L’hématome rétroplacentaire (HRP) est le décollement prématuré d’un placenta normalement inséré (DPPNI) alors que le fœtus est encore dans l’utérus [8]. La lésion anatomique responsable est constituée d’un hématome décidual basal (figure 1) qui, en interrompant la circulation materno-fœtale, entraîne rapidement une souffrance fœtale associée à des anomalies de la coagulation et des troubles hémodynamiques maternels.
L’HRP représente actuellement l’une des principales causes de mortalité maternelle et périnatale par hémorragie. Sa gravité en fait une urgence diagnostique et thérapeutique. En dehors de cette mortalité, l’HRP est responsable d’une lourde morbidité maternelle par l’anémie et l’insuffisance rénale qu’il entraine, mais aussi périnatale par le biais de l’hypoxie induite. Malgré de nombreux progrès diagnostiques et thérapeutiques, il reste souvent un accident imprévisible en Afrique sub-saharienne particulièrement au Sénégal [6]. La fréquence et la lourde morbi mortalité maternelle et périnatale de l’HRP au Sénégal, en font une préoccupation sanitaire. En effet, une enquête réalisée en 2009 au Sénégal retrouvait une prévalence de 2,2% ; cette dernière pouvant atteindre 4,7% dans certaines structures hospitalières [6].
Cette fréquence de l’HRP est diversement appréciée selon les auteurs, se situant aux environs de 0,25% dans les pays occidentaux expliquant ainsi le nombre faible d’études réalisées sur cette pathologie au cours de cette dernière décennie. Ce constat fait de l’HRP, particulièrement dans sa forme grave, une pathologie des pays en développement. Même si le syndrome vasculo-rénal reste une pathologie très incriminée dans la survenue de l’HRP, ce dernier survient dans la moitié des cas sur un terrain gravidique indemne de toute pathologie hypertensive [86]. Si l’hypertension artérielle associée à la grossesse a longtemps été excessivement mise en cause dans la genèse de l’HRP, c’est en grande partie, à cause de l’absence d’étude étiologique de bonne qualité dans nos régions. Plusieurs facteurs de risque ont été cités dans la genèse de l’HRP sans pour autant faire l’unanimité. Il s’agit entre autres de l’âge maternel avancé, de la parité élevée, du tabagisme, de la malnutrition, de la race noire et des traumatismes [5,6]. Un fait reste cependant important à considérer : l’ampleur de cet accident obstétrical, aussi bien dans sa fréquence que dans ses conséquences fâcheuses impose que nous nous concentrions sur ses aspects étiologiques afin de mettre en place un dispositif préventif adéquat, car une fois installée, l’HRP rime toujours avec une mortalité et / ou une morbidité certaines, surtout en milieu africain. Ceci nous a motivé à initier, pour la première fois au Sénégal cette étude cas-témoins multicentrique sur l’HRP dont les objectifs étaient d’identifier les facteurs déterminants de l’HRP, d’évaluer la prise en charge ainsi que le pronostic materno-fœtal et périnatal.
Définition
Sous le terme d’hématome rétroplacentaire, est une entité anatomopathologique, l’hématome décidual basal, répondant au terme clinique de décollement prématuré du placenta normalement inséré [5]. Par sa brutalité, son imprévisibilité et la sévérité potentielle de ses complications maternelles et fœtales, il représente l’urgence obstétricale et médicale par excellence. La conduite médicale pratique est actuellement bien codifiée et améliore le pronostic maternel grâce aux progrès de la réanimation. Cependant celui du fœtus reste sombre dans les formes étendues.
Epidémiologie
La fréquence de l’HRP est diversement appréciée selon les auteurs, se situant aux environs de 0,25% en Europe [8], plus élevée en Afrique, allant jusqu’à 4,7% dans certaines séries sénégalaises [5,6]. Il est en fait très difficile de disposer d’une évaluation précise de la fréquence de l’HRP, car la définition varie selon le mode de diagnostic (tableau complet incluant l’anatomopathologie, ou simples constatations macroscopiques ou microscopiques, voire diagnostic purement clinique pour certains). Cependant, si la fréquence de cet accident reste faible, il n’en représente pas moins une fraction importante de la mortalité périnatale : 20 à 35% dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, avoisinant parfois 90% de décès fœtaux dans certaines séries africaines.
Etude clinique
Formes cliniques
Forme complète
La forme complète, observée dans seulement un tiers des cas, permet de décrire en totalité la symptomatologie et les complications qui en découlent. Le début est brutal, sans prodromes, parfois même sans albuminurie ni hypertension artérielle préalables, précédé ou non d’une des causes occasionnelles suscitées. La femme se plaint d’une douleur abdominale vive en « coup de poignard », brusquement apparue, siégeant au niveau de l’utérus et irradiant le plus souvent en arrière vers les lombes et la région dorsale, parfois en avant, en direction des régions crurales [5,6,8]. La période d’état est très vite constituée, la douleur abdominale persistant sous forme de crampe continue, très violente ou modérée, suivie plus ou moins rapidement de métrorragies faites de sang noirâtre et peu abondante. La quantité de cette hémorragie n’est pas en rapport avec l’atteinte de l’état général. Les signes généraux sont ceux de l’état de choc : le faciès est angoissé, les traits tirés, la tension artérielle s’élève au début, rapidement suivie d’une chute tensionnelle traduisant le choc. On note un refroidissement des extrémités et parfois une dyspnée sine materia. Une pâleur conjonctivale est souvent associée. Très vite le pouls s’accélère et s’affaiblit. Les urines sont réduites en quantité. Quand la protéinurie existe, elle est soudaine et massive : c’est l’ictus albuminurique.
Sur le plan physique, l’utérus siège d’une hémorragie interne est dur (c’est le signe essentiel) : dur comme du bois, dur partout, dur tout le temps, témoin de son extrême hypertonie. Il est également classique de noter une élévation brutale de la hauteur utérine (si elle avait été mesurée quelques jours auparavant). L’utérus est d’autant plus dur et augmente d’autant plus que l’hémorragie externe est moins abondante. L’auscultation montre la disparition des bruits du cœur fœtal. Cette disparition n’est cependant pas constante, du moins au début de l’accident. En cas de doute, les ultrasons ou l’électrocardiographie fœtale pourront préciser si le fœtus est mort ou vivant. Au toucher vaginal, le segment inférieur, dur et tendu, participe à l’hypertonie utérine réalisant l’aspect dit en « sébile de bois ». En résumé, l’accident se caractérise à la période d’état par une triade symptomatique : dureté ligneuse de l’utérus, mort du fœtus, signes vasculorénaux.
❖ Formes incomplètes et pauci-symptomatiques Pour la plupart des auteurs [8,12], le tableau clinique des formes mineures associe un saignement vaginal, des lombalgies persistantes, un utérus se relâchant entre les contractions utérines et permettant la palpation et l’auscultation des bruits du cœur du fœtus. L’examen anatomo-pathologique retrouve la cupule caractéristique, de taille variable. L’échographie ne retrouve pas souvent les signes caractéristiques d’HRP. La fréquence des formes mineures varie de 22 à 46% selon les auteurs, et semble dépendre du mode de recrutement et de la prise en compte ou non des formes de diagnostic rétrospectif à l’histologie.
Le premier signe de l’HRP peut être une hémorragie extra-génitale: il peut s’agir d’une hématurie ou d’une hématémèse, les signes de la maladie utéro-placentaire n’apparaissant que secondairement.
Il existe des formes particulièrement trompeuses, prenant l’aspect d’une menace d’accouchement prématuré. La souffrance fœtale isolée inexpliquée, ou une mort fœtale in utero, peuvent être les seuls signes compliquant initialement un HRP. Dans certaines séries, 15 à 20% [12] des HRP sont découverts suite à une mort fœtale in utero. Certaines études ont montré que les signes échographiques, généralement tardifs, n’existaient que dans 20 à 40% des cas [8,12]. L’intérêt de l’échographie serait dans certains cas de faire le diagnostic différentiel avec un placenta prævia (qui pourrait lui être associé). Par analogie à la classification anatomo-pathologique, on distingue l’hématome décidual basal (le placenta est normalement inséré avec un hématome central ou para-central) de l’hématome décidual marginal (correspondant le plus souvent à un placenta bas inséré avec hématome marginal). L’hématome récent contenant du sang non coagulé est évoqué devant une structure liquidienne non échogène. Il existe des formes très précoces [2] survenant au deuxième trimestre (avec une fréquence de 10%), parfois même au premier trimestre de la grossesse, avec ou sans mort fœtale, pour lesquelles seul l’examen anatomo pathologique placentaire confirmera le diagnostic.
➤ La forme associée à un placenta prævia est classique, la fréquence de l’association variant de 6,7% à 20,2% selon les auteurs [5,8].
➤ La forme survenant pendant le travail : la symptomatologie est alors beaucoup plus difficile à interpréter et les métrorragies ne sont évocatrices que si la poche des eaux est encore intacte. Par ailleurs, il est difficile de savoir si l’hématome est responsable de l’entrée en travail, ou s’il s’est constitué pendant l’accouchement.
➤ La forme biologique « transitoire” : des anomalies biologiques très transitoires et régressant spontanément peuvent porter sur l’uricémie, les D-Dimères, les PDF (produits de dégradation de la fibrine), les plaquettes ou l’hématocrite. Des anomalies transitoires du flux Doppler à l’artère ombilicale ou aux artères utérines peuvent être également associées. L’intérêt du CA-125 d’origine déciduale comme marqueur de l’HRP a également été souligné.
➤ Formes anatomo-pathologiques Les différentes formes anatomo-pathologiques tiennent compte de l’importance de la lésion, de l’âge de la grossesse et de la localisation de l’hémorragie [12,8].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Etude clinique
3.1. Formes cliniques
3.2. Classifications
3.3. Facteurs étiologiques
3.4. Conséquences de l’HRP
4. Prise en charge
4.1. Mesures de réanimation
4.2. Traitement obstétrical
4.3. Traitement chirurgical
4.4. Traitement préventif des récidives
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. METHODOLOGIE
2.1. Type et durée d’étude
2.2. Cadre d’étude
2.3. Population étudiée
2.3.1. Critères d’inclusion
2.3.2. Critéres de non inclusion
3. RESULTATS
3.1. Fréquence
3.2. Caractéristiques maternelles
3.3. Caractéristiques de la grossesse
3.4. Pronostic
4. DISCUSSION
4.1. Fréquence
4.2. Les déterminants de la survenue de l’HRP
4.3. Prise en charge thérapeutique
4.3.1. Attitude Obstétrico-chirurgicale
4.3.2. Prise en charge médicale
4.4. Pronostic
4.4.1. Pronostic maternel
4.4.2. Pronostic fœtal
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES