LA CARENCE IODEE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Anatomie de la glande thyroïde

      La thyroïde est une petite glande endocrine dont le rôle s’inscrit dans la sécrétion d’hormones thyroïdiennes. Le corps thyroïdien se situe en position médiane basse dans la région cervicale antérieure au dessous du cartilage hyoïde en avant de la trachée et du larynx. Elle est constituée de 2 lobes latéraux réunis à leur base par un isthme d’où émerge à sa partie médiane une petite excroissance supérieure appelée la pyramide de Lalouette. Les ectopies le long du trajet de migration embryologique sont parfois observées. Une glande peut être anormalement haut située ou siégeant plus bas dans le thorax. De consistance molle et de surface régulière, sa coloration est rouge brunâtre ou rose foncé [89]. De face, la morphologie de la glande thyroïde prend l’aspect d’un papillon en vol ou de la lettre H (Fig.2) et de profil, elle ressemble à un fer à cheval (Fig.1) [89]. La taille normale de la glande thyroïde est équivalente à longueur de la phalange distale du pouce de l’individu [5]. Ses dimensions sont estimées à 4 cm pour la longueur, 3 cm pour la largeur et 3 cm pour l’épaisseur du parenchyme. Son poids est variable et habituellement entre 15 – 20 g chez l’adulte [90]. Sa taille augmente en cas de pathologies (goitre ou hypertrophie de la glande) et la thyroïde devient alors palpable voire visible. Elle entretient des rapports intimes avec les 4 petites glandes parathyroïdes au plan postérieur par l’intermédiaire des bords latéro-internes de ses lobes latéraux au voisinage de la trachée. Les moyens de fixité sont principalement avec la trachée par l’intermédiaire des ligaments thyro trachéaux de Grûber. Sa loge est limitée entre en arrière par la gaine latérale de la carotide interne et en avant par l’intermédiaire des muscles de la base du cou (sterno-cléido-mastoïdiens, omo-hyoïdiens, sterno-hyoïdiens et sterno- thyroïdiens) (Fig.4) [89]. Le parenchyme est entouré d’une capsule fibreuse par laquelle se fixent les ligaments. La glande thyroïde entretient des rapports de proximité avec l’œsophage en arrière par l’intermédiaire du bord postéro-latéral de la face interne de ses lobes latéraux et la trachée qu’elle cravate en avant. Les nerfs récurrents cheminent dans l’espace formé par les bords médiaux des lobes latéraux et la trachée. La vascularisation artérielle (Fig.5) est assurée par deux artères de chaque côté [89]:
− l’artère thyroïdienne supérieure, issue de la carotide interne
− l’artère thyroïdienne inférieure, branche de la Sous Clavière.
Ainsi que la thyroïdienne moyenne branche collatérale de l’Aorte qui est inconstante. Les veines satellites des artères (Fig.5) sont constituées de :
− la veine thyroïdienne supérieure qui se jette dans la veine jugulaire interne par l’intermédiaire du tronc thyro-linguo-facial et
− des veines thyroïdiennes moyennes drainant directement dans la veine jugulaire interne ou dans la veine brachio-céphalique.
Ces deux pédicules artériels et veineux, se joignent en avant sous forme d’arcade, à la partie médiane. Les lymphatiques suivent le même trajet que les veines et rejoignent les nœuds lymphatiques de la chaine jugulaire interne et des groupes ganglionnaires pré trachéaux et récurrentiels. Les parathyroïdes ont une situation variable : à la face postérieure (Fig. 3) parfois enfouies dans le sillon thyroïdien, au nombre de quatre : 2 supérieures et 2 inférieures et parfois il existe de glandes surnuméraires (jusqu’à 8). De consistance ferme graisseuse et de couleur jaunâtre aux contours nets délimités par une fine capsule, elles sont impliquées dans la sécrétion de l’hormone parathyroïdienne (PTH) qui intervient dans la régulation du métabolisme phosphocalcique.

Les hormones thyroïdiennes circulantes

      Les hormones thyroïdiennes libres sont des composés hydrophobes et entrent en liaison avec des protéines plasmatiques dont deux sont spécifiques : la Thyroxin Binding Globulin (TBG) de l’ordre de 60 à 75 % et une partie pour la Thyroxin Binding Pré Albumin (TBP), l’albumine plasmatique et les autres iodoproteines. La T3 libre représente 0,3 % de la T3 totale ; elle est la seule hormone physiologiquement active sur les cellules. Et 99,7 % est sous forme liée. Une grande partie dérive de la conversion périphérique de T4 en T3 active. La T4 est à 99,97 % sous forme liée aux protéines contre 0,03 % de forme libre. La totalité de T4 circulante provient de la production thyroïdienne. Une partie subit une monodésiodation lors de la traversée de la membrane de la cellule thyroïdienne et devient de la Tri iodo thyronine (T3) dans la circulation. Ainsi 90 % de la Thyroxine (T4) se transforme en T3. Leur délai d’action est bref: un jour pour T3 et une semaine pour T4. La désiodation périphérique de T4 en T3 est l’œuvre de la 5′ désiodase de type1 retrouvée dans le foie, le rein, la thyroïde et dans de nombreux tissus de l’organisme. Le type 2 de la désiodase est présent au niveau du système nerveux central, de l’hypophyse et de la thyroïde. Son activité se trouve renforcée dans l’hypothyroïdie de façon à pallier le déficit en hormones thyroïdiennes actives au niveau cérébrales [4]. La 5′ désiodase permet la mutation de T4 en T3 reverse, inactive. La dégradation des hormones thyroïdiennes ou la conversion périphérique de T4 en T3, a lieu au niveau de certains organes : le foie, le rein, la  thyroïde, le SNC, l’hypophyse, le tissu adipeux…etc. Et se fait par plusieurs voies : soit par une conjugaison suivie d’une excrétion biliaire, soit par une décarboxylation ou désamination de la chaîne latérale (alanine) ou encore par une désiodation périphérique. L’iode ainsi libéré est recapturé dans le cycle thyroïdien ou éliminé par les urines et les fèces. La détection ou le dosage de ces hormones dans le sang (T3, T4 et TSH) se fait par méthode Radio-immunologique ou Immuno-enzymatique. Ou encore en appréciant l’activité de la glande thyroïde par la courbe de fixation avec l’iode radio actif.

La régulation de la sécrétion hormonale.

      La TRH (Thyrotropin Releasing Hormone) est d’origine hypothalamique. Elle exerce une action stimulante sur l’hypophyse. La TSH (Thyroïde Stimulating Hormone encore appelée Thyrotropine ou Thyréostimuline Hormone) est d’origine hypophysaire. Elle stimule toutes les étapes de l’hormonogénèse : de la captation des iodures à la libération des hormones dans la circulation sanguine. La régulation est sous la dépendance de l’axe thyréotrope qui est le système principal qui réglemente la sécrétion hormonale thyroïdienne. Elle est complétée par un système d’autorégulation interne au niveau de la thyroïde. Elle est aussi sous l’influence des apports nutritionnels en iode et du taux de dégradation périphérique des hormones thyroïdiennes.
• L’axe thyréotrope : Elle fait intervenir la TSH hypophysaire qui joue un grand rôle dans l’hormonosynthèse par le contrôle et la stimulation de ses différentes étapes :
-La capture des iodures,
-L’iodation de la thyroglobuline,
-La libération périphérique de T3 et de T4 dans la circulation.
-La régulation du fonctionnement des thyréocytes,
-La synthèse de la thyréoglobuline.
-Le fonctionnement de la pompe à iodures.
-La régulation de l’intervention de la peroxydase.
La TSH hypophysaire est un facteur de croissance pour la thyroïde. Elle a une activité tissulaire hyperplasique et une activité cellulaire hypertrophique.
-Un système d’autorégulation transitoire existe au niveau de la thyroïde en fonction des situations.
• Des d’apports excessifs en iode : Sont à l’origine de « l’effet de Wolff-Chaikoff » et qui entraine un blocage de la captation des iodures et de la sécrétion hormonale par freinage de la conversion de T4 en T3.
-Sur une thyroïde normale, la surcharge iodée est responsable de « l’effet Wolff Chaikoff » qui se traduit biologiquement par une baisse transitoire de l’hormonosynthèse, suivie d’un retour à la normale encore appelé « échappement à l’effet Wolff Chaikoff ».
-Sur une thyroïde pathologique, une surcharge iodée peut avoir des effets opposés: Il existe une absence d’échappement à l’effet Wolff-Chaikoff dans l’hypothyroïdie. Et dans l’hyperthyroïdie, (il n’y a pas d’effet Wolff Chaikoff). Un apport excessif en iode, entrainera une augmentation de la synthèse hormonale et conduira à la thyrotoxicose avec une glande thyroïde devenue plus insensible à la TSH. Les surcharges iodées ne sont pas toujours d’origine alimentaire, mais sont parfois iatrogènes : amiodarone, produits de contraste radiologiques iodés, antiseptiques (polyvidone iodée ou Bétadine).
• Certains produits inhibent la synthèse des hormones thyroïdiennes:
-L’iode stable (Lugol) inhibe de façon transitoire la synthèse hormonale par effet Wolff Chaikoff.
-Les produits de contraste radiologiques iodés inhibent la conversion de T4 en T3.
-Les Corticoïdes : inhibent aussi la conversion de T4 en T3.
Le Perchlorate de potassium inhibe la captation iodée et le lithium inhibe la sécrétion de T4
• Une sensibilité accrue des thyréocytes à la stimulation de la TSH en cas de déficit en iode.
• Une stimulation de la captation de l’iode d’autant plus prolongée que la glande thyroïde est privée d’iode et inversement.
• La régulation connait des perturbations en cas de dysthyroïdies : hyperthyroidie ou hypothyroïdie)
L’état nutritionnel influence la désiodation périphérique entraînant une inhibition de la 5′ désiodase et la baisse du taux de T3 circulante. La T3 reverse est en augmentation. Ceci est observé si l’iode est déficient dans l’organisme dans des situations de jeûne, de dénutrition et d’hyper catabolisme périphérique d’hormones thyroïdiennes.
-Le contrôle de la sécrétion hormonale.
La régulation de la sécrétion hormonale est contrôlée à trois niveaux :
• Au niveau central : L’hypothalamus exerce une commande sur l’hypophyse par l’intermédiaire de la TRH qui la stimule et entraine une libération de TSH dans la circulation sanguine. La thyroïde à son tour est stimulée par la TSH.
• Au niveau périphérique : La stimulation de la glande thyroïdienne par la TSH entraîne une augmentation de la sécrétion des hormones en fonction des besoins de l’organisme.
• Un rétro contrôle s’exerce aussi au niveau central. : Ainsi, la sécrétion d’hormones thyroïdiennes en excès est mise à profit pour exercer une activité inhibitrice au niveau de l’hypothalamus et de l’hypophyse par un rétro contrôle négatif. Une baisse du taux d’hormones thyroïdiennes en circulation, stimule l’axe hypothalamo-hypophysaire qui répond par une hypersécrétion de TSH qui va stimuler davantage la libération de T3 et de T4 dans les conditions optimales d’apports en iode. L’excès d’apport prolongé en iode expose à une hyperthyroïdie, par contre une carence durable d’un régime alimentaire pauvre en iode, induit une insuffisance thyroïdienne relative pouvant aboutir au développement de goitre endémique et de crétinisme endémique des populations exposés au risque.

La production industrielle de l’iode

     Depuis la découverte de l’iode par BERNARD COURTOIS en 1811, une exploitation industrielle du « liquide violet » à partir des cendres de Varech débuta. Plusieurs unités de production se lancèrent dans la course et l’Europe garda le monopole de la commercialisation de l’iode jusqu’à la veille de la Première Guerre Mondiale. La découverte en 1930 de gisements de nitrates en Chili, très riches en iode et d’extraction facile, changea le trafic de l’iode en Europe. Des mesures restrictives avaient été prises dans l’exploitation et l’exportation de l’iode chilien pour protéger les industries occidentales de la concurrence. La découverte d’une nouvelle filière de production de l’iode à partir des cendres d’algues maritimes, relança la production en Europe avec de meilleurs rendements. Les iodures étant des corps volatils, une perte de 50 % de l’iode est estimée par évaporation et après l’incinération d’algues séchées [54 ; 98]. Actuellement beaucoup de pays sont devenus producteurs d’iode à travers le monde: le Japon et la Chine ont rejoint la liste.

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Table des matières

I INTRODUCTION 
REVUE DE LITTERATURE
HISTORIQUE
PREMIÈRE PARTIE 
1-1 LA GLANDE THYROÏDE
1-1-1 Anatomie de la glande thyroïde
1-1-2 Embryologie
1-1-3 Histologie
1-1-4 Physiologie thyroïdienne
1-1-5 Hormonosynthèse thyroïdienne
1-1-6 Rôles métaboliques des hormones thyroïdiennes
1-1-7 La régulation de la sécrétion hormonale
1-1-8 Le cycle de l’iode dans l’organisme
1-1-9 Les pathologies thyroïdiennes
1-1-10 Explorations para-cliniques de la glande thyroïde
1-2 L’IODE
1-2-1 L’iode dans l’environnement
1-2-2 La production industrielle de l’iode
1-2- 3 Iode, facteur de développement et de croissance des tissus
1-3 LA CARENCE EN IODE
1-3-1 Dépistage et évaluation des TDCI
1-3-2 Impact des autres carences nutritionnelles sur la pathologie thyroïdien
1-3-3 Les carences en micro nutriments
1-3-4 Le sel de cuisine
1-3-5 La carence en macro nutriments
1-3-6 Les glycosides cyanogéniques
1-3-7 Autres facteurs d’inhibition de la fonction thyroïdienne
1-3-8 Politique socio-économique et autosuffisance alimentaire
1-4 LES PATHOLOGIES LIÉES À LA CARENCE EN IODE
1-4-1 Le goitre endémique
1-4-2 Le crétinisme
1-4-3 L’hypothyroïdie néonatale
1-4-4 Retards de la croissance et du développement psychomoteur
1-4-5 Reproduction et Survie de l’enfant
1-4-6 Carence en iode et métabolisme
1-4-7 Handicap au développement économique et social
1-4-8 Politiques de prévention des troubles dus à la carence en iode
1-4-9 Évaluation des politiques de prévention
1-4-10 Méthodes de dosage de l’iode
1-4-11 La ceinture du goitre endémique en Afrique
II DEUXIEME PARTIE 
2-1-1 MATERIELS ET METHODES
2-1-2 La Situation des TDCI au Sénégal et en Afrique Subsaharienne
2-1-3 Les méthodes de supplémentation en iode utilisées en Afrique
2-1-4 Évaluation de la politique de prévention dans les zones endémiques de certains pays africains
2-2 RESULTATS
2-2-1 Cas du Sénégal
2-2-2 Cas des autres pays subsahariens
2-2-3 Situation actuelle et bilan de la lutte contre les TDCI en Afrique
2-3 COMMENTAIRES
2-3-1 Les TDCI
2-3-2 L’iode dans l’environnement
2-3-3 L’impact de la politique du sel iodé
2-3-4 L’amélioration de l’apport en iode
2-3-5 Le programme de supplémentation en iode
2-3-6 Les véhicules de supplémentation
2-3-7 Situation actuelle et perspectives de lutte contre les TDCI en Afrique Subsaharienne
III CONCLUSION GENERALE 
IV BIBLIOGRAPHIE 
V RESUME 
VI- ANNEXES

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