Des gestes et des attitudes professionnels bienveillants
En 2010, Zielinski dans son ’ouvrage « L’éthique du care : Une nouvelle façon de prendre soin » étudie l’étude du care. Cette dernière, fondée par Carol Gilligan en 1982 aux Etats-Unis, est définie par « la capacité à prendre soin d’autrui ». Selon elle, cette capacité est une disposition, et sereflète dans les pratiques sociales. Afin de se soucier de quelqu’un, il est donc nécessaire de « constater l’existence d’un besoin, de reconnaître la nécessité d’y répondre, et d’évaluer la possibilité d’y apporter une réponse » (Zielinski, 2010). Ces théories du care ou de la sollicitude, mettent l’accent sur la nécessité de s’adapter aux situations concrètes vécues en classe, elles définissent ainsi des gestes professionnels bienveillants. Ici, l’enseignant bienveillant porte un intérêt à ses élèves en l’encourageant à penser, à accepter divers points de vue, à ouvrir son esprit, il porte de l’attention « au fait qu’ils apprennent, travaillent, et mobilisent au maximum leurs capacités. » (Réto, 2017). Les enseignants doivent s’adapter aux élèves, en différenciant le contenu d’apprentissage, en prenant en compte leur bien-être, en développant un cadre qui soit sécurisant, et, tout à la fois, exigeant. Ils peuvent privilégier notamment la coopération et le travail en petits groupes. L’évaluation n’est pas utilisée dans un but de hiérarchisation de la classe, mais dans un but de notation des réussites et des progrès des élèves. Ils doivent également comprendre leurs difficultés, et les analyser afin d’y remédier.
Les gestes, mais également les attitudes non verbales (positionnement, sourire…) demandent donc un investissement auprès de l’enseignant. Il doit redoubler d’efforts dans la relation à l’élève mais également dans sa pédagogie. Pour porter un intérêt à ses élèves, l’enseignant va devoir utiliser l’erreur comme un outil pédagogique, ayant pour but de différencier son enseignement. Il va mesurer cette dernière à travers une évaluation quotidienne. Il adaptera son apprentissage aux diversités de ses élèves, tout en favorisant les pratiques coopératives et l’encouragement ; et en travaillant la gestion des émotions et des conflits.
Partant de ces faits, il est nécessaire de les expliciter afin de les instaurer dans la pratique.
L’erreur : un outil pédagogique
L’erreur a été perçue différemment au cours de l’Histoire ; et son statut se modifie.
Evelyne Blain-Joguet en 2012 à travers son ouvrage « Au cœur de l’erreur » analyse cette évolution de l’erreur par le biais des modèles d’apprentissage.
Dans un modèle transmissif où l’enseignant ne fait que transmettre son savoir sans intervention de l’apprenant, l’erreur est perçue telle une faute. La faute est celle de l’élève, qui n’aurait pas été assez attentif et n’aurait donc pas investit toutes ses capacités.
Au début du XXème, le modèle comportementaliste, issu de la psychologie behavioriste considère l’apprentissage comme un automatisme. L’individu apprend par répétition, par conditionnement et par imposition d’idées. L’enseignant doit donc décomposer son enseignement en étapes simples afin de guider les élèves à contourner les difficultés. L’erreur est donc perçue comme une faute, mais dans ce modèle elle est attribuée à l’enseignant.
Et enfin, pour le constructivisme, Blain-Joguet reprend Meirieu « l’apprentissage est une histoire qui met en présence un déjà-là et une intervention extérieure ; une histoire où s’affrontent des sujets et où travaillent et s’articulent, jamais très facilement, intériorité et extériorité, élève et maître, structures cognitives existantes et apports nouveaux » (Meirieu, 1988). Dans ce modèle constructiviste, l’erreur ne doit pas être oubliée mais doit être remplacéepar des conceptions correctes. Cette manière de prendre en compte l’erreur va influencer leclimat de confiance dans la classe. Pour agir en tant qu’éducateur bienveillant, l’enseignant doitfaire comprendre aux élèves que l’erreur est essentielle dans le processus d’apprentissage. Elle ne devient plus une faute mais un moyen de faire progresser le groupe et de construire le savoir.
L’erreur va devenir un outil éducatif qui permet une mise en place de pratiques pédagogiquesdifférenciées visant à réguler les apprentissages. Pour mesurer ces erreurs, il est nécessaire demettre en pratique des évaluations quotidiennes.
L’évaluation positive au service des apprentissages
Les gestes bienveillants mettent en évidence l’importance de l’observation attentive chez l’enseignant ; en vue d’apporter à ses élèves une réponse non seulement immédiate, mais aussi adaptée. Celui-ci va donc évaluer continuellement ses élèves pour leur assurer un suivi.
Les évaluations vont donc permettre à l’enseignant de connaitre les procédures de résolution de leurs élèves. Grâce à ces dernières, il va pouvoir établir un diagnostic des erreurs, et ainsi mettre en place des remédiations. L’évaluation doit cependant être positive, c’est-à-dire qu’elle doit permettre aux élèves de prendre en compte leurs performances et les progrès restants à effectuer, tout en évoluant dans un climat paisible.
La Loi d’Orientation de 2013, met en avant cette ambition d’évaluer sereinement les performances des élèves. La notation ne doit pas être vécue comme une sanction mais comme un accès à la connaissance. Les élèves doivent pouvoir connaitre leurs points forts, leurs réussites et le cheminement de leurs progrès. La prise en compte de l’âge, de la maturité de chacun des élèves est un aspect indispensable dans l’évaluation. Les résultats de celle-ci vontpermettre à l’enseignant d’adapter son enseignement aux divers profils de ses élèves.
La pédagogie différenciée
Marlène Pinceau, en 2020, de l’Institut Coopératif de l’École Moderne étudie la pédagogie de Célestin Freinet. Dans ses recherches, elle montre que Célestin Freinet, précurseur de la différenciation, met en place dans sa pédagogie des plans de travail individualisés. Ses élèves effectuent les tâches, fournies par le plan de travail, à leur rythme tout en étant autonomie. L’enseignant, s’adapte aux élèves en prenant en compte leurs diversités, tel un enseignant bienveillant. En connaissant leurs difficultés, il va les analyser et agir en fonction de leurs besoins ; ce qui permettra de diminuer de potentiels décrochages scolaires. L’enseignant peut différencier de plusieurs manières ; il va pouvoir adapter la tâche, le support, la consigne, les outils mis à disposition et ses interventions. Il devra également mettre en place des dispositifs de remédiation et de soutien, afin de faire progresser l’ensemble de la classe pour qu’ils atteignent les compétences nécessaires.
La différenciation peut se faire en amont, mais l’enseignant ne peut pas tout prévoir, il faudra donc, de plus, guider les élèves en fonction des observations effectuées sur le terrain.
Cependant, s’adapter aux élèves ne signifierait-il pas se débarrasser de l’exigence éducative ?
Il faut donc « s’appuyer sur ce qu’ils sont, se mettre à leur portée mais ne pas se mettre à leur niveau » (Meirieu, 1996). Il est donc important de garder une exigence élevée, et de ne pas se fixer une image d’un élève, ce qui engendrerait une différenciation négative dans les apprentissages. En effet, les études de Rosenthal et Jacobson, dans l’ouvrage « Pygmalion à l’école » (1968) montrent que les hautes exigences de l’enseignant influencent la réussite des élèves. Trouilloud & Sarrazin, en 2003 dans « Les connaissances actuelles sur l’effet Pygmalion : Processus, poids et modulateurs » détaillent ces expériences avec une vision plus récente. Pour étudier ce phénomène, Rosenthal et Jacobson ont mené une enquête auprès d’enseignants. Ils ont fait croire à ces derniers qu’une partie des élèves étaient « des prometteurs », qui, de fait, allaient mieux réussir. En calculant le QI des élèves, en début et en fin d’expérimentation, ils ont observé que les élèves dits « prometteurs » avaient un score au test QI plus élevé que l’autre groupe de la classe. Les attentes des enseignants influencent donc les performances des élèves.
Comme nous l’avons vu précédemment, la bienveillance est synonyme d’exigence et donc de réussite. Il faut donc différencier tout en gardant un niveau d’exigence élevé mais explicité. Freinet, pédagogue bienveillant du XX, prenait en compte les différences entre ses élèves. Pour les aider à mieux travailler, et à enrichir leurs capacités, il utilisait également des pratiques coopératives.
Les pratiques coopératives
Tout individu possède des connaissances et des représentations ; il parait donc primordial d’en tirer profit en les faisant circuler au sein de la classe. Cette dernière est une juxtaposition d’individus qui accèdent aux apprentissages à des rythmes variés. Afin de valoriser cette hétérogénéité, il est nécessaire de favoriser les échanges et « les conflits cognitifs »entre les élèves. Comme le mentionne d’ailleurs Masson en 2018, « mettre les élèves en groupe pour travailler affecterait directement leurs processus cognitifs d’apprentissage (…), et qu’en plus elles sont susceptibles d’être plus opérantes que celles quel’on avait élaborées ».
Les pratiques coopératives, par définition, représentent les situations où les élèves apprennent à plusieurs. Cette dimension didactique est présente au sein des programmes, et plus précisément dans le SCCCC. Les pratiques coopératives ne sont pas innées chez les individus ; il est donc nécessaire d’apprendre à travailler ensemble selon des règles définies. Dans le domaine éducatif, il existe différentes formes de pratiques coopératives comme l’aide, l’entraide, le tutorat et le travail de groupe. Ces termes peuvent paraître similaires dans le sens commun, mais possèdent, en réalité, des divergences dans leur définition, c’est pourquoi je me suis inspirée de la conférence de Sylvain Connac, Maître de Conférences en Sciences de l’Education, pour les différencier : L’aide est caractérisée par la transmission de connaissances et de compétences d’un élève expert à un élève dans le besoin. Elle doit être volontaire : l’élève qui va aider doit en avoir envie, et l’élève aidé doit en ressentir le besoin. Pour que cette démarche soit efficace et que les acteurs en profitent, du point de vue des apprentissages, il est nécessaire que l’initiative vienne des élèves et non de l’enseignant. L’entraide est une situation où les élèves vont s’associer dans un contexte informel. Ils vont donc, ensemble, dénouer un problème, tenter de résoudre une difficulté. L’enseignant n’a en revanche ni programmé, ni organisé la situation de coopération.
Le travail de groupe est une situation mise en place par l’enseignant dans un cadre formel. Il organise le travail en effectuant des choix, sur la sélection des groupes par exemple. Les élèves sont placés dans une « situation-problème » en vue de faire émerger divers points de vue, en les justifiant, et en les acceptant. Cette organisation permet de créer des conflits sociocognitifs qui permettront aux élèves de compléter leurs connaissances à l’aide de celles des autres.
Le tutorat, est une autre forme de pratique où les élèves coopèrent. Cette forme d’aide est institutionnalisée, l’élève qui accompagne doit être formé. Cette formation nécessite la compréhension de plusieurs aspects. Le tuteur, pour pouvoir aider un de ses camarades, doit tout d’abord avoir terminé son travail pour se rendre entièrement disponible. Il doit également être volontaire, et s’exprimer en chuchotant. Il faut que le tuteur ait compris le travail à effectuer pour aller secourir son camarade ; sinon c’est un autre tuteur qui viendra l’aider. Il est en mesure d’utiliser les documents utiles pour résoudre la tâche, tels que des leçons ou des fiches outils. Il ne se moque pas de l’élève qui se fait aider, bien au contraire il l’encourage et le félicite. Afin de réussir à aider son camarade, il peut lui relire et lui réexpliquer la consigne si celle-ci n’est pas comprise. Il peut également donner des exemples en lui montrant comment faire, lui poser des questions sur ce qu’il a compris et lui donner des astuces qu’il utilise luimême pour réaliser la tâche. Du côté de l’élève aidé, celui-ci doit d’abord essayer de résoudre l’activité seul. L’élève en demande d’aide doit poser une question précise, il écoute son tuteur avec attention et s’implique dans son travail. A la fin de son intervention, il remercie son tuteur.
La persuasion verbale
La persuasion verbale concerne les attitudes verbales que l’enseignant bienveillant va avoir envers ses élèves. Il va les encourager, les complimenter, les conseiller, les féliciter… Dans l’ouvrage de Masson, il détaille une expérience réalisée en 1925 par Elizabeth B. Hurlock des élèves de 6 ème . Elle divise le groupe en trois : ceux qui vont être réprimandés, ceux qui vont être félicités et enfin ceux qui vont être ignorés. Elle conclut, à travers cette expérimentation, que les élèves qui sont réprimandés et ceux qui sont félicités augmentent leurs compétences de la même manière ; alors que les compétences des apprenants ignorés se stabilisent. En revanche, sur le long terme, le groupe félicité va voir ses capacités s’intensifier ; contrairement au groupe des réprimandés qui voit ses aptitudes diminuer. Au regard de cette étude, il parait donc nécessaire d’encourager ses élèves au détriment de les réprimander ou de les ignorer.
Par conséquent, du fait de l’effet de Rosenthal, les attentes sont décisives de la réussite scolaire. De manière inconsciente, la conduite d’un individu change en fonction de ce qu’autrui le considère capable d’effectuer. Ainsi, le fait de le considérer de manière bienveillante aura un impact sur ses comportements. Il faut donc encourager les élèves et prendre en compte leurs émotions pour qu’ils puissent percevoir la confiance que les enseignants ont en eux.
La gestion des émotions
La bienveillance de l’enseignant passe également par la prise en compte des émotions des élèves. Pour devenir autonome, ces derniers doivent être capables de gérer leurs émotions.
Cette conduite peut être travaillée, comme cite Julien Masson, en 2018 : « la capacité de mener à bien un raisonnement précis sur les émotions et la capacité d’utiliser les émotions et les connaissances émotionnelles pour améliorer la pensée. » (Mayer & al, 2008). Il est donc nécessaire de travailler sur cette gestion des émotions afin de réguler ces dernières pour développer le bien-être des individus et donc leur réussite scolaire.
Les émotions traversées chez un individu sont liées à leurs capacités cognitives.
Ressentir des émotions positives (joie, sérénité, amour, curiosité…) permet de mettre en œuvre de meilleures stratégies afin de résoudre les tâches scolaires, et donc de réussir plus facilement.
Cet effet s’explique par le processus neural qui devient plus performant quand l’individu est traversé par des émotions positives. Au contraire, les élèves qui font souvent face à des émotions négatives (angoisse, douleur, colère…) ont des difficultés à résoudre la tâche. En effet, le cerveau envoie certaines hormones, néfastes quant au fait de penser et de réfléchir. Il faut donc prendre en compte les émotions et les sentiments des élèves, en portant attention à leur langage verbal et non verbal, ainsi qu’aux comportements qui donneront des indications sur leur état émotionnel.
La résolution de conflit prend aussi toute sa place dans la gestion des émotions. Se sentir bien à l’école c’est être en sécurité, et donc ne pas recevoir de violence. La résolution de conflit permet de réduire cette violence scolaire, et donc l’apparition d’émotions négatives venant in fine perturber l’apprentissage. Enseigner la bienveillance, c’est également enseigner des aptitudes à aimer et à pouvoir pardonner. La prise en compte des résolutions de conflit a pour objectif l’épanouissement des élèves et le fait qu’ils se sentent en confiance à l’école. C’est grâce à ces deux aspects bienveillants qu’ils pourront être en réussite (Masson, 2018).
Les situations angoissantes doivent donc être évitées afin ne pas impacter le processus neuronal. La façon dont est présentée une activité va donc impacter sa résolution.
La présentation de la tâche
On pourrait penser que la manière dont l’enseignant introduit la tâche à ses élèves n’influencera pas leur réussite. Néanmoins, dans l’ouvrage de Masson, il mentionne l’étude de
LaPorte & Nath, réalisée en 1976. Cette dernière, avait été menée afin d’exposer les conséquences de cette formulation de départ sur la réussite des élèves.
Dans cette expérience, les élèves avaient pour mission de mémoriser un texte. La classe a été divisée en trois groupes, au premier groupe était dit que la tâche était « difficile », au deuxième qu’elle était « simple » et au troisième, elle leur était présentée en disant « faites de votre mieux ». Étonnamment, le groupe ayant le mieux réussi est celui à qui on avait présenté la tâche comme étant difficile. Quand les chercheurs énoncent « faites de votre mieux », les élèves réussissent moins, car ils attribuent moins d’importance à la réussite.
Masson parle de théorie d’attribution, « à quoi j’attribue ma réussite ou mon échec ? ».
Dès lors que l’activité est difficile, l’élève va tirer plus de bénéfice à réussir que quand la tâche est facile. L’élève va donc mettre en œuvre plus de stratégies pour accroître son estime de soi.
Si l’élève échoue, l’erreur ne sera pas perçue comme une faute, étant donné que la tâche était « trop » difficile ; elle sera seulement perçue comme légitime car inaccessible.
Tout au long de leur vie, les individus mettent en place des stratégies afin de protéger leur estime de soi. Ils peuvent remettre la faute sur un autre individu, se comparer aux autres et souvent à des pairs (comme les camarades de classe), ou encore se désengager (dans une discipline par exemple) en disant qu’ils ne réussissent jamais dans celle-ci. Et enfin, ils peuvent se rassurer et être rassurés par les autres, d’où l’importance de la persuasion verbale et du sentiment d’appartenance.
La tâche peut également être présentée en vue d’une récompense. Deci en 1971, réalise une expérience auprès d’enfants, dont les résultats prouvent l’attirance vers une activité où il y a une récompense. La récompense va motiver les élèves à la réalisation d’une activité ; néanmoins, lorsqu’elle est éliminée, les élèves ne vont plus du tout vers elle. La récompense brise l’intérêt intrinsèque d’une activité. De plus, cette dernière ne fait pas partie de la bienveillance, car être bienveillant ne signifie en aucun cas être « gentil » avec ses élèves en leur proposant une récompense. L’école a pour objectif d’apprendre à devenir un citoyen autonome ; tandis que la récompense est néfaste pour le développement. Elle rend l’apprenant dépendant de celle-ci et enlève le plaisir d’apprendre. L’acquisition de connaissances et de compétences devrait être la seule récompense.
A travers ces gestes, on comprend que la bienveillance ne repose pas exclusivement sur des attitudes inconscientes de l’enseignant, mais sur des pratiques claires et définies. L’enseignant doit donc redoubler d’effort en engageant des moyens et des investissements en vue de prendre en compte l’hétérogénéité de sa classe, et ainsi répondre aux besoins et au bien-être des élèves.
La bienveillance demande donc une surcharge de travail à l’égard de l’enseignant. Il parait donc nécessaire d’évaluer les conséquences de la bienveillance sur les élèves.
Les vertus de la bienveillance au service de la réussite scolaire
La bienveillance, toujours mêlée à l’exigence, participe donc à la construction de l’apprenant. Grâce à elle, il développe plus activement son sentiment d’efficacité, sa motivation, ainsi que son développent personnel. Toutes ces aptitudes vont jouer un rôle dans la réussite scolaire des élèves. « Plus généralement, c’est pourquoi faire acte de bienveillance est aujourd’hui amplement encouragé dans la sphère scolaire. » (Giron, 2018)
Le climat scolaire
La bienveillance impacte positivement le climat scolaire, qui devient donc favorable aux apprentissages, et donc à la réussite des élèves. Cohen & al., en 2013, définissent le climat scolaire à travers 5 piliers :
Les relations de l’ensemble de la communauté éducative. Plus précisément les relations entre l’élève et l’enseignant, les relations entre les pairs, et également les relations entre les professionnels au sein de l’établissement. L’enseignement et l’apprentissage qui concernent la qualité de l’instruction, la différenciation effectuée par l’enseignant, ses attentes, le statut attribué à l’erreur et à l’évaluation… La sécurité, qu’elle soit physique ou émotionnelle. Cet aspect montre l’obligation d’un cadre solide et d’une importance de l’autorité de l’enseignant.
Pour cela, ensemble, l’enseignant et ses élèves devront créer des règles. Il faut un nombre limité de règles, qui ne doivent pas être complexes, afin qu’elles soient comprises par tous. Cela renforce l’idée que la bienveillance ne signifie en aucun cas le laisser faire. Puis, l’environnement physique de la classe, de l’établissement, faisant appel à l’adaptation de l’espace et au matériel adéquat pour les élèves. Et enfin, le sentiment d’appartenance, le « sentiment d’être relié à la communauté scolaire », l’enthousiasme de l’enseignant et des élèves qui est vecteur de réussite scolaire. Un élève qui est bien à l’école va pouvoir mieux apprendre. Il va développer un meilleur sentiment d’efficacité, et de la motivation.
Ces cinq piliers du climat scolaire peuvent donc se développer efficacement grâce à la bienveillance. Ce dernier, créé grâce à la bienveillance, aura un impact sur la motivation des élèves, et donc sur la réussite scolaire. « L’atmosphère positive et sécurisante que créera l’enseignant aura un impact sur leur motivation à apprendre » (Masson, 2018).
La motivation et le sentiment d’efficacité personnelle
La motivation est indispensable à l’école ; cependant, elle n’est pas toujours présente chez les élèves. Pour assurer cette dernière, il existe deux entrées. La première est la compétition, l’enseignant met en avant les performances des élèves. La deuxième, elle, est la motivation par la progression, par l’envie de nouvelles maitrises et de nouveaux savoirs.
L’enseignant, en suivant de près ses élèves, va leur donner des feedbacks immédiats. Ces rétroactions sur les progrès et les difficultés des élèves leur permettent de percevoir les efforts qu’ils restent à acquérir pour atteindre l’objectif fixé par l’enseignant. Ce n’est pas l’élève qui réussit qui doit être encouragé et félicité, c’est l’élève qui progresse. La compétition ne rentre pas complétement dans le cadre de la bienveillance, car elle est profitable aux élèves déjà performants. Elle peut être néfaste pour ceux qui ont des difficultés, qui vont ressentir une peur de l’erreur, du regard des autres et qui vont se décourager.
La méthodologie de l’expérimentation
Compte tenu de ma problématique et de mes hypothèses, j’ai élaboré plusieurs outils pour mesurer l’impact de la bienveillance sur le bien-être et la réussite scolaire des élèves.
Les outils pour mesurer l’état initial et final des élèves de CE1
Cette année, tout au long de ma pratique, j’ai réalisé une observation fine des divers comportements présents au sein de la classe. Pour les mémoriser, j’ai utilisé un journal de bord. Ce dernier me permettait de noter des constats au regard de mon étude, tels que des attitudes et des élocutions d’élèves ; ainsi que des idées pertinentes qui me venaient à l’esprit en vue de réaliser mon expérimentation.
Le bien-être
Afin de mesurer les représentations initiales des élèves de CE1 sur leur propre bien-être, j’ai réalisé un questionnaire (Annexe 1). Ce dernier a été complété une première fois durant le mois de Novembre. Composé de dix questions, les élèves devaient répondre selon quatre items : pas du tout d’accord (niveau 0), plutôt pas d’accord (niveau 1), plutôt d’accord (niveau 2) et tout à fait d’accord (niveau 3). A chaque échelle, j’ai inséré un « émoticône » pour que les élèves se représentent plus efficacement les différents échelons de ce dernier. Il était nécessaire que le questionnaire soit exhaustif afin de collecter toutes les informations indispensables à l’analyse. Les trois premières questions concernaient le ressenti des élèves à l’école. Les trois suivantes les interrogeaient sur leur confiance en moi, leur confiance en eux, et sur l’envie d’apprendre à l’école. Les quatre questions finales permettaient d’interroger la représentation des élèves sur le double niveau.
J’ai décidé de faire passer le questionnaire aux six élèves de CE1 présents dans ma classe. J’ai explicité sa réalisation car ils n’avaient pas encore été amenés à répondre à ce type de document.
Ces élèves avaient entre 7 et 8 ans. Mon échantillon était composé de 3 filles et de 3 garçons.
Je n’ai pas fait passer le questionnaire aux élèves de grande-section, car il me paraissait peu adapté pour leur niveau.
Le questionnaire visait à mesurer l’évolution du bien-être des élèves au cours de l’année scolaire. Cependant, pour répondre à mes hypothèses, il fallait également que je mesure les performances scolaires de ceux-ci.
Les performances scolaires
Concernant l’évaluation des performances, j’ai utilisé deux exercices provenant des évaluations nationales : un exercice de mathématiques sur la représentation des nombres entiers (Annexe 2), et un exercice en français sur la compréhension de texte (Annexe 3).
J’ai choisi d’utiliser les exercices d’évaluations nationales car je considère les consignes de passation comme cadrées. En effet, les modalités de travail, les consignes et le temps destiné à la réalisation de l’exercice sont explicités. Cet aspect garantissait l’objectivité de la passation.
De plus, grâce à ces exercices, j’ai obtenu des résultats de mes élèves en trois temps (début, milieu et fin d’année) me permettant ainsi de comparer l’évolution des performances scolaires.
En ce qui concerne le choix des exercices des évaluations nationales, ils ont été sélectionnés en fonction des difficultés rencontrées dans leurs résolutions. Il me paraissait plus pertinent d’utiliser des exercices qui avaient été difficilement exécutés en début d’année ; sans quoi je n’aurai pu mesurer l’effet de mes dispositifs sur la réussite scolaire des élèves.
L’exercice de mathématiques évaluait la capacité des élèves à rechercher un nombre parmi différentes décompositions, en un temps donné. Individuellement, ils avaient deux minutes pour réaliser l’exercice.
Quant à l’exercice de français, les élèves avaient 3 minutes pour lire le texte donné, plusieurs fois si nécessaire. Je lisais ensuite les questions et modalités de réponses, et ils avaient pour consigne d’entourer la bonne réponse en l’espace de 15 secondes. L’exercice comprenait quatre questions de compréhension. Ces dernières portaient sur l’explicite du texte, mais également sur son implicite. Le texte racontait l’histoire d’enfants, réalisant un barrage dans une rivière, dans le but de se baigner. La première des questions interrogeait les élèves sur le lieu du déroulement de l’histoire ; la deuxième sur le moment de celle-ci, la troisième sur les raisons du surnom que leur donne leur maman « les petits castors » et la dernière sur le but d’effectuer un barrage.
Afin de mesurer les effets des dispositifs sur le bien-être et la réussite scolaire des élèves, le questionnaire ainsi que les exercices susmentionnés seront à nouveau redistribués aux six élèves de CE1 en début de la période 5.
Les pratiques coopératives
Le climat scolaire positif peut exister par le biais des diverses relations existantes dansl’ensemble de la communauté éducative. L’élève doit ressentir un sentiment d’appartenance, il doit se sentir bien à l’école et partager avec ses pairs. Pour répondre à ces besoins essentiels, j’ai instauré du tutorat et du travail de groupe au sein de ma classe.
Pour organiser sa mise en place, j’ai lancé, en amont, une discussion avec l’ensemble des CE1. Nous avons échangé sur « ce qu’était le tutorat, son rôle, de quelle manière il intervenait auprès des élèves, comment il réagissait face à un élève qui ne voulait pas l’écouter … » Ensuite, je leur ai expliqué que pour devenir tuteur, il fallait passer un diplôme et plus précisément « le brevet des tuteurs » (Annexe 7). Ce brevet devait se réaliser sous la forme du volontariat. En aucun cas un élève devait se sentir dans l’obligation de le passer. Si le brevet était réussi, ils pouvaient devenir tuteur et obtenir un diplôme (Annexe 8).
L’ensemble des élèves de CE1 ont voulu passer le brevet et il a été obtenu par l’unanimité.
Ensuite, j’ai utilisé le « Tétra’aide » (Annexe 9), un outil pédagogique, détaillé dans la conférence de Connac, permettant d’organiser les situations de coopération. Cette pyramide sert à indiquer l’état de l’élève dans son travail afin que ses autres camarades le perçoivent. Les élèves placent dans le coin de leur table le Tétra’aide. Chaque sommet a différentes couleurs, qui ont toutes une signification. Le jaune signale que l’élève a une question non urgente, les élèves peuvent donc finir leur travail avant d’aller aider un camarade qui avait placé sa pyramide sur le jaune. Au contraire, quand la pyramide est placée sur le rouge « j’ai une question urgente », les différents tuteurs sont autorisés à arrêter leur travail pour aller aider l’élève en demande. Si l’élève a, sur sa table, le sommet de sa pyramide sur le vert cela signifie que tout va bien, le bleu indique aux autres élèves que « j’aide ou je suis aidé(e) par quelqu’un ». Les élèves se servent donc de cette pyramide afin d’être autonomes dans leur coopération.
Après avoir appris aux élèves à aider un camarade quand il en a besoin, ils pouvaient, une fois leur travail terminé, aider les GS au sein des différents ateliers.
J’ai également inscrit ma classe au « Rallye Math de Savoie ». Dans ce dispositif, les élèves sont placés dans un travail de groupe. Ils doivent coopérer pour résoudre des problèmes mathématiques. Il y a cinq phases d’entrainement, chaque phase étant constituée d’une étape individuelle de dix minutes, d’une étape collective de quinze minutes et d’une étape où les élèves ont 5 minutes pour entourer une réponse parmi des propositions. L’objectif final de la dernière phase est de réussir à se mettre d’accord pour fournir une seule réponse. Les élèves doivent donc s’écouter, échanger et confronter leurs procédures de résolution pour accepter ou réfuter les arguments des uns et des autres. A la fin de ces phases d’entrainement, les élèves réalisent l’épreuve du Rallye Maths, se déroulant de la même manière. D’autre part, j’ai réalisé toutes les phases de recherches mathématiques en binôme.
Toutes ces initiatives avaient pour but d’observer d’une part la corrélation entre les pratiques coopératives, entre les CE1, mais également avec des enfants plus jeunes ; et d’autre part l’amélioration des relations, de la cohésion de groupe et donc la bienveillance entre pairs.
Au cours de cette année scolaire, j’ai donc fourni un investissement quotidien pour atteindre des gestes et des pratiques professionnels bienveillants. A travers ces efforts, tels que l’évaluation et l’erreur positives, le travail autour des émotions, de la gestion de conflit, de l’encouragement permanent, des pratiques coopératives et du travail en groupe, il me paraissait nécessaire de mesurer leurs impacts sur les élèves. C’est pourquoi la partie suivante s’attachera à expliciter ces impacts, à travers les résultats et leurs analyses.
Résultats et Analyse
Une fois les représentations mesurées et les dispositifs instaurés, l’étape suivante a été le traitement des données. En vue de garder l’anonymat des participants, des numéros allant de 1 à 6 permettent l’identification des élèves de CE1. Pour une meilleure visualisation, les cellules comprenant des pointillés représentent les données analysées.
L’évolution de la perception du bien-être
Afin de mesurer le bien-être des élèves, j’ai comptabilisé de 0 à 3 chaque question du questionnaire. Comme le montre le Tableau 1, chaque échelle a une valeur, l’item « pas du tout d’accord » valait 0, « plutôt pas d’accord » 1 etc. Le questionnaire possède dix questions ; par conséquent, 30 est le maximum du bien-être possiblement atteint. J’ai transmis le questionnaire une première fois à la fin du premier trimestre et une deuxième fois durant le troisième trimestre dans l’objectif d’analyser l’évolution de cette perception.
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Table des matières
1. Introduction
2. Le cadre théorique : l’état de l’art
2.1 L’évolution de la bienveillance dans le cadre institutionnel
2.1.1 La bienveillance dans les lois, les circulaires et les programmes
2.2 Les définitions de la bienveillance
2.2.1 Les dimensions de la bienveillance
2.2.1.1 La dimension intentionnelle
2.2.1.2 La dimension interactionnelle
2.2.1.3 La dimension affective
2.2.1.4 La dimension attentionnelle
2.3 Des gestes et des attitudes professionnels bienveillants
2.3.1 L’erreur : un outil pédagogique
2.3.2 L’évaluation positive au service des apprentissages
2.3.3 La pédagogie différenciée
2.3.4 Les pratiques coopératives
2.3.5 La persuasion verbale
2.3.6 La gestion des émotions
2.3.7 La présentation de la tâche
2.4 Les vertus de la bienveillance au service de la réussite scolaire
2.4.1 Le climat scolaire
2.4.2 La motivation et le sentiment d’efficacité personnelle
2.4.3 Le bien-être
2.4.4 La citoyenneté
3. Problématique et des hypothèses
4. La méthodologie de l’expérimentation
4.1 Les outils pour mesurer l’état initial et final des élèves de CE1
4.1.1 Le bien-être
4.1.2 Les performances scolaires
4.2 Les dispositifs insérés dans ma pratique de classe
4.2.1 La place de l’évaluation, des erreurs et de l’encouragement
4.2.2 Le travail émotionnel
4.2.3 Les pratiques coopératives
5. Résultats et Analyse
5.1 L’évolution de la perception du bien-être
5.2 L’évolution des performances scolaires
5.2.1 En mathématiques
5.2.2 En français
6. Discussion
6.1 L’environnement de mon étude
6.2 Mise en lien avec les recherches antérieures
6.2.1 Les réponses aux hypothèses
6.3 Limites et perspectives
6.3.1 Les obstacles et les limites rencontrés
6.3.2 Les améliorations possibles
6.3.3 Le développement professionnel
7. Conclusion
8. Bibliographie
9. Annexes