Les phosphines sont des ligands classiques des métaux de transition. La présence d’une paire libre au phosphore en fait d’excellents donneurs σ et les orbitales σ∗ P−C permettent à ces ligands d’accepter la rétrodonation d’électrons depuis le métal. Les phosphaalcènes comportent eux aussi une paire libre au phosphore mais la présence d’une orbitale π∗ P−C plus accessible que les orbitales σ∗ P−C des phosphines les rend théoriquement plus aptes à stabiliser les métaux de transition riches en électrons comme les métaux de la droite du tableau périodique à bas degré d’oxydation (Schéma 2.1). Partant de ce constat nous avons essayé de produire des complexes de Ni0 et Pt0 avec des ligands comportant un motif Mes*P=C.
Bibliographie : synthèses des phosphaalcènes et complexes de phosphaalcènes
Bien que peu utilisés en catalyse homogène, les phosphaalcènes ont cependant été beaucoup étudiés, notamment pour leur intérêt dans la description de la double liaison P=C et de la capacité du phosphore à s’hybrider en sp² , ce qui a longtemps été considéré comme très difficile à cause de la différence d’extension spatiale entre les orbitales 3s et 3p du phosphore [30, Page 5]. Des méthodes de synthèse ont cependant été mises au point pour former ces espèces qui présentent alors une stabilité raisonnable si elles sont suffisamment encombrées (stabilisation cinétique) [79, 80].
Synthèse des phosphaalcènes
La synthèse de phosphaalcènes peut se faire selon plusieurs stratégies. Certaines permettant la formation de phosphaalcènes libres, d’autres uniquement de phosphaalcènes complexés.
Synthèse par élimination 1-2 Une première synthèse (comparable aux synthèses d’alcènes) repose sur l’élimination d’un halogène sur le phosphore et d’un groupe partant cationique sur le carbone. De la nature de ce groupe dépend la méthode d’élimination : s’il s’agit d’un proton, on utilise une base, dans le cas d’un chlore, on emploie un métal réducteur (dans ce cas l’affinité de formation du chlorure de métal est la force motrice de cette réaction), enfin dans le cas d’un groupe -Si(CH3 ) 3 , la force de la liaison X−Si formé est le moteur de la réaction .
Synthèse par condensation Les phosphaalcènes peuvent aussi être synthétisés par condensation d’une phosphine primaire (en présence d’un desséchant fort comme P4O10) ou di-silylée sur un aldéhyde ou une difluoromethylène diamine (Schéma 2.3). Comme la réaction précédente, la force motrice est la force de la liaison Si−O ou Si−F formée dans les co-produits. Cette réaction est surtout efficace pour former des liaisons cycliques [30, 71, 81, 85–87]. Dans le cas de la réaction de RP(SiMe3) 2 avec un aldéhyde, le rendement de la réaction varie entre 40 et 85 %.
Réarrangement des vinylphosphines
Une synthèse de phosphaalcène repose sur le réarrangement de vinylphosphines secondaires. Avec un groupe mésityle sur le phosphore, le phosphaalcène est en équilibre avec la vinylphosphine (environ 80 : 20), et les deux produits ne peuvent être séparés [93]. Avec des vinylphosphines substituées, des phosphaalcènes à polarité inversée ont aussi été produits [94]. Enfin, cette méthode a été mise en œuvre par le groupe de Gates pour produire des phosphaalcènes comportant un groupe 2,6-difluorométhylphényle comme protection sur le phosphore avec cette fois un rendement quantitatif [95]. Bien que la première référence affirme la nature radicalaire du mécanisme, la catalyse par une base utilisée par le groupe de Gates semble rapprocher cette réaction d’une prototropie comparable à l’équilibre céto-énolique .
Avec un métal coordonné, les ylures peuvent être les analogues de ceux utilisés dans la réaction de Wittig-Hörner [35, 96–99] ou de ceux utilisés dans la réaction de Wittig [35, 98, 99]. Les phosphaalcènes libres peuvent être faits à partir de deux réactifs : des complexes de phosphinidènes nucléophiles [100] et des ylures analogues à ceux de la réaction de Wittig RP−−PR’3 [101, 102]. Dans ce dernier cas, la réaction présente un excellent rendement (75-95 %) .
Complexes de phosphaalcènes de métaux réduits
Les complexes de phosphaalcènes décrits sont assez peu nombreux. Comme vu au 1.2.2 page 17, ceux qui ont trouvé une application en catalyse sont des complexes de PdII, de PtII, de CuI , de AuI , de RuII et de NiII. Bien qu’il s’agisse de métaux de la droite du tableau périodique, aucun de ces exemples de complexes ne stabilise un métal au degré d’oxydation (0), cependant, de tels complexes ont été décrits, même s’ils n’ont pas trouvé d’application catalytique.
Complexes de métaux-carbonyles Ce sont surement les plus nombreux parmi les complexes de métaux (0) sur les phosphaalcènes, car les fragments M(CO) x sont utilisés pour stabiliser les espèces instables (comme les phosphaalcènes trop peu encombrés et/ou fortement sensibles) à la fois en apportant de l’encombrement stérique au niveau du phosphore, mais aussi en créant une liaison forte avec le phosphore dont la paire libre n’est alors plus disponible pour une réaction d’oxydation ou d’hydrolyse. Par ailleurs, la solubilité de ces espèces étant plus faible, il est également plus commode de cristalliser les espèces pour en obtenir une image par diffraction des rayons X [35], ce qui permet d’en étudier les paramètres géométriques et donc d’en déduire les propriétés électroniques. Cette technique a été appliquée à de nombreux phosphaalcènes comme MesP=CPh2 complexé sur Cr(CO)5 [36], les ligands bidentes de Yoshifuji complexés sur Mo(CO)4 [104] ou sur W(CO)4 en η 1 sur les phosphores et un W(CO)3 en η 6 sur les doubles liaisons [38], des ligands bidentes mixtes phosphaalcenes-phosphines complexés sur Mo(CO)4 [39], des 1,4-diphosphabutadiènes (diphosphaalcènes) complexés sur Fe(CO)3 , Mo(CO)4 ou W(CO)4 [40]. Enfin des complexes de fer-carbonyle ont été décrits avec des ligands mono-phosphaalcènes où à la fois la paire libre et la double liaison sont coordonnées par un fragment Fe(CO)4 [41] ou qui donnent lieu à une addition oxydante dans la liaison P−C5Me5 .
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Les phosphines en chimie de coordination
1.2 Le phosphore à basse coordinence
1.3 Présentation du sujet
2 Isomérisation des phosphaalcènes par les métaux réduits
2.1 Introduction
2.2 Premières expériences
2.3 Bibliographie : isomérisation des Mes*P
2.4 Expériences avec un ligand monodentate
2.5 Calculs des mécanismes réactionnels
2.6 Conclusion
3 Etude de complexes de phosphaalcènes à polarité inversée
3.1 Introduction
3.2 Étude de coordination
3.3 Tests en catalyse
3.4 Alkylation du phosphore
3.5 Conclusion
4 Vers des précurseurs de phosphinidène ?
4.1 Introduction
4.2 Résultats expérimentaux
4.3 Conclusion
5 Conclusions et perspectives
5.1 Conclusions générales
5.2 Perspectives
A Récapitulatif des espèces numérotées
A.1 Chapitre 2
A.2 Chapitre 3
A.3 Chapitre 4
B Partie expérimentale
B.1 Remarques générales
B.2 Chapitre 2
B.3 Chapitre 3
B.4 Chapitre 4
C Structures cristallographiques
C.1 Chapitre 2
C.2 Chapitre 3
C.3 Chapitre 4
D Structures Calculées
D.1 Chapitre 2
D.2 Chapitre 3
D.3 Chapitre 4
Bibliographie
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