Impulsions laser femtosecondes ultra intenses
Oscillateur femtoseconde
Dans un oscillateur laser, si le matériau amplificateur possède une large bande spectrale de gain, ce qui est indispensable pour l’obtention d’impulsions ultra courtes, plusieurs modes longitudinaux peuvent coexister dans la cavité. Si ces modes ne sont pas liés par une relation de phase, ils oscillent indépendamment les uns des autres. Le faisceau laser émis est donc multimode et continu. Le régime impulsionnel résulte d’une mise en phase de ces modes, c’est le blocage de modes (mode-locking). Pour réaliser ce blocage de modes, on introduit dans la cavité un élément qui module les pertes, c’est-à-dire qui devient transparent avec les hautes intensités et favorise donc le régime impulsionnel, plus intense que le régime continu. Pour les oscillateurs à cristaux de Ti :Sa, c’est l’effet Kerr optique qui joue ce rôle. En effet, si l’intensité dans la cavité augmente, une lentille de Kerr s’établit dans le cristal, qui modifie la divergence du laser dans la cavité. Traditionnellement, une fente à sélection spatiale peut favoriser le mode correspondant au régime impulsionnel. Celui-ci, subissant alors moins de pertes dans la cavité, peut s’établir durablement. Il est aussi possible de modifier la cavité oscillante pour déstabiliser le mode continu et favoriser le régime impulsionnel.
Une fois cette condition réalisée, il faut également compenser la dispersion de vitesse de groupe introduite par les éléments traversés, essentiellement le cristal. Des miroirs « chirpés » ou une ligne à prismes, usuellement en silice, peuvent remplir cette fonction.
Etireur et compresseur
Le principe pour étirer temporellement l’impulsion est de différencier le chemin optique parcouru pour chacune des longueurs d’onde composant le spectre de l’impulsion. Si la dispersion entre ces longueurs d’onde est positive, cela signifie que les courtes longueurs d’onde parcourent dans l’étireur un chemin optique plus bref. La durée de l’impulsion est ainsi allongée, jusqu’à quelques centaines de picosecondes. A ce déphasage correspond une phase spectrale, c’est en première approximation une fonction quadratique de la fréquence. Un étireur à réseaux est à même d’introduire ce type de dispersion. Par exemple, l’étireur à triplet de Öffner, composé d’un réseau de diffraction et de miroirs, est couramment employé car il introduit un minimum d’aberrations et de distorsions [1.4]. La propagation dans la chaîne amplificatrice ajoute également de la dispersion positive, qui accroît l’écart temporel entre les longueurs d’onde. En fin de chaîne, la compression de l’impulsion est réalisée grâce à deux réseaux parallèles qui introduisent une dispersion négative, compensant la phase spectrale de l’étireur et celle induite par la propagation dans la chaîne.
Amplificateurs
L’augmentation massive de l’énergie de l’impulsion étirée a lieu par plusieurs passages dans des étages d’amplification, dont le milieu à gain est pompé optiquement par des lasers impulsionnels de durée nanoseconde. Plusieurs étages sont nécessaires. Pour chacun d’entre eux, la taille du faisceau est choisie en fonction de son énergie, pour conserver la valeur de l’intensité crête. Le premier étage est un « amplificateur à gain » (pré-amplificateur). En sortie, l’énergie de l’impulsion a été amplifiée d’un facteur un million passant, grâce à ces amplificateurs à fort gain, du nanojoule au millijoule. Les amplificateurs suivants, dits « de puissance », présentent des gains plus faibles (10 à 200). Il existe en outre deux types d’amplificateurs : l’amplificateur régénératif et l’amplificateur multi-passages. L’amplificateur régénératif est un résonateur où l’impulsion est injectée et éjectée après amplification grâce à des polariseurs et par commutation d’une cellule de Pockels (fig. 1.4(a)). L’impulsion a alors traversé plusieurs dizaines de fois le cristal. Un grand nombre de passages (≈30) est nécessaire. Ceci est l’inconvénient majeur de ce type d’amplificateur car chaque passage introduit des pertes, de la dispersion, et contribue au rétrécissement spectral par le gain. Les éléments polarisants sont aussi à l’origine d’impulsions parasites. Par contre la qualité spatiale du faisceau est excellente. Un amplificateur régénératif est utilisé comme pré-amplificateur.
L’amplificateur multi-passages est composé de plusieurs miroirs qui permettent à l’impulsion de passer plusieurs fois par le cristal, au maximum 10 fois pour un pré amplificateur, 4 ou 5 fois pour un amplificateur de puissance (fig. 1.4(b)). Cet amplificateur nécessite moins de passages et moins d’éléments optiques. Cependant, de grandes précautions doivent être prises pour conserver au faisceau une bonne qualité spatiale.
Contraste temporel d’une impulsion femtoseconde
L’ambition actuelle du développement des lasers femtosecondes est l’augmentation de l’intensité crête pour ouvrir des voies nouvelles de recherche dans le domaine des interactions lasermatière. L’un des verrous limitant le développement de telles sources est le problème du contraste temporel de l’impulsion femtoseconde.
Définition et enjeux
Définition du contraste temporel
Dans les interactions laser-plasma actuelles, l’impulsion femtoseconde de puissance crête plusieurs centaines de térawatt [1.5, 1.8] atteint sur cible des intensités de l’ordre de 10²¹ Wcm-2 [1.9], voire 10²² Wcm-2 [1.10]. Ces intensités étant considérables, il est nécessaire de caractériser et contrôler le profil temporel en intensité des impulsions sur une grande dynamique (10 ou 12 ordres de grandeur). Les défauts de l’allure temporelle sont évalués par comparaison avec une impulsion idéale, qui serait de durée femtoseconde sur une dynamique infinie.
En réalité, lorsque l’on caractérise, sur une échelle de temps de plusieurs dizaines de picosecondes et sur une grande dynamique, le profil temporel d’une impulsion en fin de chaîne, ce profil présente de nombreux défauts par rapport à une impulsion idéale .
L’impulsion femtoseconde est accompagnée d’impulsions parasites, générées tout au long de l’amplification. Ces impulsions satellites, dont l’intensité normalisée par rapport à celle de l’impulsion principale peut atteindre 10⁻³, résultent notamment du taux d’extinction fini des polariseurs, du mauvais alignement des matériaux biréfringents, etc.…. De plus, la compression temporelle n’étant jamais parfaite, les défauts de phase résiduels d’ordres supérieurs à deux détériorent le front de montée de l’impulsion, dont les flancs sont moins raides, sur une durée de quelques picosecondes autour du pic principal [1.11]. C’est le contraste cohérent. Enfin, et surtout, l’impulsion est accompagnée d’un piédestal d’émission spontanée amplifiée, de durée nanoseconde, incohérent, généré et amplifié dans la chaîne laser. En effet, dans les amplificateurs, la durée des impulsions de pompe (10 ns) est largement supérieure à celle de l’impulsion à amplifier. La fluorescence émise spontanément par le cristal sous l’effet de la pompe est multidirectionnelle. Toutefois, une partie de cette fluorescence suit dans le cristal le volume de pompe, et parcourt dans la cavité amplificatrice le même trajet que le signal, elle est donc amplifiée. L’ASE (Amplified Spontaneous Emission) est la principale source de bruit dans la chaîne laser et atteint classiquement pour un laser classique 100 TW une intensité relative de 10⁻⁷ par rapport à l’intensité de l’impulsion femtoseconde.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Introduction au contraste temporel d’impulsions femtosecondes
1. Impulsions laser femtosecondes ultra intenses
1.1. Notions sur les impulsions brèves
1.2. Amplification à dérive de fréquences
2. Contraste temporel d’une impulsion femtoseconde
2.1. Définition et enjeux
2.2. Contrat SHARP pour l’amélioration du contraste : mesure et état de l’art
3. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 2 : Non-linéarités d’ordre trois
1. Modifications de la polarisation dans un milieu non linéaire
1.1. Hypothèses
1.2. Modifications de la polarisation dans un milieu isotrope
1.3. Modifications de la polarisation dans un milieu cristallin anisotrope
2. Automodulation de phase et autofocalisation
2.1. Automodulation de phase
2.2. Autofocalisation
Bibliographie
Chapitre 3 : Rotation non linéaire de polarisation elliptique dans l’air
1. Description du dispositif expérimental de filtrage non linéaire
1.1. Caractérisation de la source
1.2. Montage expérimental
1.3. Modèle théorique associé au filtre non linéaire
1.4. Conclusion
2. Influence de la phase spectrale sur l’efficacité du filtre
2.1. Contrôle de la phase spectrale
2.2. Influence de la phase spectrale du deuxième ordre
2.3. Influence de la phase spectrale du troisième ordre
2.4. Conclusion
3. Caractérisation de l’impulsion initiale et de l’impulsion filtrée
3.1. Configuration retenue : caractérisation de l’impulsion initiale
3.2. Amélioration du contraste temporel : corrélation grande dynamique
3.3. Caractérisation spatiale de l’impulsion filtrée
3.4. Caractérisation spectrale de l’impulsion filtrée
4. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4: Génération d’onde polarisée orthogonalement dans des cristaux non linéaires
1. Introduction au processus de génération de polarisation croisée
1.1. Modèle théorique « simplifié »
1.2. Résultats expérimentaux préliminaires
1.3. Intérêts du processus XPW pour le filtrage non linéaire
2. Efficacité de conversion du processus XPW
2.1. Modèle théorique complet : cas d’une onde plane
2.2. Efficacité effective
2.3. Limites expérimentales de l’efficacité de conversion XPW (un cristal)
2.4. Dispositif XPW incluant deux cristaux : amélioration de l’efficacité de conversion
3. Estimation de l’amélioration du contraste
4. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5 : Génération de polarisation croisée et rotation de polarisation elliptique dans des cristaux
1. Introduction : description du dispositif expérimental
2. Modèle théorique
2.1. Rappel des équations de propagation des champs
2.2. Quelques résultats des simulations
2.3. Conclusion
3. Résultats expérimentaux
3.1. Polarisation elliptique : mise en évidence de la rotation de l’ellipse
3.2. Polarisation elliptique ou linéaire : comparaison de l’efficacité de transmission
3.3. Automodulation de phase
4. Conclusion : application au filtrage temporel
Conclusion
Télécharger le rapport complet