Quโest-ce que la Biologie de garage ?
La biologie de garage est un mouvement qui a vu le jour ร Boston en 2008. Dans un rapport dโinformation parlementaire sur les enjeux de la biologie de synthรจse, Geneviรจve Fioraso le dรฉfinit comme un ensemble dโamateurs qui ยซ cherchent โ le plus souvent en dehors des institutions officielles de recherche โ ร crรฉer des organismes biologiques par curiositรฉ ou par souci de dรฉmontrer leur capacitรฉ. Leur motivation peut รชtre jugรฉe comparable aux hackers informatiques opรฉrant sans arriรจre-pensรฉe malveillante ยป. Cette dรฉfinition, bien quโimparfaite, offre une comprรฉhension assez bonne du contexte gรฉnรฉral du biohacking et รฉclaire quelque peu, par la comparaison au hacking informatique, sur la mentalitรฉ associรฉe au biohacking : il s’agit d’expรฉrimenter avec la biologie, de voir comment elle fonctionne et parfois de crรฉer ou modifier quelque chose (bien que ce soit moins facile qu’avec l’informatique), le tout dans un esprit d’ouverture et de partage. Cette comparaison offre aussi l’avantage de donner une idรฉe instinctive des enjeux qui entourent la biologie de garage. Cette question sera traitรฉe en dรฉtail plus loin, selon ses deux aspects : celui des risques et celui du potentiel รฉconomique et scientifique.
Les biologistes amateurs, ou biohackers, qui pratiquent la biologie de garage sont un groupe trรจs divers, composรฉ de biologistes, mais aussi dโinformaticiens, de bioartistes, de professeursโฆ En 2013, une enquรชte portant sur plus de 300 biohackers (principalement aux รtats-Unis) a rรฉvรฉlรฉ des tranches dโรขge et des niveaux de formation variรฉs ; les trois quarts des personnes interrogรฉes avaient un diplรดme de lโรฉducation supรฉrieure (au total, 19 % avaient des doctorats dans divers domaines), mais pas nรฉcessairement de formation en biologie : environ un tiers des rรฉpondants nโavaient pas รฉtudiรฉ ce domaine au-delร du lycรฉe. Cette mรชme รฉtude montre que la moitiรฉ des biohackers travaillent dans plusieurs lieux, notamment dans des laboratoires communautaires, dans des hackerspaces, chez eux ou dans un laboratoire universitaire, gouvernemental ou dโentreprise. Ainsi, 20% des personnes interrogรฉes pratiquent la biologie de faรงon professionnelle, en plus de mener des expรฉriences en tant que biohackers.
Ce groupe nโest donc pas constituรฉ exclusivement dโamateurs, mais la forte participation de personnes qui ne sont pas biologistes mais simplement curieuses de ce domaine est caractรฉristique de ce mouvement, tout comme les lieux de cette pratique : chez soi, dans un laboratoire communautaire, un local associatif ou tout autre espace, pourvu quโil ne sโagisse pas dโun laboratoire de recherche habituel.
Hรฉritages : les ยซ hackers ยป informatiques, le bricolage et la biologie
La naissance du biohacking :La biologie do-it-yourself est ยซ nรฉe ยป le 1er mai 2008, lors dโune rรฉunion dans un pub situรฉ entre le Massachussets Institue of Technology et lโUniversitรฉ de Harvard, ร cรดtรฉ de Boston. Environ vingt-cinq personnes de profils diffรฉrents รฉtaient alors rรฉunies pour discuter de ces pratiques naissantes et de leur potentiel. Le magazine Make parlait par exemple dรฉjร de ยซ biologie dโarriรจre-cour ยป (ยซbackyard biologyยป) et, depuis une dizaine dโannรฉes, plus dโun artiste, biologiste ou bricoleur avait dรฉjร montรฉ chez lui des expรฉriences de biologie ou crรฉรฉ des รฉquipements, mais cette rรฉunion marque pour beaucoup de biohackers la vรฉritable origine du mouvement DIYbio, qui a menรฉ ร la crรฉation du site internet diybio.org, point de rassemblementย de la communautรฉ et des groupes de par le monde. De nombreux groupes ont par la suite rapidement vu le jour, aux รtats-Unis dโabord, mais aussi ailleurs, notamment en Europe puis en Asie. En France, le groupe La Paillasse a commencรฉ ร monter son laboratoire dรจs 2009, dans un sous-sol dรฉsaffectรฉ prรฉs de Vitry-sur-Seine.
De la biologie de synthรจse ร la biologie de garage
De ce point de vue, lโessor de la biologie synthรฉtique (ou biologie de synthรจse) a jouรฉ un rรดle indispensable. Il sโagit lร dโune technologie aux dรฉfinitions diversesย , qui consiste essentiellement ร permettre ou faciliter lโingรฉnierie du vivant, notamment en tรขchant de sรฉparer les processus biologiques en รฉlรฉments indรฉpendants. Deux objectifs importants de la biologie synthรฉtique sont la recherche du gรฉnome minimal (qui permette ร un organisme dโรชtre vivant avec le moins dโADN possible) et la construction de systรจmes biologiques artificiels. Un troisiรจme axe de recherche et un outil important de la biologie de synthรจse sont les briques duย vivant, telles que les BioBricks, des fragments dโinformation gรฉnรฉtique ร la fonction dรฉfinie, quโil est possible dโassembler entre eux et dโintรฉgrer ร un gรฉnome ร la maniรจre de briques Lego.
La biologie de synthรจse a eu pour consรฉquence de rendre la biologie plus facile ร pratiquer et plus accessible. Elle est รฉgalement ร lโorigine du concours iGEM (pour International Genetically Engineered Machine), qui depuis 2003 enjoint chaque annรฉe des รฉquipes dโรฉtudiants ร crรฉer une ยซ machine gรฉnรฉtiquement modifiรฉe ยป et ร alimenter un registre de composants biologiques compatibles avec le standard BioBricks.
Risques : questions dโรฉthique et de biosรฉcuritรฉ
Lโidรฉe de rendre la ยซ biologie ยป accessible ร tous a suscitรฉ des inquiรฉtudes, relayรฉes notamment par les mรฉdias, prompts ร forcer le trait. Celles-ci sont de trois ordres.
Premiรจrement, de mรชme que les hackers informatiques ont le potentiel de crรฉer des virus informatiques, la crainte existe que des biologistes non contrรดlรฉs par un organisme รฉtabli puissent crรฉer un virus tueur grรขce au matรฉriel devenu accessible et aux informations librement diffusรฉes. Cette crainte est notamment liรฉe, en particulier aux รtats-Unis, ร la peur du bioterrorisme. Un exemple en est le cas de Steve Kurtz, quelques annรฉes avant lโรฉmergence du biohacking en tant que tel : Steve Kurtz, professeur dโuniversitรฉ et fondateur du Critical Art Ensemble, utilise la biotechnologie dans ses ลuvres dโart. Un matin, en mai 2004, il trouva sa femme dรฉcรฉdรฉe ร la maison. Il appela la police qui, dรฉcouvrant son matรฉriel de laboratoire et ses boรฎtes de Petri, convoqua le Joint Terrorism Task Force. La rue fut bouclรฉe, des agents vรชtus dโun costume de prรฉvention des risques biologiques saisirent son matรฉriel, et Kurtz fut arrรชtรฉ et dรฉtenu pour prรฉsomption de bioterrorisme. (โฆ) Il fut rapidement รฉtabli que sa femme รฉtait morte dโune cause naturelle, mais il a fallu quatre ans pour que lโensemble des accusations portรฉes contre Kurtz soient totalement abandonnรฉes. Il sโagit lร dโun cas extrรชme, et le FBI privilรฉgie aujourdโhui une stratรฉgie dโouverture, dโobservation et de communication plutรดt que de contrรดle et de rรฉpression prรฉventive, de mรชme que la plupart des pays confrontรฉs ร cette question. Ils considรจrent en effet que cette inquiรฉtude est en grande partie infondรฉe, car la biologie de garage est bien loin dโoffrir des capacitรฉs suffisantes pour de tels actes. Mรชme dans un laboratoire de recherche avancรฉ, crรฉer ou modifier un virus reste un exploit quโun laboratoire moins bien รฉquipรฉ ne serait pas ร mรชme de reproduire. Les biologistes amateurs affirment que cette crainte est รฉgalement contrecarrรฉe par lโaspect fondamentalement collaboratif du biohacking. Un individu qui dรฉciderait de mener un projet potentiellement malveillant serait bien vite repรฉrรฉ par ses collรจgues ; la plupart des groupes ne donnent dโailleurs accรจs aux individus ร leur laboratoire quโaprรจs avoir approuvรฉ les projets qui y seront dรฉveloppรฉs, et contrรดlent รฉgalement les consommables qui sont apportรฉs.
Le fonctionnement des groupes de biohacking
La biologie de garage peut se pratiquer dans des lieux divers. Il est en effet possible de monter son propre laboratoire chez soi pour une pratique individuelle, dont lโampleur est difficile ร รฉvaluer. Il sโagit toutefois plus souvent de groupes, un laboratoire peut alors se constituer dans toutes sortes dโendroits, du squat au local spรฉcialement louรฉ et amรฉnagรฉ. En termes dโorganisation, de nombreux groupes sont initialement apparus avec une organisation autonome, que certains ont conservรฉe. Aujourdโhui, la plupart des biohacklabs font toutefois partie dโune structure plus vaste, des hackerspaces oรน la biologie do it yourself est lโune des voies dโexpรฉrimentation proposรฉes. Les laboratoires de biologie sont alors intรฉgrรฉs ร ce groupe plus large, mais conservent gรฉnรฉralement des rรจgles dโaccรจs spรฉcifiques du fait de leur statut et des exigences de sรฉcuritรฉ qui leurs sont propres.
Tous ces groupes ont, selon leur ampleur et leur modรจle de fonctionnement, besoin dโargent pour fonctionner. Il faut acheter des consommables, souvent louer lโespace, parfois acheter du matรฉriel voire, pour les groupes les plus importants, rรฉmunรฉrer des salariรฉs. Les sources de financement peuvent รชtre trรจs variรฉes. Sโagissant pour la plupart dโassociations, les groupes peuvent demander une cotisation ร leurs membres ; dans le cas oรน un laboratoire de biologie est intรฉgrรฉ ร une structure plus large, une contribution spรฉcifique, obligatoire ou non, peut รชtre demandรฉe ร ceux qui y accรจdent. Cโest le cas par exemple du groupe de biohacking intรฉgrรฉ au Hackspace de Londres: le laboratoire est accessible ร tous les membres de faรงon ponctuelle, mais ceux qui lโutilisent rรฉguliรจrement sont invitรฉs ร adhรฉrer au sous-groupe par une petite cotisation supplรฉmentaire. Le prix de lโaccรจs au laboratoire est parfois plus รฉlevรฉ, notamment pour les groupes qui opรจrent indรฉpendamment, tels que Genspace.
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Table des matiรจres
Introduction
Partie 1 : Quโest-ce que la Biologie de garage ?
A- Dรฉfinition : une idรฉe nouvelle
B- Hรฉritages : les ยซ hackers ยป informatiques, le bricolage et la biologie
C- Risques : questions dโรฉthique et de biosรฉcuritรฉ
D- Un mouvement parti pour durer ?
Partie 2 : La biologie de garage dans la pratique
A- Le fonctionnement des groupes de biohacking
B- Grandes tendances
Conclusion
TRADUCTIONย
Texte 1 : European do-it-yourself (DIY) biology: Beyond the hope, hype and horror
Texte 2 : Hackerspaces and DIYbio in Asia: connecting science and community with open data, kits and protocols (extrait)
Stratรฉgie de traductionย
Prรฉsentation des textes
Texte 1 : European do-it-yourself (DIY) biology: Beyond the hope, hype and horror
Texte 2 : Hackerspaces and DIYbio in Asia: connecting science and community with open data, kits and protocols (extrait)
Choix des textes
Stratรฉgie de traduction
Processus de la traduction
Difficultรฉs de traduction
Introduction et prรฉsentation des difficultรฉs
Difficultรฉs de reformulation
Difficultรฉs terminologiques
Observations diverses
Conclusion
Analyse terminologique
Fiches terminologiques
Glossaire
Lexiques
Bibliographie critique
Sources en franรงais
Experts contactรฉs
Articles de revue
Interview
Rapports dโinformation
Chapitres dโouvrages
Confรฉrences
Sources en anglais
Vidรฉo
Articles de revues
Articles de pรฉriodiques
Ouvrages et Chapitres dโOuvrages
Rapports de recherche
Sites internet et pages de sites internet
Annexes
Quelques exemples de groupes
Aux รtats-Unis
En France
Ailleurs
Projet de code dโรฉthique rรฉdigรฉ lors du Congrรจs europรฉen de biologie DIY, en mai 2011
Projet de code dโรฉthique rรฉdigรฉ lors du Congrรจs nord-amรฉricain de biologie DIY, en juillet 2011
Le ยซ grinding ยป, biohacking de lโhumain
Entretien avec Thomas Landrain (extraits)
Index des illustrations
Index
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