L’argile fait partie des matières premières utilisées depuis la plus haute antiquité grâce à sa plasticité qui lui donne la possibilité de fabrication de récipients utilisés quotidiennement. Elle constitue une matière à partir de laquelle, l’Homme a été créé [Coran S: 38, V:71]. L’argile, quand elle est humide, devient malléable et peut prendre la forme de n’importe quel objet. Sous l’effet de la chaleur, elle devient dure. Lorsque l’argile est sèche, elle reste douce au toucher, montre une certaine cohésion et happe à la langue, ce qui traduit son avidité d’eau. Elle se présente le plus souvent sous forme de bloc, concassée ou en poudre, peut avoir différentes couleurs: blanche, bleue, grise, marron, rose, rouge, verte qui sont dues à la présence majoritaire de certaines substances [Sylla RG., 2015]. L’importance économique des argiles fibreuses réside dans le fait qu’elles couvrent plusieurs branches de l’industrie [Allègre J., 2012 ; Caillère S. et al., 1982]. Elles sont utilisées pour la fabrication des granulés absorbants, comme litières pour les animaux et comme nettoyant de sol des usines, dans la construction comme composant des ciments, etc. En agriculture, elles augmentent la porosité des sols, améliorent la rétention d’eau et l’assimilation d’éléments nutritifs par le sol. Les argiles sont également employées dans le confinement de déchets radioactifs, comme boues de forage, comme charges dans les plastiques, caoutchoucs, peintures, dans l’industrie du papier et même dans les systèmes de refroidissement et de climatisation [Langlois Y., 2005 ; Rautureau M. et al., 2004 ; Sylla RG., 2015]. Les argiles sont aussi largement utilisées en thérapeutique comme antidiarrhéiques, antiacides, adsorbants des gaz intestinaux (antiflatulence), excipients pour certaines formulations pharmaceutiques, dans les dentifrices et contre certaines affections dermatologiques [Hernot F., 2016; Rautureau M. et al., 2004 ; Sylla RG., 2015].
GENERALITES SUR LES ARGILES
DEFINITIONS
Les argiles sont des matériaux retrouvés sur la couche superficielle de l’écorce terrestre, qui se forment par l’action de l’eau sur les roches terrestres (eaux de surfaces ou des eaux hydrothermales). L’argile désigne soit un minéral argileux soit une roche composée par l’essentiel de ces minéraux. La définition des argiles est basée généralement sur deux critères que sont : la granulométrie, c’est-à-dire la taille des particules qui les composent et qui est inférieure à 2µm et la minéralogie ; ce sont des silicates phylliteux ou semiphylliteux hydratés [Allègre J., 2012; Lamouri B., 2008; Mbaye A., 2013; Sylla RG., 2015]. Ainsi, les roches argileuses sont des roches sédimentaires dont les grains sont très fins (inférieurs à 2µm) et contenant en moyenne 50% de minéraux argileux. Elles sont tendres et rayables à l’ongle, fragiles à l’état sec. Elles donnent une substance molle mélangée avec de l’eau et forment une masse compacte à la cuisson. Hormis les minéraux argileux qui les composent, ces roches argileuses contiennent des minéraux comme du quartz, des oxydes et des hydroxydes de fer, des sulfures de fer (pyrite), de la gibbsite, des carbonates et de la matière organique [Biodis; Caillère S. et al., 1982 ; Lamouri B., 2008].
ORIGINE
Les minéraux argileux sont généralement formés à partir de minéraux préexistants selon des processus d’altération physique ou chimique :
– dans l’altération physique, il y a désagrégation d’une roche préexistante (minéraux primaires) ;
– dans l’altération chimique, les argiles sont obtenues par action de l’eau sur une roche.
Sous l’action de l’eau, il y a une transformation de la roche conduisant à des minéraux transformés ou des minéraux néoformés suite à des réactions de précipitations. Le type de minéraux formé est très dépendant de la quantité d’eau. Pour certains auteurs, les argiles sont définies comme des mutants en précisant qu’il s’agit de minéraux en continuelle évolution minéralogique pour atteindre un état d’équilibre thermodynamique selon l’agent d’altération [Caillère S. et al., 1982 ; Mbaye A., 2013].
Ainsi, sous l’action d’un agent comme le vent, les minéraux primaires se dégradent pour donner des minéraux hérités comme le quartz SiO2 et en présence d’eau, ils s’altèrent pour donner des minéraux transformés tels que les argiles micacées comme l’illite ou des minéraux néoformés dont la plus fréquente est la kaolinite ou des hydrolysats comme la gibbsite.
Les minéraux transformés et néoformés évoluent pour donner des minéraux secondaires. Ces derniers, comme les minéraux hérités vont aboutir finalement au complexe d’altération. L’altération des minéraux primaires peut aussi donner des ions de types Na+ , Mg2+, HCO3- , H4SiO4, SO4 2-, etc. Ces ions sous l’action de l’eau vont migrer et se transformer en carbonates, sulfates, phosphates, etc., en présence de microorganismes plus particulièrement marins [Caillère S. et al., 1982 ; Mbaye A.,2013].
STRUCTURES DES MINERAUX ARGILEUX
Les atomes qui constituent les minéraux argileux sont disposés suivant deux arrangements:
– l’un pour les ions oxygènes et les hydroxydes ;
– l’autre pour les ions oxygènes exclusivement.
En considérant en première approximation les atomes comme ayant la forme d’une sphère, ils sont au contact dans des plans successifs. Ils sont disposés de telle façon que les centres de ces sphères se situent sur des droites parallèles entre elles. Les sphères appartenant à deux rangs consécutifs sont décalées d’un rayon, si bien que les centres des deux sphères appartenant à une même ligne et d’une sphère placée sur la ligne voisine sont situés aux sommets d’un triangle équilatéral. Cette disposition constitue l’assemblage compact [Caillère S. et al., 1982]. Le deuxième type d’assemblage qui s’applique exclusivement aux ions oxygènes, s’obtient à partir du premier en retirant une sphère sur deux sur toutes les deux lignes. Sont ainsi obtenus des hexagones délimités par six sphères donnant ce qu’on appelle un plan hexagonal.
Dans les structures des minéraux argileux, les atomes d’oxygènes et les ions d’hydroxyles sont disposés suivant trois directions correspondant aux trois plans anioniques nommés (X, Y, et Z). Dans le plan anionique X, constitué uniquement des atomes oxygènes, un anion O2-sur deux est manquant sur toutes les deux lignes, créant ainsi une lacune ou cavité diagonale (rayon anionique O2-=1,3 Å; dimension des hexagones :côté,2,60 Å et diagonale,5,20 Å). Cette cavité hexagonale a un diamètre de 2,6 Å, chaque anion a quatre voisins dans le plan (coordinence 4) (Figure 2) [Caillère S. et al., 1982 ; Mbaye A.,2013].
Le plan anionique Y est composé des atomes d’oxygène et des groupements hydroxyles. Sur chaque rangée, un anion oxygène sur trois est remplacé par un ion OH- . Ainsi, chaque ion OH- est entouré de six anions oxygène O2- .
Le plan anionique compact Z est constitué des ions OH- . Les ions hydroxyles des deux rangs contigus sont décalés d’un rayon si bien que les centres des deux groupements hydroxyles d’une même ligne et celui placé sur une ligne voisine sont situés au sommet d’un triangle équilatéral [Caillère S. et al., 1982 ; Mbaye A., 2013].
L’empilement d’un plan à lacune hexagonale X et d’un plan compact (Y et Z) de telle sorte que l’ion OH- du plan Y se trouve à l’aplomb de la cavité hexagonale du plan X, définit des cavités tétraédriques pouvant être occupées par des cations (Si4+ , Al3+ et plus rarement Fe3+ et Cr3+) (Figure 5a). Par contre, la superposition des plans Y et Z forme des cavités octaédriques où peuvent se loger des cations plus larges Al3+, Mg2+,Fe3+,Fe2+,Ni2+ ou Mn2+ mais pas Ca2+,Na+ ,K+ (trop large) .
Dans la structure des minéraux argileux, il existe quatre niveaux d’organisation :
– les couches constituées par deux plans d’atomes d’oxygène et/ou d’hydroxyle formant des couches de tétraèdres ;
– les feuillets correspondant à des combinaisons de couches ;
– l’espace interfoliaire représentant le vide séparant deux feuillets de même structure, il peut être occupé par des cations (éventuellement hydratés) ;
– l’unité structurale: il s’agit de l’association d’un feuillet et d’un espace interfoliaire.
La couche tétraédrique
Cette couche nommée T est composée de tétraèdres comportant quatre oxygènes à leurs sommets et un cation central (Figure 7a). Ce cation est principalement Si4+ dans (SiO4)4- fréquemment Al3+ dans (AlO4)5- et plus rarement Fe3+ dans (FeO4)5- . Dans cette unité, l’atome de silicium est entouré de quatre atomes d’oxygène. Les tétraèdres partagent les trois oxygènes en maille hexagonale appelés oxygènes basaux, le quatrième restant libre est appelé oxygène apical (Figure 7b). Les oxygènes basaux forment un réseau à deux dimensions présentant une symétrie hexagonale et des cavités hexagonales (Figure 7c). Les oxygènes apicaux des phyllosilicates pointent généralement du même côté du plan défini par les oxygènes basaux sauf pour de rares espèces (sépiolite, palygorskite) [Mbaye A., 2013].
La couche octaédrique
La couche octaédrique est formée par des octaèdres jointifs dont les sommets sont soit des oxygènes soit des hydroxyles. Ces anions sont liés à un cation central trivalent (Al3+ , Fe3+) ou bivalent (Fe2+ , Mg2+) en coordinence 6 (Figure 8a).Les octaèdres sont liés entre eux par les arêtes (deux sommets) (figure 8b).Lorsque les sites sont occupés par des cations bivalents (exemple: Mg2+) chaque anion est lié à trois cations (trois octaèdres voisins);la couche est dite trioctaédrique. Si les cations sont trivalents (exemple: Al3+), deux octaèdres sur trois sont occupés et le troisième site est vacant. Chaque anion est partagé entre deux octaèdres voisins; la couche est dite dioctaédrique. La couche octaédrique possède une symétrie hexagonale. Les dimensions de la maille dépendent du cation. Les dimensions d’une couche dioctaédrique alumineuse sont a=1,50 nm, b=0,864 nm et l’épaisseur est de 0,274 nm.
Celles d’une couche trioctaédrique magnésienne sont a=1,411 nm, b=0,943 nm et c=0,245 nm. La mesure de la dimension b est réalisée sur des diffractogrammes de poudres désorientées (d060); elle permet de différencier les phyllosilicates di ou trioctaédriques.
Liaison entre les couches octaédriques et les couches tétraédriques
La liaison entre les couches octaédriques et les couches tétraédriques pour former les feuillets se fait par le partage des oxygènes apicaux des tétraèdres qui remplacent autant d’hydroxyles formant les sommets des octaèdres. Les dimensions des couches tétraédriques et octaédriques ne sont pas tout à fait identiques ce qui induit des déformations de couche lors de leur liaison [Caillère S. et al., 1982 ; Mbaye A., 2013].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES ARGILES
I. DEFINITIONS
II. ORIGINE
III. STRUCTURES DES MINERAUX ARGILEUX
III.1. La couche tétraédrique
III.2. La couche octaédrique
III.3. Liaison entre les couches octaédriques et les couches tétraédriques
IV. NOMENCLATURE DES ARGILES
IV.1. Les minéraux de types 1/1 ou T-O
IV.2. Les minéraux de type 2/1
IV.3. Les minéraux de type 2/1/1
IV.4. Les minéraux fibreux : palygorskite et sépiolite
IV.5. Les Minéraux à structure complexeinterstratifiée
V. PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES DES ARGILES
V.1. Forme et surface spécifique
V.2. Degré d’hydratation desargiles
V.3. Capacité d’échange cationique
V.4. Activité des argiles
VI. UTILISATIONS DES ARGILES
VI.1. En médecine vétérinaire
VI.1.1. Utilisation comme anti-mottant
VI.1.2. Utilisation comme excipient
VI.1.3. Utilisation comme anti-infectieux et stimulant
VI.1.4 Utilisation comme immuno-stimulant
VI.1.5. Utilisation comme antiseptique intestinal
VI.1.6.Utilisation comme restituant du manteau céphalique
VI.1.7. Utilisation comme litière animale
VI.2. Utilisation des argiles en médecine humaine
VI.2.1 Traitement de la sphère digestive
VI.2.2. Utilisation en orthodontie
VI.2.3 Traitement de l’ulcère de Buruli
VI.3. Utilisation en cosmétologie
VI.4. Utilisation en agriculture
VI.5. Utilisation en industrie pétrolière
VI.6. Autres utilisations des argiles
VI.6.1. Scientifiques
VI.6.2. Utilisation comme antidote
VI.6.3. Utilisation comme charges
CHAPITRE II : L ATTAPULGITE DE MBODIENE
I. GENERALITES SUR LES ATTAPULGITES
I.1. Etude minéralogique
I.2. Propriétés physicochimiques de l’attapulgite
I.3. Principales utilisations de l’attapulgite
II. L’ATTAPULGITE OU PALYGORSKITE DE MBODIENE
DEUXIEME PARTIE : PARTIE EXPERIMENTALE
CHAPITRE III : MATERIEL ET METHODES
I. CADRE D’ETUDE
II. MATERIEL ET METHODES
II. 1. Matériel minéral
II.2.Réactifs et appareillage
III. METHODES
III.1. Purification
III.2.Microscopie électronique à balayage
III.3.Spectrométrie à fluorescence X
III.4. Diffraction aux rayons X
III.5. Isothermes d’adsorption
III.6. Capacité d’échange cationique par échange avec l’ion cobaltihexamine
CHAPITRE IV : RESULTATS ET DISCUSSION
I. RESULTATS
I.1. Microscopie électronique à balayage
I.2. Spectrométrie à fluorescence X
I.3. Diffraction aux rayons X
I.4. Isothermes d’adsorption
I.5. Capacité d’échange cationique
II.DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES