Introduction au module de filtration hydrodynamique

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Intérêts et enjeux des cellules souches

L’engouement pour les cellules souches provient de leurs capacités de différenciation et d’autorenouvellement (détaillé en I.1.1). Ces cellules sont aujourd’hui utilisées dans de nombreuses thérapies cellulaires, les plus courantes étant la greffe de moelle osseuse (exemple historique de thérapie cellulaire) et la greffe de peau. D’autres thérapies existent mais en sont encore au stade expérimental.
De manière générale, leur potentiel et l’espoir qu’elles génèrent sont immenses mais de nombreuses questions se posent toutefois. L’une d’entre elles concerne les propriétés des cellules une fois injectées dans le corps du receveur. Existe-t-il un ou plusieurs risque(s) lié(s)
à l’injection ? Il en existe effectivement : les cellules souches embryonnaires, par exemple, possèdent des propriétés tumorigènes et induisent la formation, au niveau de la zone d’injection, de tumeurs particulières appelées tératomes. Ces tumeurs peuvent être bénignes (dans ce cas, toutes les cellules souches sont différenciées) ou malignes (dans ce cas, des cellules souches restent indifférenciées et prolifèrent de manière incontrôlée). Il existe également la question de la compatibilité immunologique entre les cellules greffées et le receveur. Différents types de cellules (ou lignées cellulaires) sont utilisés en thérapie cellulaire. Les lignées cellulaires peuvent être xénogéniques, c’est-à-dire provenant d’une espèce différente. Elles peuvent également être allogéniques et provenir d’un organisme différent mais de la même espèce. Elles peuvent encore être issues de lignées immortalisées ou enfin être autologues et provenir du même organisme. Les cellules principalement utilisées sont les cellules autologues et allogéniques.
Le rejet du greffon est une cause d’échec importante lors des thérapies cellulaires. Ce rejet peut être diminué par le choix d’un donneur présentant la meilleure compatibilité possible accompagné d’un traitement antirejet. Reste enfin à vérifier la fonction assurée par les cellules différenciées. Ces dernières doivent assurer les fonctions de leurs homologues naturels.
La recherche sur les cellules souches, et plus particulièrement les cellules souches embryonnaires, soulève de nombreuses questions d’éthique et présente des enjeux aussi bien sociaux que légaux. Tous les partisans, aussi bien pour que contre l’utilisation des cellules souches embryonnaires, s’accordent sur le fait que les traitements avec de telles cellules ont pour finalité de protéger la vie humaine. Les opinions divergent au moment de définir le statut d’un embryon : à quel stade est-il possible d’affirmer qu’un embryon est un être vivant ? Ce statut est débattu dans de nombreux pays et les législations diffèrent d’un pays à l’autre.
Les réticences éthiques sont beaucoup moins présentes dans le cas des cellules souches adultes. Les techniques de récolte et les lieux d’obtention de ces cellules souches ne constituent pas une contrainte. Les procédures de prélèvement, de test et d’application sont codifiées et l’utilisation des cellules souches adultes relèvent légalement du don d’un adulte informé et consentant. Reste néanmoins, comme dans beaucoup d’autres domaines de recherche, la question de l’application industrielle de ces recherches.

Focalisation sur les cellules souches adipeuses (ASCs)

Les travaux présentés dans ce manuscrit se focalisent sur les cellules souches adipeuses qui ont été présentées dès 2001 par Zuk et al.6. Depuis, de nombreuses études se sont attachées à déterminer les mécanismes biologiques associés à ces cellules. Les méthodes d’isolement existant actuellement ne permettent pas de comprendre complètement les mécanismes de déplacement de ces cellules et constituent un frein dans la compréhension des mécanismes biologiques dans leur ensemble.

Localisation des ASCs

Le tissu adipeux a jusqu’à très récemment été considéré uniquement comme une zone de stockage de lipides. Il s’avère que le tissu adipeux est un organe complexe qui joue non seulement un rôle dans le stockage et la mobilisation de lipides mais qui joue également le rôle d’organe endocrinien en produisant de nombreux facteurs bioactifs (comme des adipokines) qui modulent certains processus métaboliques7.
Il existe deux types de tissus adipeux : le tissu adipeux blanc et le tissu adipeux brun, respectivement White Adipose Tissue (WAT) et Brown Adipose Tissue (BAT). Les deux tissus ont des fonctions bien distinctes.
Le tissu adipeux brun, constitué d’adipocytes bien particuliers, est reconnaissable à sa couleur brune. Cette dernière est conférée par la présence, dans les adipocytes, d’un nombre important de mitochondries contenant des cytochromes qui permettent d’assurer une fonction oxydative. Les adipocytes bruns contiennent également de nombreux grains de glycogène, glucide qui permet le stockage de l’énergie chimique et la libération rapide de glucose. Ils contiennent enfin plusieurs gouttelettes lipidiques (les adipocytes bruns peuvent être qualifiés de cellules multiloculaires) dans lesquelles sont stockés les triglycérides (acides gras), ce qui est schématisé en Figure I- 2. Le rôle des adipocytes bruns est la conversion de l’énergie libérée par l’oxydation des acides gras en chaleur. Le positionnement de ce tissu est en cohérence avec sa fonction : que ce soit chez l’homme ou chez les animaux, il est localisé à proximité des gros vaisseaux pour une diffusion optimale de la chaleur. Les connaissances sur ce tissu restent toutefois limitées car il était considéré, jusqu’à de récentes études8–10, comme étant absent chez l’Homme (disparition supposée après la période néonatale).
Le tissu adipeux blanc est pour sa part mieux connu que le tissu adipeux brun et est fortement représenté dans le corps humain. A lui seul, il représente entre 15 et 20 % du poids d’un homme mince et entre 20 et 25 % du poids d’une femme mince8,12. D’un point de vue qualitatif, le tissu adipeux blanc remplit deux fonctions principales. Dans un premier temps, il stocke des lipides, gérant ainsi les réserves énergétiques de l’organisme selon les besoins et les disponibilités. Dans un second temps, il synthétise et sécrète des hormones : adipokines et cytokines, faisant de lui un organe endocrinien13. D’un point de vue tissulaire, plusieurs dépôts (tissu adipeux sous-cutané, tissu adipeux viscéral, tissu adipeux de soutien (orbites, paumes des mains, plantes des pieds et autour des articulations) et tissu adipeux de la moelle osseuse), dont les fonctions et proportions diffèrent, coexistent. Le tissu adipeux sous-cutané a par exemple pour fonction d’isoler thermiquement et d’amortir les chocs du fait du stockage massif des graisses du corps (environ 80 % des graisses). Il représente un réservoir sain de lipides, contrairement au tissu adipeux viscéral où l’accumulation de lipides est fortement associée aux anomalies métaboliques et cardiovasculaires. Les caractéristiques lipolytiques, sécrétoires et de synthèse des triglycérides varient pour chaque dépôt, de même que les caractéristiques des cellules : taille, nombre et expression des gènes. Les facteurs physiologiques comme l’âge, le sexe, la corpulence, etc. d’un individu sont également des facteurs jouant sur les propriétés des cellules14. Les tissus présentent ainsi de nombreuses différences mais, de manière générale, leur composition reste la même.
Adipocytes et cellules constituant la Fraction du Stroma Vasculaire (Stromal Vascular Fraction ou SVF) se retrouvent dans tous les tissus adipeux. Contrairement aux adipocytes bruns, les adipocytes blancs ne possèdent qu’une gouttelette de lipides et possèdent très peu de mitochondries. Une particularité des adipocytes blancs à souligner est leur plasticité : certains peuvent se différencier en adipocytes beiges. Ces derniers ont les mêmes caractéristiques que les adipocytes bruns mais ne sont pas issus des mêmes mécanismes. Plusieurs études ont rapporté la présence d’adipocytes « bruns » au sein même de certains dépôts de tissu adipeux blanc15,16. La Fraction du Stroma Vasculaire est quant à elle constituée de plusieurs types cellulaires : fibroblastes, cellules immunitaires, cellules endothéliales, pré-adipocytes et cellules progénitrices/cellules souches.
Le tissu adipeux est ainsi un organe complexe, source de cellules au fort potentiel : les cellules souches adipeuses. Originaires du tissu adipeux, ces cellules semblent ne pas s’y cantonner et migrent vers le système lymphatique17.
Principalement constitué de vaisseaux lymphatiques et d’organes lymphoïdes, il contribue, entre autres, à la circulation de nutriments (graisses, fer, glucose, électrolytes, enzymes, hormones) et s’adapte pour apporter une réponse immunitaire efficace. Toutes ces fonctions sont assurées grâce à la circulation d’un liquide laiteux, la lymphe, qui véhicule de nombreuses protéines ainsi que des globules blancs.
Les globules blancs ne semblent pas être les seuls capables de se déplacer dans le système lymphatique. Une étude réalisée par Ortega et al.17 a montré que les ASCs pouvaient effectivement circuler dans le système lymphatique. Que ce soit ex vivo ou in vivo, il semble que les ASCs soient attirées et migrent vers les ganglions lymphatiques activés, zones engagées dans la défense immunitaire. Les cellules souches natives migrent ainsi du tissu adipeux blanc vers le système lymphatique et sont capables d’envahir les nœuds lymphatiques.
La perspective de la migration des cellules souches adipeuses vers d’autres tissus que le tissu adipeux les rend extrêmement attrayantes. En effet, ces cellules possédaient déjà un attrait pour une application en médecine régénératrice. Désormais, il semble qu’elles aient plusieurs facettes et puissent constituer un biomarqueur associé à des mécanismes biologiques non encore expliqués.

Intérêts et enjeux des ASCs

Comme évoqué précédemment, l’usage des ASCs ouvre de nombreuses perspectives dans le domaine de la médecine régénératrice mais pas seulement. De récentes études ont montré leur capacité de migration hors du tissu adipeux au cours de mécanismes biologiques comme celui lié au diabète de type 2. Se pose alors la question de savoir si, en plus d’être d’excellentes candidates pour la régénération tissulaire, ces cellules pourraient constituer un biomarqueur.

Médecine régénératrice

La réparation du corps humain est une problématique existant depuis des centaines d’années. Avec les greffes d’organes, cette idée de réparation du corps humain ne semble pas si éloignée mais n’est pas totalement atteinte. Le rejet du greffon (possible malgré les avancées en immunosuppresseurs) et la limite du nombre d’organes disponibles rendent cette méthode peu attrayante. Pour pallier ces problèmes, plusieurs solutions existent comme l’utilisation de xénogreffes (greffon provenant d’une autre espèce). La xénogreffe permet de pallier le problème du nombre d’organes disponibles mais engendre, en contrepartie, de nouveaux inconvénients, liés à des problèmes immunologiques (rejets très nombreux) qui rendent cette solution bien moins attrayante. L’utilisation de cellules souches embryonnaires permettrait quant à elle d’éviter les problèmes de rejet du greffon. Ces cellules souches sont vectrices de beaucoup d’espoirs mais, comme évoqué précédemment, les risques d’apparition de tératomes ajoutés aux débats autour des questions d’éthique n’ont encore mené à aucun accord quant au statut de l’embryon ou bien sur l’usage qui peut en être fait. L’idéal semble être de reconstruire un tissu à partir des cellules d’un même individu (ce qui n’implique ni rejet, ni utilisation de cellules souches embryonnaires) et de recourir ainsi à une thérapie cellulaire.
La médecine régénératrice par thérapie cellulaire commence en 1963 lorsque McCulloch et Till18 démontrent qu’un tissu endommagé peut être réparé grâce à l’utilisation de cellules souches issues de la moelle osseuse (BMMSCs pour Bone Marrow Mesenchymal Stem Cells). Cette découverte a mené à de nombreuses études et la transplantation de cellules souches hématopoïétiques s’est imposée comme méthode de référence pour le traitement de patients atteints de leucémie ou du cancer du sang. Par la suite, de nouvelles cellules souches issues de divers tissus ont été rencontrées et ont été utilisées dans différentes applications cliniques : traitement des brûlures, greffe osseuse ou encore réparation de la cornée. Ces cellules possèdent de nombreux atouts : production de facteurs de croissance qui permettent de favoriser la viabilité et la prolifération des cellules ou encore l’angiogenèse, régulation de l’apoptose, activité anti-inflammatoire, etc. Désormais, de toutes les Cellules Souches Mésenchymateuses, CSMs, les ASCs semblent être les meilleures candidates pour les thérapies cellulaires. Elles se trouvent en abondance dans le tissu adipeux : par exemple, pour la même quantité de cellules prélevées dans la moelle osseuse et dans le tissu adipeux, le nombre de cellules souches prélevées dans le tissu adipeux est 500 fois supérieur à celui du nombre de cellules souches prélevées dans la moelle osseuse19. De plus, du fait de leur localisation, le prélèvement des ASCs engendre peu d’inconfort et de dommages tissulaires chez le patient. Ces cellules semblent également vieillir moins vite que les cellules souches de la moelle osseuse19–21. Certaines études tendent aussi à montrer que l’âge du donneur n’influence pas les propriétés des ASCs contrairement aux BMMSCs20. Les ASCs présentent par ailleurs d’importants avantages puisqu’elles sont pro-angiogéniquesa, anti-apoptotiques22, anti-inflammatoires23,24, immunomodulatrices25 et empêchent la formation de fibroses24. Les ASCs sont en plus de cela capables de se différencier en types cellulaires des différentes lignées germinales (se référer partie I.1.1) et peuvent ainsi devenir des cellules adipeuses, du cartilage, osseuses (lignée mésodermique). De très nombreux essais cliniques in vitro et in vivo, impliquant les ASCs, ont enfin été réalisés sur des animaux et/ou des humains. Ces essais portent entre autres sur la régénération des os, la reconstruction mammaire, la régénération cardiovasculaire et du myocarde et montrent des résultats prometteurs bien qu’en étant, pour la plupart, encore au stade expérimental.

Vers la découverte d’un biomarqueur ?

Bien que très éloigné du contexte de la médecine régénératrice, le contexte du désordre métabolique et en particulier du diabète implique de manière inattendue les cellules souches adipeuses.
Le diabète est une maladie chronique caractérisée par un taux important de sucre dans le sang (hyperglycémie). D’ordinaire, le sucre, grâce à l’insuline produite par le pancréas, est déplacé depuis la circulation sanguine vers les muscles, le tissu adipeux, etc. Dans le cas de patients atteints de diabète, le sucre reste dans la circulation sanguine, ce qui peut être dû au fait que le pancréas ne produit pas assez d’insuline ou bien que les cellules ne répondent pas correctement à l’insuline ou bien les deux. Plus particulièrement, dans le cas du diabète de type I, qui touche environ 6 % des diabétiques, le corps produit peu voire pas du tout d’insuline. Dans le cas du diabète de type II (DT2), qui touche 92 % des diabétiques, les patients sont insulino-résistants : le corps ne réagit plus correctement à l’insuline perturbant alors le fonctionnement du pancréas qui ne produit plus assez d’insuline.
Cette maladie est extrêmement grave car elle cause dysfonctionnements et défaillances d’organes. Le diabète multiplie par 2 ou 3 le risque chez l’adulte de développer des accidents a Angiogenèse : Processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants cardiaques ou vasculaires cérébraux26, est associé à la neuropathie qui peut conduire à des amputations, peut conduire à la cécité, etc. Parmi les organes impactés, le foie est celui qui entraine le plus de complications : les risques de cirrhoses, de fibroses27 ou de cancers augmentent fortement chez les patients atteints du DT2. Cette maladie est d’autant plus grave qu’elle est en pleine progression, ce qui est confirmé par les données rassemblées par l’OMS. En effet, ces dernières indiquent que le diabète est en pleine progression et qu’il touchera près de 511 millions de personnes dans le monde d’ici 2030 alors qu’il en touchait 422 millions en 2014 et qu’il n’en touchait que 108 millions en 1980. L’OMS prévoit d’ailleurs que cette maladie devienne la 7ème cause de décès d’ici 2030 dans le monde. Il apparait alors indispensable de comprendre plus précisément les mécanismes associés au diabète pour prévenir, effectuer des diagnostics précoces de cette maladie et enrayer un tel phénomène.
De nombreux travaux ont porté sur la compréhension des mécanismes associés au diabète et ont montré que la présence de lipides ectopiques dans de nombreux tissus comme le foie, le poumon ou encore les muscles squelettiques a un impact néfaste sur le métabolisme28–31. Le dépôt lipidique ectopique est ainsi désormais associé à des désordres métaboliques tels que le diabète de type 229.
C’est dans ce contexte que s’est positionnée l’étude réalisée par Girousse et al.32. Cette étude prouve que, dans le cas de souris soumises à un régime alimentaire riche en graisses, le tissu adipeux sous-cutané (ScAT) est capable de libérer des progéniteurs adipeux, autrement dit, les cellules souches adipeuses, qui migrent vers le muscle pour former des adipocytes ectopiques. Pour prouver cela, deux types d’expériences ont été menées en parallèle. Dans un premier temps, les chercheurs ont activé la migration des progéniteurs adipeux depuis le ScAT en ciblant pharmacologiquement le système qui maintient ancrées les cellules dans le tissu adipeux. La libération des progéniteurs a conduit à la formation d’adipocytes ectopiques dans le tissu musculaire squelettique. En parallèle, les chercheurs ont empêché la migration des progéniteurs adipeux depuis le ScAT en utilisant un traitement antidiabétique qui empêche les progéniteurs de se détacher du tissu adipeux et qui limite leurs capacités migratoires (principe schématisé en Figure I- 3). Cette étude montre ainsi qu’il existe une migration des progéniteurs des adipocytes vers les muscles squelettiques. Bien que les mécanismes associés à cette migration soient encore inconnus, cette étude ouvre la perspective de considérer les progéniteurs des adipocytes comme des biomarqueurs des maladies métaboliques dont le DT2.

Méthodes actuelles de séparation

Actuellement, différentes méthodes d’isolement et de caractérisation des cellules souches adipeuses existent. Ces démarches n’ont pas vocation à démontrer la présence des ASCs dans le sang et sont utilisées afin d’extraire les cellules du tissu adipeux dans le but de les réutiliser lors d’une opération chirurgicale ou tout simplement de les étudier. Cette partie présente ces méthodes.

Critère de séparation

Il n’est à ce jour pas encore évident de distinguer, à partir d’un échantillon biologique complexe, les différents types cellulaires selon leurs propriétés morphologiques et/ou fonctionnelles. Cependant, les cellules ont la propriété d’exprimer à leur surface un grand nombre de molécules pouvant être utilisées comme marqueurs pour leur identification. Dans ce cas, la méthode est appelée « identification immunophénotypique ».
Rappelons que la membrane d’une cellule est constituée d’une double couche phospholipidique dans laquelle s’insèrent, de manières asymétrique et inhomogène, des protéines membranaires et autres structures, comme présenté en Figure I- 4. Les protéines membranaires ont des rôles variés : fonctions structurales, activités enzymatiques, moteurs moléculaires, etc. Elles peuvent également avoir des fonctions spécifiques comme les glycoprotéines qui jouent un rôle dans la reconnaissance intercellulaire. Une certaine catégorie de glycoprotéines, les clusters de différenciation, sera plus particulièrement présentée dans cette partie.
De l’anglais cluster of differentiation (CD), les clusters ou classes de différenciation ont été introduits lors de la première conférence internationale, en 1982 à Paris, sur les antigènes pour la différenciation des leucocytes humains (Human Leukocyte Differentiation Antigens)45. Ce système de différenciation avait, à ce moment, pour but de classer les différents anticorps monoclonaux destinés contre les épitopesc des leucocytes. Depuis, les CD sont utilisés pour tous les types cellulaires.
Les populations de cellules sont désignées par la combinaison d’un CD et d’un symbole « + » ou « – » indiquant si les cellules possèdent ou non l’épitope visé. Par exemple, « CD45+, CD31- » : la cellule exprime le CD45 mais pas le CD31.

Isolement

Alors que la méthode de prélèvement du tissu adipeux met d’accord tous les scientifiques, le protocole d’isolement, pour sa part, divise. A ce jour, il n’existe pas de protocole standard pour isoler les ASCs. Toutefois, la méthode décrite par Zuk et al.6, basée sur la digestion enzymatique, est la plus utilisée. Le protocole développé implique le rinçage du tissu adipeux fraîchement aspiré (par liposuccion) dans du PBS (Phosphate Buffer Saline) stérile, suivi d’une digestion enzymatique (avec de la collagénase) et d’une élimination des globules rouges (lyse cellulaire). C’est sur cette méthode qu’est basé le protocole d’isolement des ASCs utilisé au STROMAlab17,32 et dont les étapes sont schématisées en Figure I- 5. Bien qu’efficace, cette méthode est complexe, coûteuse, chronophage et présente plusieurs inconvénients. En effet, elle nécessite des produits qui peuvent altérer la viabilité des cellules (notamment la collagénase), qui peuvent impliquer des inflammations (réponse du complément – détail p32
– par action de la collagénase) et qui nécessite également une greffe xénogénique (les produits utilisés proviennent d’animaux). La digestion enzymatique semble ainsi être plus adaptée à des essais en laboratoire qu’à des essais cliniques bien que des essais cliniques aient été effectués en suivant ce protocole46.
Des alternatives à la digestion enzymatique, plus adaptées aux applications cliniques et n’impliquant pas l’utilisation de la collagénase, existent. Ces alternatives, basées sur des propriétés mécaniques, sont la décantation (sédimentation du fait de la gravité), la centrifugation et la filtration47.
Quelle que soit la méthode employée, les temps d’isolement sont relativement longs. Raposio et al.48 font état d’une méthode d’isolement considérée rapide et testée en clinique, lors d’une reconstruction de tissu humain. L’isolement d’ASCs s’est fait à partir de 100 ml de c Épitope = Aussi appelé déterminant antigénique, l’épitope correspond à la partie du gène reconnue par le tissu adipeux, obtenu à partir de lipoaspiration, en 80 minutes minimum (maximum en 2 h) pour une durée totale de l’opération de 2 h (dans le cas où aucun problème ne survient durant les différentes étapes de l’opération).
Figure I- 5 : Protocole d’isolement des ASCs – Le tissu adipeux collecté est découpé mécaniquement puis digéré dans de la collagénase pour supprimer la matrice extracellulaire et libérer les cellules. Une centrifugation permet ensuite de séparer les adipocytes de tous les autres types cellulaires qui se rassemblent dans le culot. Ce dernier correspond à la SVF (Fraction Stroma Vasculaire ou Stromal Vascular Fraction) qui est composée d’ASCs, de cellules épithéliales et de cellules hématopoïétiques. L’aspiration du surnageant permet d’isoler le culot contenant la SVF. Les érythrocytes sont ensuite éliminés par remise en suspension du culot dans un tampon de lyse des globules rouges. L’échantillon est enfin filtré avant d’être remis en culture ou réinjecté32
Bien que plusieurs méthodes d’isolement existent et qu’elles soient déjà utilisées dans des applications cliniques, il semble que des progrès peuvent et doivent être faits pour isoler de manière efficiente (plus rapide, moins coûteuse, sans produit impactant la viabilité cellulaire, etc.) les cellules souches du tissu adipeux.

Caractérisation et purification

La cytométrie en flux est une technique de comptage, de tri et de caractérisation de particules en suspension dans un fluide passant devant un faisceau lumineux (laser ou lampe à arc). Les applications de cette technique sont nombreuses : diagnostic et suivi thérapeutique de différentes affections, détection de cellules pathologiques, suivi du cycle cellulaire, etc. Plus précisément, cette méthode permet d’analyser individuellement chaque cellule contenue dans un échantillon biologique complexe, d’en déterminer les caractéristiques physiques et propriétés fluorescentes et de les séparer. La cytométrie en flux est très largement utilisée dans les laboratoires de recherche pour séparer les populations de cellules et en déterminer les propriétés.
Figure I- 6 : Résultat d’une analyse d’un échantillon sanguin (globules rouges lysés, seuls les globules blancs restent) par cytométrie en flux (FACS) – a) Schématisation de la caractérisation de la granularité d’une cellule par le Side Scatter – b) Schématisation de la caractérisation de la taille des cellules par le Forward Scatter, déterminée en fonction de la diffusion de la lumière – c) Graphique obtenu après analyse FACS : en axe des abscisses, le Forward Scatter et en ordonnée, le Side Scatter. Les différentes populations sont rassemblées selon leurs propriétés de taille et de granularité. Trois populations de globules blancs : les lymphocytes (en rouge), les monocytes (en bleu) et les granulocytes (en orange) sont distinctes sur ce graphique
Le cytomètre comporte une chambre de flux éclairée par un rayon laser devant lequel les cellules passent une à une. Il est possible de mesurer directement et sans marquage deux caractéristiques des cellules :
– La taille : lorsqu’une cellule passe devant le laser, la lumière diffuse. La diffusion frontale du faisceau incident indique la taille de la cellule. Plus la cellule est grosse, plus la diffusion du rayon, dans son axe, est grande (Figure I- 6- c). Ce paramètre est analysé par le Forward Scatter (FSC).
– La granularité : la diffusion latérale indique la granularité de la cellule. Plus une cellule est complexe, granuleuse, plus la diffraction du rayon observée latéralement est grande (Figure I- 6- b). Ce paramètre est analysé par le Side Scatter (SSC).
La caractérisation des cellules peut être rendue plus précise via l’utilisation de marqueurs fluorescents (nécessite de recourir au FACS : Fluorescent Activated Cell Sorter). Les marqueurs fluorescents sont alors fixés à des anticorps (le plus souvent monoclonaux) qui vont se lier aux antigènes qu’ils ciblent.
Toutes les données lumineuses sont alors transformées en données numériques grâce à des photodiodes (FSC) et des photomultiplicateurs (SSC). L’afficheur numérique produit un graphique avec les caractéristiques choisies. Il est possible, par exemple, d’afficher la granularité en fonction de la taille (Figure I- 6- c), chaque point correspondant à un événement cellulaire.
Il est ainsi possible de caractériser et isoler les ASCs grâce au FACS et ce, en marquant les différents types cellulaires via des anticorps rattachés à une molécule fluorescente. Dans le cas spécifique des ASCs, cette méthode présente des limites dans le sens où des éléments autres que des ASCs peuvent être ciblés. En effet, les ASCs ne présentant pas d’antigène spécifique, les antigènes ciblés sur ces cellules pourront correspondre à ceux d’autres types cellulaires.
De manière générale, cette technique offre la possibilité d’analyser un grand nombre de cellules en un temps relativement court (au minimum 900 éléments par seconde), conférant à la technique une robustesse statistique intéressante. Cependant, cet outil possède de nombreux inconvénients. Très coûteuse et imposante, la machine peut générer des ensembles de données complexes, de nombreuses difficultés de manipulation peuvent survenir entrainant la nécessité de faire appel à un personnel qualifié. Les volumes traités étant très faibles, l’isolement de cellules à des fins chirurgicales (réinjections de cellules par exemple) apparait impossible. De plus, utiliser cet outil pour isoler les ASCs à partir du sang n’est pas réaliste car ce sont des événements rares. En effet, le marquage de toutes les cellules (globules rouges, globules blancs, etc.) est très coûteux et surtout, n’est pas garanti. Il existe également le risque que des cellules autres que les ASCs mais présentant l’antigène ciblé soient considérées comme des ASCs, ce qui fausserait les conclusions sur la composition de l’échantillon d’intérêt. Enfin, l’inconvénient majeur réside dans le fait que les cellules doivent être marquées pour être triées, en faisant alors un outil destiné à la détection plutôt qu’à l’isolement pour une future utilisation.

Résumé et objectifs liés aux cellules souches adipeuses

En plus d’être apte à stocker de l’énergie, le tissu adipeux possède d’autres qualités. Il est désormais connu pour participer à un réseau complexe d’interactions entre les systèmes endocrinien, nerveux et cardiovasculaire et est également connu pour être une source riche de cellules souches multipotentes : les cellules souches adipeuses (ASCs). Ces dernières sont des cellules souches présentes au stade adulte, localisées, en abondance, dans le tissu adipeux. Les ASCs sont devenues populaires dans les thérapies cellulaires du fait de leur capacité de différenciation, de leur haute capacité à proliférer, de leur faible immunogénicité, de leur localisation (faciles à obtenir via un prélèvement peu invasif) et surtout de par leur activité de sécrétion.
Plusieurs travaux montrent que des progéniteurs adipeux (ASCs) migrent depuis le tissu adipeux sous-cutané (ScAT) vers d’autres tissus comme le tissu musculaire squelettique et participent au développement d’adipocytes ectopiques, à l’origine de l’apparition de désordres métaboliques comme le DT2. Le tissu adipeux et en particulier les ASCs semblent donc être au cœur de nombreux mécanismes et ouvrent des perspectives prometteuses pour le diagnostic voire le pronostic de nombreux désordres métaboliques.
Un obstacle persiste toutefois. Bien que la circulation des ASCs ait été démontrée dans la lymphe, leur mode de migration dans les tissus reste encore mal compris. L’objectif de cette étude est donc de développer un dispositif capable de déterminer si les ASCs circulent effectivement dans le sang. Ce dispositif devra ainsi être capable de collecter des cellules rares et ce, dans le but final de réaliser des diagnostics voire des pronostics du diabète de type 2. L’objectif subsidiaire est d’obtenir des cellules viables, dont les propriétés fonctionnelles n’ont pas été impactées afin de pouvoir les utiliser dans le cadre de la régénération des tissus.
Comme présenté dans cette première partie, les méthodes actuellement utilisées pour isoler les ASCs, aussi bien dans les salles d’opérations qu’en laboratoire de recherche, présentent de nombreux inconvénients. Ces méthodes impliquent des temps d’isolement longs, sont laborieuses, ne conduisent pas à l’obtention d’un échantillon pur (ASCs mélangées à d’autres types cellulaires) et peuvent affecter l’intégrité et les propriétés des cellules d’intérêt.
La suite de cette thèse présente la stratégie que nous avons adoptée afin d’isoler les ASCs tout en faisant appel aux outils microfluidiques adaptés pour l’isolement de cellules. Il est important de préciser à ce stade que les propriétés physiques des ASCs sont méconnues mais que l’hypothèse d’un diamètre compris entre 30 et 40 µm est faite. De plus, les propriétés biologiques ne permettent pas de distinguer les ASCs des autres types cellulaires (aucun marqueur membranaire spécifique). C’est dans ce contexte que nous avons établi notre stratégie de tri.

La microfluidique au service du tri cellulaire

La microfluidique, science se situant à la croisée de nombreux domaines : physique, chimie, ingénierie et biologie, se base sur l’étude des fluides à l’échelle micrométrique. Le contrôle des fluides à cette échelle offre la possibilité de travailler plus vite, avec des dispositifs moins volumineux, moins coûteux et dans un environnement plus propre et sûr. Les systèmes microfluidiques qui en découlent, constitués de nombreux éléments miniaturisés, permettent d’étudier et d’analyser des échantillons chimiques et biologiques.
En biologie, en particulier, ces outils permettent de réaliser des expériences à l’échelle de la cellule, de comprendre les interactions entre les différents éléments du corps (entre les cellules, entre les cellules et leur environnement, etc.), de réduire les volumes utilisés, d’améliorer la précision et la rapidité des diagnostics, etc. Ces outils ouvrent ainsi de grandes perspectives dans l’étude des cellules souches adipeuses : l’isolement de ces cellules quel que soit leur milieu biologique d’origine et la démonstration de leur présence dans le sang semblent être à portée de main.
Les méthodes qui existent pour isoler les cellules sont nombreuses, variées et se basent sur différents critères (biologiques, physiques, chimiques, etc.). Nous avons choisi d’orienter notre étude autour de méthodes de séparation de cellules rares, cas le plus critique pour l’isolement de cellules souches adipeuses. Nous avons plus particulièrement pris appui sur les travaux réalisés autour des cellules tumorales cancéreuses (CTCs). Brièvement, ces cellules constituent des biomarqueurs des cancers et sont des cellules rares puisque présentes en très faible proportion dans le sang.
Les méthodes détaillées dans le paragraphe suivant se basent ainsi sur les travaux réalisés pour isoler les CTCs49 et sont classées selon le principe d’isolement : physique ou biologique.

Méthodes sans marquage

Les méthodes de séparation basées sur les propriétés physiques peuvent être divisées en deux catégories : les méthodes actives et les méthodes passives. Les méthodes actives nécessitent l’utilisation d’un champ extérieur alors que les méthodes passives ne dépendent que des propriétés intrinsèques des éléments étudiés.

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Table des matières

Chapitre I Isolement des cellules souches adipeuses : État de l’art et positionnement du problème 
I.1 Les cellules souches
Qu’appelle-t-on cellule souche ?
Origine des cellules souches
Intérêts et enjeux des cellules souches
I.2 Focalisation sur les cellules souches adipeuses (ASCs)
Localisation des ASCs
Intérêts et enjeux des ASCs
Les ASCs circulent-elles dans le sang ?
Méthodes actuelles de séparation
Résumé et objectifs liés aux cellules souches adipeuses
I.3 La microfluidique au service du tri cellulaire
Méthodes sans marquage
Méthodes immunologiques
Combinaison des méthodes
Résumé et objectifs liés au développement du dispositif de tri
I.4 Techniques de fabrication des laboratoires sur puce
Fabrication par photolithographie (lithographie optique)
Fabrication par lithographie dure
Fabrication par lithographie douce
Fabrication par laminage
Méthode par impression 3D
Résumé
I.5 Positionnement du problème et objectifs de thèse
Détermination du diamètre des ASCs
Bilan et objectifs de la thèse
II Chapitre II Introduction au module de filtration hydrodynamique
II.1 Prétraitement de l’échantillon par filtration hydrodynamique
Théorie et principe
Dimensionner des puces microfluidiques
II.2 Microfabrication des dispositifs
Contraintes liées aux outils d’observation
Fabrication des dispositifs microfluidiques par laminages successifs de films secs
de résine
Optimisation du procédé de fabrication : fermeture des structures fluidiques par
un capot en verre
Procédé de fabrication final
II.3 Protocoles de préparation d’échantillons
Préparation des échantillons
Marquage cellulaire
II.4 Conclusion
III Chapitre III Préconcentration de cellules souches adipeuses circulantes par filtration hydrodynamique
III.1 Développement d’un dispositif fonctionnel et vérification du principe de fonctionnement
Première version du dispositif
Caractérisation, optimisation et validation des dispositifs
III.2 Développement d’un dispositif fonctionnel
Optimisation du design par simulation
Caractéristiques du nouveau dispositif
Validation expérimentale : échantillons synthétiques
Validation expérimentale : échantillons biologiques
Bilan
III.3 Vérification de l’hypothèse de margination des globules blancs
Présentation rapide du phénomène de margination
Analyse de l’impact de la margination sur la filtration
Bilan
III.4 Vérification de l’hypothèse de saturation des canaux latéraux
Dimensionnement d’un dispositif à 100 canalisations latérales
Analyse qualitative de la filtration
Analyse quantitative de la filtration : détermination des taux de filtration
Vérification par analyse FACS des espèces cellulaires en présence après filtration .
Sensibilité du dispositif
Bilan
III.5 Conclusion et perspectives
IV Chapitre IV Exclusion immunologique des cellules hématopoïétiques : Isolement complet des cellules souches adipeuses
IV.1 Exclusion immunologique des cellules hématopoïétiques par cell rolling
Origine du cell rolling
Choix des anticorps adaptés à l’exclusion des cellules hématopoïétiques
IV.2 Fabrication des dispositifs microfluidiques : particularité du second module
IV.3 Fonctionnalisation de surface
Fonctionnalisation de surface : protocole générique
Protocole de fonctionnalisation
Bilan
IV.4 Optimisation du protocole de fonctionnalisation de surface par analyse d’interactions moléculaires via la résonance de plasmons de surface
Optimisation des paramètres de greffage des anticorps anti-CD45
Optimisation du protocole de fonctionnalisation de surface par analyse en fluorescence
IV.5 Ouverture vers le cell rolling
Cell rolling en SPRi
Bilan
IV.6 Conclusion et perspectives
Conclusion générale
Annexes

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