LA BANDE DESSINEE, ART NEBUL(L)EUX
Le parcours du combattant de la bande dessinée
Si l’on n’accorde au suisse Rodolphe Töpffer le titre de « père fondateur », puisque un ensemble de facteurs et d’influences semblent avoir permis ce qu’on appellerait plus facilement son innovation que son invention à proprement parler22, on peut sans doute affirmer qu’il développe dès 182523 avec ses histoires en estampe l’embryon de ce qu’on appellera plus tard la bande dessinée. A l’origine, le profil des lecteurs n’est d’ailleurs ni enfantin, ni populaire. Les bandes dessinées de Töpffer se lisent dans les salons et les cercles cultivés. Goethe, contemporain du genevois, écrira même à propos de leur lecture qu’il « éprouve un plaisir extraordinaire24 ». Il faut attendre le déploiement des feuilletons dans les journaux (années 188025) et l’apparition d’une culture de masse, permis tous deux par la technologie de la seconde moitié du 19e et l’invention de nouvelles machines autorisant notamment la trichromie26 (et donc l’impression massive des illustrés), pour que s’élargisse le lectorat aux classes populaires et s’érige petit à petit l’image d’un public de lecteurs plus enfantin. En France, Armand Colin publie notamment à partir de 1889 Le Petit Français illustré, dans lequel on retrouve les bandes dessinées de l’auteur Christophe (Georges Colomb) avec les aventures de La famille Fenouillard (1893), Le savant Cosinus (1894), Les facéties du Sapeur Camembert (1896) ou Les malices de Plick et Plock (1904). Bécassine (de Jospeh Pinchon et Caumery) est publiée en 1905 dans La semaine de Suzette, et la revue L’Epatant des éditions des frères Offenstadt impriment les premières péripéties des Pieds Nickelés (Louis Forton) en 1908. Des précurseurs fleurissent aussi en Allemagne (principalement Wilhelm Bush, avec Max und Moritz en 1870), aux Etas-Unis sous les coups de crayon d’Outcault donnant naissance à son Yellow Kid en 1896, Rudolph Dirks en 1897 avec The Katzenjammer Kids (plus connus sous les noms de Pim, Pam, Poum en France), Winsor McCay et le sublime Little Nemo en 1905, ou au Japon en 1902 avec Kitazawa Rakuten, considéré comme le premier auteur de manga (Baron-Carvais, 2007 : 7-39).
Une officialisation controversée
Le spécialiste Nicolas Rouvière (2012 : 10) note cependant un paradoxe : « Officiellement, donc, la bande dessinée est aujourd’hui étudiée en classe. Et pourtant cette revalorisation officielle masque une réalité bien différente : la BD demeure sans conteste le parent pauvre de la littérature à l’Ecole. De fait, beaucoup reste à faire pour convaincre de son intérêt éducatif. » Bernard Tabuce dans son article « Une urgence iconologique qui dure : l’enseignement de la BD dans les manuels de collège » (2012 : 25), précise même que « malgré les instructions officielles, malgré les productions d’outils pédagogiques pour enseigner l’image, le système souffre de dysfonctionnements et la BD n’est toujours pas enseignée véritablement pour elle-même ». En effet, il apparaîtrait que l’intégration des planches de BD comme supports pédagogiques dans les manuels scolaires34 et leur étude en classe relèveraient d’une exploitation décevante et incomplète, ne prenant pas réellement en considération les spécificités du médium et ses véritables enjeux : « Quand la BD n’est pas totalement absente, (…) elle n’apparaît très ponctuellement qu’à des fins prétextes » (25). Jean-Maurice Rosier (2012 : 46) dans son article « La BD à l’école : un leurre pédagogique en Belgique francophone », explique ainsi que :
« Dans l’étude d’une BD, l’Ecole privilégie l’instance du récit au détriment de la spécificité formelle du médium. Le résultat : la BD est considérée comme un objet de paralecture. (…) Les manuels ou les instructions officielles, lorsqu’ils abordent le sujet, font apparaître la BD comme relevant du « coup de pouce », c’est-à-dire comme un adjuvent pour étayer l’enseignement de la littérature.»
Il s’interroge également sur la pertinence formative de certains exercices proposés dans les manuels visant par exemple à « la reconstitution d’une page de BD à partir de la reconstitution d’un puzzle de vignettes » (47) (même si, concédons-le, cet exercice peut présenter l’intérêt du travail de l’organisation de la pensée et du sens de l’observation, mêlé à la compréhension iconotextuelle) ou encore « cette invitation à compléter des bulles blanches ou vides, avec comme fil conducteur les cases sans texte, muettes donc » (47) (là encore, l’activité peut bien sûr donner l’occasion à l’apprenant de remobiliser ses connaissances à travers un travail de production écrite en fonction d’objectifs linguistiques donnés et associé à une lecture d’image). Sans doute faut-il prendre ces remarques comme le signe d’une déception face à cette exploitation du médium, qui recèle d’autres potentialités certainement plus riches en termes d’objectifs d’enseignement/apprentissage que le caractère plus limité de la mise en œuvre de ces activités. Nicolas Rouvière explique cette exploitation maladroite des bandes dessinées dans le cadre scolaire par un « manque de théorisation didactique en amont », dont « découle une approche souvent stéréotypée du médium, largement répandue dans les manuels scolaires, qui multiplient les questions d’observation formalistes et techniques, souvent détachés du sens, au risque de démotiver les élèves » (2012 : 13).
Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie Diversité des publics et des contextes d’enseignement |
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : LA BANDE DESSINEE, ART NEBUL(L)EUX
LA BANDE DESSINEE : UN PROBLEME DE DEFINITION ET D’IDENTITE
1. « La chanson est un art mineur » : et la bande dessinée ?
2. La quête militante d’une « essentialisation » de la bande dessinée : une croisade vaine ?
3. Un objet insaisissable ?
4. Pour une définition-conception de la bande dessinée
UN OVNI QUI ACQUIERT TARDIVEMENT SES LETTRES DE NOBLESSE ET PEINE A TROUVER UNE CREDIBILITE CULTURELLE ET UNE VERITABLE COHERENCE PEDAGOGIQUE DANS LE MILIEU DE L’EDUCATION
1. Le parcours du combattant de la bande dessinée
2. Une officialisation controversée
3. L’illusion d’une légitimité culturelle ?
QUELLE PLACE POUR LA BANDE DESSINEE EN CLASSE DE LANGUE ETRANGERE ?
1. Qu’est-ce qu’un cours de langue et culture ?
2. Diversité des publics et des contextes d’enseignement
3. La perspective actionnelle
4. La place et l’intérêt des documents authentiques
CHAPITRE 2 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE ET DU RECUEIL DES DONNEES
LA DEMARCHE
1. La formulation de la question de départ et les raisons d’une telle recherche
1.1. Un premier questionnement
1.2. Raisons et finalités
1.3. Une démarche hypothético-déductive et la recherche de l’objectivité
2. La problématique
3. Les hypothèses
LES TECHNIQUES ET LE TERRAIN D’ENQUETE
1. La documentation et l’analyse des contenus
2. L’analyse des manuels de FLE
2.1. La méthode
2.2. Le choix et la présentation du corpus
2.3. La grille d’analyse et la définition du codage
3. Les questionnaires d’enquête
3.1. Le choix et la conception des questionnaires
3.2. Le choix et la présentation des échantillons
3.2.1. Le questionnaire pour tous
3.2.2. Le profil des personnes sondées dans le cadre du questionnaire pour tous
3.2.3. Le questionnaire enseignants
3.2.4. Profil des enseignants
3.2.5. Considérations transversales et description des profils de lecteur
3.3. Le traitement des données Conclusion partielle
CHAPITRE 3 : QUEL ENSEIGNEMENT DE LA BANDE DESSINEE EN CLASSE DE LANGUE ET CULTURE ?
L’INSTRUMENTALISATION DE LA BANDE DESSINEE
1. Le rôle des manuels dans l’instrumentalisation de la bande dessinée en cours de langue
1.1. Place, fréquence et nature de la bande dessinée dans les manuels de FLE
1.2. Quels types, quels genres et quels styles de BD sont représentés ?
1.3. Quelle fonction et quelle démarche didactique ? Essai de typologie des usages de la BD dans les manuels de FLE
1.3.1. La fonction illustrative
1.3.2. L’exploitation prétexte à des fins essentiellement linguistiques
1.3.3. Vers une démarche intégrée : la prise en compte du sens et des spécificités de la bande dessinée
1.4. Une dépréciation générale
2. D’une prise en compte des spécificités de la bande dessinée à son instrumentalisation : un enseignement inégal
2.1. Des enseignants plutôt convaincus
2.2. Quelle bande dessinée est étudiée en cours ?
2.3. La marge d’instrumentalisation de la bande dessinée dans les pratiques d’enseignement
VERS UNE RECONNAISSANCE DU NEUVIEME ART DANS LES REPRESENTATIONS COLLECTIVES ?
1. Dans quelle mesure la BD peut-elle être considérée comme un genre mineur ?
2. Mineur, vous avez dit ?
3. Un fantôme plane encore entre les cases
L’APPARTENANCE DE LA BANDE DESSINEE A LA SPHERE PRIVEE : LES RAISONS D’UN REFUS D’INTELLECTUALISATION ?
1. Une lecture associée à la détente et à « l’après-travail »
2. Une lecture à la fois personnelle et relationnelle
3. La peur d’une déception quant à son étude en classe?
POUR UN ENSEIGNEMENT DE LA BANDE DESSINEE EN CLASSE DE FLE EN TANT QU’ART MEDIACULTUREL
CONCLUSION
Bibliographie
Sites consultés
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