Invaginations intestinales aiguës de l’enfant

Introduction

   L’invagination intestinale aigüe (IIA) est la cause la plus fréquente d’occlusion intestinale chez le nourrisson et le jeune enfant (1). L’incidence des invaginations intestinales aigues de l’enfant dans le monde varie de 15 à 300 /100000 enfants par an, elle s’observe le plus souvent dans la tranche d’âge 3 mois-3 ans avec un pic d’incidence entre 4 et 9 mois (1,2) et un sex ratio de 2 :1 (1). L’invagination intestinale aigüe se définit par la pénétration d’un segment d’intestin et de son méso (appelé segment invaginé) dans l’intestin d’aval (ou segment invaginant), réalisant un retournement en doigt de gant et donc un tableau d’occlusion intestinale. Il existe différents types d’invaginations, le type iléocolique , iléo-caeco-colique, iléo-iléocolique, iléo-iléal, jéjuno-jéjunal et colo-colique (3). Le plus fréquent est le type iléo-colique, où l’iléon distal s’invagine par la valvule iléo-caecale dans le caecum et qui représente 90% des cas (2). L’invagination iléo-iléale est une forme rarement chirurgicale, cédant la plupart du temps spontanément sans traitement et notre étude rétrospective n’a pas inclus ce type d’invagination transitoire. Il est classique de distinguer deux groupes d’IIA selon leur étiopathogénie, l’IIA « primitive ou idiopathique » forme classique du nourrisson, qui représente 90 à 95% des cas et l’IIA « secondaire » c’est-à-dire secondaire à une cause locale (diverticule de Meckel, polype, tumeur, duplication digestive, hétérotopie tissulaire) ou s’intégrant dans une pathologie plus générale du tube digestif (lymphome, purpura rhumatoïde, syndrome hémolytique et urémique, mucoviscidose). L’échographie est la méthode de choix pour diagnostiquer l’invagination avec une sensibilité entre 98 et 100% et une spécificité entre 88 et 100% (2–4). L’invagination intestinale aigüe est une urgence diagnostique et thérapeutique, nécessitant une prise en charge rapide, tout retard peut entrainer des complications telles que la perforation ou l’ischémie digestive (5). Le traitement de première intention est la réduction radiologique de l’IIA en l’absence de contre-indication (pneumopéritoine qui signe la perforation digestive, péritonite aigue et altération importante de l’état général avec état de choc). Dans la littérature, le taux de réussite du traitement non opératoire varie entre 61 et 95% (2,6–10). Le traitement chirurgical est indiqué en cas d’échec ou de contre-indication au traitement radiologique et nécessite un centre spécialisé avec des chirurgiens et des anesthésistes pédiatriques (3,2,4,11). Des travaux récents ont montré que les enfants qui se présentent dans les hôpitaux ayant à disposition des chirurgiens pédiatriques et des radiologues pédiatriques sont moins susceptibles d’avoir besoin d’une réduction chirurgicale comparativement à ceux pris en charge initialement dans les hôpitaux sans équipe pédiatrique spécialisée (12). Plusieurs études ont été entreprises dans le but de rechercher des paramètres cliniques, iconographiques et biologiques associés à un risque d’échec du traitement non opératoire. Le but de notre étude est d’identifier les paramètres cliniques et échographiques faisant craindre un échec du traitement radiologique et donc la nécessité d’une prise en charge dans un centre spécialisé avec chirurgie pédiatrique. Nous avons étudié les variables retrouvées dans la littérature liées à l’examen physique et aux résultats échographiques, et nous avons plus particulièrement analysé le délai de prise en charge. Celui-ci varie de façon importante selon s’il s’agit d’enfants admis directement dans un centre spécialisé avec chirurgiens pédiatriques d’enfants transférés d’hôpitaux non spécialisés.

Diagnostic

   Tous les enfants, dont le diagnostic d’IIA était porté cliniquement, ont bénéficié d’une échographie de confirmation. Les échographies étaient réalisées dans le service de radiopédiatrie par un médecin sénior ou un interne en radiologie encadré par un senior. Il en était de même pour les patients transférés d’autres centres dans le but de vérifier l’absence de résolution spontanée de l’invagination avant de poursuivre la prise en charge. Chaque enfant a bénéficié d’une échographie de contrôle réalisée par le radiopédiatre senior avant le début de la désinvagination radiologique, pour vérifier l’absence de désinvagination spontanée. Pour les enfants porteurs d’une IIA avec une prise en charge d’emblée chirurgicale, une échographie à but diagnostic était réalisée avant le transfert au bloc opératoire.

Technique de désinvagination

   L’examen était réalisé par le radiologue senior accompagné d’un interne, dans le service de radiopédiatrie avec une sédation. Depuis décembre 2018, l’examen était réalisé directement au bloc opératoire sous la surveillance conjointe des anesthésistes et des chirurgiens pédiatriques avec une sédation ou une anesthésie générale selon l’état de l’enfant. Le choix de cette sédation était sous la responsabilité de l’anesthésiste. Le radiologue sénior accompagné d’un interne réalisait une réduction pneumatique sous contrôle scopique après sédation de l’enfant. Le protocole de réduction pneumatique était le suivant : Mise en place par le radiologue de la sonde de 21 F intrarectale. Une contention ferme au niveau des fesses était ensuite nécessaire afin de maintenir une étanchéité. La pression sur le manomètre était fixée à 80 mmHg avec un débit de 6L/mn. Le suivi de la désinvagination était réalisé en scopie. En cas de résistance à la désinvagination à l’air le boudin pouvait être repoussé manuellement par des massages antipéristaltiques du colon, jusqu’à sa disparition et l’obtention d’une aération franche et massive des anses grêles. La visualisation de ces images sans perforation signifiait la réussite de la procédure de désinvagination. Plusieurs tentatives pouvaient être réalisées, selon l’appréciation du radiologue. L’échec était donc l’absence d’inondation franche et massive des anses grêles malgré une pression d’air maximale lors de tentatives répétées. Une vérification échographique de la désinvagination était faite en fin de procédure. Les opérateurs (radiopédiatres thésés) ont été répartis en deux groupes « junior » ou « senior », selon s’ils avaient plus ou moins de 5 ans d’expérience en radiopédiatrie. Trois facteurs faisaient arrêter précocement l’intervention :
– Le boudin ne progressait plus alors que le régime de pression atteignait son maximum.
– La réduction de l’invagination n’était pas atteinte malgré plusieurs tentatives.
– L’examen se compliquait d’une perforation.
En cas de réussite de la réduction radiologique : L’enfant était hospitalisé pour y être surveillé durant 24 à 48 heures, le délai de surveillance était variable en fonction de l’état général de l’enfant. En cas d’échec : L’enfant était pris en charge dans les plus brefs délais au bloc opératoire. Tous les patients avec un échec de la réduction radiologique bénéficiaient d’une conversion chirurgicale.

Analyse des critères d’évaluation

   Deux groupes ont été constitués : échec ou réussite selon la définition précisée (cf. méthodes). Les deux groupes (analyse univariée) ont été comparés sur l’ensemble des variables disponibles à l’inclusion : à l’aide de tests du Khi-2 ou test exact de Fisher pour les variables qualitatives, et de t-tests pour les variables quantitatives. Pour étudier les facteurs statistiquement liés à l’échec, un modèle de régression logistique binaire avec stratégie descendante a été réalisé. Les variables initialement introduites dans le modèle étaient sélectionnées soit selon leur pertinence clinique (variable « délai de prise en charge ») soit à partir de l’analyse univariée (seuil de p<0.10) : Vomissements, Rectorragie, Fièvre, Epaisseur de la paroi externe du boudin d’invagination, Epanchement dans le boudin. Les résultats sont présentés sous forme d’odd ratio et leurs intervalles de confiance (95%). L’analyse des données a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS version 20.0 sous Windows (SPSS Inc., Chicago, IL, USA).

Discussion

   L’invagination intestinale aigüe est une urgence chirurgicale pédiatrique, et la cause la plus fréquente de syndrome occlusif chez le jeune enfant et le nourrisson (2,13). Le diagnostic de l’invagination repose sur une suspicion clinique associant des signes et symptômes non spécifiques. La triade classique « vomissements, douleurs abdominales intermittentes et sang dans les selles » n’est présente que dans moins d’un quart des patients, selon les données de la littérature (6,10). Cette triade classique n’est présente que chez 10,8% des patients de notre étude. Bien que la plupart des symptômes se soient produits avec une fréquence conforme aux autres publications seulement 12.5 % de nos patients ont eu des selles sanglantes. Cette incidence est inférieure à celle rapportée dans les études précédentes avec des taux allant de 32% à 53% (14–18). Dans notre centre la technique de réduction utilisée est la réduction pneumatique sous contrôle scopique. Il est difficile d’affirmer la supériorité d’une technique par rapport à l’autre car leur usage repose sur l’habitude et l’expérience de chaque équipe. Cependant plusieurs études ont démontré la supériorité de la réduction pneumatique sous contrôle scopique comparativement aux autres techniques (2,7–9,19,20). Une étude prospective rapporte un taux de réussite pour la réduction pneumatique de 90%, pour la réduction aux hydrosolubles et à la baryte respectivement 80% et 73% (8). La réduction radiologique des invaginations a permis de diminuer la durée de l’hospitalisation et de réduire le risque de complications associées à la chirurgie abdominale (21). Le taux de complication du lavement à l’air était de 1,63 % dans notre série, similaire aux données de la littérature où la complication la plus redoutée de la réduction pneumatique est la perforation avec des taux variant de <1% à 4% (2,3,7,11). Dans notre série, un enfant a présenté un pneumopéritoine en per-procédure. L’exploration chirurgicale n’a pas retrouvé de perforation et cet enfant n’a pas eu de résection digestive. Un enfant a présenté des rectorragies abondantes après une seconde tentative de réduction radiologique au bloc opératoire sous anesthésie générale. L’enfant a bénéficié d’une prise en charge chirurgicale avec une résection digestive retrouvant un diverticule de Meckel remanié par de la nécrose. Un enfant a présenté à la suite d’un succès de la réduction radiologique, un volvulus d’une anse grêle sur un diverticule de Meckel avec une prise en charge chirurgicale à J1 de la réduction radiologique. Plusieurs études ont démontré une diminution du taux de réussite du traitement non opératoire chez les enfants de moins de 1 an, plus particulièrement chez les moins de 4 mois et de plus de 3 ans (6,22–27). La diminution du taux de réussite du traitement radiologique chez les enfants de plus de 2 ans peut être attribuée à la présence plus importante d’IIA d’origine secondaire (28). Dans notre étude, seulement 4 enfants âgés de plus de 2 ans étaient porteur d’une invagination intestinale aigüe secondaire soit 26% de l’effectif globale des IIA secondaires, ce qui peut expliquer un taux d’échec plus important chez les enfants les plus jeunes dans notre série (âge moyen de 16,6 mois dans le groupe échec et de 24,9 mois dans le groupe succès (p<0,028)). Pour les enfants avec une réduction chirurgicale d’emblée, 10 d’entre eux soit 62,5% ont eu une IIA secondaire et 7 enfants soit 70 % avaient plus de 4 ans, ce qui peut également expliquer que dans notre série le taux d’échec était plus important chez les enfants les plus jeunes. L’analyse univariée a montré plusieurs critères cliniques et échographiques associés à un risque d’échec du traitement non opératoire tels que les vomissements, une masse abdominale palpable, un syndrome occlusif ou la présence de sang dans les selles (p<0,05), ce qui est cohérent avec la littérature (13,22,29–32). Pour les enfants avec une prise en charge chirurgicale d’emblée dans notre centre, 68,7% ont présenté au moins un facteur de risque clinique et 81,2% au moins un facteur de risque échographique. Les facteurs échographiques liés à un risque d’échec dans notre série étaient la présence d’un épanchement liquidien intra-péritonéal, d’un épanchement liquidien au sein du boudin d’invagination, d’un épaississement de la paroi externe du boudin d’invagination (p<0.05). Ces éléments sont retrouvés dans la littérature (22,30–35). Nous avons également voulu évaluer le syndrome occlusif « échographique » qui était également un facteur de risque dans notre série (p<0,05), du fait d’un recueil plus fiable en rétrospectif que le syndrome occlusif clinique. Cependant certaines études ne retrouvent pas de lien entre ces critères échographiques et le risque d’échec du traitement non opératoire, telle que l’étude de Carol et al qui ne retrouve pas de lien entre le liquide piégé dans le boudin d’invagination et l’échec du traitement non opératoire, ou l’étude de Britton et al et Verschelden et al, qui ne retrouvent pas de lien entre l’épaississement de la paroi externe du boudin d’invagination et l’échec du traitement non opératoire (30,36,37)

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Table des matières

1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1 Schéma d’étude
2.2 Critères d’inclusions
2.3 Critères d’exclusions
2.4 Paramètres étudiés
2.5 Diagnostic
2.6 Conditionnement pré-thérapeutique
2.7 Technique de désinvagination
3. Analyse statistique des données
4. Résultats
5. Discussion
6. Conclusion
Bibliographie
Annexes

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