Les cellules souches, du fait de leur capacité de différenciation en divers types cellulaires spécialisés (cellules musculaires, cellules cardiaques, etc.), possèdent un fort intérêt pour des applications notamment en médecine. Très récemment, il a été démontré la présence de grandes quantités de cellules souches adultes dans le tissu adipeux. Ces dernières, nommées cellules souches adipeuses ou ASCs (Adipose Stem Cells), possèdent les caractéristiques des cellules souches mésenchymateuses, à savoir une forte capacité clonogénique et le pouvoir de se différencier en différents types cellulaires à l’état clonal. Elles possèdent de plus de nombreux avantages puisqu’elles résident dans un tissu facilement accessible, elles sont disponibles en grande quantité et leur prélèvement est sans inconvénient majeur pour le donneur. L’intérêt porté aux ASCs s’explique d’une part par leur grand potentiel en médecine régénératrice mais pas seulement. En effet, il semble que ces cellules aient la capacité de migrer hors du tissu adipeux et qu’elles soient fortement liées à des mécanismes biologiques complexes encore mal compris.
Les cellules souches
Qu’appelle-t-on cellule souche ?
Les cellules souches sont des cellules non spécialisées qui n’ont pas de facultés physiologiques particulières et n’ont pas de tâche spécifique comme par exemple les cellules épithéliales qui protègent les organes ou encore les globules rouges qui transportent l’oxygène. Elles disposent cependant de la faculté de renouveler les cellules vieillissantes ou présentant des lésions en se différenciant en cellules spécialisées. Ces cellules sont indispensables à l’autorenouvellement de l’organisme car elles sont les seules à pouvoir se maintenir indéfiniment dans l’organisme par prolifération ou division asymétrique et à produire des cellules spécialisées.
Les cellules souches se renouvellent par diverses divisions et multiplications et donnent naissance à des cellules filles. Certaines cellules filles restent à l’état de cellule souche tandis que les autres commencent le processus de différenciation. Les cellules entrant dans ce processus peuvent soit être classées selon leur capacité de différenciation soit être classées selon le moment de l’apparition de la cellule au cours du développement de l’organisme. Les premières cellules souches qui apparaissent sont les cellules souches totipotentes. Ces cellules peuvent se différencier en tout type de cellule spécialisée et ainsi former un organisme vivant entier. Elles se rencontrent depuis le stade d’ovule fécondé jusqu’au stade de morula, soit du premier au quatrième jour de l’embryogénèse.
Viennent ensuite les cellules souches pluripotentes. Filles des cellules totipotentes, elles se rencontrent au stade embryonnaire blastocyste. Ces cellules ont déjà subi une première différenciation et peuvent générer les cellules des trois lignées germinales : endodermique, mésodermique et ectodermique. Ces cellules ne génèrent cependant pas les cellules du trophectoderme qui forment les tissus extra-embryonnaires à l’origine du placenta. A elles seules, elles peuvent ainsi conduire à la formation d’un être entier sans toutefois lui fournir un environnement viable.
Les cellules souches multipotentes ont quant à elles la capacité de se différencier en différents types de cellules mais sont dites déterminées. Leur différenciation dépend de leur lignée : elles se différencient soit en cellules endodermiques, soit en cellules mésodermiques, soit en cellules ectodermiques. Il existe enfin les cellules souches unipotentes. Ces cellules ne peuvent se différencier qu’en un seul type cellulaire mais conservent leur capacité d’autorenouvellement.
Origine des cellules souches
Les cellules souches peuvent être distinguées via leur capacité de différenciation mais peuvent également l’être via leur origine (embryonnaire, fœtale, adulte, amniotique ou induite). Les cellules souches embryonnaires ou ES (Embryonic Stem) ont été mises en évidence en 1981 chez la souris, grâce aux travaux de Martin Evans et Matthew Kaufman , ainsi que ceux de Gail Martin . Chez l’Homme, ces cellules ont été mises en évidence par James Alexander Thomson, Joseph Istkovitz-Eldor et Benjamin Reubinoff en 1998. Les cellules souches embryonnaires se rencontrent dès le stade de morula précoce et jusqu’au stade de blastocyste. Ce sont des cellules pluripotentes : elles sont à l’origine des trois feuillets embryonnaires et peuvent se transformer en n’importe quel type cellulaire. Cette capacité de différenciation en tout type de cellules intéresse les scientifiques qui souhaitent parvenir à reconstituer tissus et organes défaillants. Le prélèvement de ces cellules nécessite néanmoins la destruction de l’embryon, ce qui soulève de nombreux problèmes éthiques.
Les cellules souches fœtales apparaissent à un stade plus avancé (fœtus de 5 à 9 semaines). Ce sont des cellules multipotentes et comme toute cellule multipotente, elles sont déjà engagées dans un programme de différenciation. Le prélèvement de cellules souches sur des fœtus issus d’avortements soulève lui aussi des problèmes éthiques et légaux. Les cellules souches adultes ou somatiques se retrouvent chez l’individu après la naissance. Elles se trouvent dans des endroits restreints, des niches, et sont régulées pour ne produire que les cellules nécessaires au maintien d’un organisme fonctionnel en permettant l’homéostasie et la réparation des tissus tout en maintenant en même temps un réservoir de cellules souches. Les cellules souches adultes se rencontrent notamment dans les tissus et organes tels que la peau, l’intestin, la moelle osseuse, les dents et le tissu adipeux. Elles sont dénommées selon leur tissu d’origine : cellules souches mésenchymateuses, cellules souches hématopoïétiques, cellules souches endothéliales, cellules souches du tissu adipeux, etc. Leur capacité de différenciation est moindre que celui des cellules souches embryonnaires ou fœtales : elles sont multipotentes. Leur rôle est plus limité mais essentiel : régénérer et réparer. Les cellules souches pluripotentes induites (IPs) ont les mêmes propriétés de différenciation que les cellules souches embryonnaires mais elles sont le fruit d’une reprogrammation génétique de cellules adultes différenciées. Le Professeur Yamanaka, prix Nobel de médecine (2012), et son équipe ont montré, d’abord sur cellules différenciées adultes de souris (2006) puis sur cellules adultes différenciées humaines (2007) , qu’il est possible d’obtenir des cellules retrouvant les propriétés des cellules souches embryonnaires (pluripotence et autorenouvellement). La pluripotence induite consiste en la reprogrammation de cellules différenciées en cellules IPs en réactivant les gènes associés au stade embryonnaire (stade de pluripotence). Les gènes associés à la spécialisation sont réprimés ; la cellule se « dédifférencie ». Depuis 2007, des centaines de lignées de cellules IPs ont été obtenues à partir de presque tous les types cellulaires adultes capables de se multiplier.
Intérêts et enjeux des cellules souches
L’engouement pour les cellules souches provient de leurs capacités de différenciation et d’autorenouvellement . Ces cellules sont aujourd’hui utilisées dans de nombreuses thérapies cellulaires, les plus courantes étant la greffe de moelle osseuse (exemple historique de thérapie cellulaire) et la greffe de peau. D’autres thérapies existent mais en sont encore au stade expérimental.
De manière générale, leur potentiel et l’espoir qu’elles génèrent sont immenses mais de nombreuses questions se posent toutefois. L’une d’entre elles concerne les propriétés des cellules une fois injectées dans le corps du receveur. Existe-t-il un ou plusieurs risque(s) lié(s) à l’injection ? Il en existe effectivement : les cellules souches embryonnaires, par exemple, possèdent des propriétés tumorigènes et induisent la formation, au niveau de la zone d’injection, de tumeurs particulières appelées tératomes. Ces tumeurs peuvent être bénignes (dans ce cas, toutes les cellules souches sont différenciées) ou malignes (dans ce cas, des cellules souches restent indifférenciées et prolifèrent de manière incontrôlée). Il existe également la question de la compatibilité immunologique entre les cellules greffées et le receveur. Différentstypes de cellules (ou lignées cellulaires) sont utilisés en thérapie cellulaire. Les lignées cellulaires peuvent être xénogéniques, c’est-à-dire provenant d’une espèce différente. Elles peuvent également être allogéniques et provenir d’un organisme différent mais de la même espèce. Elles peuvent encore être issues de lignées immortalisées ou enfin être autologues et provenir du même organisme. Les cellules principalement utilisées sont les cellules autologues et allogéniques.
Le rejet du greffon est une cause d’échec importante lors des thérapies cellulaires. Ce rejet peut être diminué par le choix d’un donneur présentant la meilleure compatibilité possible accompagné d’un traitement antirejet. Reste enfin à vérifier la fonction assurée par les cellules différenciées. Ces dernières doivent assurer les fonctions de leurs homologues naturels. La recherche sur les cellules souches, et plus particulièrement les cellules souches embryonnaires, soulève de nombreuses questions d’éthique et présente des enjeux aussi bien sociaux que légaux. Tous les partisans, aussi bien pour que contre l’utilisation des cellules souches embryonnaires, s’accordent sur le fait que les traitements avec de telles cellules ont pour finalité de protéger la vie humaine. Les opinions divergent au moment de définir le statut d’un embryon : à quel stade est-il possible d’affirmer qu’un embryon est un être vivant ? Ce statut est débattu dans de nombreux pays et les législations diffèrent d’un pays à l’autre. Les réticences éthiques sont beaucoup moins présentes dans le cas des cellules souches adultes. Les techniques de récolte et les lieux d’obtention de ces cellules souches ne constituent pas une contrainte. Les procédures de prélèvement, de test et d’application sont codifiées et l’utilisation des cellules souches adultes relèvent légalement du don d’un adulte informé et consentant. Reste néanmoins, comme dans beaucoup d’autres domaines de recherche, la question de l’application industrielle de ces recherches.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I
Isolement des cellules souches adipeuses : État de l’art et positionnement du problème
I.1 Les cellules souches
Qu’appelle-t-on cellule souche ?
Origine des cellules souches
Intérêts et enjeux des cellules souches
I.2 Focalisation sur les cellules souches adipeuses (ASCs)
Localisation des ASCs
Intérêts et enjeux des ASCs
Les ASCs circulent-elles dans le sang ?
Méthodes actuelles de séparation
Résumé et objectifs liés aux cellules souches adipeuses
I.3 La microfluidique au service du tri cellulaire
Méthodes sans marquage
Méthodes immunologiques
Combinaison des méthodes
Résumé et objectifs liés au développement du dispositif de tri
I.4 Techniques de fabrication des laboratoires sur puce
Fabrication par photolithographie (lithographie optique)
Fabrication par lithographie dure
Fabrication par lithographie douce
Fabrication par laminage
Méthode par impression 3D
Résumé
I.5 Positionnement du problème et objectifs de thèse
Détermination du diamètre des ASCs
Bilan et objectifs de la thèse
II Chapitre II
Introduction au module de filtration hydrodynamique
II.1 Prétraitement de l’échantillon par filtration hydrodynamique
Théorie et principe
Dimensionner des puces microfluidiques
II.2 Microfabrication des dispositifs
Contraintes liées aux outils d’observation
Fabrication des dispositifs microfluidiques par laminages successifs de films secs de résine
Optimisation du procédé de fabrication : fermeture des structures fluidiques par un capot en verre
Procédé de fabrication final
II.3 Protocoles de préparation d’échantillons
Préparation des échantillons
Marquage cellulaire
II.4 Conclusion
III Chapitre III
Préconcentration de cellules souches adipeuses circulantes par filtration hydrodynamique
III.1 Développement d’un dispositif fonctionnel et vérification du principe de fonctionnement
Première version du dispositif
Caractérisation, optimisation et validation des dispositifs
III.2 Développement d’un dispositif fonctionnel
Optimisation du design par simulation
Caractéristiques du nouveau dispositif
Validation expérimentale : échantillons synthétiques
Validation expérimentale : échantillons biologiques
Bilan
III.3 Vérification de l’hypothèse de margination des globules blancs
Présentation rapide du phénomène de margination
Analyse de l’impact de la margination sur la filtration
Bilan
III.4 Vérification de l’hypothèse de saturation des canaux latéraux
Dimensionnement d’un dispositif à 100 canalisations latérales
Analyse qualitative de la filtration
Analyse quantitative de la filtration : détermination des taux de filtration
Vérification par analyse FACS des espèces cellulaires en présence après filtration
Sensibilité du dispositif
Bilan
III.5 Conclusion et perspectives
IV Chapitre IV
Exclusion immunologique des cellules hématopoïétiques : Isolement complet des cellules souches adipeuses
IV.1 Exclusion immunologique des cellules hématopoïétiques par cell rolling
Origine du cell rolling
Choix des anticorps adaptés à l’exclusion des cellules hématopoïétiques
IV.2 Fabrication des dispositifs microfluidiques : particularité du second module
IV.3 Fonctionnalisation de surface
Fonctionnalisation de surface : protocole générique
Protocole de fonctionnalisation
Bilan
IV.4 Optimisation du protocole de fonctionnalisation de surface par analyse d’interactions moléculaires via la résonance de plasmons de surface
Optimisation des paramètres de greffage des anticorps anti-CD45
Optimisation du protocole de fonctionnalisation de surface par analyse en fluorescence
IV.5 Ouverture vers le cell rolling
Cell rolling en SPRi
Bilan
IV.6 Conclusion et perspectives
Conclusion générale
Annexes