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La Réplication et la Réparation de l’ADN
La Réplication de l’ADN
La réplication de l’ADN est le processus qui permet la duplication et le transfert de l’information génétique d’une cellule mère à deux cellules filles. Ce mécanisme est conservé dans les trois domaines du vivant et requière de nombreux facteurs qui assurent une duplication de l’ADN de manière précise et rapide au sein d’un complexe appelé le « réplisome ». Pendant longtemps, l’étude de la réplication et de la réparation de l’ADN chez les archées a été entravée par un manque d’outils génétiques et biophysiques. Cependant, au cours de la dernière décennie, de nouveaux outils ont été développés dans plusieurs espèces d’archées (Zatopek et al. 2018; Pluchon et al. 2013). Même si les archées disposent d’un chromosome circulaire, comme les bactéries, leur machinerie de réplication ressemble à celle des eucaryotes avec certaines spécificités (Raymann et al. 2014; Kelman and Kelman 2014; Yao and O’Donnell 2016).
La réparation de l’ADN
La réplication de l’ADN peut être influencée par des facteurs environnementaux, endogènes ou externes, entrainant des dommages et des altérations de la molécule d’ADN, c’est pourquoi le processus de réparation de l’ADN est nécessaire pour garantir l’intégrité de l’information génétique portée par le chromosome. Les archées vivent souvent dans des environnements exposés à des températures, une salinité, une pression ou pH extrêmes, dans lesquels les dommages physiques à l’ADN sont fréquents, nécessitant des voies de réparation de l’ADN particulièrement robustes. Les données observées jusqu’à présent suggèrent que les archées possèdent plusieurs voies de réparation comme la réparation par excision de bases (BER), la réparation par excision de nucléotides (NER), la recombinaison homologue (HR) ou non homologue (NHEJ) (Grogan 2015; White and Allers 2018; Zatopek et al. 2018). Elles possèdent un certain nombre de gènes codant des protéines impliquées dans la réparation de l’ADN qui diffère selon les espèces (White and Allers 2018). La voie NER permet d’éliminer des lésions volumineuses qui déforment l’ADN. La plupart des archées possèdent au moins quelques gènes NER de type eucaryote, comme XPD et XPB, mais leur fonction n’est pas encore claire (Fujikane et al. 2010). La voie BER est utilisée lors des dommages de bases individuelles, causés par exemple par une oxydation ou une méthylation. Ce sont les dommages les plus courants. Cette voie peut faire intervenir de nombreuses enzymes dont la nucléase Fen1, la lyase RP (Grasso and Tell 2014) et PCNA. En effet PCNA joue un rôle important dans les réparations de l’ADN en interagissant notamment avec l’endonucléase AP (Kiyonari et al. 2009), l’ADN glycosylase (Kiyonari et al. 2008) et la nucléase XPF (Roberts et al. 2003). La RNase HII permet l’excision des ribonucléotides intégrés par erreur à la place d’un nucléotide et le brin d’ADN est ensuite pris en charge par la PolB et Fen1 (Heider et al. 2017).
Les voies HR et NHEJ interviennent après une cassure double brin. La voie HR permet également de relancer la réplication de l’ADN lorsque les fourches sont bloquées au niveau d’un dommage à l’ADN (Gehring et al. 2017). Les cassures doubles brins doivent être traitées par des exonucléases pour générer des extrémités 3’ d’ADNsb. Dans la voie HR les protéines Mre11, Rad50, NurA et HerA permettent la maturation des extrémités double brin (Ahdash et al. 2017; Delmas et al. 2013). L’extrémité 3’ d’ADNsb est ensuite liée par la recombinase RadA qui est impliquée dans l’invasion du brin au niveau d’une séquence homologue et forme ainsi la double jonction d’Holliday (Morrical 2015). Cette conformation pourrait être reconnue par l’hélicase Hel308 (aussi nommée Hjm) chez les archées. Hel308 est une hélicase de la famille Ski2 qui est capable in vitro de dérouler les jonctions de Holliday en présence d’ATP (Guy and Bolt 2005). Des expériences de pull-down et chromatographie d’exclusion ont montré qu’Hel308 de Sulfolobus Tokodaii, interagit avec l’endonucléase spécifique des jonctions de Holliday, Hjc (Li et al. 2008) et plus récemment chez Sulfolobus islandicus les données démontrent une interaction directe entre Hel308 et PINA, une ATPase impliquée dans les jonctions de Holliday (Zhai et al. 2018). Chez l’homme, l’activité de Hel308 est localisée au niveau des fourches de réplication avec la protéine de réparation Rad51 et son activité de déroulement des duplexes d’ADN est stimulée par la protéine RPA (Tafel et al. 2011). Ces données suggèrent qu’Hel308 pourrait être requise pour le redémarrage de la réplication, lorsque la machinerie a été stoppée suite à un dommage de l’ADN.
La voie NHEJ, qui est rare chez les archées, est initiée par protéine Ku qui recrute ensuite une nucléase, polymérase et ligase qui traitent et réparent la cassure double brin (Bartlett et al. 2013). Les archées hyperthermophiles possèdent une topoisomérase unique, capable de former des « surenroulements » d’ADN, la réverse gyrase (Forterre 2002; Yang et al. 2020). Le rôle exact de ces surenroulements chez les hyperthermophiles n’est pas entièrement compris. Il est proposé que la réverse gyrase permettrait de maintenir l’ADN sous forme double brin ce qui pourrait le rendre plus résistant à divers processus induisant des dommages (Kampmann and Stock 2004) ou permettrait de réguler l’expression des gènes lors de l’initiation de la transcription (Bell et al. 1998).
Les Facteurs de régulation de la transcription
Bien que avec la machinerie de transcription basale archéenne est proche de celle des eucaryotes, les facteurs de transcription de la régulation génique (TFs) sont similaires aux facteurs bactériens (Karr et al. 2017). Les génomes archéens sont compacts avec des régions intergéniques très courtes, ce qui limite l’espace pour les sites de liaison des facteurs de transcription régulateurs par rapport aux génomes eucaryotes. La majorité des TFs procaryotes sont constitués de deux domaines de liaison un à l’ADN (DBD) et l’autre aux ligands (LBD), qui interagissent avec les signaux intracellulaires (Lemmens et al. 2019). Le LBD est responsable de la détection des changements environnementaux ou métaboliques, souvent par interaction avec des petites molécules exogènes, par exemple des ions métalliques ou des composés aromatiques, ou avec des métabolites endogènes tels que les sucres et les acides aminés. La liaison des ligands par allostérie induit des changements de conformation du TF qui affectent généralement les propriétés de liaison à l’ADN, soit en provoquant une dissociation de l’ADN, soit en stimulant l’affinité de liaison à l’ADN. Une banque de données des TF archées existent, limité actuellement à 45 génomes http://bioinformatics.zj.cn/archaeatf. Les familles de TFs les plus représentées chez les archées sont : Lrp/AsnC, MarRet TrmB (Lemmens et al. 2019) dont les structures ont été résolues (Karr et al. 2017). La famille « Lrp/AsnC » (Leucine-responsive regulatory protein/ asparagine synthase C) est la famille la plus abondante chez les archées et régulent les gènes impliqués dans le métabolisme des acides aminés, dans le métabolisme central ou dans les processus de transport (Brinkman et al. 2003; Peeters and Charlier 2010). La famille MarR (multiple antibiotic resistance regulator) chez les bactéries regroupe des régulateurs de divers gènes impliqués dans différents processus tels que la réponse au stress, le métabolisme ou la virulance. C’est une famille bien représentée chez les archées mais leurs fonctions biologiques restent élusives. La famille TrmB, a d’abord été considérée comme spécifique des archées et a finalement été identifiée de façon sporadique chez certaines bactéries (Karr et al. 2017).
L’adaptation des cellules à des conditions physiologiques variables est aussi contrôlée par le remodelage local et global de la chromatine. Les systèmes de compaction de l’ADN sont très variables dans le domaine des archées (Sanders et al 2019 White et belle 2002) et plusieurs familles de protéines de la chromatine ont été caractérisées (Peeters et al. 2015). Les superfamilles Cren7 et Alba sont largement conservées et ont été proposées comme jouant un rôle dans la compaction du génomes (Aravind et al. 2003; Bell et al. 2002; Driessen and Dame 2013). La majorité des lignées d’archée, à l’exception des Crénarchées, codent les orthologues des histones H3 et H4 eucaryotes. Les histones d’archées ont une structure tertiaire similaire à celle des histones eucaryotes mais diffère une fois liée à l’ADN. Les histones eucaryotes forment des octamères sur l’ADN alors que les histones d’archées forment des filaments de taille variable appelés Hypernuclésomes. (Nalabothula et al. 2013; Maruyama et al. 2013; Henneman et al. 2018). Une étude récente a révélé que les archées du genre Sulfolobus (Crénarchées) organisent leur génome en domaines définis par la protéine Coalescine (Takemata et al. 2019). Ces domaines interagissent pour former des compartiments définis de type A et B, correspondant à des régions de la chromatine active et inactive de la transcription respectivement, comme chez les eucaryotes (Takemata and Bell 2020).
La traduction
La traduction est le processus de synthèse des protéines en décodant l’information génétique portée par l’ARNm. Les archées ne possédant pas de noyau, un couplage de la traduction et transcription est possible (French et al. 2007). La machinerie de synthèse des protéines est composée du ribosome, des ARNt aminoacylés et de facteurs protéiques qui assistent et modulent précisément les différentes étapes de la traduction pour assurer la synthèse des protéines. Même si les ARNm archées sont de types bactériens, les archées possèdent un appareil de traduction plus complexe, avec des facteurs et un ribosome proches de ceux décrits chez les eucaryotes (Lecompte et al. 2002; Londei 2005). Le processus de traduction est composé de trois étapes : l’initiation, l’élongation et la terminaison. Chacune de ces étapes fait intervenir des protéines G qui requièrent l’hydrolyse du GTP. A ce jour, l’étape la mieux décrite chez les archées est l’’initiation, en contraste avec les étapes d’élongation et de terminaison (Benelli et al. 2017).
Les ribosomes sont des particules ribonucléoprotéiques composés des ARNr conservées qui portent l’activité catalytique (ribozyme) et de protéines ribosomiques. Ils sont constitués d’une grande et d’une petite sous-unité, les sous unités 30S et 50S chez les archées, formant un site de fixation des ARNt aminoacylés (site A), un site de fixation de ARNt déaminoacylé (site P) et un site de sortie de l’ARNt (site E). La sous unité 30S comprend l’ARN 16S et 25 protéines et permet de décoder la séquence de l’ARNm. La sous unité 50S contient les ARN 23S et 5S et 39 protéines ribosomiques qui structurent le site catalytique de la réaction de trans-peptidation. Les protéines ribosomiques d’archées sont soit universelles soit homologues à celles des eucaryotes (Tableau 1) (Lecompte et al. 2002; Armache et al. 2013; Ban et al. 2000; Ban et al. 2014). Récemment, une protéine du ribosome de Pyrococcus abyssi, localisée à l’emplacement de la protéine eS21 dans le ribosome eucaryote a été identifiée et proposée comme spécifique des archées au vue de sa structure (Coureux et al. 2020). Les ARNr subissent des modifications, dont les plus abondantes sont la méthylation en 2’OH des riboses et la conversion de l’uridine en pseudouridine (Piekna-Przybylska et al. 2008; Ferreira-Cerca 2017). Ces modifications sont catalysées sur les pré-ARNr lors de la synthèse des ribosomes et semblent être importantes dans la fonction des ribosomes d’archées (Yip et al. 2013). Chez Sulfolobus solfataricus, les données observées suggèrent que les modifications des nucléotides aient un effet stabilisateur sur la structure du ribosome (Noon et al. 1998; Polikanov et al. 2015). Toutefois, les études fonctionnelles sur la maturation de l’ARNr chez les archées sont très limitées.
Terminaison et recyclage des ribosomes
La terminaison de la traduction et le recyclage des ribosomes assurent la libération de la chaine polypeptidique complète et la dissociation des deux sous unités du ribosome, de l’ARNt et de l’ARNm. Ce sont des étapes qui ont peu été décrites chez les archées. La terminaison a lieu lorsque le ribosome reconnait un des trois codons stop (UAA, UAG ou UGA) au site A et nécessite l’intervention du facteur RF (pour release factor) aRF1 qui est homologue à eRF1 eucaryote (Figure 6). La structure du complexe aEF1A:GTP:aRF1 chez Aeopyrum pernix suggère cependant que le facteur aEF1A joue aussi un rôle dans la terminaison de la traduction (Kobayashi et al. 2012).
La dissociation des sous unités du ribosome et leur recyclage sont coordonnées par la protéine ABCE1 qui est homologue à ABCE1 eucaryote (Barthelme et al. 2011). Ce facteur intervient lors d’une terminaison canonique via aRF1/aEF1A ou après un arrêt prématuré du ribosome lors des voies de surveillance des ARN NGD (No Go Day) et NSD (Non Stop Decay) (Gerovac and Vogel 2019).
Les voies de dégradation des protéines
Le protéasome est la principale machine moléculaire pour la dégradation régulée des protéines intracellulaires chez les eucaryotes, les archées et certaines bactéries (actinomycètes). Cet assemblage macromoléculaire compartimenté dégrade de manière sélective les protéines mal repliées, mal traduites ou endommagées et joue un rôle essentiel dans le contrôle qualité des protéines, dans la réponse au stress et dans de nombreux autres processus (Majumder and Baumeister 2019). Alors que le protéasome eucaryote 26S a été caractérisé en détails, le protéasome-ATPase archée reste encore peu décrit.
Chez les eucaryotes, il existe deux voies majeures pour l’élimination sélective des protéines indésirables : le système protéasome-ubiquitine (SPU) et la voie autophagie-lysosome. Le SPU constitue la principale voie de dégradation pour les protéines intracellulaires alors que les organelles, les protéines de surfaces et les pathogènes sont dégradés par autophagie. L’adressage à un processus de dégradation dépend de la protéine ubiquitine. L’ubiquitine se lie, via une cascade enzymatique, de manière covalente aux protéines par une liaison isopeptidique entre le groupe carboxyle de son résidu glycine en C-terminal, et le groupe amine des lysines des protéines cibles. Les répétitions d’une même réaction génèrent un « code ubiquitine » de signaux de topologies et de longueurs différentes permettant l’adressage spécifique. Chez les bactéries et les archées, l’existence de ces voies n’a pas été signalée, mais de petites protéines de type ubiquitine (SAMP et Pup) ont été identifiées.
La composition du protéasome varie en fonction des domaines du vivant mais la composante centrale, la particule centrale (PC ou protéasome 20S) est hautement conservée d’un point de vue architectural. Le PC est un baril de protéines en forme de tonneau, composé de quatre anneaux heptamériques superposés (De Mot et al. 1998; Baumeister et al. 1998). Les anneaux extérieurs comprennent des sous-unités de type α, tandis que les anneaux intérieurs possèdent des sous-unités de type β (Figure 7). L’empilement coaxial des quatre anneaux crée trois cavités internes. La cavité centrale est la chambre catalytique, où la dégradation des protéines a lieu. Les sites actifs possèdent trois résidus qui sont conservés chez les eucaryotes, bactéries et archées, soulignant un mécanisme de clivage des liaisons peptidiques universel. Les deux cavités externes servent d’antichambres, où les protéines du substrat peuvent être stockées dans un état non plié avant à la dégradation (Majumder and Baumeister 2019).
La dégradation des protéines par la PC ne nécessite pas d’hydrolyse de l’ATP pour les petits peptides ou les protéines non structurées. Cependant, les plus grands substrats protéiques nécessitent des ATPases AAA+ qui déplient les substrats protéiques et les transfèrent dans la cavité centrale pour les dégrader. Les ATPases de type AAA+ forme un groupe étendu d’ATPase impliqué dans diverses activités cellulaires. Chez les eucaryotes, l’ATPase du protéasome est un assemblage de « particules régulatrices AAA-ATPases » (Rpt1-6) qui constitue le cœur de la particule régulatrice (PR). Chez les actinobactéries, une AAA-ATPase principale a été identifiée : ARC (ou MpA) et récemment un homologue de la protéine Cdc48, Cpa, a montré interagir avec le protéasomes de façon similaire aux autres AAA-ATPase (Ziemski et al. 2018). Chez les archées, deux ATPases de type AAA+ ont été identifiés comme associé au protéasome (Forouzan et al. 2012) : la protéine PAN (pour proteasome activating nucleotidase) (Figure 7), et la protéine « VCP-like ATPase » (VAT). PAN possède une activité.
Les ARN ribosomiques
Les ARNr d’archées sont, comme chez les eucaryotes et bactéries, produits à partir d’ARN polycistroniques précurseurs. Ils sont ensuite maturés pour permettre l’assemblage des ribosomes. Les ribosomes d’archées sédimentent à 70S, et sont composés des ARNr 23S, 16S et 5S. La majorité des génomes d’archées ne possèdent qu’un opéron rrn, à l’exception de certains qui en possèdent jusqu’à quatre répartis dans le génome comme pour Methanococcus vannielii ou Halolamina sediminis (Acinas et al. 2004). Deux principales organisations de l’opéron rrn sont retrouvées chez les archées. Dans les deux organisations, les ARNr 16S et 23S sont co-transcrits en de larges précurseurs. L’ARNr 5S est lui soit retrouvé en aval du gène de l’ARNr 23S comme chez les Euryarchées, soit il est codé séparément comme dans le génome des TACK. Les gènes rrn sont encadrés en 5’ et 3’ par des ETS (External Transcribed Spacers) et séparés par un ITS (Internal Transcribed Spacer) (Klug et al. 2007). Dans la plupart des Euryarchées l’ITS 1 code un ARNtALA et dans certains cas l’ETS en 3’ peut coder pour un ARNtCYS (Deppenmeier et al. 2002; Hartmann et al. 2009). Les précurseurs intermédiaires 16S et 23S sont circulaires et sont clivés et dégradés par des endo- et exoribonucléases non identifiées, pour donner des transcrits matures (Figure 8) (Tang et al. 2002; Danan et al. 2012; Qi et al. 2020). Le nombre de modifications chimiques sur les ARNr archées varie selon les groupes (Nomura et al. 2002). Chez les archées hyperthermophiles, le nombre de modifications observées est proche de celles des eucaryotes (~100), ce nombre est réduit chez les halophiles (Grosjean et al. 2010; Grosjean et al. 2008). Chez Sulfolobus solfataricus par exemple, 67 méthylation 2’-O-ribose ont été reportés et seulement quatre chez Haloferax volcanii (Grosjean et al. 2008; Dennis et al. 2015). Cette disparité n’est pas encore bien expliquée. La plupart des modifications sont des pseudouridines et des méthylations 2’-O-ribose. Chez les archées et eucaryotes, ces modifications sont gouvernées par deux mécanismes indépendants (De Zoysa and Yu 2017). Le premier implique des enzymes appelées pseudouridine synthases et methyltransférase qui reconnaissent le substrat et catalyse respectivement l’isomérisation de l’uridine en pseudouridine et le transfert du groupement méthyle sur le 2’O-ribose. Le second fait intervenir les ARN guide à boîte C/D et boîte H/ACA. Chez les archées, la plupart des modifications sont réalisées par des complexes RNP guidés par des ARN. Il est aussi proposé que ces ARN guides soient des « Chaperons » qui facilitent le repliement des ARNr (Dennis et al. 2015).
Les voies de biogénèse des ribosomes chez les eucaryotes et les bactéries sont complexes et comprennent la maturation des ARNr et leur assemblage avec les protéines ribosomales. Ces étapes nécessitent l’action coordonnée d’endo- et exoribonucléases qui agissent avec des facteurs d’assemblage. Seulement quelques étapes des voies de biogénèse des ribosomes archées ont été identifiées (Ferreira-Cerca 2017) et certaines activités endoribonucléolytiques ont été identifiées mais la plupart reste élusives. Les régions qui entourent les séquences de l’ARNr 16S et 23S contiennent des motifs BHB clivés par l’endonucléase EndA, qui intervient aussi dans l’épissage des ARNt (Figure 8) (Thompson and Daniels 1988). Après l’action d’une ligase à ARN, les précurseurs circulaires 16S et 23S sont ouverts par un clivage endonucléolytique et dégradé par des endo- et exoribonucléases non identifiées, en transcrits matures (Tang et al. 2002; Danan et al. 2012). Basé sur des expériences in vitro chez Pyrococcus Horikoshii, il est proposé que aNob1, homologue de l’endonucléase Nob1 eucaryote -responsable du clivage de l’ARNr 18S chez la levure- soit responsable de la maturation en 3’ de l’ARNr 16S (Veith et al. 2012). Les ARNt codés dans l’ITS ou dans l’ETS en 3’ sont clivés par la RNase P et RNase Z. La RNase Z est aussi impliquée dans la maturation en 5’ de l’ARNr 5S en clivant la structure ARNt-like (Danan et al. 2012). Les ARNr 23S et 16S archées peuvent contenir des introns qui contiennent les motifs BHB et sont clivés par EndA durant la maturation (Nomura et al. 2002; Itoh et al. 2003).
Les ARN à boîte C/D et H/ACA
Les ARN à boîte C/D et H/ACA s’associent à des protéines et forment des complexes ribonucléoprotéiques (RNP) qui guident respectivement la 2’-O-méthylation du ribose et la pseudouridylation sur les ARNr et ARNt (Figure 8).
Les ARN à boîte C/D, qui font entre 50 et 60 nucléotides, sont caractérisés par des motifs (ou boîtes) de petites séquences : C/C’ (RUGAUGA) et D/D’ (CUGA) qui forment des motifs structuraux appelés Kink-turn (K-turn) et/ou Kink-loop (K-loop) (Gomes-Filho et al. 2018). Ils s’assemblent en complexes RNP actifs avec les protéines L7Ae, Nop5 et Fibrillarine (Omer et al. 2002). L7Ae se lie aux motifs structuraux Kink-turn et Kink-loop et recrute les protéines Nop5 et Fibrillarine. Nop5 permet la liaison entre les deux ARN et la Fibrillarine porte l’activité catalytique méthyltransférase. Les ARN à boîte H/ACA d’archées sont moins nombreux qu’à boîte C/D et généralement constitués d’une seule tige-boucle d’environs 65-75 nucléotides qui est immédiatement suivie d’une boîte H (ANANNA) ou ACA (ACA) à un seul brin (Yip et al. 2013). À l’intérieur de la tige, deux brins non appariés forment une boucle bipartite qui forme la poche de pseudouridylation. Les protéines L7Ae, Nop10, Gar1 et Cbf5 sont associées aux ARN à boîte H/ACA pour former un RNP actif (Charpentier et al. 2007). La pseudouridine synthase Cbf5 se lie aux séquences H/ACA, L7Ae reconnait les structures K-turn ou K-loop dans la tige de l’ARN, Nop10 organise les interactions entre L7Ae et Cbf5 et renforce la liaison à l’ARN et Gar1 est nécessaire pour la libération de l’ARN. La pseudouridylation stabiliserait les structures de l’ARN. Il a été démontré que la perte de ces modifications dans l’ARNr chez la levure affecte la traduction (Liang et al. 2009)(Gomes-Filho et al. 2018; Yip et al. 2013).
Les ARN CRISPR
Les ARN CRISPR (ARNcr) sont impliqués dans la défense immunitaire de la cellule contre des éléments génétiques infectieux, comme des plasmides ou des virus. Les systèmes d’immunité CRISPR-cas sont trouvés dans la majorité des génomes archées (Makarova et al. 2015; Makarova et al. 2020). Brièvement, les locus CRISPR codent pour des courtes répétitions palindromiques espacés par des séquences uniques nommées espaceurs ou « spacers » qui s’apparient avec des éléments génétiques étrangers. Les gènes cas associés codent les protéines nécessaires à la réaction de défense, incluant des protéines de liaison à l’ARN, des nucléases, des hélicases ou des polymérases. La transcription du locus CRISPR produit un long pré-ARNcr qui est clivé à chaque répétition en ARNcr individuel (Figure 8). Durant la phase d’interférence, les molécules d’ADN ou ARN invasives qui s’apparient avec les ARNcr sont clivés par des complexes RNP effecteurs composés par des protéines Cas associées à des ARNcr individuels (Koonin et al. 2017). La nouvelle classification des systèmes CRISPR-Cas inclut 2 classes, 6 types et 33 sous-types qui diffèrent selon leur composition et fonctionnement (Makarova et al. 2020). Brièvement, la classe 1 possède un complexe effecteur multiprotéique alors que celui de la classe 2 est composée d’une seule protéine. Les archées possèdent généralement le système CRISPR de classe 1.
Les protéines liant l’ARN
Dans la biologie des ARN, les protéines des superfamilles Sm/Hfq ou L7Ae, jouent un rôle important dans l’assemblage des complexes RNP.
Les protéines Sm-like/Hfq
Les protéines Sm-like/Hfq forment une superfamille de protéines liées à l’ARN qui sont conservées à travers les trois domaines du vivant (Mura et al. 2013). Elles possèdent un domaine commun composé de deux motifs Sm connectés par une région variable en longueur ou motifs. Leur séquence primaire n’est pas conservée, mais elles partagent la même structure 3D en anneau/tonneau (Wilusz and Wilusz 2013). Chez les eucaryotes et les bactéries, les protéines Sm/Hfq ont des activités « chaperonnes » permettant l’agencement d’’échafaudage moléculaire pour l’assemblage de complexes RNP et qui influencent les structures des ARNs (Vogel and Luisi 2011). La famille de protéines Sm/Hfq chez les archées sont appelées SmAPs. Il existe des paralogues : SmAP1 and SmAP2 et aussi SmAP3 avec un domaine CTD plus long chez certaines Crénarchées comme Sulfolobus solfataricus ou Sulfolobus tokodaii (Mura et al. 2013). Un homologue bactérien Hfq-like a aussi été identifié dans le génome de Methanococcus jannaschii (Nielsen et al. 2007). Des études ont montrés chez Haloferax volcanii et Sulfolobus solfataricus que le gène SmAP1 est souvent aux côtés du gène codant la sous unité L37e du ribosome 50S, suggérant un rôle dans la maturation et la stabilisation des ARNr (Mura et al. 2013) et que le gène SmAP2, dans la plupart des Crénarchées et Thaumarchées, est en aval du gène codant une méthionine adénosyltransférase qui pourrait l’impliquer dans la méthylation de l’ARN ou l’ADN. Un rôle dans la maturation ou la biogénèse des ARNt a aussi été suggéré chez Archaeoglobus fulgidus et Sulfolobus solfataricus puisque les protéines SmAP1 et SmAP2 sont associées à la composante ARN de la RNase P (Törö et al. 2001).
La protéine L7Ae
L7Ae est un membre de la famille de protéines L7Ae/L30 retrouvée chez les archées et les eucaryotes. Ces protéines partagent la capacité de lier les motifs K-turn ou K-loop (Mao et al. 1999; Ban et al. 2000; Kuhn et al. 2002) (Ref). L7Ae est une protéine de la grande sous unité du ribosome, qui fait également partie des complexes de modification RNP C/D et H/ACA (comme mentionné ci-dessus) et du complexe RNase P. Des données récentes suggèrent que L7Ae peut réguler la traduction en se liant directement à la région 5’ non traduite de son propre ARNm (Daume et al. 2017). La présence de L7Ae dans les complexes RNase P, RNP C/D et H/ACA, et le ribosome chez les archées pourrait indiquer une coordination de la régulation des machineries macromoléculaires impliquant différentes facettes de la traduction (modification et maturation des ARNt et ARNr).
Ribonucléases chez les Archées
Les acteurs clés du processing et dégradation des ARN sont les ribonucléases (RNases). Les RNases catalysent le clivage exo- ou endoribonucleolytique de ponts phosphodiester et agissent en concertation avec d’autres enzymes telles que les hélicases à ARN, les polymérases poly(A) et les pyrophosphohydrolases. Elles sont classées en deux grands groupes, les hydrolases et les phosphorylases. Les hydrolases nécessitent des molécules d’eau pour catalyser le clivage des liaisons phosphodiesters alors que les phosphorylases utilisent un phosphate inorganique (Pi) et libèrent des nucléosides 5′-diphosphates (NPD). Le nombre de ribonucléases présentes dans les organismes -24 chez Escherichia coli, 34 chez Saccharomyces cerevisiae, 60 chez l’homme- traduit leur diversité de fonctions. Elles sont essentielles à la maturation et au contrôle qualité des ARN et peuvent être effectrices des voies de signalisation qui contrôle l’expression génique au niveau post-transcriptionnel. Elles peuvent aussi intervenir contre les invasions de génomes viraux ou contre la propagation des éléments transposables (Stoecklin and Mühlemann 2013). Le renouvellement ou la maturation des ARN sont souvent initiés par un clivage interne d’une endoribonucléase suivi par des dégradations à partir des extrémités 5’ ou 3’ sous l’action d’exoribonucléases. Les RNases peuvent être regroupées selon leur spécificité de substrats, la nature des produits ou leurs mécanismes d’action (processive ou distributive).
Une partie de mon travail de thèse a contribué à répertorier les familles de RNases (structures et fonctions) chez les archées dans le cadre d’une revue parue dans le journal FEMS Microbiology (Clouet-d’Orval et al. 2018). La revue est jointe à ce manuscrit (Publication 1). Une partie des figures du chapitre III paragraphe 1 2, annotées Figures FEMS, font références à celle trouvées dans la revue. Les familles de RNases archées citées dans la revue ont été définies par comparaison avec leurs homologues bactériens et eucaryotes (Tableau 2 FEMS). Les études phylogénomiques sur chacun des membres des familles de RNases au sein des génomes ont permis d’établir leur occurrence dans la phylogénie des Archées (Figure 1 FEMS).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Les Archées
1. Généralités
1.1 Découverte et classification
1.2 Les modèles d’études
2. La Réplication et la Réparation de l’ADN
2.1 La Réplication de l’ADN
2.2 La réparation de l’ADN
3. La Transcription
3.1 L’ARN polymérase
3.2 L’initiation
3.3 L’élongation
3.3 La terminaison
3.4 Les Facteurs de régulation de la transcription
4. La traduction
4.1 L’Initiation
4.2 L’Elongation
4.3 Terminaison et recyclage des ribosomes
4.4 Les voies de dégradation des protéines
II. La biologie des ARN chez les Archées
1. Les ARN messagers
2. Les ARN de transfert
3. Les ARN ribosomiques
4. Les ARN à boîte C/D et H/ACA
5. Les ARN CRISPR
6. Les protéines liant l’ARN
6.1 Les protéines Sm-like/Hfq
6.2 La protéine L7Ae
III. Ribonucléases chez les Archées
1. Les EndoRNases
2. Les ExoRNases 5’-3’ : la famille β-CASP
2.1 Le groupe CPSF
2.2 Le groupe RNase J
3. Les ExoRNases 3’-5’
3.1 L’aRNase R
3.2 L’Exosome à ARN
IV. Les Hélicases à ARN chez les Archées
1. Les Familles SF1-SF2
2. Les hélicases Ski2-like
V. Publication 1 : Clouet d’Orval B., Batista M. et al. 2018
MATERIELS ET METHODES
I. Construction des vecteurs d’expression
1. Clonage avec le kit InFusion® (Ozyme)
2. Clonage par PCR inverse
3. Mutagénèse dirigée
II. Production des protéines recombinantes
1. Surexpression des protéines recombinantes
2. Lyse et préparation de l’extrait brut
3. Purification des protéines sans étiquette : Pab-aRNase J, Pab-Hel308, Pab-ASH-Ski2 et ses variants
4. Purification des protéines avec étiquette Histidine: Pab-aRNase J-(His)6, (His)6-Pab-Rrp41, (His)6-Pab-Csl4, (His)6-Pab-ASH-Ski2 et ses variants
5. Quantification des protéines
6. Conservation des protéines
III. Pull down pour établir les réseaux d’interactions des protéines (His)6-Pab-Rrp41 et (His)6-Pab- Csl4
1. Pull down
2. Analyse protéomique
IV. Test d’interactions in vitro
1. Co-purification de mélange de culots protéiques recombinés sur colonne de Nickel en système FPLC
2. Co-purification de mélange de protéines recombinantes purifiées sur colonne de Nickel en système FPLC
3. Co-purification de mélange de protéines purifiées sur bille de Nickel
4. Mélange de protéines purifiées en système HPLC
V. Tests enzymatiques
1. Radiomarquage des substrats
2. Test ATPase
3. Test d’affinité pour les acides nucléiques
4. Test d’appariement et déroulement des brins d’acides nucléiques
VI. Tests Biophysiques et structurales
1. Diffusion dynamique de la lumière en solution (Dynamic Light Scattering)
2. SEC-MALS (Size Exclusion Chromatography – Multi Angle Light Scattering)
3. Fluorimétrie à balayage différentiel (Differential Scanning Fluorimetry)
4. Essais de cristallisation
5. Modélisation structurale des protéines
RESULTATS
I. Publication 2 : Phung D.K., Etienne C., Batista M. et al. 2020
II. Etudes des réseaux d’interactions d’aRNase J, ASH-Ski2 et des sous unités Rrp41 et Csl4 de l’Exosome à ARN
1. Technique dite de « pull down »
2. Réseaux d’interactions d’aRNase J et ASH-Ski2
3. Réseaux d’interactions des sous unités de l’exosome Rrp41 et Csl4
4. Conclusions
III. Interaction entre partenaires du réseau d’interaction de Pab-aRNase J
1. Co-purification par affinité de protéines recombinantes Proie/Appât
2. Pab-aRNase J et Pab-ASH-Ski2 forment un complexe stable in vitro
3. Pab-aRNase J et la sous-unité de la coiffe Pab-Csl4 de l’exosome à ARN forment un complexe stable in vitro
4. Etudes préliminaires de co-purification de Pab-aRNase J et Pab-ASH-Ski2 avec la sous-unité 30S purifiée du ribosome de P. abyssi
IV. Caractérisation biochimique de Pab-ASH-Ski2
1. Activité ATPasique
2. Liaison aux acides nucléiques
3. Activité hélicase
4. Conclusions
V. Etudes structurales d’ASH-Ski2 et aRNase J
1. Purification de Pab-aRNase J et Pab-ASH-Ski2
2. Homogénéité des échantillons protéiques Pab-aRNase J et Pab-ASH-Ski2
3. Etudes structurales préliminaires par cristallographie
DISCUSSION
ANNEXE
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