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INTOXICATION ETHYLIQUE AIGUE
DEFINITION
L’intoxication éthylique aigue (IEA) se définit comme l’ensemble des symptômes organique et mental observés par ingestion massive d’alcool dans l’organisme [1, 2].
ÉPIDEMIOLOGIE
L’IEA concerne environ 3 % des admissions dans un centre hospitalier général. Elle concerne avant tout des hommes d’âge moyen. Avec l’âge, leur prévalence décroît mais ne disparaît pas [13,14].
MANIFESTATION CLINIQUE
Les manifestations liées à l’état alcoolique sont dépendantes de nombreux facteurs: congénitaux (susceptibilité génétique, sexe), acquis (âge, poids et composition corporelle, pathologies associées, chronicité de la consommation d’alcool) caractéristiques de la prise d’alcool (type d’alcool, dose d’alcool ingérée, rapidité d’ingestion, température de la boisson, ingestion simultanée de nourriture) [3]. l’ivresse simple qui comporte trois phases distinctes :
o Phase d’excitation psychomotrice avec désinhibition et euphorie,
o Phase d’incoordination avec trouble de la vigilance o Phase comateux l’ivresse pathologique
Ivresse simple
Phase d’excitation psychomotrice avec désinhibition et euphorie
Elle se manifeste quand l’alcoolémie est de l’ordre de 1 à 2 grammes par litre
Elle se traduit par :
les troubles du comportement : le patient est euphorique, bavard. Cependant l’humeur est labile avec période d’assurance, de démonstration de force et de période de tristesse ou d’irritabilité.
les troubles moteurs : elles se traduisent par une maladresse de démarche et dans la parole, dans les mots fins et précis, avec maintien des capacités physiques [1].
Phase d’incoordination avec troubles de la vigilance
Elle est caractérisée par une alcoolémie de 2 à 3 grammes par litre et se révèle par des troubles neurovégétatifs et des troubles de comportement plus nets :
la confusion et la désorientation de discours ; une voix pâteuse et hachée ;
des idées délirantes avec le risque de passage à l’acte ou violences physiques;
une maladresse entrainant des chutes ou une atténuation de la sensibilité [1].
Phase comateux
Définition
Le coma éthylique se définit par une perte totale de la conscience, de la vigilance, de la sensibilité et de la motricité survenant pour des alcoolémies dépassant 3 à 5 grammes par litre [5].
Physiopathologie
L’alcool traverse facilement la barrière hémato-encéphalique permettant un équilibre rapide après l’absorption entre les concentrations sanguines et cérébrales.
En pénétrant dans le cerveau, l’alcool a un effet sur les membranes cellulaires et sur les neurotransmetteurs :
Au niveau membranaire, son insertion dans les couches de phospholipides perturbe la fluidité membranaire et altère le fonctionnement de la cellule de façon dose dépendante. Ces modifications membranaires vont se répercuter sur le fonctionnement des canaux ioniques, des neurotransmetteurs, de leurs récepteurs et des régulateurs de l’expression de gêne. D’autre part, l’oxydation de l’alcool induit la production de radicaux libres qui vont favoriser la désorganisation structurale des membranes cellulaires [15].
Au niveau des neurotransmetteurs, les récepteurs dont les récepteurs glutamatergiques et gabaergiques sont les plus importants, sont perturbés. Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau et ses récepteurs ont un rôle essentiel dans la différenciation neuronale, la plasticité synaptique et dans la mémoire. L’acide gamma-amino-butyrique (GABA) est un neurotransmetteur inhibiteur [15].
L’alcool agit sur le métabolisme des neurotransmetteurs et produit ainsi des effets négatifs sur diverses fonctions cérébrales [16].
Le coma éthylique est dû à la toxicité directe de l’alcool sur le fonctionnement du système nerveux central (SNC) et aussi à sa toxicité indirecte par l’intermédiaire d’une hypoglycémie et d’autres troubles métaboliques comme : acidose lactique, hypokaliémie, hypomagnésémie, hypoalbuminémie, hypocalcémie et hypophosphorémie. Il peut être aussi dû à des traumatismes crâniens plus ou moins sévères, compliqués de contusion hémorragique, d’hématome sous- ou extradural, ou d’une combinaison de ces lésions [16].
Signes cliniques
Ce trouble de la conscience est calme, hypotonique, sans signe de localisation avec:
un état léthargique plus ou moins profond voire coma avec score de Glasgow entre 8 et 3 ;
une respiration faible voire une paralysie respiratoire ; une hyporéflexie tendineuse ;
une hypoesthésie ; une hypothermie ;
des réflexes osteo-tendineux abolis ;
des pupilles en mydriase bilatérale avec une aréactivité aux stimulations extéroceptives [16] ;
une pression artérielle normale mais avec des pouls rapides ;
une polyurie difficile à estimer par l’inhibition de l’hormone ADH ;
une incontinence urinaire [3,17]
des signes de compression qui traduisent une durée de coma prolongé.
Le risque principal du coma est l’hypoventilation alvéolaire associée à une véritable apnée obstructive évoluant vers une anoxie [1].
Signes paracliniques
Ils sont marqués par :
l’alcoolémie qui représente l’examen clé mais sa mesure en urgence n’est pas toujours assurée en milieu hospitalier
l’acidose, qui est constante. Elle est soit métabolique avec cétose et hyperlactatémie, soit mixte en cas d’association à une dépression respiratoire
une hémoconcentration à l’hémogramme sanguin [1] ;
une augmentation du volume globulaire moyen (VGM) et de l’activité gamma-glutamine-transpeptidase (GGT). Ils confirment l’alcoolisation chronique et contribuent au suivi du sevrage [18].
La radiographie thoracique après le réveil recherche une pneumopathie d’inhalation [1].
Causes de coma éthylique
Les troubles de la conscience chez les comateux de l’intoxication alcoolique aigue peuvent être dues :
à un traumatisme par agression ou par chute entrainant une hémorragie cérébrale. Ceci entraine un dysfonctionnement plus ou moins profond de la substance réticulé ascendante située dans les profondeurs du cerveau et lésée par concentration des ondes de choc traumatiques.
à un trouble métabolique comme l’hypoglycémie, l’acidose lactique,
l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie, l’hypoalbuminémie, l’hypocalcémie et l’hypophosphorémie. Ce coma est dû à une perturbation aigue et diffuse des fonctionnements cérébraux [16].
à l’effet hypnotique de l’éthanol [19].
Ivresse pathologique
Cette ivresse s’observe quand l’alcoolémie est de 2 à 3 grammes par litre. Les principales fonctions sont gravement altérées et la capacité de réaction est pratiquement inexistante [20].
Il en existe plusieurs types :
les ivresses excitomotrices : ce sont des ivresses agitées, associant impulsions verbales et motrices avec décharges clastiques fréquentes
les ivresses d’allure maniaques marquées par l’euphorie, les idées de grandeur, les idées de toute puissance et le discours familier
les ivresses dépressives se manifestant par le suicide
les ivresses délirantes avec des thèmes de persécution, de jalousie et d’autodépréciation
l’ivresse hallucinatoire qui est essentiellement visuelle, avec principalement des hallucinations visuelles terrifiantes [3, 17].
COMPLICATION NON NEUROLOGIQUE DE L’IEA
Les complications non neurologiques de l’IEA sont multiples.
Complications cardio-vasculaires
Ce sont :
les collapsus chez un patient hypovolémique à cause des vomissements, de la malnutrition, de traumatisme ;
une dysfonction ventriculaire par diminution de la fraction d’éjection et augmentation de la fréquence cardiaque ;
une hyperexcitabilité myocardique, avec allongement de la conduction intra-auriculaire et de l’espace QT.
Tous ces facteurs ont été incriminés dans les morts subites de l’éthylisme aigu [19].
Complications liées à la trouble de la conscience
Il peut s’agir d’une :
pneumopathie d’inhalation ou d’une hypoventilation alvéolaire par abolition de reflexe glottique ; hypothermie due à l’incapacité de se mobiliser et à la vasodilatation induite par l’éthanol, qui majore la thermolyse [19] ;
rhabdomyolyse par compression prolongée des masses musculaires qui peut évoluer vers l’insuffisance rénale aigue [1].
Complications métaboliques
Ils peuvent se manifester par :
une déshydratation mixte avec hypernatrémie ;
une hyponatrémie entrainant un œdème cérébral;
une hypoglycémie;
une hypokaliémie entrainant l’hypophosphorémie [1] ; une acidose [3].
Complication iatrogène
Elle est représentée essentiellement par la dépression respiratoire après injection de Diazépam [1].
INTOXICATION ETHYLIQUE CHRONIQUE
DEFINITION
L’éthylisme chronique est défini par une consommation quotidienne supérieure ou égale à 60 g d’alcool. [21].
COMPLICATIONS
L’éthylisme chronique entraine beaucoup de complications.
Complications neurologiques
Polynévrite alcoolique
C’est la complication neurologique la plus fréquente au cours de l’éthylisme chronique. L’atteinte prédomine aux membres inférieurs, et elle est parfois responsable d’une véritable anesthésie [22].
Encéphalopathie de Gayet-Wernicke (EGW)
C’est une encéphalopathie carentielle due à l’association d’un défaut d’apport de thiamine (vitamine B1) et d’une surconsommation des réserves de l’organisme par la métabolisation de l’alcool ingéré [23].
Elle est souvent déclenchée par l’administration de solutés glucosés sans suppléance vitaminique [24].
Le diagnostic peut être posé sur des critères cliniques : carence alimentaire en thiamine, troubles de la conscience, atteinte oculomotrice, syndrome cérébelleux [25].
Épilepsie alcoolique
Son origine est mixte. D’une part, l’atrophie cortico-sous-corticale (leucoaraïose) est une évolution fréquente et tardive de l’éthylisme chronique et en constitue un facteur de risque. D’autre part, l’éthanol abaisse le seuil épileptogène. Les convulsions de l’éthylique chronique sont parfois le premier signe d’un sevrage [24].
Myélinolyse centropontine
C’est une complication neurologique d’un trouble métabolique fréquent au cours de l’alcoolisme chronique qui s’accompagne d’une hyponatrémie. Elle est due à un différentiel d’osmolalité trop rapide lors de la correction d’un trouble ionique ou osmolaire. Elle provoque des troubles variables de la conscience et de la déglutition [26].
Ces symptômes sont de gravité extrêmement variable, allant de signes scannographiques isolés chez un patient présentant un signe de Babinski bilatéral inexpliqué; à la tétraplégie voire du syndrome de désafférentation. L’IRM est beaucoup plus performante que le scanner pour détecter les anomalies centro- et extrapontines [27].
Hématomes sous-duraux
L’origine est le plus souvent traumatique (chute au cours d’une ivresse). Ils ont une évolution volontiers subaiguë et pernicieuse [28].
Syndromes de sevrage en alcool
Ils peuvent survenir dans les heures qui suivent l’arrêt de consommation d’alcool. Ils sont volontiers polymorphes [29, 30].Tous les syndromes de sevrage ne sont pas des delirium tremens [19]. Ils peuvent se manifester par :
des crises épileptiques ;
un syndrome de sevrage proprement dit, un delirium tremens [23].
Le delirium tremens est un syndrome de sevrage en alcool qui réalise un tableau de confusion souvent agitée, pouvant menacer le pronostic vital. Il s’installe progressivement en 24 à 72 heures après l’arrêt de la consommation. Il se manifeste par :
des troubles somatiques, des sueurs,
des trémulations des extrémités,
une fébricule,
une irritabilité et ou une anxiété,
une confusion mentale agitée avec inversion du rythme nycthéméral,
un délire à thèmes fréquemment animaliers, dus à des illusions ou hallucinations terrifiantes se nourrissant de l’environnement sensoriel du patient [16].
Les complications digestives
Retentissement hépatique
Les altérations hépatiques de l’éthylisme chronique sont souvent classées en trois entités anatomopathologiques :
la stéatose hépatique est la moins grave : elle résulte de la diminution de la bêta oxydation des acides gras au sein des hépatocytes
l’hépatite alcoolique qui correspond à une nécrose centro-lobulaire des hépatocytes avec réaction inflammatoire riche en polynucléaires
la cirrhose alcoolique qui est l’évolution terminale de l’éthylisme chronique grave. Schématiquement, on peut la considérer comme la cicatrice d’hépatites alcooliques [19].
Le cancer primitif du foie est souvent associé à des lésions cirrhotiques.
Cancers des voies aérodigestives
Les cancers de la bouche, du larynx, du pharynx, de l’œsophage, et du rectum étaient les plus répandus dans les pays où la consommation d’alcool était la plus élevée [31].
Pancréatites
Les éthyliques chroniques présentent un risque de pancréatite chronique corrélé à la consommation quotidienne d’alcool. Le diabète et les troubles nutritionnels qui en découlent viennent aggraver une évolution peu favorable, surtout si l’intoxication alcoolique persiste [19].
Complications cardiovasculaires
La cardiomyopathie alcoolique est une myocardiopathie congestive primitive, dont l’évolution est souvent sévère. Elle est marquée par une survie comparable à celle des myocardiopathies dilatées primitives, de l’ordre de 3 à 4 ans [32].
Complications nutritionnelles
Les éthyliques chroniques sont volontiers dénutris à cause d’un déséquilibre alimentaire (parfois au profit quasi exclusif de l’alcool), des vomissements répétés, de la misère sociale. Il en résulte une carence en glucides, en acides aminés, en vitamines (A, B1, B6, B9, B12), en phosphore, en magnésium [33].
Complications infectieuses
Les effets conjugués de la dénutrition (carences en protéines et en phosphore), de la précarité sociale et des troubles de la conscience (inhalations répétées) exposent les éthyliques chroniques à un risque infectieux accru. En particulier, les pneumopathies à pneumocoque ou Klebsiella pneumoniae sont fréquentes et souvent redoutables, de même que la tuberculose [19].
Complications musculaires
Les rhabdomyolyses alcooliques ont une présentation clinique et évolutive comparable aux rhabdomyolyses d’autres origines. Les autres troubles musculaires liés à l’éthylisme sont essentiellement représentés par les syndromes pseudomyasthéniques des hypophosphorémies [19].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. ALCOOL
I.1. HISTORIQUE
I.2. COMPOSITION
I.3. METABOLISME
II. INTOXICATION ETHYLIQUE AIGUE
II.1. DEFINITION
II.2. ÉPIDEMIOLOGIE
II.3. MANIFESTATION CLINIQUE
II.4. COMPLICATION NON NEUROLOGIQUE DE L’IEA
III. INTOXICATION ETHYLIQUE CHRONIQUE
III.1. DEFINITION
III.2. COMPLICATIONS
IV. TRAITEMENT
IV.1. Buts
IV.2. Moyens
IV.3. Indications
IV.4. Surveillance
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE
II. MÉTHODES
III. RESULTATS
III.1. Résultats de recrutement des patients
III.2. Description de la population et de l’intoxication
III.3. Facteurs de gravité au cours de l’intoxication éthylique aigue
III.4. Facteurs associés au décès au cours de l’IEA
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. FREQUENCE
II. DESCRIPTION DE LA POPULATION ET DE L’INTOXICATION
III. PARAMETRES CLINIQUES A L’ENTREE
IV. COMPLICATIONS SECONDAIRES AU COURS DU SEJOUR
V. PRISE EN CHARGE HOSPITALIERE
VI. DUREE DE SEJOUR DES PATIENTS
VII. MODE DE SORTIE DES PATIENTS
VIII.CARACTERISTIQUES DES PATIENTS AVEC IEA COMPLIQUEE
IX. FACTEURS ASSOCIES AU DECES CHEZ LES PATIENTS PRESENTANT UNE IEA
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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