LE VIEILLISSEMENT : GÉNÉRALITÉS
Vieillissement et société
Le vieillissement est un processus dynamique défini comme le « un processus par lequel un organisme humain subit une série de transformations entraînant la dégénérescence de certaines cellules, ce qui provoque l’affaiblissement et le ralentissement des fonctions vitales et des modifications d’ordre physique, physiologique et psychique » (CNRTL).
Il est défini selon l’OMS, comme le « processus graduel et irréversible de modification des structures et des fonctions de l’organisme résultant du passage du temps ».
Il peut donc être décrit comme un ensemble de phénomènes actifs et organisés dans le temps, présentant des différences d’expression intra et interindividuelles. Ainsi, il n’existe pas un sujet âgé “type” du fait du caractère aléatoire des mécanismes de vieillissement qui le gouvernent. Les changements qui le constituent ne sont ni linéaires, ni constants (Hugonot-Diener et al., 2017). « Il est la résultante des effets intriqués de facteurs génétiques, de facteurs environnementaux mais également de facteurs aléatoires (stochastiques) auxquels est soumis l’organisme tout au long de sa vie” (Collège national des enseignants de gériatrie, 2021).
Certains auteurs décrivent trois modes de vieillissement (Duron et al., 201 1; Trivalle, 2004) :
● Le vieillissement réussi se caractérise par une absence ou une faible atteinte des fonctions physiologiques ainsi qu’une absence de pathologie associée. Son critère de réussite l’est sur tous les plans, tant physique et mental quepsychosocial.
● Le vieillissement normal correspond aux modifications physiologiques liées à l’âge. Il est lié au phénomène de sénescence (Scialom et al., 2015). Il se caractérise par l’absence de pathologies définies.
● Le vieillissement pathologique se caractérise par la présence de maladies le plus souvent évolutives et complexes qui peuvent être fonctionnelles, psychologiques et/ou neurologiques. Elles induisent un vieillissement accéléré en majorant les répercussions biologiques de celui-ci.
Involution ou évolution ?
Le vieillissement normal est vu par certains auteurs comme un processus d’involution, c’est-à-dire comme une modification régressive de l’organisme avec l’âge (Scialom et al., 2015). Il s’agit là d’une description du vieillissement comme l’enchaînement des atteintes biologiques inéluctables le caractérisant. Cependant, au vu des capacités de compensations mises en place pour limiter le retentissement du vieillissement sur les activités de la vie quotidienne, il est possible de le qualifier de processus d’évolution (Rousseau, 2018). En effet, même s’ il est mis en évidence des atteintes physiologiques, de par l’expérience et le vécu, nous ne pouvons parler d’un mécanisme de déconstruction. “Le vieillissement apparaît comme un processus de développement et non une programmation inéluctable d’une involution biologiquement déterminée” (T rincaz et al., 2008). L ’organisme peut récupérer , s’adapter et développer de nouvelles facultés grâce à une plasticité ainsi que des ressources persistantes.
Parler ainsi du vieillissement comme processus d’évolution, soutenu par la notion de plasticité conservée, permet de justifier l’intérêt d’une prise en soin en psychomotricité dusujet âgé vieillissant.
Personne “âgée”
Le concept du vieillissement est généralement associé à la notion de personne âgée.
Celle-ci sous-entend qu’il est nécessaire de définir l’âge à partir duquel la personne devient âgée. Ainsi, dans nos sociétés occidentales, les personnes « âgées », selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), le sont à partir de 65 ans (Hugonot-Diener et al., 2017). Cependant, selon Rousseau (2018), il existe plusieurs manières de déterminer un âge et ce en fonction de différents points de vue sur le vieillissement. Ce critère chronologique du vieillissement, défini par l’INSEE, se base sur le passage du temps. Il s’agit ici de l’âge correspondant socialement à la cessation de l’activité professionnelle et confère donc à la notion de statut social.
D’un point de vue plus médicalisé et en prenant en compte le caractère hétérogène des répercussions physiologiques du vieillissement, il est possible de distinguer cet âge chronologique d’un âge biologique. Il s’agit, en d’autres termes, de “l’âge de nos artères” (Rousseau, 2018). Ces modifications, aléatoires selon les individus, impactent le vécu de l’avancée en âge et du vieillissement. Selon certains auteurs, ce déclin des capacitésphysiques commence à partir de 30 35 ans.
De l’autonomie à la dépendance
Les entrées en institutions comme en EHP AD se font aujourd’hui, de manière plus tardive avec une moyenne de 85 ans et 2 mois principalement pour une raison de santé ou de dépendance. Selon Barnich et Rémoville (2019), les notions d’autonomie et de dépendance sont fondamentales pour comprendre “l’évolution, la prise en soin et la place de lapsychomotricité en gériatrie”, c’est pourquoi nous allons les définir ci-dessous.
L ’autonomie correspond à la “faculté de se déterminer par soi-même, de choisir , d’agir librement » (CNR TL, s. d.). Cette notion confère aux capacités décisionnelles et de jugement de la personne qui alimentent son libre arbitre. (Barnich & Rémoville, 2019).
La dépendance est définie comme “la nécessité d’aide pour les actes de la vie quotidienne” (Barnich & Rémoville, 2019) comme pour , par exemple, la toilette, l’habillage, les transferts, les déplacements, l’alimentation ou l’élimination. Cette notion se rapporte donc davantage aux capacités fonctionnelles de la personne, elles-mêmes impactées par le vieillissement physiologique.
Ainsi, au vu de ces définitions, il est possible de dire qu’une personne peut être à la fois autonome et dépendante tout comme elle ne peut être aucun des deux. Il n’existe pas entre ces deux notions de relation de cause à effet.
Les besoins de la personne âgée sont évalués grâce à la grille nationale “Autonomie Gérontologie Groupe Iso-Ressources”, ou AGGIR, utilisée plus particulièrement en institution et visible en annexe 1. Elle permet, à partir de l’observation des capacités préservées et altérées de la personne dans les actes de la vie quotidienne, d’évaluer les situations de dépendance sans nécessairement prendre en compte la perte d’autonomie. Elle permet ainsi de pouvoir proposer un projet de prise en soin adapté à la personne, à ses besoins et à sa volonté. Elle permet le calcul d’un score de degrés de dépendance (GIR) compris entre 1 et 6, du plus dépendant au moins dépendant.
La perte d’autonomie et la dépendance sont des notions qui apparaissent au cours du vieillissement et qui ont toute leur importance au vu de l’augmentation de la population âgéeen France.
Vers une augmentation de la population âgée en France
L ’évolution de la médecine entraîne, dans les pays occidentaux, une augmentation du nombre de personnes âgées au sein de la population. C’est le cas en particulier en France. De ce fait, “en cent ans, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 30 ans.” (Blain et al., 2015). Celle-ci suit une augmentation constante au rythme de trois mois par an. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance est, en 2021 selon l’INSEE (2022), de 85,4 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes.
Au regard de cela, la part de personnes dites “âgées” (plus de 65 ans) au cœur de la population française augmente également considérablement et atteint 21% au 1er janvier 2022 (INSEE, 2022). Autrement dit, une personne vivant en France sur cinq est âgée de plus de 65 ans. Cette part a considérablement augmenté ces dernières années et, selon l’OMS (2021), de manière “bien plus rapide que par le passé”. Il existe, au cœur de la population française, un accroissement du pourcentage de personnes ayant plus de 65 ans à l’inverse de celui des personnes ayant moins de 20 ans. Dans la mesure où l’évolution de la proportion de ces deux populations semble suivre un rythme régulier depuis 10 ans, nous pouvons émettre l’hypothèse que la proportion de personnes âgées en France pourrait bientôt être supérieure à celle des moins de 20 ans (INSEE, 2022).
Stéréotypes et représentations sociales
D’un point de vue sociologique, les personnes âgées en France appartiennent à la catégorie du troisième âge. Le vieillissement de la population a induit la création d’un quatrième âge pour les personnes ayant plus de 80 ans (Scialom et al., 2015).
Vieillissement et système nerveux
Modifications biologiques
Le vieillissement entraîne des répercussions sur le système nerveux. Ainsi, ce processus impacte directement la structure cérébrale en entraînant une “atrophie de quelques centimètres cubes, du lobe frontal, mais aussi de l’hippocampe” (Juhel, 2010). Il s’opère ainsi une diminution du volume cérébral, un amincissement du cortex et une atrophie des circonvolutions cérébrales (Hommet et al., 2008). De plus, une perte modérée du nombre de neurones associée à une altération de leur structure membranaire induit une “diminution (10 à 30%) de la vitesse de l’influx nerveux à partir de 50 ans.” (Juhel, 2010).
Le vieillissement induit également des changements physiologiques neuro-chimiques au niveau du système nerveux central. Ces changements concernent les neurotransmetteurs qui sous-tendent la communication neuronale en permettant la conduction du message nerveux d’un neurone à un autre. Dans certaines régions, leur synthèse est impactée et dans d’autres la quantité de récepteurs nécessaires à la transmission de l’influx nerveux est diminuée. “Ces changements physiologiques sont liés aux changements cognitifs” (Lemaire & Bherer, 2005).
Certains travaux récents montrent un impact différencié du vieillissement sur les deux hémisphères cérébraux et donc sur la latéralisation cérébrale. Celle-ci désigne “l’aptitude prédominante d’un hémisphère sur l’autre pour une fonction donnée” (Hommet et al., 2008).
Ces modèles mettent en avant une sensibilité aux effets de l’âge accrue au niveau de l’hémisphère droit, ainsi qu’une réduction de l’asymétrie au niveau du cortex préfrontal tout particulièrement.
L ’augmentation du temps de conduction, résultat du vieillissement, peut s’expliquer par la perte d’une partie des fibres fonctionnelles composant les nerfs du système nerveux périphérique (Duron et al., 201 1).
Impact sur les fonctions cognitives
Ces modifications structurelles et cellulaires vont avoir un impact sur les fonctions cognitives associées. Ainsi, selon Rousseau, il est possible d’observer des déficiences au sein des processus mis en jeu dans la mémoire à court terme ainsi que dans les processus d’encodage de la mémoire à long terme (Rousseau, 2018). L ’atrophie corticale frontale quant à elle va impacter les fonctions de planification, de prise de décision, de vitesse d’exécution et d’attention en induisant un ralentissement de celles-ci. De plus, le temps de traitement de l’information augmente alors que la vitesse de traitement diminue. L ’association simultanée de deux tâches s’en trouve alors plus difficile à réaliser (Juhel, 2010).
Il s’agit bien ici du retentissement d’un vieillissement normal : les études ont en effet montré que chez toute personne âgée de plus de 65 ans, au moins une habileté cognitive déclinait (Lemaire, 2015).
Tout ceci est à relativiser au regard de la persistance de la plasticité cérébrale chez le sujet âgé (Fauvel et al., 2012). Celle-ci permet la création de nouvelles connexions inter-neuronales permettant de pallier la diminution du nombre de neurones. Celle-ci s’établit en moyenne à hauteur de 5% par décennie (Juhel, 2010). Ainsi, et ce malgré des difficultés de mémorisation, d’attention et de concentration, les capacités d’apprentissages sont préservées.
De même, la diminution de l’asymétrie au niveau préfrontal pourrait témoigner d’un processus de compensation des déficits cognitifs (Hommet et al., 2008).
Système sensoriel et perceptif
L ’ensemble constitué des fonctions sensorielles et de leur intégration perceptive décline avec l’âge. Ainsi, “d’après une étude américaine 94% des personnes âgées de 57 à 85 ans présentent au moins un déficit sensoriel” (Hugonot-Diener et al., 2017).
La perception visuelle
Le vieillissement impacte toutes les composantes de l’œil ainsi que les différents tissus.
“Sur les bords de la rétine, un amincissement est noté lié à une diminution du nombre de cellules visuelles (cônes et bâtonnets) touchant la totalité de la macula” (Aubert & Albaret, 2001). Associé à un jaunissement du cristallin, cette perte cellulaire impacte directement la perception des couleurs s’illustrant par une diminution de sensibilité. Cette opacification du cristallin entraîne également, par défaut de transparence de celui-ci, une difficulté à percevoir les contrastes. Le cristallin, lors du vieillissement, va également subir une perte de souplesse, d’élasticité, de capacité de déformation induisant la diminution de l’accommodation ce qui engendre la baisse de l’acuité visuelle. Cette presbytie se caractérise par l’épaississement du cristallin (Aubert & Albaret, 2001) .
Le rapport à la lumière est également modifié en raison d’un ralentissement du réflexe pupillaire associé à l’atrophie musculaire des dilatateurs de l’iris (myosis) entraînant l’altération de l’adaptation à l’obscurité et de la récupération à l’éblouissement (Desoutter et al., 2020).
De même, “le champ visuel, s’il ne se réduit pas directement, est limité du fait d’une oculomotricité moins efficace” (Scialom et al., 2015).
Tout comme décrits plus haut, les mécanismes neurologiques de traitements de l’information visuelle sont également impactés par le vieillissement. Ainsi le volume de substance blanche est amoindri dans la région occipitale de même que l’arborisation dendritique (Scialom et al., 2015).
La per ception auditive
Le vieillissement entraîne une diminution de la perception auditive également appelée presbyacousie. “Il s’agit d’une perte progressive bilatérale et symétrique neurosensorielle de l’ouïe.” (Desoutter et al., 2020). Elle résulte d’une dégénérescence des cellules ciliées cochléaire de manière diffuse (Desoutter et al., 2020), d’une “altération progressive de l’oreille interne et du nerf auditif” (Juhel, 2010). Elle porte essentiellement sur les hautes fréquences sonores correspondantes aux sons aigus.
En ce qui concerne son étiologie, elle peut également être attribuée à la fois à des facteurs physiques, génétiques environnementaux comme l’exposition à des bruits. Ainsi, les problèmes d’audition se retrouveraient plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes. (Aubert & Albaret, 2001) .
La per ception tactile
Le vieillissement de la perception tactile est induit chez le sujet âgé par des modifications des caractéristiques physiques de la peau, elles-mêmes tributaires de modifications des éléments la composant. Ainsi, le tissu cutané se modifie entraînant une perte d’élasticité de celui-ci par une “altération du tissu élastique, un épaississement fibreux du derme, aplanissement de la jonction dermo-épidermique” (Desoutter et al., 2020).
Ces changements engendrent une altération de nombre et de structure des récepteurs tactiles. De ce fait, le seuil de sensibilité cutané s’élève, le nombre de récepteurs sensoriels au niveau manuel et pédestre diminue et la discrimination est plus difficile (Aubert & Albaret, 2001). A cela s’associe une diminution de la sensibilité à la pression et à la vibration résultant d’une altération de la sensibilité cutanée mécanique, prédominant aux extrémités (Scialom et al., 2015).
Per ception gustative et olfactive
De manière similaire à l’impact observé sur les autres organes sensoriels, la perception gustative et olfactive est atteinte dans le processus de vieillissement normal (Duron et al., 201 1).
La sensibilité gustative diminue en raison “d’une diminution du nombre de bourgeons gustatifs, des papilles fonctionnelles et des connexions axonales” (Desoutter et al., 2020).
Ceci impacte directement le seuil de détection et de reconnaissance des goûts qui est augmenté. Il en est de même pour les capacités olfactives qui diminuent et induisent une perte de discrimination des différentes odeurs mise en évidence chez plus de la moitié des personnes dont l’âge se situe entre soixante-cinq et quatre-vingt ans (Aubert & Albaret, 2001).
Système vestibulaire
“Le système vestibulaire, composé de de canaux semi-circulaires et du système maculaire, permet de détecter respectivement les rotations et les accélérations linéaires de la tête » (Scialom et al., 2015).
Le vieillissement induit une presbyvestibulie qui correspond à une hyporéflectivité vestibulaire globale. Elle est principalement due à une diminution des fibres nerveuses ainsi que des cellules ciliées, capteurs sensoriels principalement dans les crêtes ampullaires (Aubert & Albaret, 2001). Ainsi, la personne âgée présentera une altération des capacités de perception de mouvement, de stabilisation de la tête et du corps et de l’image sur la rétine (Blain et al., 2015).
Système pr oprioceptif
Le système proprioceptif, ou sensibilité profonde, permet la perception de la position du corps dans l’espace, de l’orientation des différents segments ainsi que de la position articulaire. (Roll, 2010).
Selon Aubert et Albaret, le vieillissement induit une diminution et une raréfaction du nombre des différents mécanorécepteurs. Ceux-ci se situent au niveau des fuseaux musculaires, des jonctions muscles – tendons (récepteurs neurotendineux de Golgi) et des capsules articulaires (récepteurs de Ruffini) (Aubert & Albaret, 2001). La perte de souplesse et d’élasticité des propriocepteurs associée à la dégradation des fibres nerveuses périphériques induit une perte d’efficacité de la sensibilité proprioceptive. Pour certains auteurs, “la nature et la quantité des informations proprioceptives sont modifiées avec la réduction de la mobilité articulaire, l’atrophie musculaire ainsi que la perte d’élasticité des tendons” (Scialom et al., 2015).
Vieillissement et psychomotricité
Parce que le vieillissement a un impact sur les fonctions neurologiques, physiologiques, perceptives et sensorielles, il nous semble nécessaire de mettre en lumière son retentissement sur certaines fonctions étudiées en psychomotricité : le tonus, la posture, la latéralité, la motricité globale, la motricité fine, le schéma corporel, l’organisation spatiale et l’organisation temporelle.
Tonus et posture
Le tonus musculaire est, selon V ulpain, “un état de tension active, permanente, involontaire et variable dans son intensité en fonction des diverses actions syncinétiques ou réflexes qui l’augmentent ou l’inhibent” (Scialom et al., 2015). Les états toniques impliquent l’ensemble des muscles de l’organisme et sont renseignés par les capteurs sensoriels proprioceptifs. L ’atteinte de ceux-ci lors du phénomène de sénescence impacte donc le tonus musculaire lui-même.
Chez la personne âgée, la sénescence entraîne des troubles de la régulation tonique.
Ceux-ci s’illustrent tout particulièrement par diminution tonique globale ainsi qu’un manque d’ajustement lors du recrutement tonique (Juhel, 2010).
Le retentissement sur le tonus impacte donc de manière directe l’ajustement postural chez la personne âgée. Le vieillissement entraîne tout particulièrement un ralentissement des réflexes posturaux. En effet, le vieillissement induit, de par les difficultés de traitement des informations sensorielles secondaires à l’altération physiologique du système nerveux, une hiérarchisation du traitement des stimuli. La baisse d’efficacité des systèmes sensori-perceptivo-moteur induit une augmentation de la dépendance à l’égard de la perception visuelle. Celle-ci diminuant lors du vieillissement va induire à son tour une baisse des capacités de maintien postural impactant les fonctions d’équilibration (Aubert & Albaret, 2001; Scialom et al., 2015).
DÉFINITIONS, ÉVOLUTION ET INTÉRÊT DE L ’ACTE MOTEUR
Le schéma corporel : généralités
Historique d’un concept riche de définitions
Depuis l’introduction de la notion par Bonnier en 1902, bon nombre d’auteurs se sont succédés dans l’intention de définir, à tour de rôle, cette notion. Nous allons, en prenant appui sur certaines d’entre elles, tenter d’éclaircir ce concept.
Origine du concept
C’est au cœur du champ de la neurologie qu’apparaît, en 1902 avec Bonnier, le concept d’une représentation topographique du corps. Pour lui, “le sens des attitudes nous fournit la notion du lieu de chaque partie de nous-même et forme la base de toute orientation, tant objective que subjective (Bonnier , 1902)” (Pireyre, 2021a). Il pose donc le terme de “schéma” pour définir cette représentation permanente, cette figuration spatiale du corps. Selon lui, celle-ci permet une orientation du corps dans l’espace et se construit à partir des données sensorielles mais de manière indépendante de par son caractère non-conscient. Pour Head, l’ensemble des informations sensorielles provenant des mouvements sont “emmagasinées au niveau du cortex sensoriel et constituent un stock d’« impressions »” (Pireyre, 2021a). L ’ensemble des informations posturales participent à l’élaboration des représentations du corps. Il existe donc, selon lui, un “standard postural”, structure de base plastique, modèle constamment changeant en fonction des différentes afférences sensorielles perçues (Morin, 2013).
P . Schilder
Schilder quant à lui définit le schéma corporel comme une “image tridimensionnelle que chacun a de soi-même” (Schilder , 2017). Elle correspond à un modèle postural de nous-même, commun à tous et en constant remaniement. Les différentes expériences motrices permettent de l’enrichir.
J. de Ajuriaguerra
Ajuriaguerra (1974) définit le schéma corporel de la manière suivante : “Édifié sur la base des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques et visuelles, le schéma corporel réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification.”. Il complète ainsi la notion en précisant les impressions impliquées dans la construction du schéma corporel. Il insiste également sur l’aspect évolutif de celui-ci.
F . Dolto
Pour Françoise Dolto (1984), le schéma corporel est une réalité de fait, en quelque sorte notre « vivre charnel » au contact du monde physique. Nos expériences de notre réalité dépendent de l’intégrité de l’organisme, ou de ses lésions transitoires ou indélébiles, neurologiques, musculaires, osseuses, et aussi de nos sensations physiologiques viscérales, circulatoires, coenesthésiques.”. Selon elle, le schéma corporel se structure par l’expérience et est commun à tous les individus. Il s’appuie également sur un vaste ensemble de systèmes sensoriels.
J.-M. Albar et
Pour Albaret, “le schéma corporel (système de localisation) correspond à un ensemble de représentations pour l’action et répond donc à la fameuse question “Où?” (où sont les membres et où est la cible de l’action) mais aussi à la question “Comment?” (comment utiliser l’ensemble du corps pour réaliser le but fixé?) fournissant les informations sur la posture et les coordonnées spatiales des différentes parties du corps qui déterminent ce qu’on appelle aussi le référentiel égocentrique : il intervient dans la locomotion (se déplacer) et la préhension (saisir des objets). Il est constitué à partir de l’intégration des différentes entrées sensorielles et motrices qui concourent à la genèse de l’action (informations propioceptives, tactiles, vestibulaires, visuelles mais aussi copie d’efférence) et est mis à jour au cours de l’action. Ce système opère en dehors de toute conscience du sujet et nous permet de réaliser les actions de notre vie quotidienne.” (Scialom et al., 2015).
Synthèse : E.W . Pireyre
A partir de l’ensemble de ces définitions et grâce à l’étayage apporté par ces différents auteurs, nous tenterons de souligner les points importants permettant de définir la notion de schéma corporel pour la suite de ce mémoire.
Nous retiendrons donc la définition de Pireyre (2021b) qui présente le schéma corporel comme “une représentation sensori-motrice, tridimensionnelle, non consciente, automatique et sans cesse réajustée de la position globale et/ou segmentaire du corps et de ses mouvements.” . Il se structure et s’enrichit par la coordination des modalités sensorielles et motrices, et est donc évolutif et en constant remaniement. En effet, une connaissance des positions des différents segments les uns par rapport aux autres, ainsi que dans l’espace, est nécessaire pour permettre la réalisation d’une action adaptée à l’environnement. Ainsi, le schéma corporel fournit des informations sur la posture et est impliqué dans différentes actions de la vie quotidienne comme la locomotion et la préhension.
Nous pouvons, au regard de ce qui vient d’être exposé, souligner que le schéma corporel “relève d’un fonctionnement physiologique non-subjectif” qui semble se construire sur les intégrations sensorielles, qu’elles soient extéroceptives ou proprioceptives (Pireyre, 2021b). Selon Pireyre (2021a), “il est désormais reconnu que le schéma corporel implique la proprioception, la vision et la sensibilité vestibulaire et qu’il est à ranger du côté de l’organisme”.
Supports neuro-physiologiques de l’intégration du schéma corporel
De la sensation à la perception : supports de la représentation et réponse motrice
Cette représentation sensori-motrice qu’est le schéma corporel se construit donc à partir du substrat neuro-physiologique, support des sensations et perceptions. Entendons la sensation comme un « processus résultant du fonctionnement du récepteur sensoriel » et la perception comme « un traitement cognitivo-affectif de la sensation » (Pireyre, 2015). L ’ensemble des flux sensoriels sont diversifiés et permanents. Les sensations peuvent être (Scialom et al., 2015) :
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Table des matières
Introduction
Partie I : Théorie
I. LE VIEILLISSEMENT: GÉNÉRALITÉS
A. Vieillissement et société
B. Vieillissement et corps
C. Vieillissement et psychomotricité
II. SCHÉMA CORPOREL : DÉFINITIONS, ÉVOLUTION ET INTÉRÊT DE L ’ACTE MOTEUR
A. Le schéma corporel : généralités
B. Schéma corporel : évolution au fil de la vie
C. L ’intérêt d’une mise en mouvement
Partie 2 : Illustration Clinique
I. L ’EHPAD : PRÉSENTATION DE LA STRUCTURE ET RÔLE DU PSYCHOMOTRICIEN
A. Présentation de l’établissement
B. La place de la psychomotricité
II. GROUPE ÉQUILIBRE
A. Présentation de l’atelier
B. Présentations des participantes et déroulé de la séance
C. Etude de cas : Soeur C
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Grille Aggir
Annexe 2 : Présentation atelier “Équilibre”
Table des matières