La cachexie associée au cancer
Les causes de la mort chez les patients atteints de cancer sont : les infections (septicémie, pneumonie ou encore péritonite), les défaillances organiques (insuffisance respiratoire, cardiaque, hépatique ou encore rénale), les infarctus, les hémorragies et la cachexie (Warren, 1932; Inagaki et al., 1974). Le syndrome cachectique a pendant longtemps été mal ou non défini, entraînant une sous estimation, voire une négligence de son impact sur la santé des patients. De plus, son origine multifactorielle complexe ne suit pas un profil pathophysiologique uniforme, et ceci est un frein à la conduite d’études cliniques. Malheureusement, la cachexie associée au cancer représente un facteur de risque important en matière de morbidité et de mortalité.
Généralités
Le terme cachexie est dérivé des mots grecs « kakos » et « hexis », signifiant littéralement « mauvaise condition ». La cachexie est définie comme un syndrome clinique et métabolique avec une perte de poids progressive aux dépens du tissu adipeux et du tissu musculaire squelettique, entraînant un état de maigreur extrême. Elle peut survenir chez des patients avec une tumeur représentant moins de 0.01% de leur poids corporel, bien que certaines tumeurs plus grosses n’induisent pas de cachexie (Tisdale, 2003). De plus, elle ne peut pas être contrebalancée par une augmentation des apports alimentaires (Nixon et al., 1981). De nombreuses pathologies chroniques ou à l’état de phase terminale telles que la broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO), le cancer, l’insuffisance cardiaque chronique, l’insuffisance rénale chronique, la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), l’insuffisance cardiaque congestive ou encore la septicémie sont associées à une cachexie (Morley et al., 2006; Evans et al., 2008).
Le développement de la cachexie associée au cancer est la manifestation la plus commune liée à l’avancement de cette maladie. Le syndrome cachectique est présent chez plus de la moitié des patients atteints d’un cancer, aussi bien chez l’individu jeune que chez l’individu âgé, sa prévalence étant supérieure dans certains types de cancers tels que le cancer du poumon (60%) ou le cancer du tractus gastro‐intestinal (80%) (DeWys et al., 1980; Bruera, 1997). Il touche plus de 80% des patients avant la mort (DeWys et al., 1980; Bruera, 1997; Prado et al., 2008). On estime que la cachexie est responsable du décès d’environ 25% des patients cancéreux (Warren, 1932). Chez certains patients, la cachexie est associée à une diminution significative de la réponse aux traitements anticancéreux (exérèse, chimiothérapie et radiothérapie), ainsi qu’à une augmentation des risques chirurgicaux (DeWys et al., 1980; van Eys, 1982; Bruera, 1997; Ross et al., 2004; Arrieta et al., 2010). Elle contribue également à une détérioration de l’indice de performance (Scott et al., 2002; Pressoir et al., 2010), de la qualité de vie (Andreyev et al., 1998; Davidson et al., 2004; Fouladiun et al., 2007), de l’activité physique spontanée (Fouladiun et al., 2007), et à une diminution dramatique de la survie des patients (DeWys et al., 1980; Andreyev et al., 1998; Davidson et al., 2004; Bachmann et al., 2008).
D’après de récentes études, il semblerait que le genre puisse impacter la cachexie associée au cancer. En effet, des patientes cachectiques avec un cancer du poumon à non‐ petites cellules (NSCLC pour non‐small cell lung cancer) vivaient significativement plus longtemps que leurs homologues masculins (Palomares et al., 1996) (Figure 3). Ce dimorphisme sexuel est également observé dans une autre étude, où 61% des patients masculins avec un NSCLC présentaient une perte de masse musculaire sévère, alors qu’elle était uniquement observée chez 31% des patientes (Baracos et al., 2010). Enfin, il a été montré chez des patients atteints d’un cancer gastro‐intestinal que les femmes présentaient une perte de masse musculaire et une réduction de force musculaire atténuées par rapport aux patients masculins (Stephens et al., 2012).
La pathophysiologie de la cachexie associée au cancer
Les signes cliniques de la cachexie associée au cancer incluent une asthénie sévère, une anorexie, des altérations métaboliques, une importante perte de poids, une lipolyse et surtout une atrophie musculaire extrêmement sévère à l’origine d’un syndrome d’épuisement musculaire (Bruera, 1997; Tisdale, 2002). Ces caractéristiques sont présentes à des degrés variables et leur gravité peut évoluer au cours de la maladie. La perte de poids est un indicateur pronostic péjoratif important pour les patients atteints d’un cancer (Andreyev et al., 1998), puisqu’une diminution de plus de 15% est à l’origine d’une détérioration des fonctions physiologiques, et la mort survient généralement quand la perte de poids est de l’ordre de 25 à 30% (Wigmore et al., 1997). En plus de ces modifications, d’autres signes plus subtils peuvent apparaître comme une satiété précoce, une dysgueusie (altération du goût), ou encore un changement dans les habitudes alimentaires. Malheureusement ces signes passent généralement inaperçus en début de cachexie.
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Table des matières
Introduction générale
Etat de la littérature
Chapitre I : La cachexie associée au cancer
I. Généralités
II. La pathophysiologie de la cachexie associée au cancer
III. Les symptômes de la cachexie associée au cancer
1. Anorexie
2. Augmentation de la dépense énergétique de repos
3. Perte de poids
4. Altérations de la composition corporelle
A. Tissus musculaires et adipeux
B. Viscères
C. Compartiments liquidiens et minéraux
5. Altérations du métabolisme
A. Métabolisme glucidique
B. Métabolisme lipidique
a) Diminution de la lipogenèse
b) Augmentation de la lipolyse
c) Réduction de l’activité de la lipoprotéine lipase
C. Métabolisme protéique
a) Augmentation du renouvellement protéique de l’organisme
b) Augmentation de la synthèse protéique hépatique
c) Réduction de la synthèse protéique musculaire
d) Augmentation du catabolisme protéique musculaire
e) Modifications du pool d’acides aminés
6. Réponse de phase aiguë
IV. Les médiateurs de la cachexie associée au cancer
1. Les cytokines
A. Les cytokines pro‐inflammatoires
a) Le tumor necrosis factor (TNF)‐α
b) L’interleukine (IL)‐6
c) L’interleukine (IL)‐1β
d) L’interféron (IFN)‐γ
e) Le ciliary neurotrophic factor (CNTF)
f) Le leukemia inhibitory factor (LIF)
B. Les cytokines anti‐inflammatoires
2. Les lipid mobilizing factor (LMF)
3. Le proteolysis‐inducing factor (PIF)
Chapitre II : Mécanismes moléculaires mis en jeu dans la cachexie associée au cancer
I. La balance synthèse / dégradation des protéines au cours de la cachexie associée au cancer
1. La voie PI3K/Akt/mTOR
A. Généralités
B. La voie PI3K/Akt/mTOR dans le muscle squelettique
C. Implication de la voie PI3K/Akt/mTOR dans la cachexie associée au cancer
2. Le système protéolytique ubiquitine‐protéasome
A. Généralités
B. Le système ubiquitine‐protéasome dans le muscle squelettique
C. Implication du système ubiquitine‐protéasome dans la cachexie associée au
cancer
3. Le système autophagie‐lysosome
A. Généralités
B. Le système autophagie‐lysosome dans le muscle squelettique
C. Implication du système autophagie‐lysosome dans la cachexie associée au
cancer
4. Les calpaïnes
A. Généralités
B. Les calpaïnes dans le muscle squelettique
C. Induction des calpaïnes dans la cachexie associée au cancer
II. Les facteurs de transcription impliqués
1. Le facteur de transcription nuclear factor kappa B (NF‐κB)
A. Généralités
B. NF‐κB dans le muscle squelettique
C. Implication du facteur de transcription NF‐κB dans la cachexie associée au
cancer
2. Les facteurs de transcription forkhead box O (FoxO)
A. Généralités
B. Les facteurs de transcription FoxO dans le muscle squelettique
C. Implication des facteurs de transcription FoxO dans la cachexie associée au cancer
III. L’apoptose
1. Généralités
2. L’apoptose dans le muscle squelettique
3. Implication de l’apoptose dans la cachexie associée au cancer
IV. Les médiateurs de la cachexie associée au cancer
1. Les cytokines pro‐inflammatoires
A. Le tumor necrosis factor (TNF)‐α
B. L’interleukine‐6
C. L’interleukine‐1β
D. L’interféron‐γ
2. La myostatine
A. Généralités
B. La myostatine et le contrôle de la masse musculaire
C. Implication de la Mstn dans la cachexie associée au cancer
3. Le TNF‐like weak inducer of apoptosis (TWEAK)
A. Généralités
B. TWEAK‐Fn14 dans le muscle squelettique
C. Implication de TWEAK dans la cachexie associée au cancer
4. Les céramides
A. Généralités
B. Les céramides dans le muscle squelettique
C. Implication des céramides dans la cachexie associée au cancer
Chapitre III : Prise en charge clinique de la cachexie associée au cancer
I. Soutien nutritionnel
1. Soutien nutritionnel oral
2. Soutien nutritionnel artificiel
A. La nutrition entérale
B. La nutrition parentérale
3. Les nutraceutiques
A. Les acides gras oméga‐3
B. Les acides aminés
II. Traitement pharmacologique
1. Les agents stimulant l’appétit
A. Les cannabinoïdes
B. La cyproheptadine
C. Les corticostéroïdes
D. Les progestatifs
a) L’acétate de mégestrol
b) L’acétate de médroxyprogestérone
E. La ghréline
2. Les approches thérapeutiques basées sur les cytokines
A. La pentoxifylline
B. Le thalidomide
C. La mélatonine
D. Anticorps et récepteurs solubles
3. Les agents anti‐inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
A. L’ibuprofène
B. L’indométacine
C. Le célécoxib
4. Les agents anabolisants
A. Les stéroïdes anabolisants et les SARM
B. Les β2‐agonistes
III. Exercice
Objectifs
Matériels et méthodes
Conclusion générale
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