La blessure médullaire: rappels, ses conséquences cliniques et sociales

La lésion médullaire est un événement rare dont les conséquences modifient la trajectoire de la vie du blessé médullaire, de son entourage et de la société. Elle touche principalement un homme jeune, en bonne santé, victime d’un accident de la route. La prise en charge des lésions médullaires nécessite de relever de nombreux défis, dans le domaine de la santé, depuis la phase pré-hospitalière jusqu’à la rééducation et le suivi à domicile, ou dans le domaine social en terme de politique de prévention, de législation et d’intégration dans la société. L’intervention de nombreux acteurs, organisés en équipe pluridisciplinaire, a permis au cours de ses 60 dernières années des progrès considérables qui ont entrainé une augmentation continue de l’espérance de vie jusqu’à approcher celle de la population générale (3).

L’apport de la médecine physique et de réadaptation a permis de lutter contre les déficiences, de réduire le handicap et de faciliter la réintégration à la vie active entrainant une amélioration de la qualité de vie. Le vieillissement de cette population a engendré l’apparition de complications à moyen et long terme nécessitant une évolution des pratiques. Face à ses nouveaux enjeux, le rôle du médecin ne se limite plus à prévenir et à traiter les complications mais également à lutter contre les limitations d’activité et les restrictions de participation afin de permettre à ces personnes de bénéficier de ce gain d’espérance de vie et de mener une vie satisfaisante.

La blessure médullaire: rappels, ses conséquences cliniques et sociales

Le blessé médullaire, rappels: épidémiologie, physiopathologie, classification et principaux syndromes

Rappels
L’absence de consensus sur les définitions internationales du handicap a longtemps retardé l’exploitation des résultats à l’échelle internationale.

On entend par déficience d’une fonction organique ou d’une structure anatomique les altérations corporelles (amputation, traumatisme vertébral…) ou un dysfonctionnement des différentes parties du corps (membre, muscle, organe…) ou du cerveau. Il faut distinguer la maladie (la lésion médullaire), la déficience (paraplégie, tétraplégie), l’incapacité (perte de la marche), et les conséquences sociales et environnementales qui en découlent (difficultés de déplacement, de transport d’insertion professionnelles). C’est la rencontre de l’état de santé fonctionnel et des facteurs environnementaux qui créé les situations de handicap, repérables par les restrictions d’activité.

Données épidémiologiques

L’article 31 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) (2) : “Oblige les États parties à recueillir des données statistiques, qui leur permettent de formuler et de mettre en œuvre des politiques qui donnent plein effet aux droits de la Convention, de sorte que les personnes atteintes de lésions de la moelle épinière, ainsi que d’autres situations de handicap, puissent participer pleinement à tous les domaines de la société, depuis la vie familiale, en passant par l’éducation et l’emploi, à la communauté et au pays”.

Pourtant il existe aujourd’hui peu de données épidémiologiques des traumatismes médullaires en France.

La première enquête (HID) sur les handicaps, les incapacités, la dépendance pour les ménages ordinaires a été réalisée en France par l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) en 1999. Elle révélait que 13,4% de la population souffrait de déficience motrice (soit un peu plus de 8 millions de la population, toutes étiologies confondues) dont moins de 9% de ces 8 millions de patients paraplégiques, tétraplégiques ou victime d’AVC (en tout moins de 1% de la population générale) (5). Ce taux de déficience motrice en Martinique est estimé à 11,8% (5).

La fréquence des personnes qui déclarent une limitation de motricité augmente avec l’âge. Selon l’enquête Handicap Santé 1 % de la population entre 0-19 ans, 2% entre 20-39, 7% entre 40-59, 19% entre 60-79, 54% pour les plus de 80 ans déclarent une altération de l’état fonctionnel moteur (1).

Incidence des lésions médullaires traumatiques (LMET)

Selon l’HAS l’incidence des lésions médullaires traumatiques en France est de l’ordre de 1200 nouveaux cas par an (environ 19,4 nouveaux cas par million d’habitants (6). L’incidence varie d’un pays à un autre, de 13 à 53 nouveaux cas par million d’habitants selon les pays (6). En Europe les incidences varient de 10,4 à 29,7 par million d’habitants, toutes causes confondues. Elle est estimée à 40 par million aux Etats Unis (6).

L’incidence des LMET a tendance à baisser aux Etats Unis, en Australie, ou en Finlande suite aux politiques de prévention routière. En France, malgré une baisse des décès liés aux accidents de la route pour les utilisateurs de voitures, l’incidence est restée stable du fait de l’augmentation des LMET impliquant les cyclistes et les motards (7).

Le taux d’incidence des LMET est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Identique dans les populations pédiatriques, ce taux augmente régulièrement avec un pic entre 16 et 21 ans. Le rapport est de 4 hommes pour 1 femme (8) en France. On observe deux pics dans la pyramide des âges : un premier chez les jeunes adultes (hommes : 20-29 ans, femmes : 15-19 ans) et un second chez les personnes âgées (hommes de plus de 70 ans, femmes de plus de 60 ans (6)). L’incidence chez les personnes âgées augmente depuis quelques années comme le montre des études au Canada, en Chine et en Australie. Cette augmentation s’explique par un plus grand nombre de chutes. De même, l’âge au moment du traumatisme est en augmentation. Il est passé de 40,2 ans à 48,9 ans en Norvège et de façon encore plus significative chez les femmes, de 24,7 à 57,7 ans (6).

Mortalité et espérance de vie

Le taux de mortalité de 80%, qui prévalait dans les années 40, n’a cessé de diminuer au cours de ces dernières décennies, pour se stabiliser autour de 17%. L’amélioration de la prise en charge à la phase aigue et de la réadaptation ont permis de prolonger l’espérance de vie dans les pays à revenu élevé mais elle reste plus basse que celle de la population générale. Les blessés médullaires ont 2 à 5 fois plus de chance de mourir prématurément. Le risque de mortalité augmente avec le niveau et la gravité de la lésion (6). Les complications liées à la lésion médullaire ne sont plus les principales causes de décès dans les pays à revenu élevé (contrairement aux pays à faible revenu). Les causes de décès se rapprochent de celle de la population générale. Ce sont les problèmes respiratoires (en particulier la grippe et la pneumonie), les complications cardiaques, les suicides ou les problèmes neurologiques (6).

Anatomophysiologie et classification

Anatomie

La moelle épinière est un cordon d’environ 50cm de longueur, de 1cm de diamètre. Elle est logée dans le canal rachidien (13). Elle fait partie du système nerveux central. Elle est entourée d’un canal ostéo-fibreux inextensible. Elle part du trou occipital et va jusqu’au disque L1-L2 puis se prolonge par la queue de cheval. De là partent les racines nerveuses qui constituent les racines rachidiennes (8 cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne) qui innervent les 31 métamères. A partir de T6 il existe un décalage entre la vertèbre et le segment médullaire. Elle est constituée d’une substance grise centrale qui est le siège des fonctions réflexes, entourée de cordons de substance blanche (antérieur, latéral et postérieur) où passent les voies sensitives et motrices.

-les voies sensitives ascendantes 

La voie lemniscale (colonne dorsale: figure 6a) véhicule, via des fibres de gros calibres myélinisées, les informations de la sensibilité consciente que sont le tact épicritique (sensibilité à la pression de la peau=baresthésie via des récepteurs situés dans l’épiderme et l’hypoderme) et la sensibilité profonde proprioceptive (qui renseigne sur la tension de l’appareil ligamentaire et sur la position des segments de membres dans l’espace) fournies par des mécano-récepteurs. Elle transporte également la sensibilité vibratoire (pallesthésie) via des corpuscules situés dans le périoste des os. Le premier neurone (protoneurone) monte directement dans la substance blanche des cordons dorsaux en formant les faisceaux gracile et cunéiforme et se termine au niveau de la moelle allongée. Le deutoneurone (deuxième neurone) verra ces fibres nerveuses croiser la ligne médiane au niveau de la moelle allongée pour former le lemniscus.

La voie lemniscale est rapide, discriminative, croisée et fortement organisée : elle envoie l’information sensitive de la périphérie au cortex avec précision, sans diffusion.

Le faisceau spinothalamique est divisé en faisceau ventral (ou paléo-spinothalamique), qui transporte la sensibilité protopathique (tact grossier), et en faisceau dorsal (ou néo-spino-thalamique), qui transporte les sensations thermiques et douloureuses (brèves et précises). Ces deux faisceaux des voies extra-lemniscales, qui montent dans le cordon latéral (après avoir croisé au niveau du deutoneurone) puis dans le tronc cérébral et enfin le thalamus, donnent des branches collatérales à la substance réticulée dans le tronc cérébral. Il est constitué de fibres de petits calibres peu ou non myélinisées.

Ces deux voies, responsables de la sensibilité consciente sont constituées de trois neurones et de deux relais.

Le faisceau spino-cérebelleux véhicule la proprioception inconsciente (sensibilité à la tension des muscles et des tendons musculaires).

-Les voies descendantes motrices

Il existe deux types de voies motrices:
-Les premières sont directes et monosynaptiques, elles forment la voie corticospinale directe qui fait partie du faisceau pyramidal. Elles sont constituées de deux neurones, le neurone central qui a un trajet corticospinal et dont la lésion -quelque soit le niveau- entraine une paralysie centrale spastique et le deuxième neurone, périphérique, qui est situé dans la corne ventrale. Sa lésion entraine une paralysie périphérique flasque. La motricité volontaire permet d’agir sur les muscles squelettiques sous le contrôle de la conscience, en synergie avec les voies de la sensibilité.
-Les voies motrices indirectes, polysynaptiques forment les voies extrapyramidales. Leurs lésions entrainent des troubles moteurs centraux avec rigidité plastique.

La voie cortico-spinale ou pyramidale
C’est la grande voie de la motricité volontaire. Elle descend du cortex cérébral, traverse la capsule interne, croise la ligne médiane pour sa plus grande partie au niveau de la moelle allongée pour former le faisceau pyramidal croisé situé dans le cordon latéral de la moelle. Elle est responsable du mouvement précis et sélectif. Les autres fibres vont former le faisceau pyramidal direct situé au niveau du cordon ventral.

Les voies extra-pyramidales sont responsables de la motricité globale, consciente ou non, qui aboutit au mouvement. Elles comprennent:
-Les voies archéo-motrices avec la voie réticulo-spinale qui joue un rôle dans la locomotion et la posture. Elle part de la substance réticulée. La partie médiane – dans le cordon ventral – a un rôle facilitant, la partie latérale – dans le cordon latéral – a un rôle inhibiteur et la voie vestibulo-spinale qui est située dans le cordon ventral et qui joue un rôle dans l’équilibre.
-La voie paléo-motrice joue un rôle dans les mouvements globaux et inconscients. Elle comprend le faisceau rubro-spinal dans le cordon latéral et le faisceau tectospinal, situé dans le cordon ventral, responsable des mouvements de la tête en fonction des sensations visuelles et auditives.
-La voie néo-motrice comprend le faisceau olivo-spinal, situé dans le cordon ventral (concerne les muscles synergiques du membre supérieur) et les voies cortico-spinales extra-pyramidales, mêlées aux fibres du faisceau pyramidal.

-Les voies descendantes aminergiques sont situées dans les cordons antérieurs et latéraux.

-Les voies descendantes végétatives sont les voies du système nerveux autonome. Elles participent au fonctionnement de la vessie, du rectum et à la régulation de l’activité via les barorécepteurs.

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Table des matières

Introduction
I. La blessure médullaire: rappels, ses conséquences cliniques et sociales
1. Le blessé médullaire, rappels: épidémiologie, physiopathologie, classification et principaux syndromes
1.1. Rappels
1.2. Données épidémiologiques
1.2.1. Incidence des lésions médullaires traumatiques (LMET)
1.2.2. Etiologies
1.2.3. Prévalence
1.2.4. Localisation
1.2.5. Mortalité et espérance de vie
1.3. Anatomophysiologie et classification
1.3.1. Anatomie
1.3.2. Les principaux syndromes
1.3.3. Classification neurologique des blessés médullaires
1.3.4. Niveaux fonctionnels
2. La lésion médullaire et ses conséquences cliniques
2.1. Déficiences neurologiques
2.1.1. La spasticité
2.1.2. La syringomyélie
2.2. Déficiences neurovégétatives
2.2.1. La dysréflexie autonome (AD)
2.2.2. L’hypotension orthostatique (HO)
2.3. Déficiences orthopédiques
2.3.1. Les para-ostéo-arthropathies neurogènes (POAN)
2.3.2. L’ostéoporose
2.4. Déficiences cutanées
2.5. Déficiences digestives
2.6. Déficiences vésico-sphinctériennes et rénales
2.7 Déficiences génitales et sexuelles
2.8. Déficiences respiratoires
2.9. Déficiences cardiaques et circulatoires
2.10. Fatigue
2.11. Douleur
2.12. Déficiences psychologiques
3. Le vieillissement du blessé médullaire et ses conséquences
4. Le blessé médullaire en tant que modèle social
4.1. Evolution de la législation
4.2. Limitation d’activité et restriction de participation
4.3. Qualité de vie
II. Etude descriptive d’une cohorte de blessés médullaires d’origine traumatique à plus de deux ans de l’accident
1. Matériel et méthode
1.1. Objectifs
1.2. Population
1.3. Méthode d’observation
1.4. Méthode d’évaluation statistique
2 Résultats
2.1. La population
2.2. Suivi médical
2.2.1. Hospitalisation
2.2.2. Evolution de l’IMC
2.2.3. Déficiences neurologiques
2.2.4. Déficiences vésico-sphinctériennes
2.2.5. Déficiences cutanées
2.2.6. Déficiences digestives
2.2.7. Déficiences génito-sexuelles
2.2.8. Déficiences pneumologiques
2.2.9. Déficiences orthopédiques
2.2.10. Douleur
2.2.11. Déficiences psychologiques
2.3. Incapacité et handicap
2.3.1. Incapacité
2.3.2. Handicap
3. Discussion
3.1. Critiques de la méthodologie
3.1.1. Biais de recrutement
3.1.2. Limites du mode de recueil des données et des outils d’évaluation utilisés
3.2. Suivi médical et recommandations
3.3. Quelques éléments de Comparaison avec la série nancéenne
Conclusion
Références

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