La brievete de l’intrigue

LA BRIEVETE DE L’INTRIGUE 

Au XVIIe siècle, tout auteur doit se situer dans une grande tradition qui fixe les règles de son projet. Une fois le genre choisi, les sources d’inspiration sont clairement définies. Or, le roman avait pour défaut premier de n’être qu’une œuvre d’imagination, libre et par conséquent brève dans l’action.

Décidant de se consacrer à l’élaboration d’un nouveau roman, Mme de La Fayette doit-elle au retour chercher un moyen de conférer de la respectabilité à ce nouveau genre. La nouvelle historique lui permettait de trouver la caution de la vérité nécessaire au sérieux de l’ouvrage. De plus, elle se soumit à la loi de la vraisemblance, qui imposait que les actions, les personnages, le temps et l’espace soient semblables au vrai, c’est-à-dire à la réalité. La Princesse de Clèves, au XVIIe siècle, est considérée comme l’une des œuvres maitresses du courant littéraire, le classicisme.

Refusant aussi bien l’idéalisation des romans précieux que la démystification des romans réalistes, ce roman se rapproche de la chronique historique par sa brièveté, la rigueur de la composition, son exigence de vérité. Tout en maintenant intact le charme romanesque, l’auteur démonte les rouages de la vie de cour et analyse les faiblesses et les désirs de son héroïne. La romancière ne se contente pas d’idéaliser son héroïne : elle analyse aussi le rôle de l’éducation qui aura une influence sensible sur le comportement de la jeune fille. En effet, l’histoire n’a duré juste qu’un an. Tout est accéléré, tout est bref et concis. Mme de La Fayette a la chance de disposer d’une culture personnelle réelle et approfondie, mais aussi dès son jeune âge, elle acquiert le gout de la lecture. Elle comprend le latin, l’italien ; elle dévore poésie, l’histoire, romans surtout. Donc, elle a une maitrise exceptionnelle des faits. Elle peut retracer l’histoire globale de son siècle en quelques lignes. Comme tout son siècle, elle a lu et relu L’Astrée (1607-1627), d’Honoré d’Urfé, et nombre de romans sentimentaux postérieurs. D’Urfé présentait des aristocrates retirés du monde et vivant d’interminables intrigues sentimentaux ; Mme de La Fayette se défiera de l’amour, mais gardera la nostalgie de cet héroïsme goûté dans les romans ou dans les pièces de Corneille.

Cette culture de fiction se trouve confronter à l’observation, et enrichie par elle. De la mode précieuse, tournée en ridicule par Molière, elle garde le goût pour la fine analyse du cœur ; elle s’en éloigne par une intransigeante sincérité. L’influence de La Rochefoucauld, observateur désenchanté, rejoint en elle celle des Pensées de Pascal ; Mme de La Fayette pourchasse l’amour-propre, elle témoigne dans ses romans d’un goût passionné par le vrai. Cependant, l’intrigue mettant en relief, une princesse d’une beauté exceptionnelle fait alors son apparition à la cour, Mlle de Chartres, un des plus riches partis du royaume. Sa mère, Mme de Chartres, lui a enseigné les mérites de la fidélité conjugale et songe à la marier. En visite chez le joaillier, la jeune fille éblouit par sa beauté le prince de Clèves. Celui-ci cherche à revoir la belle inconnue. Devenu passionnément amoureux, il souhaite l’épouser, en dépit de nombreux rivaux. Heureusement pour lui, l’intrigue de cour fait échouer un premier projet de Mlle de Chartres, puis un second, plus brillant encore (p.p. 136-147)  .

Libéré de la mort de son père, opposé à ce mariage, le prince de Clèves peut faire sa déclaration à Mlle de Chartres : celle-ci accueille cette proposition sans répugnance ni joie particulière ; et le mariage se trouve conclu. M. de Clèves sent bien que la jeune fille n’a choisi qu’une union de convenance, et lui avoue son amertume. Mme de Chartres, tout aussi lucide, recommande à sa fille une fidélité à toute épreuve.

L’intrigue, simple de fond, est rigoureuse dans sa progression. Une femme mariée est entrainée, contre son gré, dans un amour que sa conscience réprouve ; cherchant à y échapper, elle prend des initiatives courageuses qui se retournent contre elle comme autant de pièges, sans qu’elle ne cède jamais à sa passion : tel pourrait être le résumé succinct de ce roman, comparable dans son dépouillement au schéma d’une tragédie. La comparaison avec les œuvres contemporaines de Racine aide en effet à comprendre l’originalité de La Princesse de Clèves, roman tragique.

Au total, si la composition de ce roman peut dérouter, au point d’être malaisément discernable à première vue, il est remarquable que, au fil de la lecture, l’œuvre impose peu à peu le sentiment de son unité, de la rigueur de sa construction. Rien n’est inutile dans La Princesse de Clèves. Tout y contribue à créer un climat bien particulier, à illustrer au moyen d’un drame simple et exemplaire, une vison désenchantée de l’existence.

Mme de La Fayette : Peintre de la tragédie 

L’atmosphère du roman, le déroulement de son intrigue évoque pour l’humanité le modèle de la tragédie française. Hérité, des Grecs, ce genre théâtral, très prisé au XVIIe siècle avait tout récemment été illustré par les pièces de Racine, que Mme de La Fayette connaissait bien ; son roman suit d’une année Phèdre (1677). Dans son dépouillement, sa violence, son caractère de malheur exemplaire, le modèle tragique reste présent à l’époque, sa violence, son caractère de malheur exemplaire, le modèle tragique reste présent à l’esprit de la romancière, même si subsistent quelques scènes peu vraisemblables, héritées des anciens romans. Sur ce, les écrivains du XVIIe siècle ont joué un rôle hautement didactique tout en mettant en parallèle la passion à la morale. Ceci révèle le modèle tragique des œuvres littéraires au XVIIe siècle, qui enseignent et renseignent toutes les sociétés du monde, et presque à travers tous les siècles.

Ainsi, l’œuvre de Mme de La Fayette apparait de façon générale comme un cadre où se concrétisent des débats d’ordre moral, mais aussi comme un instrument véhiculaire de valeurs morales et sociales. En effet, les grands écrivains de ce siècle, à savoir Jean Racine, Pierre Corneille, Molière essaient, chacun en ce qui le concerne, par l’entremise de son système dramaturgique de véhiculer une certaine vision du monde en rapport avec des valeurs de références. En ce sens, on découvre une certaine vision de l’honnête homme à travers La Princesse de Clèves, dont l’enseignement essentiel tient en ce que le dilemme de Mme de Clèves et le choix final du personnage, qui a opté pour l’honneur, montre que l’honnête homme doit manifester son honneur avant sa passion. Mme de Clèves doit faire taire sa passion, qui est aveugle si elle n’entend pas être trainée vers les conséquences désastreuses où mènent toutes les passions.

Le caractère de la passivité qui s’attache étymologiquement à la notion de passion explique le sens péjoratif qui a prévalu depuis les stoïciens quand on veut rendre compte de ce phénomène affectif. Le « furor » des Latins, « la libido » des théologiens médiévaux désignent notamment son aspect excessif et parfois aberrant surtout quand on en subit l’emprise à la manière d’une fatalité. Si la passion est mauvaise, c’est qu’elle enchaine à des normes réputées inférieures, qui entrainent un refus de la condition humaine, comme le montre Alquié, dans l’analyse qu’il donne d’un certain type de passion amoureuse.

Cependant, le procès de la passion ne doit pas laisser échapper sa dimension spécifiquement humaine : on a volontiers souligné la quête d’infini qui se profile à travers des élans passionnels. Au-delà de l’AVOIR de la passion c’est-à-dire des réalités concrètes, des symboles visibles dont elle se nourrit, il y a l’ETRE de la passion, invisible parce que spirituel, et qui est un absolu comme l’aurait souligné Grimaldi dans sa propre analyse de la passion. Le caractère ambigu de la passion invite donc à distinguer deux séries d’arguments : d’une part, ceux qui dénoncent l’aliénation dont elle est la cause ; d’autre part, ceux qui tendent à montrer le dynamisme affectif, indispensable à la vie de l’esprit, qu’elle constitue. La passion est dans ce sens l’opinion du corps, et si le corps, est la prison de l’âme, comme le conçoit Platon, il en découle qu’il ne saurait en résulter que tromperies, erreurs et illusions. Ce point de vue est celui d’une importante tradition chrétienne fortement marquée d’ailleurs par l’ascétisme stoïcien : la passion représente la soumission aux forces du mal, sans jamais exonérer de responsabilité, celui qui en est la victime. Le passionné est un homme divisé, ennemi de lui-même, et qui de ce fait n’a pas les coudées franches pour lutter contre cette « nécessité » interne qui pèse sur lui.

Cependant, l’homme subit l’influence des causes extérieures. Ainsi, la passivité et inévitabilité des passions sont fortement soulignés par beaucoup de philosophes. Dans ce sens, La Princesse de Clèves, montre quels sont les dangers de la passion à travers l’histoire de son personnage principal Mme de Clèves, qui négligeant son devoir de femme envers son mari passionné, décide de dissimuler sa passion pour le duc de Nemours, en faisant des voyages pour être loin de son mari et de son amant. Cette décision qui manque de sagesse, et qui est plutôt inspirée par la passion la mènera à la solitude, au chagrin puis à la mort.

Le roman de Mme de La Fayette est surtout considéré comme un lieu d’évocation des différentes conceptions d’ordre morales ou religieuses. Mme de La Fayette étant une janséniste, l’une des deux visions de la religion chrétienne de l’époque, conçoit que l’homme est en train d’expier ses pêchés sur terre pour sa faute originelle, il est prédestiné au malheur et ne peut être sauvé que par une grâce divine. Ainsi, l’auteur de La Princesse de Clèves, véhicule cette vision pessimiste de la prédestination de l’espèce humaine. Le lecteur dans cette optique, est spectateur des faits et peut au final apporter son propre jugement. Dans cette perspective, la scène de l’aveu constitue un véritable spectacle.

« Assis sous un pavillon, M. et Mme de Clèves échangent des répliques au cours desquelles la gêne de l’héroïne va croissant. Puis M. de Clèves hausse le ton, presse sa femme de questions. Celle-ci demeure alors dans un profond silence, les yeux baissés, puis elle prend la parole tout d’un coup, en regardant son mari. Après un nouveau temps de silence, elle se jette aux genoux de celui-ci pour prononcer l’aveu pathétique, qu’elle accompagne de larmes » .

Une tragédie dans un fauteuil 

L’ouvrage de Mme de La Fayette est publié en 1678, sous l’anonymat ; car la romancière récuse toute participation, et n’admet que beaucoup plus tard qu’elle est l’auteur de La Princesse de Clèves.

Elle s’est toujours ingéniée à brouiller les pistes. Pourquoi aurait-elle refusé d’être l’auteur du livre ?

La raison majeure semble être d’ordre social : une grande dame, de son rang, à l’époque, ne peut s’avouer l’auteur d’un roman, sous peine de déchoir. D’autre part, romancière clandestine, Mme de La Fayette n’a-t-elle pas voulu goûter les charmes de l’incognito, pris plaisir à un malicieux dédoublement sa personnalité ? C’est très possible. Dans ses dénégations entre effet une part du jeu.

Il se peut aussi, qu’elle se soit inspirée d’un drame réel, observé dans la plus haute société, peut-être même dans la famille royale dont elle voulait garder le secret. L’anonymat de la publication rendait encore plus malaisée l’identification des protagonistes. Mme de La Fayette, comme tous les jansénistes du monde sur les ruines du discours jésuite.

Thirouin donne à cette ironie, objectif pédagogique visant à édifier la valeur morale humaine :

Le caractère essentiel et l’ironie réside donc dans une maligne et feinte connivence avec son interlocuteur, une comédie d’ignorance et de recherche du savoir dans le but de discréditer le savoir sollicité (le savoir et non pas l’interlocuteur lui-même […]): de son origine socratique, l’ironie garde deux constitutifs : la feinte (faire semblant d’adopter le point de l’autre) et de l’intention pédagogique .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Première partie : L’amour et ses désordres
Chapitre I : La passion et ses désordres
I : Une histoire sentimentale
1/ Passion amoureuse
2/ De la passion à la fatalité
II : La passion vertueuse
1/ L’aveu
2/ La bienséance et la vraisemblance
III : L’analyse des passions
1/ La galanterie
2/ La jalousie
Chapitre II : La psychologie des personnages
I : Le libertinage
II : La jalousie
1/ La fuite
2/ Le repli sur soi
DEUXIEME PARTIE : Le travail littéraire
Chapitre III : Une nouvelle forme d’écriture
I : Le renouvellement du roman
1/ La préciosité de l’écriture
2/La brièveté à l’intrigue
3/Un drame à trois personnages
II : L’espace
1/ Le statut de la cour
2/ L’alternance des lieux
III : Le système des personnages
1/ Une intrigue à trois personnages
2/ Les personnages secondaires
IV : Le dénouement
1/ Un épilogue triste
2/ Une histoire sentimentale
3/ Mme de la Fayette : peintre de la tragédie
CONCLUSION GENERALE

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