Les barrières biologiques
L’être humain est protégé par différentes barrières biologiques. Les agents externes se heurtent à des obstacles extrêmement sélectifs et très robustes. Les barrières qui protègent l’intérieur du corps humain contre l’extérieur de celui-ci sont dites physiques, comme la peau et les muqueuses .
Les barrières biologiques étant cachées dans le corps humain sont par exemple, la barrière hématoencéphalique ou encore la barrière rénale (Figure 1) en sont des exemples. Ces barrières sont principalement des couches cellulaires unistratifiées ou pluristratifiées séparant le sang d’autres compartiments et sont suivant l’emplacement dans le corps humains composés principalement de cellules épithéliales ou de cellules endothéliales. Les cellules épithéliales sont des cellules formant les différents épithéliums. Il s’agit de tissus organiques dit de revêtement puisqu’ils recouvrent la surface interne ou externe des divers organes. Les cellules endothéliales sont les cellules qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins et sont de ce fait en contact direct avec le sang. Ces cellules permettent de laisser passer des petites molécules comme les nutriments pour alimenter les cellules comme dans les reins où la lame basale est dite fenestrée qui permet le passage non spécifique de molécules.
La barrière hémato-encéphalique (BHE)
La barrière hémato-encéphalique est présente dans le cerveau chez tous les vertébrés terrestres. Elle est situé à toutes les interfaces séparant la circulation sanguine du tissu nerveux sauf au niveau de certaines petites zones spécialisées appelées organes circumventriculaires (glande épiphyse, glande pinéale). Cette barrière physiologique permet de filtrer et contrôler sélectivement le passage des substances sanguines et les empêche de passer librement dans le cerveau. Elle permet de réguler la composition du milieu dans le cerveau, c’est-à-dire de garder une homéostasie. La BHE protège contre les agents pathogènes, les toxines ou encore certaines hormones présentes dans le sang. Les nutriments nécessaires au bon fonctionnement du cerveau seront choisis extrêmement sélectivement alors que les déchets seront éliminés. Les cellules endothéliales étant reliées par des jonctions serrées (tight junction) entre elles tapissent les capillaires sanguins et sont les composants essentiels de cette barrière. Les capillaires sanguins cérébraux contiennent des jonctions serrées dans leur épithélium endothélial. Lorsque ces capillaires sanguins ont quitté le cerveau, les cellules endothéliales ne contiennent plus de jonctions serrées mais des jonctions communicantes (gap junction). Deux autres types de cellules s’ajoutent aux cellules endothéliales pour former la BHE et sont très importantes. Les péricytes, les astrocytes ainsi que des neurones permettent la naissance et la croissance de la barrière hémato encéphalique. Les péricytes sont des cellules qui se trouvent au niveau de la lame basale de l’endothélium des capillaires qu’elles entourent par de longs prolongements cytoplasmiques. Même si les péricytes sont peu nombreux, ils ont une fonction de contraction et un rôle dans la régulation métabolique à travers la régulation du débit sanguin au niveau des capillaires. Il faut distinguer deux termes différents : le complexe neurovasculaire et la barrière hémato-encéphalique. La barrière hémato-encéphalique comprend les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins irriguant le cerveau . De nombreux transporteurs spécifiques (transport vésiculaire, transcytose à récepteurs ou transcytose par adsorption) sont présents dans la BHE. Le transport non-spécifique est du coup limité, car la BHE doit assurer à la fois la protection, le transport des aliments et de l’oxygène nécessaire au cerveau.
Il est très difficile d’obtenir des tissus cérébraux humains. Une grande variété de modèles in vitro de la BHE ont été développés à partir de cellules animales de rat, souris, porc ou bœuf principalement. L’utilisation de lignées endothéliales fait partie du développement de modèles in vitro humains de la BHE. Néanmoins, différentes lignées humaines ont été développées dont les lignées hCMEC/D3 [3], HBMEC TY08 [4] et HBMEC/ciβ [5].
La barrière rénale
La barrière rénale comme son nom l’indique est présente dans les reins pour permettre la filtration glomérulaire. Il s’agit de la filtration du plasma sanguin au travers de la membrane basale du glomérule vers le tubule. La première étape de l’élaboration de l’urine est la formation de l’ultrafiltrat glomérulaire qui se dit aussi urine primitive, par la diffusion de l’eau et des constituants du plasma à travers la barrière rénale. La filtration s’effectue par équilibre des pressions. La pression hydrostatique glomérulaire et la pression osmotique permettent le passage du liquide plasmatique. Les éléments figurés du sang et les protéines plasmatiques sont quant à elles retenus dû à la taille des pores et à l’électronégativité de la membrane.
Les premières lignées épithéliales et endothéliales de cellules glomérulaires ont été établies à partir de cellules de souris [7]. Les cellules MPK (MCCD, Mouse Kidney Cortical Collecting Duct) font parties des modèles utilisés. Ces cellules (Annexe 8.8) sont des cellules dérivées du tube collecteur cortical d’un rein de souris. Ce sont des cellules épithéliales adhérentes. Elles expriment de nombreuses caractéristiques du tube collecteur comme la spécificité à certains antigènes. Une fois cultivées sur des supports perméables, ces cellules présentent une résistance transépithéliale élevée avec une différence de potentiel négative. Faisant parties de la barrière rénale, les cellules MPK peuvent être un indicateur d’une toxicité liée au rein.
Il est donc possible de tester la toxicité de médicaments en ajoutant le médicament dans la partie basolatérale représentant le compartiment sanguin. Le composé décrira une toxicité venant depuis le sang et non depuis le tube collecteur. D’autres cellules comme les cellules endothéliales glomérulaires humaines font partie des modèles très utilisés, parmi eux la lignée HK-2 [9]. Des modèles utilisant des cellules de rats, de chiens, d’opossums, de souris, de lapins, etc. ont aussi été établis.
La bioimpédance
Les modèles de barrière utilisés doivent rester intacts tout au long des expériences. Les tests d’étanchéité, de transport et de perméabilité servent à caractériser le comportement des barrières mais aussi de savoir si celles-ci sont intactes ou endommagées. Pour tester l’intégrité des barrières cellulaires, différentes méthodes existent aujourd’hui. Une d’elles est basée sur la mesure de l’impédance.
Lorsqu’un courant électrique traverse chaque corps biologique, il est possible de mesurer une résistance électrique dans chacun de ces corps via la loi d’Ohm (Equation 1).
U = R.I (Equation 1)
Équation 1 Loi d’Ohm ; U = tension électrique (différence de potentiel) [V ou volts] ; R = résistance électrique [Ω ou ohms] ;
I = intensité du courant électrique [ampères ou A] .
Chaque corps humain est conducteur d’électricité et est capable de résister à un courant électrique. Effectivement, lorsqu’on évoque la résistance d’un tissu biologique, le terme exact est la bioimpédance. L’impédance, Z, est basée sur trois principes : la résistance, la capacité et l’inductance. La résistance (R) est une mesure dans laquelle un élément, comme son nom l’indique, résiste au flux d’électrons ou courant électrique. Il peut résister à une solution aqueuse comme dans un tissu vivant, c’est-à-dire au flux des ions qui entre dans les cellules. Elle est exprimée en ohms (Ω). La bioimpédance est donc la mesure de la résistance des tissus biologiques en réponse à l’envoi d’un courant. Cette mesure est effectuée à faible intensité et à fréquences variables par l’application d’une tension électrique aux bornes des électrodes. Le courant appliqué est de type sinusoïdal (alternatif). Par rapport à un courant continu, l’effet Joule (perte de chaleur et d’énergie) est moins important. Un courant alternatif est caractérisé par sa fréquence, mesurée en Hertz (Hz).
La bioimpédance est finalement une mesure de la façon dont le corps biologique empêche la circulation du courant électrique qui peut être très variable suivant l’endroit où l’on se trouve dans le corps. La bioimpédance, Z, est l’accumulation de plusieurs valeurs de capacité et de résistance. In vitro, elle comprend notamment la résistance du milieu Rmed, la résistance de la membrane Rmembrane . Parmi les résistances qui forment la bioimpédance, l’une d’elles attire particulièrement l’attention. Il s’agit du TEER, soit résistance électrique transendothéliale ou transépithéliale.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. But du travail
1.2. Les barrières biologiques
1.2.1. La barrière hémato-encéphalique (BHE)
1.2.2. La barrière rénale
1.3. La bioimpédance
1.4. La fluidique dans les modèles in vitro
1.5. Quelques modèles in vitro de barrières intégrant la fluidique le TEER
1.5.1. Modèles de barrière hémato-encéphalique (BHE)
1.5.2. Modèles de barrière rénale
2. Matériels et méthodes
2.1. Culture cellulaire
2.1.1. Comptage des cellules
2.1.2. Cellules MPK (Mouse Kidney Cortical Collecting Tube)
2.1.3. Ensemencement des cellules
2.2. Test de viabilité
2.3. Immuno-marquage membranaire des jonctions serrées ZO-1
2.4. Test de perméabilité
2.5. Test de biocompatibilité
2.6. Test de toxicité
2.7. Mesure du TEER
2.8. Utilisation et contrôle des systèmes de fluidique
2.9. Cellware Hepia
3. Résultats
3.1. Caractérisation des cellules MPK
3.2. Fluidique dans la chambre supérieure
3.3. Fluidique dans la chambre inférieure
3.4. Validation du Cellware Hepia
3.5. Validation de Cellware Hepia avec fluidique
3.6. Test de toxicité in vitro
4. Discussion
4.1. Caractérisation des cellules MPK
4.2. Fluidique
4.3. Validation du Cellware Hepia
4.4. Validation de Cellware Hepia avec fluidique
4.5. Test de toxicité in vitro
5. Conclusion et perspectives
6. Remerciement
7. Bibliographie
8. Annexes