La réponse immunitaire
On distingue trois types cellulaires majeurs impliqués de manière active dans le système immunitaire : les lymphocytes T, B, et les phagocytes. Les lymphocytes sont impliqués dans les mécanismes de défense spécifiques tandis que les phagocytes se partagent les défenses innées. Toutes les cellules du système immunitaire originent de cellules souches hématopoïétiques (cellules présentes dans la moelle osseuse). Ces cellules souches peuvent se différencier en cellules progénitrices, qui donneront ensuite naissance à différents types cellulaires. Les progénitrices lymphoïdes donnent naissance aux lymphocytes et aux cellules NK.
Les progénitrices myéloïdes sont les précurseurs des granulocytes, des macrophages, des cellules dendritiques et des mastocytes du système immun (Murphy K., 2011). Les cellules dites « phagocytaires », telles que les macrophages et les cellules dendritiques ont pour rôle de présenter des antigènes étrangers aux lymphocytes T afin de générer une réponse immunitaire. Elles représentent l’immunité innée et sont résidentes de nombreux tissus dans l’organisme comme la peau. D’autres types cellulaires comme les neutrophiles, les mastocytes et les cellules NK (« Natural Killer ») seront aussi impliqués dans certaines fonctions du système immunitaire, mais ne seront pas discutés dans ce présent document.
Les lymphocytes T et B, sont les cellules responsables de la reconnaissance spécifique des antigènes. On retrouve deux types de lymphocytes T : (1) les CD4+, aussi appelés T « helper », qui ont comme fonction principale d’activer les autres lymphocytes en sécrétant des protéines solubles appelées cytokines et (2) les CD8+, qui ont une activité cytolytique et éliminent les cellules étrangères ou les cellules infectées par un virus ou un parasite intracellulaire. Les lymphocytes B sécrètent, pour leur part, des anticorps spécifiques aux antigènes étrangers et servent de cellules présentatrices d’antigène (CPA) en captant les protéines circulantes pour activer une réponse immune (Murphy K., 2011). Le système immunitaire possède ainsi plusieurs caractéristiques qui augmentent son efficacité. En premier lieu, la spécificité de reconnaissance des antigènes discrimine entre les antigènes du soi et ceux du « non-soi » et élimine ainsi les invasions étrangères. Les lymphocytes stimulés possèdent aussi une « mémoire » qui leur permet de répondre rapidement à une rencontre subséquente du même antigène.
La biodisponibilité et les techniques de production des substituts cutanés
Les substituts cutanés ont été développés afin d’améliorer la prise en charge des grands brûlés. Tout commença en 1975 par la découverte de la culture des cellules épithéliales cutanées puis deux années plus tard par la mise au point d’une technique de production de feuillet épidermique (Rheinwald J. G. et al., 1975; Rheinwald J. G. et al., 1977). Puisque ceux-ci pouvaient être autologues, ils ont eu pour nom « cultured epithelial autograft (CEA) ». Cette technique a révolutionné la prise en charge des grands brûlés, car elle permet de reconstituer l’architecture initiale de la couche superficielle de la peau (épiderme), en employant des kératinocytes propres au patient lorsque les autogreffes ne sont pas en nombre suffisant pour recouvrir les plaies du patient.
Dans certaines situations, les cultures de kératinocytes seuls sont insuffisantes, que ce soit en termes de prise de greffe ou du résultat fonctionnel et esthétique, dû essentiellement à l’absence du derme. En effet, in vivo, on note une forte interrelation physiologique entre le derme et l’épiderme. Par exemple, une réponse de type inflammatoire induite par la sécrétion de cytokines de l’épiderme stimulera la production de facteurs de croissance au niveau des fibroblastes, qui à leur tour vont 14 stimuler la prolifération des cellules épidermiques (Dantzer E. et al., 2003; Idrus R. B. et al., 2014; van Zuijlen P. P. et al., 2001).
Par conséquent, afin de remédier au manque d’activité physiologique d’un simple épithélium cutané, différents laboratoires ont développé des tissus associant une base dermique et épidermique, soit des fibroblastes et des kératinocytes autologues et/ou allogéniques. La technique traditionnelle de bio-ingénierie tissulaire, illustrée à la figure 1.2 à la page suivante, emploie l’approche dite « Top-down », laquelle consiste à ensemencer des cellules sur un échafaudage de polymère biosynthétique (l’acide polyglycolique (PGA)) ou biologique (collagène), qui servira à recréer le tissu conjonctif, ou encore à décellularisé un tissu.
Le modèle par bio-impression
La bio-impression est une technique automatisée assistée par ordinateur qui permet la déposition prédéfinie de cellules vivantes, biomatériaux et facteurs de croissance grâce à des systèmes de type extrusion, de jet d’encre, de laser ou encore de microvalves (Chua C.K. and Yeong, W.Y., 2015), afin de fabriquer un tissu tridimensionnel ressemblant au natif sur demande avec un haut degré de flexibilité et de répétabilité (Murphy S. V. et al., 2014). Cette technique permet de paramétrer des micros environnements caractéristiques, tels que les crêtes épidermiques et modulations de surface, et ainsi recréer un tissu possédant des propriétés mécaniques et biochimiques paramétrables à volonté pouvant jouer un rôle dans l’alignement et la différenciation cellulaire (Guillotin B. et al., 2011). De nombreux biomatériaux ont été évalués, incluant des polymères (Lee Sanghyun et al., 2016; Vaezi Mohammad et al., 2015), métaux (Sing Swee Leong et al., 2016; Sing Swee Leong et al., 2016; Sing S. L. et al., 2016), hydrogels (Murphy Sean V. et al., 2013; Ng Wei Long et al., 2016) et céramiques (Yeong W. Y. et al., 2013).
À date, les techniques par laser et microvalve ont été utilisées afin de reconstruire des tissus cutanés bilamellaires (derme et épiderme) dont le collagène est la base matricielle (Koch Lothar et al., 2012; Lee Vivian et al., 2013; Lee Wonhye et al., 2009; Michael Stefanie et al., 2013). 20 Odde et Renn ont été les premiers à introduire la technique de bio-impression assistée par laser sous le nom de « Laser-Guided Direct Writing » en 2000 (Odde D. J. et al., 2000). Ce dispositif comporte un rayon laser et un système de focalisation qui permet de guider la déposition des cellules vivantes sur un substrat à une localisation précise. Toutefois, un contact prolongé et direct au laser influe négativement sur la survie cellulaire (Odde D. J. et al., 2000). Ainsi, un procédé à l’origine appliqué aux métaux intitulé « Laser-Induced Forward Transfer (LIFT) », signifiant transfert induit par laser a été adapté à la bio-impression.
Le LIFT consiste à décoller sélectivement une couche mince de matériau sous forme de goutte dont la taille peut être ajustée et à la déposer sur un substrat sous l’effet d’un rayonnement laser (Skardal A. et al., 2015). Cette configuration présente un taux de survie cellulaire supérieur à 95 % puisque les cellules ne sont pas en contact direct avec le rayon laser. Le type jet d’encre ou extrusion utilise, quant à lui, des cartouches semblables au système d’impression à encre traditionnelle, à l’exception que celles-ci sont chargées indépendamment avec des cellules et biomatériaux. Ce système commandé par informatique génère une pression au niveau des cartouches afin de créer un flux liquidien qui sera, par la suite, distribué en goutte soit par un système thermique ou piézoélectrique (Faulkner-Jones A. et al., 2013; Malda J. et al., 2013).
Contrairement au procédé de type jet d’encre, la technique par extrusion ne génère pas de goutte pour disposer les cellules ou biomatériaux, mais un flux liquidien continu contrôlé par un système de pression (Skardal A. et al., 2015). L’approche la plus courante dans ce procédé est l’utilisation d’un polymère thermosensible qui se fluidifie lorsque chauffé et redevient solide lorsque refroidie, tel que le polycaprolactone. Toutefois, même si ce matériau possède de bonnes propriétés mécaniques et mime la physiologie native, il ne permet pas la déposition simultanée des cellules lors de la bio-impression.
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Table des matières
Chapitre 1 : Introduction
1.1. Le génie tissulaire dans la reconstruction cutanée
1.2. Le génie tissulaire et la clinique
1.2.1 Le système immunitaire
1.2.1.1 Le complexe majeur d’histocompatibilité
1.2.1.1 La réponse immunitaire
1.2.1.2 Les différents types de transplantation
1.2.1.3 Les aspects du rejet de greffe
1.2.1.4 Les types de rejet
1.2.2 La transplantation et la tolérance immunologique
1.2.2.1 Les immunosuppresseurs
1.2.2.2 La tolérance immunitaire
1.3 La biodisponibilité et les techniques de production des substituts cutanés
1.3.1 L’approche dite « Top-Down »
1.3.1.1 Le modèle de gel de collagène
1.3.1.2 Le modèle d’éponge
1.3.1.3 Le modèle de polymères biosynthétiques
1.3.1.4 Les dermes décellularisés
1.3.2 L’approche dite « Bottom-up »
1.3.2.1 Le modèle par auto-assemblage
1.3.2.2 Le modèle par bio-impression
1.3.3 Les propriétés mécaniques de la peau
1.3.3.1 La déformation non-linéaire
1.3.3.2 La viscoélasticité
1.3.3.3 La pré-tension et l’anisotropie
1.3.3.4 L’hétérogénéité ultrastructurale des propriétés mécaniques de la peau
1.3.4 Les substituts cutanés : application clinique et modèle d’étude pour la recherche et développement (R&D)
1.3.4.1 Les substituts dermiques pour le soin clinique
1.3.4.3 Les substituts épidermiques pour le soin clinique
1.3.4.4 Les substituts cutanés bilamellaires pour le soin clinique
1.3.4.5 Les modèles pour la recherche (translation clinique, pharmaceutique ou cosmétique)
1.4 Le LOEX et les peaux reconstruites par auto-assemblage (l’approche dite « Bottom-up »)
1.4.1 L’épiderme simple (kératinocyte)
1.4.2 L’épiderme pigmenté (kératinocytes + mélanocytes)
1.4.3 La jonction dermo-épidermique
1.4.4 Le derme
1.5 La pertinence et les objectifs du projet de recherche
1.5.1 Le besoin clinique
1.5.2 Le temps de production
1.5.3 La pigmentation
1.5.4 Les propriétés mécaniques
Chapitre 2 : Le génie tissulaire par auto-assemblage dans le recouvrement au long terme des plaies
2.1 Résumé en français
2.2 Article
2.2.1 Résumé (anglais)
2.2.2 Introduction
2.2.3 Résultats
2.2.4 Discussion
2.2.5 Matériels et méthodes
2.2.6 Matériels et méthodes supplémentaires
2.2.7 Remerciements
2.2.8 Références
Chapitre 3 : Mélanocyte et pigmentation, une part importante de notre identité et de notre survie
3.1 Résumé en français
3.2 Article
3.2.1 Résumé (anglais)
3.2.2 Introduction
3.2.3 Matériel et méthodes
3.2.4 Résultats
3.2.5 Discussion
3.2.6 Conclusion
3.2.7 Remerciements
3.2.8 Références
Chapitre 4 : Substituts cutanés reconstruits par génie tissulaire, un outil pour l’étude de l’élastogenèse
4.1 Résumé en français
4.2 Article
4.2.1 Résumé (anglais)
4.2.2 Introduction
4.2.3 Matériel et méthodes
4.2.4 Résultats
4.2.5 Discussion
4.2.6 Conclusion
4.2.7 Remerciements
4.28 Références
Chapitre 5 : Discussion et Conclusions
5.1. L’immunité et la biodisponibilité de tissus reconstruits par auto-assemblage
5.2. La pigmentation : Esthétique et protection
5.3. Propriétés mécaniques et impact sur la reconstruction tissulaire
5.4. Conclusions
Bibliographie (Chapitres 1 et 5)
Annexe 1 : Biocompatibility and Functionality of a Tissue-Engineered Living Corneal Stroma Transplanted in the Feline Eye
A1.1 Résumé en français
A1.2 Résumé en anglais
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