La capacité à transporter des virus sur de longues distances
Le concept d’émergence des zoonoses virales
Les maladies émergentes sont définies par l’Office International des Epizooties (OIE) comme des infections nouvelles causées par l’apparition ou la modification de l’épidémiologie d’un agent pathogène existant au sein d’une population. Ce phénomène existe depuis longtemps et semble s’être intensifié au cours du dernier siècle : depuis les années 1940, plus de 300 maladies infectieuses ont émergé ou ré-émergé à travers le monde (Jones et al. 2008). Les zoonoses, maladies animales transmissibles à l’Homme, représentent près de 60% d’entre elles. Parmi ces zoonoses, 72% trouvent leur origine dans la faune sauvage (Jones et al., 2008), principalement chez les rongeurs, les primates, les chiroptères, ainsi que chez d’autres espèces mammifères et non-mammifères (Woolhouse et Gowtage-Suequeria, 2005). Environ un tiers des pathogènes responsables des maladies émergentes sont d’origine virale (Jones et al., 2008). De nombreux virus issus de la faune sauvage ont été impliqués dans les récents épisodes épidémiques et pandémiques, comme ceux liés au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), au coronavirus associé au syndrome respiratoire aigüe sévère (SRAS) ou encore du virus Ebola. Depuis sa découverte, il est estimé que le VIH aurait infecté 78 millions et tué 35 millions de personnes (UNAIDS, 2016). La récente épidémie de virus Ebola a touché 28 600 personnes (dont 11 310 décès) en Afrique de l’Ouest entre fin 2013 et 2015 (WHO, 2016). La vue de ces chiffres, et l’expérience de ces zoonoses, nous rappellent à quel point le concept de » une seule santé « , en anglais » One Health « , qui vise à renforcer les liens entre santé publique humaine, animale et gestion environnementale, n’a jamais été autant d’actualité.
Le concept de zoonose : l’émergence d’un agent pathogène animal dans
la population humaine
Le processus de transformation d’un agent pathogène uniquement animal en un agent pathogène humain peut être décrit selon 5 stades, d’après Wolfe (figure 2) (Wolfe et al., 2007). Le stade initial définit un pathogène exclusivement animal. Le stade 2 définit la transmission d’un agent pathogène d’origine animale, à l’Homme par le biais d’un contact direct ou indirect. L’agent pathogène franchit la barrière d’espèce et infecte l’individu qui développe des symptômes, sans pour autant contaminer d’autres hommes. A titre d’exemple, la rage (lyssavirus) est transmise par les canidés et chiroptères et aboutit à la mort de l’individu humain infecté, sans que ce dernier n’ait infecté d’autres individus.La transmission effective de l’agent pathogène aux humains est relativement rare. Lorsqu’elle se produit, la transmission inter-humaine entretient l’infection pendant une certaine période (stade 3) ou de façon permanente (stade 4) (Bengis et al., 2004). Le passage du stade 2 aux stades 3 et 4 suppose que l’agent pathogène a la capacité de franchir la barrière d’espèce, puis de continuer son cycle viral chez l’hôte humain, avec une contamination inter-humaine limitée si le cycle n’est pas entretenu par des contaminations régulières provenant du réservoir animal (stade 3). C’est le cas du coronavirus MERS, qui est responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient et transmis par les camélidés (Zumla et al., 2015). Des transmissions inter-humaines entre patients et personnel de soin sont rapportées mais restent cependant limitées (Assiri et al., 2013; Balkhy et al., 2016).
La pandémie du SRAS
En novembre 2002, des cas de pneumopathie aigüe atypique ont été rapportés dans le Sud de la Chine (Rosling et Rosling 2003). Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) a été signalé aux autorités sanitaires internationales pour la première fois en février 2003, à Hong Kong (Tsang et al. 2003). Cette pathologie, qui s’est ensuite répandue très rapidement auprès d’individus ayant fréquenté le même hôtel à Hong Kong, ou le même avion, a alerté les autorités sanitaires (WHO 2003). En quelques mois, 8 098 cas (dont 774 morts) ont été signalés dans 33 pays (Wang et al., 2006). La fin de cette épidémie sans précédent a officiellement été déclarée le 5 juillet 2003 par l’OMS. Certains parlent de pandémie. Les chercheurs ont identifié un coronavirus (CoV) transmis par voie aérienne et très contagieux, comme étant l’agent responsable de cette pandémie (Peiris et al., 2003). Les études épidémiologiques ont rapidement confirmé l’origine animale du virus(Guan et al., 2003). La civette palmiste (Paguma larvata), régulièrement consommée en Chine, a été identifiée comme l’hôte initial du coronavirus SRAS à partir duquel l’épidémie s’est développée. Cet animal sauvage est chassé, ou élevé, puis vendu sur les marchés vivants,où les premières transmissions du virus à l’Homme auraient eu lieu (Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 2003; Wang et Eaton, 2007). Après de nombreuses investigations, le virus a aussi été détecté chez une chauve-souris insectivore (Rhinolophus sp.), identifiée comme étant le réservoir principal du virus du SRAS (Lau et al., 2005). Cette pandémie a engendré de nombreuses pertes économiques. Le tourisme a chuté en Chine et les fonds d’investissements étrangers ont baissé de 62% à Hong Kong en mai 2003 (Lee et McKibbin, 2004). A l’échelle internationale, Saywell estime la perte économique associée à cette pandémie, à 11 milliards de dollars (US$) (Saywell et al., 2003).
|
Table des matières Résumé Abstract RemerciementsTable des matières Liste des figures Liste des tableaux Liste des articles Liste des Annexes Abréviations Introduction générale Partie bibliographique Le concept d’emergence des zoonoses virales Les facteurs d’emergence des maladies infectieuses Le concept de zoonose : l'émergence d'un agent pathogène animal dans la population humaine L'Asie du Sud-Est, un point chaud pour l'émergence des zoonoses Les zoonoses virales émergentes et leur impact en santé publique Les hénipavirus IL'épidémie du virus Hendra (1994 L'épidémie du virus Nipah La pandémie du SRAS La prise de conscience de l'impact des zoonoses en santé publique Les chiroptères, un réservoir de virus zoonotiques Introduction générale sur les chiroptères La vision des chiroptères à travers les cultures Classification des chiroptères Origine et histoire évolutive des chiroptères Les chiroptères, des mammifères aux caractéristiques biologiques et écophysiologiques particulières La découverte de l'écholocation chez les chiroptères L'écholocation chez tous les chiroptères? La capacité à voler Un métabolisme et une longévité remarquables Un métabolisme capable de réduire le stress oxydatif Le contrôle de la température corporelle et du stress oxydatif par la torpeur et l'hibernation Les chiroptères en Asie du Sud-Est Le rôle écologique et économique des chiroptères en Asie du Sud-Est Les chiroptères impliqués dans la pollinisation des angiospermes et dans la dispersio des graines Les chiroptères contribuent au contrôle des populations d'insectes et ont un impact positif sur les frêts tropicales et la sylviculture L'implication des chiroptères dans l'économie en Asie du Sud-Est Les chiroptères, une viande de brousse L'utilisation des chiroptères en médecine traditionnlle II. A.6. 3. La récolte du guano issu des chiroptères permet la fertilisation des sols et est une source de revenu La valorisation touristique des chiroptères au Cambodge et au Laos L'implication des chiroptères dans les zoonoses L'historique de la découverte des virus chez les chiroptères Des caractéristiques biologiques et écologiques spécifiques aux chiroptères qui favorisentleur rôle de réservoir Leur nombre La capacité à transporter des virus sur de longues distances La capacité à transmettre les virus Leur longévité La variation saisonnière des hôtes réservoirs Les infections virales persistantes L'immunité des chiroptères L'aptitude à ne pas développer de symptômes La présence de l'immunité innée La détection du virus par l'hôte La transduction du signal et activation des défenses immunitaires Le complexe du complément La présence de l'immunité adaptative
Télécharger le rapport complet