Inventaire des pratiques de gestion de comportement
Procédures
Les enseignants ont été sollicités pour participer au projet de recherche selon différentes modalités. Pour obtenir un échantillon représentatif de l’ensemble du Québec, une liste exhaustive comprenant le nom des commissions scolaires de chaque région administrative du Québec a d’abord été créée. Un minimum de deux commissions scolaires au sein des 17 régions administratives du Québec a été choisi aléatoirement (excepté une région administrative qui compte seulement une commission scolaire). Des lettres d’information ont été envoyées électroniquement à chacun des 46 responsables des services éducatifs aux jeunes et à l’adaptation scolaire des commissions scolaires ainsi sélectionnés. Si la commission scolaire acceptait de participer au projet de recherche, il leur était demandé de faire parvenir une lettre explicative du projet aux enseignants qui répondaient au critère suivant: être un enseignant de classe spéciale de niveau d’enseignement préscolaire et primaire dont au moins le quart des élèves présentent un trouble du comportement. Les enseignants intéressés trouvaient dans la lettre le lien pour avoir accès au formulaire de consentement et au protocole de recherche en ligne. Cette première étape a permis de recruter onze participants. Une deuxième phase de recrutement fut alors mise en place, selon une procédure de convenance. Quatorze autres enseignants ont pu être recrutés à partir des réseaux professionnels des chercheures associées à ce projet. Le procédé de recrutement utilisé a été le même que celui énuméré ci-dessus sauf que la source du transfert des informations était différente du responsable des services éducatifs aux jeunes et à l’adaptation scolaire. Il s’agissait alors de personnes ressources régionales, de conseillers pédagogiques, de directions d’école ou de psychoéducateurs. La collecte des données s’est échelonnée du mois de décembre 2011 au mois de mai 2012. Le temps consacré pour remplir le questionnaire par voie électronique a été évalué à environ 45 minutes. Aucune compensation monétaire n’a été accordée.
Participants
L’ échantillon se compose de 25 enseignants de classes spéciales de niveau préscolaire et primaire du réseau scolaire québécois qui enseignent à des élèves qui présentent des troubles du comportement selon les définitions du MELS (cote 12, 14 ou identifiés comme étant à risque à cause de difficultés comportementales). De ce nombre, 92 % sont des femmes (n = 23) et 8 % sont des hommes (n = 2). Cette proportion reflète bien celle constatée au Québec, comme le démontre une récente statistique qui indique que 7,24 % des enseignants en adaptation scolaire de niveau préscolaire et primaire sont des hommes (MELS, 2012). Les 25 participants proviennent de quatorze commissions scolaires situées dans neuf régions administratives du Québec et travaillent dans des établissements scolaires possédant des caractéristiques variées sur le plan de leur grosseur, de leur situation géographique et du milieu socioéconomique. Les caractéristiques des enseignants de l’échantillon sont présentées dans le tableau .
Instruments
Données descriptives. Il s’agit d’un questionnaire maison regroupant 18 questions ouvertes (5) ou à choix multiples (13), qui portent sur les caractéristiques personnelles et professionnelles des participants ainsi que sur les caractéristiques de leur environnement de travail et celles de leurs élèves.
Perception du soutien à l’enseignant. Ce questionnaire maison comporte 14 items qui permettent de décrire le soutien reçu à travers les sources et les types de soutien présents pour les enseignants, selon leur perspective. Dans ce questionnaire, les enseignants indiquent la fréquence du soutien reçu par chacune des sept sources potentielles de soutien proposées (la direction d’école, les enseignants de l’école en général, les conseillers pédagogiques, les professionnels de l’école, le personnel technique, le syndicat des enseignants et les personnes ressources régionales), ainsi que le niveau de satisfaction du soutien offert par ces sources. Ils identifient ensuite la fréquence à laquelle ils ont reçu chaque type de soutien identifié (écoute attentive, observation en classe, recevoir un élève qui doit sortir de la classe, soutien direct dans la classe, conseils, supervision ou consultation) pour chacune des sources ainsi que leur satisfaction envers ces mêmes cinq types de soutien. En lien avec les sources de soutien, les enseignants doivent identifier les trois sources les plus utiles, parmi les sept proposées. Tous les votes pour chaque source sont comptabilisés. C’est ce score total qui permet de les ordonner selon leur utilité perçue.
Inventaire des pratiques de gestion de comportement (Massé, Couture, Tremblay, Lagotte, et Verret, 2011). Ce questionnaire comporte 95 items de type Likert à cinq niveaux de réponse (1 = jamais à 5 = très souvent), qui permettent à l’enseignant d’indiquer à quel point il utilise chacune des pratiques qui sont énumérées. Les 95 items sont regroupés selon huit échelles de pratiques, dont 63 items correspondent à des pratiques proactives, 15 à des pratiques réactives positives et 17 à des pratiques réactives négatives. Les données psychométriques du questionnaire obtenues à partir l’échantillon de l’étude sont présentées au tableau 2.
Analyse des données
Étant donné la visée descriptive de la recherche et la taille réduite de l’échantillon, toutes les analyses effectuées sont essentiellement des analyses de statistiques descriptives et des analyses corrélationnelles (corrélations de Pearson et corrélations de Spearman).
Résultats
Les résultats sont divisés en quatre sections. D’abord, les caractéristiques des participants et de leurs élèves sont présentées. Ensuite, les pratiques rapportées par les enseignants de classes spéciales et le soutien qu’ils disent recevoir sont décrits. Puis, la dernière section expose les liens existants entre les pratiques des enseignants et le soutien reçu.
Les caractéristiques des participants
Contexte de travail. Les participants enseignent majoritairement (80 %) à l’intérieur d’une école ordinaire. Dans l’échantillon, 14 enseignants (56 %) œuvrent au sein d’une classe spéciale hétérogène (plusieurs types de clientèles) et 11 participants (44%) enseignent dans une classe spéciale homogène pour élèves avec difficultés de12 comportement. Par ailleurs, la plupart des classes spéciales décrites par les enseignants accueillent des élèves de plusieurs niveaux scolaires différents. Près de la moitié des participants enseignent à des élèves provenant de deux cycles différents (48 %) et plus du tiers des participants enseignent à des élèves provenant des trois cycles d’études du primaire (36 %).
Portrait des élèves. En moyenne, le nombre d’élèves par classe est de 8. La classe ayant eu le plus haut taux de fréquentation accueille 12 élèves. Dans cette étude, 92 % des enseignants rapportent que tous les élèves de leur classe présentent un trouble du comportement.
Les pratiques rapportées par les enseignants de classes spéciales
Fréquence d’utilisation des pratiques. Le premier objectif de cette étude visait à décrire les pratiques que les enseignants disent utiliser dans leur classe au quotidien. Les résultats affichés au tableau 2 montrent que six des huit échelles présentent des moyennes élevées, se situant entre 4,39 et 4,64 sur un maximum de 5. Ainsi, les enseignants rapportent utiliser souvent ou très souvent les pratiques proactives reliées à l’aménagement de la classe, aux règles, consignes, attentes, routines, à la planification et gestion du temps, ainsi qu’aux interventions pour favoriser l’ autocontrôle des élèves. Également, les enseignants disent utiliser beaucoup les stratégies en lien avec le soutien affectif et le renforcement. Toutefois, l’échelle proactive proposant des techniques d’enseignement possède une moyenne légèrement plus basse (M = 3,95, ÉT = 0,42), tout comme l’échelle de pratiques réactives liées aux conséquences (M = 3,16, ÉT = 0,42). Il existe d’ailleurs une différence statistiquement significative entre ces deux scores moyens (techniques d’enseignement et conséquences) et les scores moyens de toutes les autres échelles (p < 0,0005) .selon l’analyse statistique réalisée (Test T pour échantillons appariés). Les pratiques à l’intérieur de ces échelles sont significativement moins utilisées par les participants que celles appartenant aux six autres échelles.
Le tableau 3 reflète bien cette situation à travers les dix pratiques rapportées comme étant les plus fréquemment utilisées et les dix pratiques les moins fréquemment utilisées par les13 enseignants interrogés. Plusieurs pratiques réactives reliées à des conséquences sont rapportées comme étant les moins utilisées par les enseignants (9/1 0), tandis que des pratiques proactives reliées aux règles, consignes, attentes, routines et à l’aménagement de la classe semblent des stratégies qu’ils utilisent plus fréquemment (6/10).
Liens entre les pratiques et les caractéristiques personnelles des enseignants
Des analyses corrélationnelles de Pearson et de Spearman ont été effectuées entre les scores obtenus aux huit échelles de pratiques et les variables sociodémographiques renvoyant aux caractéristiques des participants. Un seul lien a été trouvé entre une échelle de pratiques proactives et le nombre de niveaux auxquels enseignent les participants. De fait, plus le participant enseigne à des élèves qui sont scolarisés dans plusieurs niveaux en même temps, plus il utilise des interventions pour favoriser l’autocontrôle chez ses élèves (r = 0,44, P = 0,027). Deux items de cette échelle de pratiques corrélaient modérément avec l’enseignement multiniveaux soient atténuer les tensions par l’humour (r = 0,46,p = 0,019) et enseigner aux élèves des techniques de gestion de la colère ou de gestion du stress et inciter les élèves à utiliser ces techniques (r = 0,49, p = 0,013). Aucun lien n’a été trouvé entre les échelles de pratiques et les variables observées tels l’âge du participant, le nombre d’années d’expérience en enseignement, le nombre d’années d’expérience en classe spéciale, le statut d’emploi ainsi que le nombre d’élèves en classe. Par contre, en observant les items des pratiques séparément, des liens ont été observés entre l’âge, le nombre d’années d’expérience des enseignants et un item de l’échelle des interventions pour favoriser l’autocontrôle des élèves. Ainsi, les enseignants plus âgés (r= 0,43, P = 0,032), ayant beaucoup d’expérience comme enseignant (r = 0,56, P = 0,003) ou de l’expérience en classe spéciale (r = 0,56, P = 0,003), enseignent davantage à leurs élèves des techniques de gestion de la colère ou de gestion du stress et les incitent à utiliser ces techniques. D’autres items provenant des échelles règles, consignes, attentes,routines et interventions pour favoriser l’autocontrôle des élèves sont liés significativement avec le nombre d’élèves en classe. Ainsi, plus les enseignants ont un nombre élevé d’élèves en classe, plus ils utilisent les pratiques suivantes: limiter le nombre de règles à suivre (r = 0,50, p = 0,009), planifier des conséquences logiques et cohérentes concernant le manquement aux règles (r = 0,53, P = 0,006), afficher les règles de classe et les principales procédures (r = 0,40, p = 0,046) et rappeler aux élèves les comportements attendus (r = 0,56, p = 0,004). Les analyses corrélationnelles suggèrent aussi que l’utilisation de certaines pratiques réactives négatives augmente avec le nombre d’élèves présents dans la classe. On remarque que plus l’enseignant a d’élèves dans sa classe, plus il utilise la stratégie . de donner à l’élève une copie ou du travail supplémentaire (r = 0,48, P = 0,015) et plus il utilise une feuille de route (r = 0,49, P =0,012). Bien que l’échelle reliée aux conséquences qui contient ces items ne soit pas liée significativement avec le nombre d’élèves en classe, le score indique nettement une tendance en ce sens (r = 0,38,p = 0,063).
Liens entre les différents types de pratiques. L’analyse des liens existant entre les huit échelles de pratiques a révélé que les interventions pour favoriser l’autocontrôle et les pratiques liées au soutien affectif sont en relation significative positive avec toutes les autres échelles, sauf celle des conséquences (voir tableau 4). Subséquemment, plus les enseignants utilisent des pratiques en lien avec le soutien affectif et celles pour favoriser le développement de l’autocontrôle chez les élèves, plus ils utilisent aussi tous les autres types de pratiques proactives dans leur quotidien. Or, aucun lien significatif n’a été observé entre l’échelle des conséquences (pratiques réactives négatives) et les autres échelles (pratiques proactives ou pratiques réactives positives).
Le soutien reçu selon les enseignants de classes spéciales Le second objectif de cette étude était de décrire la nature du soutien que les enseignants de classes spéciales rapportent recevoir par les différents acteurs du milieu scolaire.Globalement, les participants ont dû identifier s’ils se sentaient soutenus ou non dans leur tâche relative à l’enseignement en classe spéciale. Les résultats montrent que 15 enseignants (60 %) disent se sentir soutenus ou très soutenus dans leur tâche, alors que huit enseignants (32 %) ont rapportés se sentir moyennement soutenus et deux enseignants (8 %) ont mentionné ne pas se sentir soutenus du tout.
Puisque les formations suivies par les enseignants peuvent constituer une source de soutien pour eux, les participants ont été questionnés sur cet aspect. Plusieurs d’entre eux indiquent avoir assisté à aucune ou à une formation (24 %) ou à entre deux et trois formations (56 %) au courant de leur dernière année scolaire. Aucun participant n’a mentionné être très satisfait du nombre de formation reçue. En fait, 40 % des enseignants sondés auraient aimé avoir plus de formations dans le but de favoriser la réussite des élèves qui éprouvent des difficultés de comportement dans leur classe. Quant à l’utilité des formations reçues, l’opinion des enseignants est partagée: 52 % les ont trouvées très utiles ou utiles, 28 % moyennement utiles et 20 % pas du tout utiles ou peu utiles.
Perceptions des participants sur les sources de soutien
Le personnel technique de l’école (éducateur spécialisé et autres) serait la source de soutien perçue comme étant la plus utile pour les enseignants des classes spéciales. En appui à ce résultat, on constate au tableau 5 que la plupart des participants disent recevoir du soutien du personnel technique de l’école à une fréquence approximative d’ une fois par semaine et rapportent être satisfaits ou très satisfaits du soutien reçu de cette source (80 %). La quasi-totalité des participants précise que le soutien qu’offre le personnel technique est de type soutien direct en classe. La deuxième source de soutien reconnue comme étant la plus utile par les enseignants sondés est la direction de l’ école. Qui plus est, les professionnels autres que les conseillers pédagogiques (psychologues, psychoéducateurs, etc.) représentent la troisième source de soutien la plus utile pour les participants. Les détails quant aux perceptions des participants pour chaque source de soutien (niveau de satisfaction,fréquence et type de soutien) se retrouvent au tableau 5.
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Table des matières
Liste des tableaux
Remerciements
1. Introduction
1.1. Un portrait des classes spéciales
1.2. Les pratiques de gestion de comportement
1.3. Le soutien aux enseignants
2. Méthode
2.1. Procédures
2.2. Participants
2.3. Instruments
2.3.1. Données descriptives
2.3.2. Perception du soutien à l’enseignant.
2.3.3. Inventaire des pratiques de gestion de comportement
2.4. Analyse des données
3. Résultats
3.1. Les caractéristiques des participants
3.1.1. Contexte de travail
3.1.2. Portrait des élèves
3.2. Les pratiques rapportées par les enseignants de classes spéciales
3.2.1. Fréquence d’utilisation des pratiques
3.2.2. Liens entre les pratiques et les caractéristiques personnelles des enseignants.
3.2.3. Liens entre les différents types de pratiques
3.3. Le soutien reçu selon les enseignants de classes spéciales
3.3.1. Perceptions des participants sur les sources de soutien
3.3.2. Perceptions des participants sur les types de soutien
3.4. Liens entre les pratiques et le soutien reçu
3.4.1. Soutien face à la tâche en classe spéciale
3.4.2. Le soutien lié aux sept sources proposées
3.4.3. Le soutien lié aux cinq types proposés
4. Discussion
4.1. Les pratiques des enseignants
4.2. Le soutien reçu
4.3. Les liens entre les pratiques et le soutien
5. Conclusion
Références
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