INVASION TROPHOBLASTIQUE ET REMODELAGE VASCULAIRE UTERIN 

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PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PE

PLACENTATION NORMALE

Le placenta humain est un organe autonome et transitoire qui permet le développement et la croissance de l’embryon puis du fœtus. Il se met en place dès le 8ème jour après la fécondation, dès lors que le blastocyste a épuisé ses réserves nutritives. Il constitue une interface entre le fœtus et l’endomètre décidualisé, assurant à la fois un rôle de barrière et d’échanges essentiels à la croissance fœtale. Le placenta humain présente d’importantes fonctions immunomodulatrices et endocrines, fondamentales à l’établissement de la grossesse, à l’adaptation de l’organisme maternel, à la croissance et au développement du fœtus ainsi qu’au processus de parturition.
La placentation humaine est de type « hémochoriale », car le sang maternel est directement au contact des villosités choriales au niveau de la chambre intervilleuse, et se caractérise par une invasion du trophoblaste dans la décidue et le myomètre. La cellule trophoblastique est la cellule essentielle du placenta. Après la phase d’implantation, le trophoblaste se différencie d’une part en cytotrophoblastes villeux (CTV) qui assurent les échanges fœto-maternels et la fonction endocrine du placenta, et d’autre part en cytotrophoblastes extravilleux (CTEV) invasifs permettant l’implantation du placenta et le remodelage des vaisseaux utérins. De ce fait, la placentation humaine présente un phénomène d’invasion majeure du trophoblaste dans la décidue et le myomètre en première partie de grossesse. Ce phénomène d’invasion va permettre d’établir progressivement un contact direct entre trophoblaste et sang maternel.

EMBRYOLOGIE

Le développement du placenta peut être divisé en trois stades : pré-lacunaire, lacunaire et villeux. (Lecarpentier 2015)
Stade pré-lacunaire
Au 6ème jour après la fécondation, le blastocyste limité par une assise cellulaire, le trophectoderme, s’accole à l’épithélium utérin. À partir du trophectoderme se différencient une assise cellulaire interne, constituée de cytotrophoblastes, et une assise cellulaire externe, le syncytiotrophoblaste (Figure 3A, 3B). Ce dernier, très invasif à ce stade, pénètre l’épithélium utérin et envahit l’endomètre, grâce à son activité protéolytique. Le blastocyste s’implante au sein de la muqueuse utérine.
Stade lacunaire
Vers le 8ème jour suivant la fécondation, des vacuoles apparaissent dans cette masse syncytiale, qui vont progressivement former des lacunes entre les travées syncytiales. Ces lacunes constituent un espace qui deviendra la chambre intervilleuse (Figure 3C).
Stade villeux
Au 13ème jour, les cytotrophoblastes vont envahir les travées de syncytium formant les villosités choriales primaires (Figure 3D). Après deux semaines, ces villosités primaires sont envahies par le mésenchyme allantoïdien d’origine embryonnaire et constituent les villosités secondaires (Figure 3E). Les capillaires fœtaux apparaissent dans l’axe mésenchymateux, cette vascularisation caractérise la formation de villosités tertiaires (Figure 3F).
Trois semaines après la fécondation, l’unité structurale et fonctionnelle du placenta humain, la villosité choriale, est ainsi en place dans sa structure définitive. Elle est soit flottante dans la chambre intervilleuse, soit ancrée dans l’utérus maternel (Figure 3F).

INVASION TROPHOBLASTIQUE ET REMODELAGE VASCULAIRE UTERIN

La placentation humaine est caractérisée par une phase hautement invasive durant laquelle le tissu villositaire recouvre l’entièreté de la surface du sac gestationnel (Burton 2009, Jauniaux 2006, Jauniaux 2016). Du coté utérin, l’endomètre se transforme en décidua dès la fin de la phase sécrétoire du cycle menstruel. Cette transformation est caractérisée par une différenciation et prolifération des cellules du réseau conjonctif et du tissu glandulaire, une invasion leucocytaire notamment par les cellules NK (uterine natural killer cells ou uNKs) et par le remodelage des artères spiralées en artères utéro-placentaires.
Les parois des artères spiralées et radiaires contiennent une grande quantité de cellules musculaires lisses avec une innervation autonome, par conséquent, elles sont très sensibles aux stimuli adrénergiques exogènes et endogènes. Très développées à la fin du cycle menstruel, les artères spiralées subissent en cas de grossesse une transformation progressive en artères utéro-placentaires, notamment dans la zone d’implantation du blastocyste, en rapport avec l’invasion du trophoblaste extravilleux. Le remodelage vasculaire des artères spiralées se caractérise par une dilatation luminale terminale ainsi qu’une perte de la composante élastique interne et de la couche musculaire lisse. Dès 5 semaines d’aménorrhée (SA), les modifications structurelles telles que la vacuolisation endothéliale, la désorganisation des cellules musculaires lisses et la dilatation luminaire surviennent dans la zone d’implantation dans la portion dédicuale non concernée par la placentation. Ces modifications seraient dues à des facteurs hormonaux circulant maternels. Certains facteurs angiogéniques sécrétés par les cellules trophoblastiques pourraient être impliqués dans le remodelage vasculaire, tels que vascular endothelial growth factor-A (VEGF-A), placental growth factor (PlGF), VEGF-C. L’angiogénine est aussi un facteur angiogénique produit par le trophoblaste invasif. L’hCG (human Chorionic gonadotropin) produite par le CTV et CTEV possède également des propriétés angiogéniques similaires à celle du VEGF et du récepteur de l’hCG. Tous ces éléments suggèrent que des facteurs trophoblastiques sont directement impliqués dans des processus d’angiogenèse utérine et de remodelage des vaisseaux utérins indépendamment de l’invasion de la paroi des vaisseaux par les cellules trophoblastiques.
Le remodelage vasculaire par le trophoblaste induit une interaction directe entre le CTEV et les composants de la paroi artérielle (cellules musculaires lisses et cellules endothéliales). Cette interaction est étroitement contrôlée par les cellules du stroma et des glandes déciduales utérines, et par les cellules du système immunitaire maternel. De 30 à 50 artères spiralées sont recrutées lors de la placentation. La migration des CTEV est régulée par de nombreux facteurs de croissance, protéases et cytokines déciduaux et est moins prononcée en périphérie qu’au centre du lit placentaire (Pijnenborg 1981). Les artères spiralées mais également les veines sont transformées en un réseau vasculaire à faible résistance aux flux sanguin maternel, indispensable au bon développement de la circulation utéro-placentaire et à la croissance fœto-placentaire (Burton 2009).
Les CTEV, situés à la base de la villosité crampon (Figure 5), apparaissent comme des colonnes de cellules polarisées, agrégées les unes aux autres, reposant sur une lame basale. Elles sont initialement prolifératives puis elles perdent leur caractère prolifératif et se différencient en cytotrophoblastes invasifs, à la partie distale de la colonne. Ces cellules, extrêmement invasives, colonisent l’endomètre et le myomètre superficiel. Cette invasion, définie comme interstitielle, se termine en profondeur par la formation de cellules géantes multinucléées. Dans la grossesse normale, les CTEV envahissent le premier tiers de l’épaisseur de l’endomètre utérin. Les CTEV migrent vers les lumières des artères spiralées, forment un « bouchon » trophoblastique et pénètrent dans les parois des artères.
Figure 5 : Représentation schématique de la villosité crampon. A : villosité choriale et plugs endovasculaires en place (flèche), empêchant l’inondation de la chambre intervilleuse par le sang maternel en début de grossesse. B : Un type de villosité baigne librement dans la chambre intervilleuse (villosité flottante), l’autre type de villosité est ancrée dans l’endomètre maternel (villosité crampon). Les bouchons endovasculaires disparaissent progressivement ce qui permet l’entrée du sang maternel dans la chambre intervilleuse. (D’après Tsatsaris 2006)
Les analyses anatomiques et échographiques de Hustin et Schaaps (Hustin 1987) et les travaux de Burton sur les spécimens d’hystérectomie de la collection de Boyd et Hamilton du département d’anatomie de l’université de Cambridge (Burton 1999) ont montré que les CTEV envahissent non seulement les tissus utérins, mais forment également une coque cellulaire continue entre la décidua et la chambre placentaire intervilleuse (Figure 5). Cette coque se prolonge par des « bouchons trophoblastiques » directement dans la lumière des artères spiralées, au niveau de leur ouverture dans la chambre intervilleuse (Figure 6). Cette barrière cellulaire crée un labyrinthe qui filtre le sang maternel et permet seulement au plasma maternel de rentrer dans la chambre intervilleuse. (Burton 34 2002, Burton 2007, Jauniaux 2003) En raison de la présence de ces bouchons trophoblastiques, la pression d’oxygène dans l’espace intervilleux au premier trimestre de la grossesse est d’environ 20 mmHg, alors qu’au niveau de la décidue elle avoisine 60 mmHg. L’équipe de Jauniaux et Burton a également démontré que, contrairement à la circulation sanguine maternelle qui ne rentre pas directement dans la chambre intervilleuse, la lumière des glandes déciduales par contre s’y ouvre directement ce qui permet à leurs sécrétions de passer facilement à l’intérieur du placenta (Burton 2007). Ces données anatomiques ont conduit à changer le concept classique qui décrit la placentation humaine comme étant hémochoriale dès le début de grossesse et de la redéfinir comme étant initialement histiotrophique (basée sur les sécrétions des glandes endométriales) puis progressivement hémochoriale. (Jauniaux 2016)
En effet, à la fin du premier trimestre, les bouchons de CTEV se disloquent progressivement, permettant au sang maternel de rentrer directement de façon continue dans la totalité de la chambre intervilleuse. À partir de ce moment, la barrière placentaire devient finalement hémochoriale. La phase de la grossesse humaine entre 10 et 14 SA est donc une phase de transition anatomique fondamentale pendant laquelle la structure du sac gestationnel et du placenta primitif et donc de la barrière materno-fœtale change considérablement. Cette phase de remodelage des annexes fœtales est marquée principalement par la disparition des deux tiers du placenta primitif créant les membranes du placenta définitif, par l’oblitération du cœlome extra-embryonnaire (cavité chorionique), la dégénérescence du sac vitellin secondaire et par l’établissement de la circulation maternelle intraplacentaire. (Jauniaux 2003) Ces changements anatomiques rapprochent les circulations maternelle et fœtale en vue de faciliter les échanges entre les deux compartiments au cours du deuxième et troisième trimestre de la grossesse.
Le placenta est ainsi un organe qui subit des variations importantes d’oxygénation au cours de la grossesse. Au premier trimestre, le taux d’oxygénation est physiologiquement très bas (2 % O2) et augmente à un taux de 8 % O2 au cours du deuxième et troisième trimestre de la grossesse. La réplication in vitro de l’environnement des trophoblastes à l’intérieur des villosités placentaires est un défi, car entre autres, les variations des taux d’oxygénation peuvent induire des changements phénotypiques. (Jauniaux 2001, Rodesch 1992) Ce gradient d’O2 module la migration du CTEV (Gembachev 1997) et a un effet régulateur sur le développement villositaire, notamment de la 35 vasculogénèse (Burton 2010) et sur les fonctions endocriniennes du trophoblaste. (Cocquebert 2012) Au cours du premier trimestre certains auteurs ont en effet démontré qu’un faible taux d’oxygène aide au maintien des CTEV dans un phénotype prolifératif et non invasif, via la régulation du facteur hypoxia-inducible factor HIF-1α. (Caniggia 2000, Huppertz 2009) Lorsque l’oxygénation atteint un taux plus élevé les CTEV changent de phénotype : le trophoblaste prolifératif se différencie vers la voie invasive. Ainsi, les trophoblastes envahissent le myomètre et vont induire la modification physiologique des artères spiralées (Kaufmann 2003, Kemp 2002), bien que les mécanismes moléculaires ne soient pas encore clairs. Au cours de ce processus, les artères perdent leur tunique musculaire lisse et leur lamina élastique, les cellules endothéliales maternelles sont remplacées par les trophoblastes extravilleux. En conséquence, les artères se dilatent et deviennent atones, insensibles aux éléments vasoactifs (Figure 6).

GRADIENT EN O2 UTERO-PLACENTAIRE PHYSIOLOGIQUE

Le trophoblaste villositaire a besoin d’O2 pour ses activités métaboliques essentielles, c’est-à-dire principalement pour les transferts materno-fœtaux et la synthèse de protéines tout au long de la grossesse. Cependant, au premier trimestre, le tissu villositaire et plus particulièrement le syncytiotrophoblaste présente une activité faible en enzymes du métabolisme oxydatif et une grande sensibilité au ROS. Les cellules trophoblastiques doivent alors se protéger contre l’effet délétère d’un excès en radicaux libres dérivés de l’oxygène hautement tératogènes. (Evain-Brion et Malassiné, 2010) L’ouverture des artères spiralées, amenant le sang maternel riche en O2 dans la chambre intervilleuse, doit ainsi être progressive et étroitement contrôlée, pour permettre aux défenses anti-oxydantes intra-placentaires de s’adapter.
Les études in utero du niveau d’O2 à l’intérieur du sac gestationnel ont montré que la pression partielle intra-placentaire en O2 (PO2) est 2 à 3 fois plus basse à 8—10 SA qu’à 12—14 SA. (Boyd 1970, Jauniaux 2000, Jauniaux 2001) Dans la décidua, les changements de la PO2 entre 7 à 16 SA sont progressifs et indépendants des changements rapides de la PO2 intra-placentaire. L’architecture du sac gestationnel humain au premier trimestre serait ainsi conçue pour limiter l’exposition du fœtus à l’O2 à ce qui est strictement nécessaire au développement de ses organes et à sa croissance. (Figure 7) Cette hypoxie placentaire physiologique protège le fœtus en développement contre les effets délétères et tératogènes des ROS. Durant le premier trimestre, le développement fœtal se déroule donc dans un environnement physiologiquement bas en O2, soutenu par une nutrition histiotrophique provenant des glandes endométriales. (Hempstock 2004)
Au total, la placentation humaine est unique et caractérisée par une invasion trophoblastique dans la décidue et le myomètre, le conduisant au contact du sang maternel. La mise en place du réseau vasculaire utéro-placentaire est un phénomène complexe et primordial pour le développement fœtal et le déroulement de la grossesse. Le remodelage des artères spiralées par le trophoblaste est un processus physiologique crucial pour le développement et la croissance du fœtus. Le développement placentaire et fœtal au premier trimestre de la grossesse se fait dans un environnement pauvre en oxygène du fait de « bouchons » trophoblastiques. Cette hypoxie physiologique permet de moduler la migration du CTEV et a un effet régulateur sur le développement villositaire, notamment de la vasculogénèse et sur les fonctions endocriniennes du trophoblaste. L’ouverture des artères spiralées doit se faire de manière progressive et contrôlée pour permettre aux défenses anti-oxydantes placentaires de s’adapter à cet afflux de sang riche en oxygène.

PLACENTATION ANORMALE

Les développements techniques en échographie diagnostique, et en particulier ceux de l’imagerie Doppler couleur, ont permis la visualisation précise des changements de la vascularisation placentaire dès la 5e SA. La corrélation des données cliniques, biologiques, échographiques et anatomo-pathologiques, ont permis de mieux comprendre la physiopathologie des maladies gravidiques liées aux anomalies du développement placentaire. La grande majorité de ces anomalies est due à une pathologie de la circulation utéro-placentaire dont l’origine est le plus 38 vraisemblablement immunologique. Ces pathologies perturbent l’interaction déciduo-trophoblastique normale et affecte le développement placentaire dès le premier trimestre de la grossesse. (Jauniaux 2016)
En l’état actuel des connaissances, il semble que la physiopathologie de la PE fasse intervenir plusieurs étapes successives (Dubar 2012) :
– un défaut de placentation,
– une hypoxie placentaire et des phénomènes d’ischémie-reperfusion du placenta,
– un dysfonctionnement endothélial maternel et une inflammation.
Défaut de placentation
Au cours de la PE, la transformation incomplète des artères spiralées se traduit par la persistance de cellules musculaires lisses au sein de leurs parois (Figure 8), en particulier au niveau de leur portion basale située au sein de la zone de jonction. L’invasion trophoblastique est défaillante pour environ 30 % à 50 % des artères spiralées du lit placentaire. Si une certaine vasomotricité persiste dans 30 à 50 % des artères utéro-placentaire, cela va conduire non seulement à une diminution de la perfusion de la chambre intervilleuse, mais également et surtout à une perfusion intermittente de celle-ci. Le placenta et le fœtus en développement ayant besoin d’extraire continuellement de l’O2 pour leur métabolisme respectif, cela provoque une hypoxie transitoire à l’intérieur de la chambre intervilleuse. En conséquence, le placenta est exposé à un phénomène de type ischémie-reperfusion (I/R) chronique de bas grade.
Le mécanisme aboutissant à une invasion trophoblastique défaillante n’est pas encore complètement élucidé : il s’agit des causes inconnues de la PE. Il pourrait y avoir des causes immunologiques (Redman 2010) ou une protéolyse insuffisante, les enzymes protéolytiques sécrétées par les cellules trophoblastiques ayant pour rôle de permettre à ces dernières l’invasion des artères spiralées du myomètre. (Dubar 2012) On pense ainsi que la spécificité de la PE dans l’espèce humaine est liée à la spécificité humaine concernant l’invasion profonde des trophoblastes humains dans le myomètre maternel.
La PE précoce serait le résultat d’un défaut de placentation caractérisée par une infiltration incomplète du lit placentaire par le CTEV et une transformation limitée des artères spiralées en artères utéro-placentaires.
Figure 8 : Comparaison d’artères spiralées utérines remodelées ou non-remodelées. D’après Espinoza et al., 2006. Les deux images sont colorées avec la cytokératine 7 (marque les trophoblastes en marron) et à l’acide périodique de Schiff (marque en rose les polysaccharides présents dans certains tissus conjonctifs), grossissement X 200. À gauche : au sein du myomètre utérin, les artères spiralées remodelées sont caractérisées par la présence de trophoblastes (pointes de flèches) ainsi que des dégénérescences fibrineuses au sein de la paroi du vaisseau (flèches entières). À droite : les artères spiralées non-remodelées ne présentent ni trophoblastes, ni dégénérescence fibrineuse au sein de la paroi du vaisseau, et conservent des contours artériels intacts. On peut voir que des trophoblastes ont envahi le myomètre mais n’ont pas atteint la paroi du vaisseau.
Ischémie/reperfusion et stress oxydant
Le phénomène d’I/R est un puissant inducteur de stress oxydant, beaucoup plus puissant que l’hypoxie simple même prolongée car le tissu placentaire commence son développement dans un environnement physiologiquement bas en O2. Le stress oxydant stimule progressivement la libération dans la circulation maternelle de débris placentaires trophoblastiques apoptotiques et nécrotiques, des cytokines pro-inflammatoires, et des facteurs antiangiogéniques comme le sFlt-1 (soluble fms-like tyrosine kinase 1 ou sVEGFR-1, forme soluble du récepteur du VEGF de type 1) et l’endogline soluble. (Levine 2004, Venkatesha 2006) Ces différentes substances libérées dans la circulation maternelle, ainsi que l’activation des leucocytes circulants maternels lors de leur passage dans la chambre intervilleuse du placenta, sont responsables d’une réponse inflammatoire systémique, d’une altération de la fonction endothéliale et du développement de l’HTA. (Hubel 1999, Hung 2002, Jauniaux 2016)
Dysfonction endothéliale et inflammation
De nombreux travaux ont ainsi mis en évidence des marqueurs d’activation ou de lésion cellulaire endothéliale au cours de la PE dont, entre autres, l’augmentation dans la circulation maternelle du facteur von Willebrand, de l’endothéline, de la thrombomoduline et de la fibronectine (Roberts 1989). L’identification du sFlt-1 et de l’endogline, produits en quantité excessive au cours de la PE, a mis en évidence le lien entre l’anomalie placentaire et la dysfonction endothéliale. Le sFlt-1 fixe ses ligands (le VEGF et le PlGF) qui sont impliqués dans la survie des cellules endothéliales, la vasodilatation périphérique et l’intégrité de l’endothélium fenêtré glomérulaire au cours de la grossesse normale. Les taux circulants de VEGF et de PlGF libres sont ainsi habituellement effondrés chez les patientes pré-éclamptiques, d’où un déséquilibre anti-angiogénique aboutissant à une dysfonction endothéliale maternelle et à la néphropathie glomérulaire. (Levine 2004)
L’endogline est le récepteur du TGF-β (transforming growth factor beta), protéine possédant une action sur l’homéostasie vasculaire par l’intermédiaire de la Nitric Oxide Synthase endotheliale (eNOS). La forme soluble de l’endogline (sENG) prévient donc la liaison du TGF-β à ses récepteurs membranaires. Elle potentialise la dysfonction endothéliale induite par le sFlt-1, et contribue à l’augmentation de la perméabilité vasculaire et à l’HTA. Elle joue un rôle, en association avec le sFlt-1, dans l’apparition des formes sévères de la maladie et semble également être impliquée dans la physiopathologie du HELLP syndrome. (Venkatesha 2006) Les altérations cellulaires endothéliales, à la fois morphologiques et fonctionnelles, sont des éléments clés du retentissement de la PE sur les organes maternels. On observe ainsi une altération de la réponse vasomotrice conduisant à l’augmentation des résistances périphériques totales et à l’apparition d’une HTA. (Khalil 2002)
Cette altération de la réponse vasomotrice est liée à une production accrue d’endothéline et de thromboxane A2, qui sont des substances vasoconstrictrices, et plus particulièrement à une inhibition de la production de NO et de prostacycline, qui sont des substances vasodilatatrices. On note également une augmentation des résistances vasculaires périphériques due à l’activation du système rénine-angiotensine par les cytokines placentaires. (Tsatsaris 2003, Levine 2004, Levine 2006) Les activités endothéliales eNOS et cyclooxygénase qui augmentent au cours de la grossesse sont en effet inhibées dans la PE d’où une vasoconstriction et une modification de la perméabilité capillaire en partie responsables de l’œdème et de l’HTA. (Guibourdenche 2013) Les patientes pré-éclamptiques peuvent présenter des lésions d’athérosclérose localisées au niveau des artères spiralées avec activation plaquettaire (production de TxA2), dépôts de fibrine et de complément, et présence de cellules spumeuses. Les patientes ayant un antécédent de PE ont ainsi un risque cardiovasculaire augmenté, notamment après la ménopause. (Ying 2018) Enfin, au niveau rénal, les cellules endothéliales des capillaires glomérulaires accumulent les lipides et obstruent fréquemment la lumière de ces capillaires : l’atteinte histologique caractéristique est l’endothéliose glomérulaire suggérant un rôle central pour l’endothélium dans la PE. (Spargo 1959, Strevens 2003, Jeyabalan 2007, Tsatsaris 2008, Roberts 2009, Roberts 2013, Walker 2000)
Le défaut de remodelage vasculaire utérin ne peut pas expliquer toutes les PE. (Steegers 2010) Une PE peut en effet survenir chez des patientes présentant une vascularisation utéro-placentaire normale (Doppler utérins normaux, pas de RCIU). C’est notamment le cas lorsqu’une PE survient en présence d’une grossesse multiple (gros placenta), d’un diabète, d’un placenta post-mature ou d’une infection. Il s’agit alors en général de PE tardives. La dysfonction placentaire trouve donc son origine dans d’autres causes (Dubar 2012). A l’inverse, le défaut de perfusion placentaire n’est cependant pas suffisant pour induire un syndrome pré-éclamptique. En effet, un défaut de remodelage vasculaire utérin et d’invasion trophoblastique s’observe également en cas de RCIU sans PE associée et dans un tiers des accouchements prématurés, ce qui souligne l’influence de paramètres maternels spécifiques sur l’apparition ou non du syndrome pré-éclamptique. (Guerby 2015, annexe 1)
Au total, la PE ne se résume pas à l’HTA associée à une protéinurie significative. Elle se caractérise par une dysfonction endothéliale et une réponse inflammatoire systémique. Une caractéristique physiologique importante est la diminution de la biodisponibilité du NO associée à une eNOS dysfonctionnelle mais l’origine de ce dysfonctionnement est encore méconnue.

NO ET NOS : FONCTION NORMALE

Le NO a un rôle essentiel dans l’homéostasie du fait de son effet vasodilatateur. Le NO est synthétisé à partir de L-Arginine et d‘oxygène moléculaire (O2) selon la réaction suivante :
L-Arginine + O2 L-Citrulline + NO.
Brièvement, la réaction de synthèse du NO peut être assimilée à deux réactions de mono-oxygénation. La première réaction consiste en l‘oxydation de la L-Arginine. Cette réaction engendre un intermédiaire, la -OH-L-Arginine, rapidement oxydée en L-Citrulline. Ces deux réactions d‘oxygénation sont réalisées en parallèle avec la réduction de NADPH en NADP+. Les électrons sont fournis par le NADPH, transférés sur les flavines et la calmoduline, puis présentés à l‘hème, centre catalytique. Il est synthétisé par les Nitric Oxide Synthases (NOS).
Il existe trois isoformes de NOS : la NOS neuronale (nNOS ou NOS I), la NOS inductible (iNOS ou NOS II) et la NOS endothéliale (eNOS, ou NOS III). Leurs noms font référence aux tissus dans lesquels elles ont été découvertes, cependant leur localisation ne s’arrête pas à ces dénominations. Les trois isoformes fonctionnent à l’état d’homodimère. Chaque monomère contient un domaine oxygénase en partie N-terminal et un domaine réductase en partie C-terminale. Le domaine oxygénase possède des sites de liaison pour le FAD, le FMN et le NADPH et est liée, par un site de reconnaissance à la calmoduline, au domaine réductase qui, lui, possède des sites de liaison pour l’hème, la tétrahydrobioptérine (BH4), et la L-arginine. Dans une NOS fonctionnelle, les électrons sont donnés par le NADPH au domaine réductase et sont transférés à travers le FAD et le FMN vers le groupement hème du dimère opposé. À cet endroit, en présence de L-arginine et du cofacteur BH4, les électrons vont permettre la réduction de l’oxygène et la formation de NO° et de L-citrulline. (Alderton2001, Förstermann 2012) De ce fait, la biodisponibilité des substrats (L-arginine et O2) et du cofacteur BH4 sont des éléments important de l’activité de l’enzyme. Le BH4 joue également un rôle critique dans le « couplage » de l’activité enzymatique en se fixant à l’interface des deux monomères, où il est directement impliqué dans le processus d’oxydation en fournissant temporairement un électron à l’hème. Ainsi, en cas d’absence de BH4, la liaison entre l’O2 et l’hème est rompue et la NOS produit alors l’anion superoxyde (O2°-). On parle alors de « découplage de la NOS ».
La nNOS est exprimée notamment au sein des fibres nerveuses péri-vasculaires, mais également au niveau de la paroi artérielle. (Schwartz 1999, Melikian 2009) Cette enzyme joue un rôle important dans la régulation du tonus basal, mais n’est cependant pas sensible à l’acétylcholine (ACh) ni au shear stress. (Seddon2008) La nNOS induit également une vasodilatation liée au stress mental et à l’augmentation de la température cutanée globale. (Seddon 2009)
La iNOS (NOS inductible) n’est pas exprimée en condition physiologique. Son expression est induite dans les vaisseaux par les stimuli inflammatoires, elle est très fortement activée au cours de septicémies, ou lorsque le stress oxydant est décompensé. (Pautz 2010) Contrairement à la nNOS et à la eNOS, la iNOS n’est pas calcium-dépendante et sa production est continue sur de longues périodes. Elle peut dans ces conditions, produire des taux de NO cent fois plus élevés que ceux générés par les autres isoformes de NOS (10nM pour la eNOS et nNOS, 1µM pour la iNOS). Le NO produit par iNOS peut se combiner avec l’ion superoxyde pour former du peroxynitrite qui est toxique. Ce phénomène entraîne des troubles endothéliaux en altérant à la fois les voies de vasoconstriction et de vasodilatation. (Li 2014)
Au cours de notre étude, nous nous sommes surtout intéressés à la eNOS, qui est exprimée dans les vaisseaux et le placenta, et est particulièrement sensible aux stress physiologiques et pathologiques.
La eNOS est une protéine homodimérique, dont chaque dimère est formé d’un domaine C-terminal réducteur, contenant des sites de liaisons pour FMN, FAD, NADPH et la calmoduline, et d’un domaine N-terminal oxydant, contenant des sites de liaisons pour un hème, la L-arginine, et son co-facteur essentiel, le tétrahydrobiopterine (BH4). La formation de NO requiert un flux d’électrons, débutant au niveau des flavines du domaine réductase, et se terminant au niveau de l’hème, présent sur le domaine oxygénase de l’enzyme. L’hème oxydé est alors capable de fixer le dioxygène et la L-arginine afin de synthétiser du NO et de la L-citrulline (Figure 11A). (Alderton 2001) La présence du BH4 est essentielle au couplage de la protéine et donc à la formation de NO, car il assure le couplage de la protéine sous sa forme homodimérique. Il participe également à la fixation du substrat, la L-Arginine, ainsi qu’au transfert d’électron. eNOS est retrouvée dans l’endothélium vasculaire, les vaisseaux placentaires et les syncitiotrophoblastes. (Conrad 1993, Martin 2000)

NO ET NOS : FONCTION PATHOLOGIQUE

De nombreux mécanismes sont impliqués dans la pathogenèse de la dysfonction endothéliale. La réduction de la biodisponibilité du NO joue un rôle majeur et peut résulter d’une diminution de la production de NO et/ou une augmentation de la production de ROS. (Deanfield 2007) En effet, du fait des effets bénéfiques du NO au niveau vasculaire, la préservation de sa biodisponibilité est essentielle à la prévention de dysfonctions vasculaires. (Flammer 2012) Toutefois, cette molécule est particulièrement sensible aux ROS et le déséquilibre entre la concentration en NO et en ROS est un facteur de dysfonction endothéliale (Higashi 2009)
La voie eNOS/NO est particulièrement impactée par le stress oxydant. Une forte production de ROS entraîne une diminution de la biodisponibilité du NO, d’une part en réduisant la quantité déjà formée par réaction avec l’O2°- responsable de la formation de peroxynitrite (Channon 2004), et d’autre part en limitant l’activité catalytique de eNOS.
La eNOS et le NO sont des senseurs intracellulaires de l’état redox de la cellule. De ce fait, en condition non-pathologique, où la production de ROS est faible, le NO joue un rôle de tampon en se couplant à l’ion superoxyde O2°-, formant ainsi l’anion peroxynitrite ONOO-. (Balligand 2009) La production de NO° étant plus importante que celle de l’ONOO-, cette association demeure sans conséquence pour la cellule. En revanche, en condition pathologique, où la production de ROS est importante et dépasse la production de NO, eNOS est découplée (elle ne produira plus de NO). Ce processus, aujourd’hui bien décrit dans la littérature, est connu sous le nom de « découplage de eNOS ». (Figure 12)
La diminution du substrat (L-arginine)
L’activité enzymatique de eNOS dépend de ses nombreux cofacteurs (BH4, FAD, FMN, NADPH) mais également de la disponibilité de son substrat, la L-arginine. La L-arginine plasmatique (80 à 120μM), ne représente que 1,2% de la fraction totale, mais contribue à environ 60% de la formation de NO au sein des cellules endothéliales. (Wu 1998) Le flux de L-arginine n’est pas le seul facteur impactant sa biodisponibilité au sein des cellules endothéliales. En effet, le métabolisme de cette molécule est complexe et fait intervenir différents facteurs qui peuvent être influencés par le stress oxydant notamment. La L-arginine peut être dégradée en ornithine et en urée par l’arginase, enzyme dont l’expression augmente considérablement en présence de ROS. (Wu 1998) De plus, la protéine arginine N-méthyltransférase (PRMT) catalyse la formation d’asymmetric methylarginine (ADMA) à partir de la L-arginine. (Bedford 2009) Cet ADMA est un agent compétitif inhibiteur de la L-arginine, empêchant ainsi la synthèse de NO. Le stress oxydant favorise l’expression de PRMT, participant ainsi à la dégradation du substrat de eNOS, et à son inhibition. Une enzyme permet cependant de dégrader les molécules d’ADMA en citrulline et en diméthylamine, la diméthylarginine diméthylarginohydrolase (DDAH). (Vallance 2004) Mais celle-ci est également la cible des ROS qui inhibent son activité. (Palm 2007)
L’oxydation du cofacteur essentiel : BH4
Le BH4 possède un métabolisme assez complexe, avec deux voies de synthèse, une voie à partir de la sepiaptérine et une voie de synthèse de novo à partir de guanosine triphosphate (GTP). Une enzyme clé impliquée dans la première voie, la dihydrofolate réductase (DHFR), est limitante dans la production de BH4 et donc déterminante pour l’état de couplage de la eNOS. La disparition du BH4 53 en condition de stress oxydant semble être la principale cause de découplage de la eNOS, ce qui en fait également une très bonne cible thérapeutique. (Bendall 2005) Le BH4 stabilise la forme dimérique de la eNOS, permet la fixation de la molécule de dioxygène et participe au transfert électronique au sein de l’enzyme.
Sans la présence de BH4, le complexe hème-ferreux se dissocie formant l’anion superoxyde O2°- et un hème ferrique. La déplétion de BH4 est généralement attribuée à son oxydation par les ROS et notamment, par ONOO°-, il est alors oxydé en dihydrobioptrine (BH2). Sous cette forme il peut toujours se lier à la eNOS mais ne permet plus la formation de NO, participant ainsi à la production d’O2 °-. Le ratio BH4/BH2 est déterminant dans la production de NO (Crabtree 2011, Chen 2014). Il s’agit du principal mécanisme de découplage de eNOS, mais au cours de la PE, le taux de BH4 n’est pas vraiment diminué dans les placentas de femmes pré-éclamptiques comparés aux grossesses normales. (Kukor 2000)
Le découplage de la eNOS par S-glutathionylation
La S-glutathionylation consiste en une modification post-traductionnelle, au cours de laquelle une molécule de glutathion oxydé (GSSG) se fixe sur une protéine grâce à la formation d’un pont disulfure avec un groupement thiol, dans un contexte de stress oxydant. (Dalle-Donne 2007, Mieyal 2012) Au moins deux résidus cystéines (Cys689 et Cys908) au sein de la structure protéique de eNOS, peuvent être la cible de S-glutathionylation, comme démontré récemment. (Chen 2010) Ce phénomène engendre un découplage fonctionnel de eNOS malgré la conservation de sa conformation homodimérique, avec une diminution significative de production de NO. Cette même étude met d’ailleurs en évidence chez des rats hypertendus, une augmentation du niveau de la S-glutathionylation de eNOS, corrigée par un traitement visant à réduire les groupements thiols. Ainsi, le découplage fonctionnel réversible de eNOS par la S-glutathionylation semble contribuer à la dysfonction endothéliale. Cette modification n’est pas connue pour la PE.

STRESS OXYDANT PHYSIOLOGIQUE AU COURS DE LA GROSSESSE

Le mécanisme d’hypoxie-réoxygénation est observé physiologiquement pendant la grossesse, au cours de laquelle la perfusion placentaire est sujette à de nombreuses variations en fonction de la posture, de l’alimentation, des exercices ou des contractions utérines. (Roberts 1999) De plus, comme abordé précédemment, l’unité fœto-placentaire se développe dans un environnement très hypoxique vers 8–10 SA, puis sa vascularisation permet d’enrichir cet environnement en oxygène au cours de sa maturation vers 13–14 SA, source de ROS physiologiques et essentiels au développement d’une grossesse normale. (Rodesch 1992, Siddiqui 2010, Wang 2013) Il a ainsi été décrit une élévation de l’expression des protéines de choc thermique HSP70 (70 KDa Heat Shock Proteins), au niveau du syncytiotrophoblaste villositaire de la zone périphérique du placenta primitif vers la 9ème SA. L’expression de ces protéines indique une réaction aux ROS et est concomitante de l’apparition de la circulation maternelle intra-placentaire. Celle-ci se réalise plus précocement en région périphérique du placenta primitif à un stade du développement villositaire où le trophoblaste ne possède que de très faibles concentrations en enzymes anti-oxydantes. Ce stress oxydant physiologique local entraîne la dégénérescence du tissu villositaire de la région périphérique, essentielle à la formation des membranes placentaires. (Jauniaux 2016)
La grossesse favorise donc le stress oxydant, notamment par le développement rapide du placenta qui sollicite au maximum les mitochondries. (Toescu 2002) En effet, la grossesse induit des modifications hémodynamiques avec augmentation de la consommation énergétique de base et en oxygène de différents organes, y compris au niveau de l’unité fœto-placentaire. Le placenta est riche en mitochondries, possède une vascularisation riche et consomme environ 1 % du métabolisme de base de la femme enceinte. Par ailleurs le NO est localement produit par le placenta et contribue à la production de ROS physiologiques et nécessaires à la placentation normale. (Jones 2008) On note également une diminution de l’activité superoxyde dismutase (SOD) et du taux de thiols plasmatiques, alors que le taux de ceruleoplasmine augmente, suggérant un certain niveau de «stress physiologique» au cours d’une grossesse normale par la production de ROS nécessaires au développement de l’unité fœto-placentaire. (Qanungo 2000) Le stress oxydant devient pathologique lorsque les ROS sont produits en excès sans compensation par les défenses antioxydantes, comme observé en cas de PE.

STRESS OXYDANT ET PE

Différents marqueurs de stress oxydant seraient majorés au cours de la PE alors que les réserves anti-oxydantes diminueraient. (Raijmakers 2004, Siddiqui 2010, Guerby 2015) De plus le stress oxydant contribuerait à l’établissement et au maintien de la maladie. (Hung 2006) Au cours de la PE, les ROS sont générés à la fois par les phénomènes d’H/R observés dans la chambre intervilleuse et par le système vasculaire systémique au cours de la 2ème étape. (Jauniaux 2016, Roggensack 1999) Les homogénats placentaires issus de patientes pré-éclamptiques produisent davantage de peroxydes d’hydrogène que ceux issus de grossesses non compliquées. (Aris 2009)
Divers mécanismes sont impliqués dans la génération des ROS :
– Au cours de la PE, le défaut d’invasion trophoblastique et de remodelage vasculaire entrainent des phénomènes d’H/R au niveau de la chambre intervilleuse d’où une majoration du stress oxydant avec augmentation de la production de ROS et de peroxydes lipidiques toxiques, en particulier pour les cellules endothéliales. (Jauniaux 2016) On note également une augmentation du taux de malondialdéhyde (MDA), un indice de peroxydation lipidique. (Madazli 2002) Les lipoperoxydes exercent une action particulièrement toxique, avec un effet négatif sur la libération de prostacyclines par les cellules endothéliales. Comme le sang intervilleux contient beaucoup plus d’acides gras polyinsaturés et de thromboxane A2 que le sang maternel périphérique, il s’établit donc un déséquilibre entre la production de prostacyclines qui diminue et de thromboxane qui augmente, ce qui altère le rapport prostacycline/ thromboxane A2 normalement favorable à la vasodilatation.
– Les radicaux libres activent les monocytes et les neutrophiles, qui produisent des cytokines pro-inflammatoires, tels le TNF-, l’IL-6, des facteurs antiangiogéniques et des microparticules. Les polynucléaires neutrophiles sont une source importante de ROS. Les neutrophiles activés produisent des ROS, par l’action de plusieurs enzymes, incluant la NADPH oxydase (NOX), la xanthine oxydase (XO) et eNOS. (Lee 2003, Gielis 2011) Le taux de neutrophiles augmente significativement dans la circulation périphérique chez les patientes pré-éclamptiques, ce qui place ces cellules au centre des systèmes générateurs de ROS au cours de la PE.
– NOX est une enzyme ubiquitaire, très fortement exprimée dans les neutrophiles et les cellules endothéliales (cf paragraphe 3.2). Les doses modérées de ROS produites par NOX participent à la
régularisation du tonus vasculaire. Cependant le stress oxydant induit par des doses fortes de ROS contribue au dysfonctionnement vasculaire. (Raijmaker 2004, Lee 2003) L’activité NOX augmente au cours de la PE, ce qui suggère un rôle pour les neutrophiles et NOX dans la pathogénèse du stress oxydant au cours de cette pathologie. (Sanchez-Aranguren 2014) NOX génère l’anion superoxyde.
– La génération d’anion superoxyde par XO serait augmentée au cours de la PE. (Bainbridge 2009)
– Chez les femmes pré-éclamptiques, on observe une diminution des taux circulants d’agents anti-radicalaires tels que l’ascorbate et la vitamine E, ce qui, associé à une augmentation des taux plasmatiques de TNFα et d’acide urique, favorise le stress oxydant et les lésions cellulaires. La peroxydation lipidique serait également liée à la protéine de choc thermique 70 (HSP70), dont le taux augmente dans le sang périphérique fœtal et maternel au cours de la PE. (Guerby 2015)
Les données récentes de la littérature montrent que le NO semble jouer un rôle primordial dans la PE car l’interaction entre les ROS et le NO (balance nitroso-redox) régule l’équilibre entre le stress oxydant et le stress nitrosant, via ion superoxyde et peroxynitrite, et cette balance serait altérée en cas de PE. (Doridot 2014)
Ainsi la production de ROS est exacerbée au cours de la PE, ce qui génère un stress oxydant. Les sources impliquées dans la génération des ROS conduisant aux stress oxydant au cours de la PE sont surtout les activités XO et NOX. Le stress oxydant induit une peroxydation lipidique et contribue à la diminution du NO disponible, qui est au centre de la physiopathologie de la PE.

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Table des matières

REVUE GÉNÉRALE
1. LA PRÉ-ÉCLAMPSIE
1.2 COMPLICATIONS MATERNELLES
1.3 COMPLICATIONS FŒTALES
1.4 COMPLICATIONS A LONG TERME DE LA PE
1.5 ÉTIOLOGIES ET FACTEURS DE RISQUE
1.6 GENETIQUE DE LA PE
1.7 TRAITEMENT
1.8 PREVENTION
1.9 DEPISTAGE
2. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PE
2.1 PLACENTATION NORMALE
2.2 EMBRYOLOGIE
2.3 VASCULARISATION UTEROPLACENTAIRE
2.4 INVASION TROPHOBLASTIQUE ET REMODELAGE VASCULAIRE UTERIN
2.5 GRADIENT EN O2 UTERO-PLACENTAIRE PHYSIOLOGIQUE
2.6 PLACENTATION ANORMALE
3. LE STRESS OXYDANT 
3.1 DEFINITION
3.2 NO ET NOS : FONCTION NORMALE FONCTION DU NO
3.3 NO ET NOS : FONCTION PATHOLOGIQUE
LES MECANISMES IMPLIQUES DANS LA DYSFONCTION D’ENOS (DECOUPLAGE
4. STRESS OXYDANT PHYSIOLOGIQUE AU COURS DE LA GROSSESSE
5. STRESS OXYDANT ET PE 
6. CONCLUSION DE LA REVUE GENERALE
HYPOTHESES DE TRAVAIL ET OBJECTIFS
MATÉRIELS ET MÉTHODES 
TRAVAUX EXPÉRIMENTAUX 
1 – S-GLUTATHIONYLATION DE ENOS PLACENTAIRE EN CAS DE PRE-ECLAMPSIE
2-MODIFICATIONS DE ENOS PLACENTAIRE INDUITES PAR LES ALDEHYDES ISSUS DE L’OXYDATION LIPIDIQUE EN CAS DE PRE-ECLAMPSIE
3- STRESS OXYDANT ET VIEILLISSEMENT PLACENTAIRE : UN ROLE DANS LA PE ?
DISCUSSION GÉNÉRALE
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE 

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