Introduction sur les archives audiovisuelles
Dans quels buts cataloguer le film
Le catalogage est un outil essentiel de la gestion des collections de films : il oeuvre au développement et à la préservation des collections, et favorise leur accessibilité et leur diffusion. « The cataloguing of moving images encompasses the complex, professional tasks of gathering and arranging data within systems upon which an institution depends. Indeed, accurate, well-organised descriptions of both filmographic and technical information about an institution’s collection serve as the basis for informed internal use such as preservation, collections development, and outreach or exhibition. They further constitute the key to accessing collections by external users such as scholars, researchers and the general public – both now and for future generations. » (Ross, Assunta Pimpinelli, Fairbairn 2016, p. 1) Le traitement documentaire de fonds cinématographiques englobe des notions qui relèvent à la fois de l’archivistique générale et de la bibliothéconomie, mais nécessite également des pratiques de catalogage et de description spécifiques.
L’une des différences majeures entre le catalogage en bibliothèque et en archives du film vient du fait que dans le premier cas, le document à cataloguer consiste la plupart du temps en une publication complète, éditée et reproduite en de nombreux exemplaires identiques. Ce qui permet d’établir une notice bibliographique relativement standardisée, facilitant ainsi l’échange de données bibliographiques entre institutions et entre bases de données de catalogage. Les cinémathèques gèrent, quant à elles, des copies d’une oeuvre originale. Cette oeuvre originale peut être un film commercialisé, dont plusieurs versions peuvent coexister (version sortie en salle, version remaniée pour la diffusion à la télévision, version longue, etc.), ou un film non commercialisé (film amateur, projet abandonné, etc.). Les cinémathèques peuvent détenir plusieurs copies différentes d’une même oeuvre originale, ces copies pouvant être complètes ou incomplètes et se manifester sous différents types de supports et de formats. Les copies peuvent elles-mêmes être constituées de plusieurs éléments : par exemple, plusieurs bobines de pellicule pour un même long métrage. Il arrive aussi que la piste sonore soit enregistrée sur un support distinct de celui contenant les images. Le catalogage du film doit donc pouvoir rendre compte de cette complexité et montrer les relations existantes entre des éléments distincts mais dépendant les uns des autres. (FIAF 1994, pp. XVIII-XIX, 2)
Principaux éléments de catalogage du film
Les règles et standards mentionnés précédemment proposent différentes façons de représenter les éléments de catalogage d’un film. Cependant, quel que soit le mode choisi, les principaux éléments restent dans les grandes lignes les mêmes. Pour des raisons de simplification et de clarification, j’ai choisi ci-après de présenter ces éléments en les regroupant en trois ensembles, tout en me basant sur les règles de catalogage de la FIAF. Premièrement, on trouve les éléments relatifs à l’oeuvre originale et à ses différentes variantes. Ces informations comprennent principalement : le titre, les variantes de titres, les mentions de responsabilités (réalisateur, scénariste, producteur, distributeur), la date de sortie, le pays de production, les mentions de copyright, l’identifiant unique (si existant, par exemple l’ISAN) ou encore la langue originale de l’oeuvre. Un deuxième groupe est celui relatif à la description physique. On y trouve les caractéristiques techniques des copies, ainsi que des unités qui la composent : type de copie (par exemple, copie d’archive ou de projection, master ou copie, négatif ou positif), nombre et types d’unités (par exemple, 3 bobines, 2 cassettes) et leur état (complet/incomplet), longueur et durée, format, support, caractéristiques de la couleur et du son, langues des dialogues, sous-titres et cartons d’intertitres, ainsi que des numéros d’inventaire ou de localisation.
Le troisième groupe est celui des notes permettant d’apporter des informations complémentaires aux éléments de base. Au niveau de l’entité générale de l’oeuvre et de ses variantes, il est possible d’ajouter une description de contenu qui peut comprendre un résumé, un synopsis, une catégorie de genre et de sous-genre (fiction, documentaire, western, comédie, etc.), une indexation par sujet (qui peut être libre ou conditionnée à une liste d’autorités) ou encore toute information liée à l’oeuvre (récompenses reçues, censure, etc.). Au niveau de la copie et des unités de copie, des remarques concernant leur état physique et leur conditionnement pourront être ajoutées : mentions de rayures, d’usure, de moisissures, résultats de relevés sanitaires, ainsi que tout élément menaçant la conservation de la copie. Il y sera également noté les informations relatives à la provenance de la copie : désignation du fonds d’appartenance et de son producteur, mode d’acquisition (dépôt, don, achat, etc.) et date de réception. (FIAF 1994 ; Ross, Assunta Pimpinelli, Fairbairn 2016, p. 1) Les sources d’information primaires et secondaires sont acceptées. Par source primaire, on entend les informations obtenues à partir du visionnement de la copie. Si cette source est à privilégier, elle n’est pas toujours suffisante à l’identification d’un film, et doit parfois être complétée par des sources secondaires. Les sources secondaires comprennent le contenant original de la copie, le matériel et les documents accompagnant la copie, ainsi que la littérature de référence. Quelle que soit la source utilisée, celle-ci doit être précisée et dûment référencée dans une note. (Library of Congress 2000, p. 4 ; Ross, Assunta Pimpinelli, Fairbairn 2016, p. 12)
Histoire : origines et période d’exploitation
Après avoir commercialisé son premier appareil de projection amateur en 1912, le Pathé Kok33, Charles Pathé souhaitait proposer un appareil qui soit accessible financièrement au plus grand nombre et qui puisse être facilement manipulé par les néophytes. (Gourdet-Mares 2012, 0:07:16) En février 1921, deux brevets furent déposés par Pathé34 concernant un « magasin bobine pour films » et un « cinématographe-jouet ». Le magasin-bobine consistait en une boîte métallique enfermant la pellicule enroulée autour d’un noyau central. Le film était ainsi protégé de la poussière et pouvait facilement être transporté, sans risque de se dérouler par inadvertance. Son insertion dans l’appareil de projection était également simplifiée, car l’utilisateur n’avait pas à se poser la question du sens de déroulement de la pellicule. Quant au cinématographe-jouet, il s’agissait d’un appareil de projection à la mécanique simple. (Gourdet-Mares 2012, 0:22:25) Le premier projecteur Pathé-Baby et son format de film dédié, le 9.5mm, furent commercialisés en 1922. L’appareil était vendu au prix de 275FF, soit considérablement moins cher que les systèmes amateurs antérieurs. Des reproductions en 9.5mm de films commerciaux Pathé étaient également proposées à la clientèle, afin qu’elle puisse les projeter à l’aide de l’appareil.
Ces films étaient vendus entre 5FF et 6FF l’unité. Le catalogue de films s’agrandit ; il comptait 4100 titres en 1931. (Schneider 2007, pp. 355-356) Le succès du système Pathé 9.5mm en France fut tel, que la société lança en 1923 une caméra compacte à manivelle, au prix de 350FF. Grâce à la mise sur le marché simultanée par Pathé de sa propre pellicule inversible au format 9.5mm, la caméra permettait à son détenteur de filmer, puis de visionner à domicile ses propres images à l’aide du projecteur. La caméra Pathé-Baby connu un succès majeur et contribua de façon importante au développement du cinéma amateur. (Schneider 2007, p. 356 ; Shahmiri 2015, p. 5) Pathé développa différents modèles de ces deux appareils au fil des années. Après-guerre, Pathé commercialisa de nouveaux appareils 9.5mm, dont une caméra bon marché et simple d’utilisation, afin de relancer le format. Dans les années 1950, le 9.5mm était considéré comme le meilleur format amateur. Il offrait le meilleur rapport qualité-prix en comparaison à ses concurrents directs sur le marché du format réduit : il était moins cher que le 16mm et de meilleure qualité que le 8mm. Cependant les modes de vie de la société changeaient et la télévision devenait de plus en plus présente dans les foyers. A partir de 1959, les ventes des appareils et de la pellicule 9.5mm régressèrent au profit du 8mm. L’année 1965 marqua l’avènement du Super 8 sur le marché du cinéma amateur. Ce nouveau format réduit sonna le glas du 8mm. Quant au 9.5mm, il ne disparut pas complètement, mais devint un format d’amateurs passionnés uniquement. (Gourdet-Mares 2012, 2:09:00)
Publics et usages Avec le Pathé-Baby, Charles Pathé visait deux objectifs : divertir et éduquer. Ses publics cibles étaient avant tout les familles et les écoles. La campagne publicitaire qui accompagna le lancement du premier projecteur en 1922 s’adressait largement aux foyers, mettant en scène des familles projetant des films dans leur salon (voir Annexe 3). L’accent était mis sur la simplicité d’utilisation de l’appareil – un « jouet » que même les enfants pouvaient utiliser – et sur l’aspect convivial de ce nouveau divertissement rassemblant le cercle familial, et parfois même aussi amical. (Shahmiri 2015, Malgré le souhait initial de Charles Pathé de proposer un appareil qui soit accessible à toutes les bourses, on peut se demander si cela était véritablement le cas35 : « On note tout de même dans les illustrations publicitaires que les cadres familiaux représentés reflètent un milieu relativement bourgeois. Malgré le succès populaire que fut l’appareil, l’accent est mis sur cette frange de la population qui résiste encore aux différentes formes du spectacle cinématographique. » (Shahmiri 2015, p. 20) A cette époque, le cinéma avait encore mauvaise réputation. Attraction foraine à ses débuts, il demeurait un spectacle attirant essentiellement un public issu de la classe ouvrière.
Les familles des milieux plus bourgeois ne considéraient pas le cinéma comme un divertissement culturel légitime, et préféraient les sorties au théâtre et à l’opéra. Le Pathé-Baby offrit donc au cinéma un moyen alternatif d’atteindre les classes aisées et d’être reconnu « comme spectacle légitime et comme objet culturel » (Shahmiri 2015, p. 21). Avec sa caméra Pathé-Baby lancée en 1923, Pathé ciblait un large public qui, grâce à cet appareil amateur simple d’utilisation, pouvait désormais conserver ses souvenirs, tels que les événements familiaux, les images de vacances ou de voyages. (Gourdet-Mares 2016, Mais le Pathé-Baby n’était pas seulement un objet de divertissement. Le caractère maniable et léger du projecteur, son prix abordable, ainsi que l’arrêt sur image rendu possible grâce à un système ingénieux d’encoche faisaient de cet appareil un outil pédagogique particulièrement intéressant pour les écoles. Un modèle de projecteur à dynamo fut développé spécialement pour les salles de classes dépourvues d’électricité. Par ailleurs, des films d’enseignement, conçus pour accompagner le cours du professeur en classe, étaient proposés au catalogue. (Shahmiri 2015, p. 22)
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Table des matières
Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Glossaire technique
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Le mandat : origines et contexte
1.2 Objectifs et attentes
1.3 Méthodologie générale
1.4 Limites et difficultés rencontrées
2. Etat de l’art
2.1 Introduction sur les archives audiovisuelles
2.1.1 Définition de l’UNESCO
2.1.2 Panorama des principales archives audiovisuelles en Suisse
2.1.3 Les archives du film
2.1.3.1 Bref historique des cinémathèques
2.1.3.2 La Fédération Internationale des Archives du Film (FIAF
2.2 Traitement documentaire du film
2.2.1 Film : définitions
2.2.2 Dans quels buts cataloguer le film
2.2.3 Littérature de référence
2.2.3.1 Normes et standards internationaux
2.2.3.2 Règles de catalogage de la FIAF
2.2.3.3 Règles de catalogage de la Library of Congress
2.2.4 Principaux éléments de catalogage du film
2.2.5 Description archivistique
2.2.5.1 Notions de fonds et de collections d’archives
2.2.5.2 Normes de description archivistique
3. La Cinémathèque suisse
3.1 Présentation de l’institution
3.1.1 Mission
3.1.2 Organisation
3.1.2.1 Le département Film
3.1.2.2 Le département Non-Film
3.2 Politique de collection
3.2.1 Notions d’Helvetica et d’Unica
3.2.2 Politique d’acquisition
3.2.3 Numérisation
3.2.4 Diffusion et mise à disposition
3.2.5 Politique d’accès et publics cibles
3.2.6 Mise en valeur de la collection
3.3 Actions de valorisation de la collection film
3.3.1 Le Ciné-Journal Suisse
3.3.2 Diffusion de films en ligne
4. Historique du format Pathé-Baby
4.1 Présentation générale
4.1.1 Histoire : origines et période d’exploitation
4.1.2 Publics et usages
4.1.3 Publications Pathé-Baby
4.1.3.1 Catalogue des films Pathé-Baby
4.1.3.2 Revue « Le Cinéma chez soi »
4.1.4 Lieux de distribution de la gamme Pathé-Baby
4.1.5 Diffusion dans le monde
4.1.6 Concurrence
4.2 Films
4.2.1 Spécificités techniques
4.2.1.1 Format
4.2.1.2 Support
4.2.1.3 Film inversible
4.2.1.4 Système d’arrêt sur encoche
4.2.1.5 Métrages
4.2.1.6 Magasin-bobine et chargeur pour caméra
4.2.2 Catégories de films
4.2.2.1 Films commercialisés par Pathé
4.2.2.1.1 Films d’éditions
4.2.2.1.2 Films éducatifs
4.2.2.1.3 Actualités filmées
4.2.2.2 Films amateurs
4.2.2.2.1 Le film de famille
4.2.2.2.2 Le cinéma amateur
4.3 Appareils et accessoires
4.3.1 Projecteurs
4.3.2 Caméras
4.3.3 Accessoires
4.4 Pathé-Baby aujourd’hui
4.4.1 Spécialistes
4.4.2 Amateurs et collectionneurs
5. Réalisation pratique du mandat
5.1 Analyse du corpus de films Pathé-Baby numérisés
5.1.1 Méthodologie
5.1.2 Etat des lieux
5.1.2.1 La collection Pathé-Baby à la Cinémathèque suisse
5.1.2.2 Processus de numérisation
5.1.2.3 Processus de catalogage et d’indexation
5.1.2.3.1 Films 9.5mm déjà saisis dans la base de catalogage
5.1.2.3.2 Films 9.5mm non catalogués, indexés après la numérisation
5.1.2.4 Stockage et traitement des fichiers numériques à la Cinémathèque suisse
5.1.3 Résultats de l’analyse du corpus
5.1.3.1 Données générales
5.1.3.2 Catégories de traitement
5.1.3.3 Catégories de genre
5.1.3.4 Pays de production des films
5.1.3.5 Période de production des films
5.1.3.6 Part des fonds inconnus
5.2 Traitement documentaire de lots extraits du corpus
5.2.1 Méthodologie
5.2.2 Présentation générale du fonds « Bottarelli
5.2.3 Réflexions sur le traitement réalisé et recommandations
5.2.3.1 Description du contenu
5.2.3.2 Cartons de titres et d’intertitres
5.2.3.3 Identification et description des films commercialisés
5.2.3.4 Datation des films commercialisés
5.2.3.5 Harmonisation des titres
5.3 Description archivistique du corpus
6. Valorisation d’une collection de films Pathé-Baby numérisés
6.1 Exemples d’actions de valorisation
6.1.1 Dans les cinémathèques
6.1.1.1 La Cinémathèque de Bretagne
6.1.1.2 Cinémémoire : cinémathèque marseillaise de films amateurs
6.1.1.3 Mémoire : les images d’archives en région Centre-Val de Loire (Ciclic)
6.1.1.4 Partenariat entre le British Film Institute et les archives régionales
6.1.2 Dans les archives audiovisuelles
6.1.2.1 La Médiathèque Valais-Martigny
6.1.2.2 Mémoire(s) de villages (archives de la RTS)
6.1.3 Commentaire
6.2 Propositions de valorisation
6.2.1 Projections publiques
6.2.2 Exposition temporaire
6.2.3 Diffusion en ligne
7. Conclusion
Bibliographie
Webographie des amateurs et collectionneurs du 9.5mm
Sources utiles pour l’identification des films 9.5mm
Annexe 1 : Principaux formats de film
Annexe 2 : Extraits de la politique de collection (CS)
Annexe 3 : Publicités Pathé-Baby
Annexe 4 : Liste des projecteurs 9.5mm Pathé
Annexe 5 : Photographies d’appareils et accessoires Pathé-Baby
Annexe 6 : E-mail du Ciné-Club 9.5 de France
Annexe 7 : Processus de numérisation et de traitement documentaire
Annexe 8 : Traitement documentaire réalisé (extrait)
Annexe 9 : Description archivistique (extrait)
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