D’IDENTIFICATION AUPRÈS DES PARENTS BAKOYA
ANNEXE 6
LA CARTE ROUTIÈRE DES VILLAGES PARTICIPANTS À NOTRE RECHERCHE
ANNEXE 7
LA CARTE MENTALE SUR L’ÉCOLE
ANNEXE 8
GRANDS THÈMES ET INFORMATIONS RECHERCHÉES POUR L’ENTRETIEN SEMI-DIRIGÉ INDIVIDUEL
ANNEXE 9
CANEVAS POUR L’ENTRETIEN SEMI-DIRIGÉ INDIVIDUEL
ANNEXE 10
APPROBATION ÉTHIQUE
ANNEXE 11
CARTE MENTALE SUR LES DIFFICULTÉS ET FAVEURS LIÉES À L’ÉCOLE
ANNEXE 12
CARTE MENTALE SUR APPRENTISSAGES SCOLAIRES
ANNEXE 13
CARTE MENTALE SUR PERSONNEL ENSEIGNANT ET PERSONNEL NON ENSEIGNANT
ANNEXE 14
CARTE MENTALE SUR BIEN-ÊTRE SOCIAL
ANNEXE 15
LA CARTE MENTALE SUR LE ROLE PARENTAL
ANNEXE 16
CARTE MENTALE SUR APPRÉCIATION ET RÔLE DE L’ENFANT
RÉFÉRENCES

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