L’or, un métal précieux
L’or est un métal précieux qui a toujours fasciné les hommes. Il a longtemps été exploité pour ses caractéristiques physiques remarquables, purement liées à son apparence. Sa couleur, sa brillance ainsi que sa malléabilité et son inertie chimique relative en ont fait un métal de choix pour façonner des objets de grande valeur. Dans l’Histoire, on le retrouve principalement comme matière première des bijoux, des parures et des pièces de monnaie, preuve de la valeur qu’on lui attribue, principalement liée à sa relative rareté. En 2010, on considère que 166 000 tonnes d’or ont été extraites à travers le monde depuis le début de l’extraction minière de ce métal. Cela correspond à un cube de seulement 20 mètres d’arête.
De nos jours, l’or est très fortement exploité dans divers domaines. Il reste le constituant principal des bijoux, sous forme d’alliages divers avec d’autres métaux de valeur comme l’argent, le cuivre, l’aluminium, le nickel ou le palladium, pour modifier sa couleur ou le rendre plus dur. Jusqu’en 1971, date qui marque la fin des accords de Bretton Woods, l’or était la référence monétaire internationale. Depuis, les grandes puissances économiques conservent une réserve importante d’or, ce qui permet une relative stabilité monétaire. C’est également un matériau de choix. On utilise en effet la faible conductivité thermique de l’or pour préparer des matériaux résistant à la chaleur, en particulier dans les industries aéronautique et aérospatiale. L’or est également un métal important en électronique. Son excellente conductivité électrique et sa résistance à la corrosion sont mises à profit dans de nombreux composants. Quelques autres applications minoritaires existent également en médecine ou dans l’industrie alimentaire, par exemple.
L’or et la chimie
L’or a très longtemps souffert d’une mauvaise réputation en chimie, du fait de son inertie chimique à l’état d’oxydation (0) et des préjugés liés à sa relative rareté et son prix de plus en plus élevé. La chimie de l’or a très longtemps été délaissée, au profit de celle des autres métaux de transition comme le palladium, le ruthénium, le rhodium, le platine ou l’iridium, pour ne citer que les plus courants. Pourtant, nombre de ces métaux sont d’une rareté et d’un prix comparables à ceux de l’or Dès lors, les arguments avancés contre l’utilisation de l’or ne sont plus recevables, et son utilisation en catalyse est envisageable.
S’il est vrai que l’or sous sa forme métallique est très stable, il est cependant possible de l’oxyder en or (III) en utilisant une solution de cyanures, de l’eau régale (un mélange d’acides chlorhydrique et nitrique capable d’oxyder quasiment tous les métaux en leurs chlorures métalliques), ou dans une moindre mesure, des ions triiodures très corrosifs. Les propriétés particulières de l’or ont permis de développer des procédés de séparation et de purification simples tels que l’extraction par le mercure dans lequel il est soluble (sans y être réactif). De plus, il est stable dans les acides sulfurique, chlorhydrique et nitrique purs, ce qui n’est pas le cas de l’argent, par exemple.
Ce n’est que dans les années 1970 que commence l’essor de la chimie de l’or. L’utilisation industrielle de procédés de catalyse hétérogène pour l’oxydation du monoxyde de carbone en dioxyde de carbone ou encore la formation du chlorure de vinyle à partir de l’acétylène (très important en tant que monomère pour la synthèse du PVC) ont déclenché l’ascension fulgurante de la catalyse à l’or .
Aujourd’hui encore, les nanoparticules d’or continuent de concurrencer les silicones dans le domaine de la catalyse hétérogène, tant en ce qui concerne les recherches qui sont menées que les applications.
Depuis les années 2000, c’est la catalyse homogène à l’or qui connaît une croissance importante, donnant lieu à un nombre impressionnant de publications qui constituent une avancée considérable sur la compréhension de l’activité de ce métal et des possibilités qu’il offre. Ces dix dernières années peuvent être qualifiées de deuxième Ruée Vers l’Or, tellement il est impossible de passer une semaine sans voir sortir un « hot paper » concernant la catalyse à l’or.
La catalyse homogène présente de nombreux avantages, par rapport à la catalyse hétérogène. Elle permet de s’affranchir des problèmes liés au processus d’adsorption/désorption en surface du catalyseur hétérogène. En effet, les propriétés de surface de tels catalyseurs (taille des particules, surface de contact, etc.) sont primordiales pour la reproductibilité des réactions. Les conditions de réaction utilisées sont plus douces (température, pression, etc…) et permettent d’obtenir d’excellentes sélectivités et tolérances vis-à-vis de nombreux groupements fonctionnels. Les catalyseurs à base d’or sont relativement non toxiques par rapport aux autres métaux et, fait très intéressant, ils sont diamagnétiques, ce qui permet de suivre les réactions de catalyse à l’or par résonance magnétique nucléaire (RMN).
Les complexes d’or
Les complexes d’or (I) ont une configuration électronique [Xe] 4f14 5d10 6s0 et adoptent une géométrie plane, linéaire. L’atome d’or est dicoordiné dans la majorité des cas. L’emploi de ligands est nécessaire pour stabiliser le centre métallique cationique, sans lesquels il se dismute facilement en or (0) et en or (III). L’approche d’un substrat nécessite au préalable la décoordination de l’un des deux ligands du métal. Pour cette raison, on utilise un ligand fortement coordinant (de type phosphine, phosphite ou NHC) et un ligand faiblement coordinant, tel qu’un thioéther ou un nitrile. Cela permet de synthétiser une grande variété de complexes qui sont pour la plupart stables à l’air et peu sensibles à l’eau.
Le sel d’or (I) le plus simple est AuCl. Il existe sous forme polymérique, les atomes de chlore jouant le rôle de ligand µ. L’ajout d’un ligand thioéther permet d’augmenter sa stabilité. C’est sous cette forme qu’il est commercialisé.
Ce thioéther peut être facilement déplacé par un autre ligand plus fortement coordinant pour générer des précatalyseurs de type LAuCl. Les principaux ligands fortement coordinants utilisés sont les suivants:
• Les ligands de type carbène comme les carbènes N-hétérocycliques d’Arduengo (NHC) . Ils donnent au complexe d’or un caractère -accepteur peu prononcé. Ces complexes sont donc peu électrophiles. Cependant, ils sont très σ-donneurs, et permettent donc la stabilisation de carbocations, voire la formation d’intermédiaires de type carbènes d’or.
• Les ligands phosphite et phosphoramidate (Schéma 9). Ils rendent le complexe d’or très électrophile par leur caractère ?-accepteur important. D’un autre côté, le caractère σ donneur est extrêmement limité, ce qui empêche la formation d’intermédiaires de type carbène d’or, ou la stabilisation de carbocations au pied du métal.
• Les phosphines . Elles offrent un bon compromis entre les ligands car elles combinent les caractères ?-accepteur et σ-donneur des complexes. Il en existe de nombreuses. Changer les groupements présents sur l’atome de phosphore permet de moduler l’activité des complexes d’or, soit par effets électroniques, soit par effets stériques.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1: INTRODUCTION A LA CATALYSE HOMOGENE A L’OR
I. Introduction
1. L’or, un métal précieux
2. L’or et la chimie
3. L’or, un métal aux propriétés surprenantes
II. Des complexes plus ou moins complexes
1. Les complexes de l’or (III)
2. Les complexes d’or (I)
III. Réactivité des complexes d’or (I)
1. L’or (I), un ?-acide de Lewis carbophile
2. Réactivité générale
3. Addition nucléophile d’hétéroatomes
4. Utilisation de nucléophiles ambidents
5. Migration de groupements esters
6. Réactions de cycloisomérisation
a. Addition de nucléophiles « classiques »
b. Réactions de cycloisomérisation d’énynes
7. Etapes de démétallation originales
a. Utilisation du Selectfluor
b. Utilisation d’une source d’halogène électrophile
c. Autres sources de déauration
8. Autres types de réactivités
9. Application en synthèse totale
Conclusion
CHAPITRE 2: STRATEGIES DE FONCTIONNALISATION C-H: DE L’ACTIVATION C-H AUX TRANSFERTS D’HYDRURES
I. Principe de l’activation C-H
1. Activation C-H par des complexes de métaux de transition
2. Insertion d’un carbène ou d’un nitrène dans une liaison C-H
3. Fonctionnalisation C-H en présence d’un agent oxydant
4. Réactions de transfert d’hydrogènes
II. Processus d’oxydo-réduction intramoléculaires
1. Séquences de transfert d’hydrure / cyclisation sur des accepteurs 1,4
2. Séquences de transfert d’hydrure/cyclisation sur des accepteurs 1,2
3. Transfert 1,5 d’hydrure sur un alcyne
Conclusion
CHAPITRE 3: SYNTHESE D’ALLENES PAR TRANSFERT D’HYDRURE 1,5 CATALYSE A L’OR (I)
I. Les allènes
1. Un squelette carboné particulier
2. Synthèses d’allènes décrites dans la littérature
a. Réactions de réarrangement intramoléculaires
b. Réactions d’homologation d’alcynes de type Crabbé
Conclusion
II. Synthèse d’allènes par transfert d’hydrure 1,5 sur un alcyne activé par
un complexe d’or (I)
1. Origine du projet
2. Détermination du système catalytique
3. Préparation d’allènes monosubstitués
4. Etude mécanistique de la réaction
5. Cas des allènes di- et tri-substitués
a. Adaptation du système catalytique
b. Cas particuliers
6. Expériences de compétition
7. Réactions de substitutions réductrices
8. Limitations
III. Synthèse d’un allène à l’échelle du gramme
1. Choix du substrat
2. Modification du système catalytique
3. Résultats
4. Valorisation de l’allène
Conclusion et perspectives
CHAPITRE 4: HYDROFONCTIONNALISATION D’ALLENES PAR TRANSFERT D’HYDRURE
I. Introduction
1. Origine du projet
2. Hydrofonctionnalisation des allènes
II. Utilisation des cycloéthers comme donneurs d’hydrures
1. Etude du système catalytique sur le substrat modèle
2. Mécanisme
3. Changement de la substitution de l’allène
4. Transformations diastéréosélectives
5. Changement du donneur d’hydrure
6. Limitations de la réaction
Conclusion et perspectives
III. Utilisation des éthers benzyliques comme donneurs d’hydrure formel
1. Recherche du système catalytique
2. Mécanisme et diastéréosélectvité
3. Etude de l’étendue de la réaction
4. Limitations de la méthode
Conclusion
IV. Le hasard fait bien les choses
1. Transfert d’hydrure sur les diènes
2. Proposition de mécanisme
3. Transfert d’hydrure sur un alcène
Conclusion
Conclusion Générale
CONCLUSION GENERALE
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