Introduction de non linéarités et de non stationnarités dans les modèles de représentation de la demande électrique résidentielle

« Chaque début d’écriture est un retour à la case départ. Et la case départ, c’est un endroit où l’on se sent très seul. Un endroit où aucun de vos accomplissements passés ne compte. » Quentin Tarantino  .

Les limites et les insuffisances de la méthode expérimentale ont fait naître les activités de modélisation et de simulation nécessaires à l’Homme pour qu’il puisse comprendre les phénomènes qui l’entourent et solutionner les problèmes auxquels il doit faire face. Le terme de modélisation est relativement récent  dans le langage commun mais les travaux sur la théorie générale des systèmes, d’où résulte notamment celle de la modélisation, sont beaucoup plus anciens. J-L. Le Moigne dans son ouvrage, La théorie du système général. Théorie de la modélisation [LM94], a posé la problématique de façon très complète. Une vision plus générale  est proposée par E. Morin dans La Méthode [MOR04].

Parmi les principaux enjeux auxquels doit faire face le Monde à l’heure actuelle figure la problématique de l’approvisionnement énergétique d’une population mondiale en forte croissance (les Nations Unies prévoient que la Terre sera peuplée d’environ 9 milliards d’individus en 2050 [UNI04]). Assurer la fourniture en énergie dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles et de lutte contre le réchauffement climatique soulève des problèmes nouveaux et complexes. Selon le point de vue adopté, des réponses technologiques, politiques, comportementales, sociétales. . . s’avèrent indispensables pour faire face à cet enjeu. Dans le Monde en 2010, l’électricité représente 17,7 % de la consommation d’énergie finale [IEA12] et sa production, couplée à la fourniture de chaleur, furent responsables en 2009 de 41 % des émissions de CO2 [IEA11]. Ce vecteur énergétique est donc en première ligne de l’enjeu planétaire précédemment discuté.

Les systèmes domestiques installés au sein des bâtiments résidentiels répondent aux besoins de leurs occupants. Traditionnellement dans ce secteur, ils se répartissent en trois grandes familles :
– les usages thermiques : chauffage, climatisation et Eau Chaude Sanitaire (ECS)∗;
– les usages liés à la cuisson alimentaire ;
– les usages dits d’électricité spécifique : ceux-ci sont non concurrentiels de l’électricité c’est-à-dire que le service rendu ne peut l’être que par l’énergie électrique.

Jusqu’à présent en France, la consommation agrégée d’électricité spécifique croît sans cesse dans le secteur résidentiel (elle a augmenté de près de 40 % entre 1999 et 2010 – cf. figure 3). Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Tout d’abord, le nombre des ménages  croît dans la population française. Cette hausse est à la fois imputable à l’augmentation de la population et à la baisse du nombre moyen d’occupants par résidence principale [INS12c, INS12d]. Ensuite, un phénomène d’augmentation des taux d’équipement∗  des ménages est notable . Cette dynamique de croissance trouve sa source dans l’évolution des modes de vie ce qui engendre entre autres une tendance aux situations de multi équipement∗  pour certains appareils domestiques comme la télévision par exemple. L’augmentation de la consommation d’électricité des usages domestiques est également causée par la multiplication de ces appareils (intégration de nouveaux équipements d’électricité spécifique). Enfin, des usages nouveaux et en devenir utilisant l’électricité, notamment ceux qui concernent le transport individuel (Véhicule Électrique (VE)∗ ou Véhicule Hybride Rechargeable (VHR)∗ ), vont progressivement intégrer le parc d’équipements domestiques.

Données de courbes de charge disponibles à l’échelle nationale 

Le RTE publie quotidiennement et en temps réel la courbe de charge d’électricité consommée (puissances au pas 15 min) sur le territoire national [RTE12e]. Celle-ci est estimée à partir de mesures :
– de la puissance injectée sur le réseau par les centrales de production et
– des transits aux frontières du réseau français.

À l’aide de ces mesures, la courbe d’appels de puissance point par point est déterminée grâce à l’équation 1.

Consommation (pertes incluses) = Production + Imports – Exports (1)

En plus des données de consommation mises en ligne sur le site de RTE, ce dernier publie également un historique de production du parc de référence de l’Union Française de l’Électricité (UFE)∗ ainsi que des données relatives à la disponibilité de celui-ci [RTE12d]. Il est intéressant de souligner que la puissance soutirée  sur le réseau de transport véritablement consommée (et non plus l’estimation de la courbe de charge) est également mesurée au niveau des postes sources (frontière entre réseau de répartition et réseau de distribution). Ces données ne sont cependant rendues disponibles qu’au travers des bilans annuels en énergie publiés par RTE.

Concernant les puissances injectées sur le réseau, les données disponibles sont des valeurs à la fois de réalisation (publiées « ex post ») et de prévision de disponibilité à la pointe (publiées « ex ante ») [RTE06] et qui sont agrégées par filière (nucléaire, charbon, gaz, fioul et moyens de pointe, hydraulique et autres). La délivrance d’informations par les producteurs n’est pas une obligation. À l’heure actuelle, cinq acteurs de ce secteur (EDF, GDF-SUEZ, E.ON, Poweo et ALPIQ) répondent à cette proposition de l’UFE [RTE12d] ce qui représente plus de 90 % du parc de production raccordé au réseau public de transport.

Enfin, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité publie également tous les deux ans un bilan [RTE12b] qui établit un diagnostic prévisionnel à cinq ans de l’équilibre offre demande du système électrique et qui élabore des scénarios prospectifs à long terme. Il sert aussi de support à la politique de Programmation Pluriannuelle des Investissements (PPI).

Enjeux de développement du modèle 

Au commencement de la thèse, les modèles de la littérature capables de reconstituer la courbe de charge du secteur résidentiel qui étaient identifiés jusqu’alors, ne permettaient pas d’effectuer des projections non tendancielles de ces appels de puissance. Leur limite se situe en particulier au niveau de la prise en compte d’évolutions structurelles du parc, qu’elles soient techniques ou comportementales. Les méthodes communément utilisées pour établir des prévisions font généralement l’usage de profils-types de consommation. Elles intègrent en outre les techniques et les comportements contemporains et passés.

Ces techniques prennent en compte, d’une manière plus ou moins fine, la variété des usages et/ou des équipements et le foisonnement∗ qui en découle. Ce terme désigne le phénomène naturel qui se produit au sein d’un réseau électrique et qui traduit le degré de concomitance (et de non-concomitance) de la consommation d’électricité. En effet, il existe une forte diversité (« diversity » est d’ailleurs l’appellation anglo-saxonne du foisonnement) de paramètres et d’influences qui ont un impact sur les appels de puissance. Par exemple la courbe de charge d’un équipement domestique peut notamment être sujette aux éléments suivants :
– la composition du foyer dans lequel l’équipement est présent ;
– le scénario de présence journalière des occupants du logement ;
– la puissance souscrite et le tarif adopté qui en découle ;
– le revenu du ménage ;
– sa sensibilité aux prix ;
– sa consommation annuelle d’électricité ;
– les caractéristiques techniques de l’équipement ;
– le type d’habitat ;
– la zone climatique ;
– les conditions météorologiques ;
– . . .

Le foisonnement est « la providence des électriciens » [LAN87] qui rend possible la fourniture de courant électrique à des coûts raisonnables. Grâce à lui, la pointe de consommation d’un groupe de clients alimentés par un réseau est toujours inférieure à la somme des puissances maximales de chacun des clients [LAN85, HUG83].

L’aléa climatique est ainsi pris en compte dans l’élaboration de ces profils. La courbe de charge réalisée est mesurée de manière à améliorer les futures prévisions en « recalant » l’estimation sur la réalisation et ainsi affiner les coefficients correctifs. Au final, le gestionnaire du réseau de distribution cherche à obtenir une courbe de charge de l’ensemble des consommations avec une représentation statistiquement bonne des comportements de chacun. Cette approche présente toutefois plusieurs limites détaillées ci-dessous :
– vraisemblance plutôt qu’exactitude : l’objectif de cet instrument est d’avoir une bonne approximation de la courbe de charge de chacun des fournisseurs et des responsables d’équilibre mis en jeu plutôt que de rechercher la courbe de charge exacte de chaque site ;
– représentativité plutôt qu’exhaustivité : le profilage s’appuie sur des échantillons représentatifs des clients non télé-relevés. Au sein des échantillons (i. e. sur un nombre limité de clients), les mesures de courbes de charge et la prise en compte de l’aléa climatique sont réalisées de manière exhaustive afin de pouvoir extrapoler les résultats à l’ensemble des consommateurs non télé-relevés.
– extrapolation des consommations passées pour une prévision des besoins futurs : tout ce qui n’est pas mesuré jusqu’alors ne peut pas être intégré dans les profils ;
– les profils représentent la consommation électrique tous usages confondus : il n’est donc pas possible de mesurer l’impact sur la courbe de charge lié à l’évolution d’un certain usage ;
– le foisonnement des courbes de charge n’est pas explicité puisqu’il provient des mesures ;
– stricte dépendance des profils à la structure tarifaire actuelle : il n’est alors pas possible d’envisager les courbes de charge de consommateurs domestiques selon d’autres modes de tarification non encore existants ;
– restitution des courbes de charge au pas demi-horaire alors que la dynamique réelle des équipements domestiques d’électricité spécifique, discutée ci-après, se situe bien en dessous de cette échelle de temps.

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Table des matières

Introduction générale
1 Bibliographical survey and analysis
Introduction
1.1 Top-down models
1.1.1 Introduction
1.1.2 Deterministic statistical disaggregation models
1.2 Bottom-up models
1.2.1 Introduction
1.2.2 Statistical random model
1.2.3 Probabilistic empirical models
1.2.4 Time of use based models
1.3 Statistical-engineering model : Train et al.’s model
1.4 Cross analysis
1.4.1 Reading grid
1.4.2 Focused comparisons
1.4.3 Positioning the models on a pseudo 3D plot
Conclusion
1.5 Acknowledgment
2 Analyse fonctionnelle
Introduction du chapitre
2.1 Fonction « Modéliser le parc du territoire étudié (F 2) »
2.1.1 Définir les éléments-types du parc (F 2.1)
2.1.2 Définir la composition en n-uplets du parc habité année par année (F 2.2)
2.1.3 Contrôler la cohérence du parc (F 2.3)
2.2 Fonction « Scénariser et projeter l’évolution du contexte (F 1) »
2.2.1 Définir des événements-clés encadrant des périodes (F 1.1)
2.2.2 Définir les tendances d’évolution au sein des périodes (F 1.2)
2.3 Fonction « Calculer les courbes de charge (F 3) »
2.3.1 Construire le calendrier de simulation (F 3.1)
2.3.2 Calculer les courbes de charge unitaires par n-uplet (F 3.2)
2.3.3 Calculer les profils de charge par n-uplet (F 3.3)
2.3.4 Calculer les courbes de charge à l’échelle de la zone géographique (F 3.4)
2.3.5 Assurer la cohérence en énergie des courbes de charge (F 3.5)
2.3.6 Valider sur des données historiques les courbes de charge (F 3.6)
2.3.7 Calculer le solde fatal en énergie (F 3.7)
2.3.8 Répartir le solde fatal en énergie (F 3.8)
2.3.9 Sommer les courbes de charge usage par usage (F 3.9)
2.4 Fonction « Restituer les courbes de charge (F 4) »
2.4.1 Sélectionner le(s) format(s) de restitution (F 4.1)
2.4.2 Sélectionner les échelles spatiale(s) et temporelle(s) de restitution (F 4.2)
2.4.3 Calculer des indicateurs et construire des représentations caractéristiques (F 4.3)
Conclusion du chapitre
3 Modélisation des concepts et mise en œuvre par voie algorithmique
Introduction du chapitre
3.1 Modélisation des éléments conceptuels
3.1.1 Modélisation des jours-types
3.1.2 Modélisation des ménages-types
3.1.3 Modélisation des équipements domestiques d’électricité spécifique
3.2 Algorithme pour la génération de diversité d’origine comportementale
3.2.1 Distribution des tâches journalières
3.2.2 Création d’un profil basique de disponibilité
3.2.3 Méthode évoluée d’obtention des profils de disponibilité
3.2.4 Placement des équipements domestiques
3.3 Mise en perspective de l’algorithme
Conclusion du chapitre
4 Classification de courbes de charge et étude du foisonnement
Introduction du chapitre
4.1 Caractérisation et comparaison de courbes de charge
4.1.1 Indicateurs statistiques existants pour la comparaison de courbes de charge
4.1.2 Prise en compte de la dimension temporelle de la courbe de charge
4.1.3 Apports d’une méthode appliquée aux séries temporelles : le Dynamic Time Warping
4.2 Scénarios modélisés : étude des résultats
4.2.1 Construction de scénarios en vue de leur simulation
4.2.2 Étude des résultats du scénario principal
4.2.3 Étude des résultats en puissance du passage d’un cycle unitaire à un autre à isoconsommation
4.3 Mise en œuvre du DTW pour l’analyse de courbes de charge
4.3.1 Comparaison de deux courbes de charge
4.3.2 Comparaison de courbes de charge multiples
4.3.3 Relations entre la distance DTW et des indicateurs statistiques usuels
4.3.4 Décomposition des écarts entre courbes de charge moyennes foisonnées
4.3.5 Bilan de la mise en œuvre de l’algorithme DTW pour l’analyse de courbes de charge
4.4 Identification de comportements d’usage – Cas réel
4.4.1 Positionnement du problème et buts de l’étude
4.4.2 Présentation des données analysées
4.4.3 Principes des méthodes choisies d’analyse des données
4.4.4 ACP sur données brutes puis CAH sur les résultats de l’ACP
4.4.5 CAH sur les courbes de charge mesurées
4.4.6 Résumé des études supplémentaires de classification sur des courbes de charge normées de télévision
4.4.7 Bilan du travail de classification et perspectives
Conclusion du chapitre
Conclusion générale

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