La bactérie Escherichia coli
Description générale
La bactérie Escherichia coli est un bacille Gram négatif, anaérobe facultatif non sporulant de quelques micromètres de longueur. Elle a été isolée pour la première fois en 1885 par Theodor Escherich dans les fèces d’un nouveau-né. La classification de cette bactérie est Bacteria – Proteobacteria – Gammaproteobacteria – Enterobacteriales – Enterobacteriacae – Escherichia – Escherichia coli (pour Règne – Embranchement – Classe – Ordre – Famille – Genre – Espèce respectivement). La bactérie E. coli est classiquement retrouvée dans le gros intestin d’humains et d’animaux qu’elle colonise lors de la naissance de l’individu et dès ses premiers jours de vie. On la retrouve notamment dans le cæcum et le colon où elle niche dans la couche de mucus qui tapisse les cellules épithéliales. Se nourrissant notamment de plusieurs sucres dérivés du mucus (e.g. gluconate, N-acetylglucosamine, fucose, deoxyribose, ribose, galactose, maltose,…), ses capacités métaboliques sont très importantes pour lui permettre de s’adapter et de coloniser cette niche (Chang et al., 2004). Sa prévalence chez l’homme est supérieure à 90 % (Tenaillon et al., 2010), c’est pourquoi sa détection est utilisée comme un indicateur de pollution fécale. Toutefois, en proportion, cette bactérie ne fait pas partie des bactéries les plus représentées au sein du microbiote intestinal (Eckburg et al., 2005). En raison de sa facilité de culture, la bactérie E. coli est devenu un organisme d’étude de choix pour de nombreux de domaines de la biologie.
Pathogénicité et classification
Le groupe des E. coli contient de nombreuses souches dont la plupart sont commensales. Cela signifie qu’elles se nourrissent de l’interaction avec leur hôte sans lui porter préjudice. Au contraire, ces souches commensales permettent de protéger la barrière intestinale contre d’autres pathogènes bactériens (Hudault et al., 2001). Néanmoins, certaines souches d’E. coli sont des pathogènes pouvant entraîner diverses maladies responsables d’environ deux millions de décès par an (Russo & Johnson, 2003). Ces souches pathogènes sont classées en deux catégories : les InPEC et ExPEC qui provoquent respectivement des pathologies intra-intestinales (diarrhées hémorragiques, gastro-entérites…) et extra-intestinales (infections urinaires, méningites, septicémies…) . Bien que la bactérie E. coli soit une bactérie entérique, les ExPEC sont des souches opportunistes qui, au contact d’autres compartiments anatomiques, sont capables d’induire des infections qui peuvent être fatales. On distingue plusieurs variétés pathogènes (ou pathovars) au sein des souches InPEC et ExPEC en fonction des syndromes infectieux qu’elles provoquent et des facteurs de pathogénicité exprimés (Croxen & Finlay, 2010). Pour le groupe des E. coli provoquant des pathologies intestinales (InPEC), on retrouve les E. coli entérohémorragiques EHEC, les E. coli entéropathogènes EPEC, les E. coli entérotoxinogènes ETEC, les E. coli entéroinvasives EIEC, les E. coli entéroagrégatives EAEC et les E. coli à adhésion diffuse DAEC. En ce qui concerne les ExPEC, seuls deux pathovars ont été identifiés : les E. coli uropathogènes UPEC responsables des infections du tractus urinaire et les E. coli associées à la méningite et aux septicémies NMEC (Kaper et al., 2004).
Toutefois, malgré cette classification, les souches pathogènes sont généralement identifiées en fonction des versions de trois antigènes qu’elles présentent à leur surface : l’antigène somatique O contenu au niveau des lipopolysaccharides de la paroi bactérienne, l’antigène flagellaire H qui correspond à une protéine de structure du flagelle et l’antigène capsulaire K de nature polysaccharidique. Le sérogroupe des souches d’E. coli est déterminé par la version de l’antigène O uniquement (ex : O157) alors que le sérotype est déterminé par la combinaison des versions des antigènes O et H (ex : O157:H7) voire parfois K (lorsqu’une capsule est présente). La plasticité du génome d’E. coli, via la perte ou le gain d’éléments génétiques, joue un rôle important dans l’acquisition des caractères de virulence des souches pathogènes. En effet, des regroupements de plusieurs gènes de virulence appelés îlots de pathogénicité (de 10 à 200 Kb) sont retrouvés sur des plasmides ou intégrés dans le chromosome des souches pathogènes alors qu’ils sont généralement absents des souches non virulentes. Ainsi, les génomes des différentes souches d’E. coli peuvent être de tailles très différentes (entre 4.5 et 5.5 Mb) bien qu’elles disposent toutes d’un génome « cœur » composé d’environ 2200 gènes (Croxen & Finlay, 2010).
Enfin, en se basant sur les séquences génomiques entières, ou les séquences de certains gènes de plusieurs souches d’E. coli isolées chez l’humain (commensales et pathogènes), des analyses phylogénétiques ont mis en évidence quatre groupes phylogénétiques majeurs (A, B1, B2, D1) et d’autres groupes mineurs (C, D2, E) (Chaudhuri & Henderson, 2012). Ces groupes phylogénétiques diffèrent selon plusieurs paramètres parmi lesquels on retrouve l’histoire de leur évolution, les différentes niches écologiques occupées, la capacité à consommer différents substrats ou à résister différemment aux antibiotiques ou encore le taux de croissance. De plus, les souches ExPEC appartiennent généralement aux groupes B2 et D, les souches commensales aux groupes A et B1 alors que des InPEC se retrouvent à la fois dans les groupes A, B1 et D (Carlos et al., 2010).
La souche E. coli K-12 MG1655
La souche E. coli K-12 MG1655 est une souche non pathogène très étudiée appartenant au groupe phylogénétique A qui provient de la souche K-12 ancestrale. Cette dernière a été initialement isolée en 1922 à partir des selles d’un patient convalescent d’une diphtérie à Palo Alto en Californie. En 1925, elle a été déposée dans la collection de souches du Département de Bactériologie à l’université de Stanford où elle a été nommée « K-12 ». Cette souche a ensuite été utilisée lors de multiples études et a progressivement perdu son antigène O (à cause de la mutation rfb⁻⁵⁰), le bactériophage λ (irradiation aux ultraviolets) et le plasmide F (traitement à l’acridine orange) pour donner la souche MG1655 (Bachmann, 1996). La souche MG1655 présente d’autres différences génétiques par rapport à la souche ancestrale K-12 (λ+ F+). En effet, son génotype complet est F- λ- ilvG- rfb⁻⁵⁰ rph-1 et l’ensemble de ses mutations est bien caractérisé aujourd’hui. Bien que cette souche ait fait l’objet d’un très grand nombre de publications, Blattner et ses collaborateurs ont considéré qu’elle avait subi très peu de manipulations génétiques en comparaison d’autres souches. C’est la raison pour laquelle c’est la première souche d’E. coli à avoir été séquencée (Blattner et al., 1997) . La taille de son chromosome est de 4.64 Mb et son pourcentage en GC est de 50.8 %. L’annotation du génome d’E. coli K-12 MG1655 a fait l’objet de nombreuses publications (Blattner et al., 1997; Riley et al., 2006; Karp et al., 2007) et est mise à jour régulièrement au travers de la base de données EcoCyc (Keseler et al., 2013). Le génome de cette souche contiendrait environ 4500 gènes dont 4300 coderaient pour des protéines. Parmi ces gènes, on estime qu’à peu près 300 d’entre eux sont essentiels (Baba et al., 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. La bactérie Escherichia coli
I. 1. Description générale
I. 2. Pathogénicité et classification
I. 3. La souche E. coli K-12 MG1655
II. Les différents niveaux de régulation de l’expression génique chez Escherichia coli en réponse à l’environnement
II. 1. S’adapter à l’environnement
II. 2. Les régulations transcriptionnelles
II. 2. 1. La régulation globale de la transcription
II. 2. 2. Les régulations spécifiques de la transcription
II. 3. Les régulations post-transcriptionnelles
II. 3. 1. Les régulations de la stabilité des ARN
II. 3. 2. Les régulations de la traduction
II. 4. Les régulations post-traductionnelles
II. 4. 1. Les régulations de la stabilité des protéines
II. 4. 2. Les régulations de la disponibilité ou de l’activité protéique
III. Les mécanismes de dégradation des ARNm chez Escherichia coli
III. 1. Les principales ribonucléases
III. 1. 1. Les endoribonucléases
III. 1. 2. Les exonucléases
III. 2. Les mécanismes de dégradation des ARNm
III. 3. Le dégradosome
III. 4. Les mécanismes régulant la stabilité des ARNm
III. 4. 1. Les régulations de la RNase E
III. 4. 2. Les effets de la traduction
III. 4. 3. L’interaction Hfq / ARNnc / RNase E
III. 4. 4. Les autres molécules se liant à l’ARNm
III. 4. 5. Les systèmes toxine-antitoxine
III. 4. 6. L’influence de la séquence des ARNm
III. 5. Les déterminants de stabilité des ARNm à l’échelle omique
IV. Le système Csr chez Escherichia coli
IV. 1. Description du système Csr
IV. 1. 1. Le régulateur post-transcriptionnel global CsrA
IV. 1. 2. Les ARNnc séquestrant la protéine CsrA
IV. 1. 3. La protéine CsrD
IV. 2. Les mécanismes de régulation par CsrA
IV. 2. 1. Les mécanismes de répression
IV. 2. 2. Les mécanismes de régulation positive
IV. 3. Les ARNm cibles du système Csr
IV. 4. Le réseau de régulation du système Csr
IV. 4. 1. Régulation de CsrA
IV. 4. 2. Régulation des petits ARN non codants
IV. 4. 3. Régulation de CsrD
IV. 4. 4. Liens avec d’autres systèmes de régulation
V. Problématique de la thèse
CHAPITRE I Rôle de la transcription et de la stabilité des transcrits dans la régulation de l’expression génique à différents taux de croissance d’Escherichia coli sur glucose
CHAPITRE II Identification des déterminants de la stabilité des ARNm à différents taux de croissance
CHAPITRE III Détermination à l’échelle omique de l’étendue du contrôle de l’expression et de la stabilité des ARNm par le système Csr chez Escherichia coli
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS
ANNEXES