La mer nโest plus une oasis infinie de vie, elle est devenue une รฉnorme poubelle oรน lโon dรฉverse les dรฉchets de diffรฉrentes activitรฉs humaines avec des consรฉquences catastrophiques sur la faune et la flore marines et par ce biais sur la vie humaine ellemรชme [1]. De plus la notion de rรฉchauffement climatique semble รชtre une rรฉalitรฉ tangible dont les consรฉquences en toxicologie marines sont patentes : nombres dโespรจces tropicales colonisent chaque annรฉe de nouveaux territoires en raison du rรฉchauffement rรฉgulier des eaux [2]. De ces faits, de nombreux organismes marins sont capables de produire des toxines susceptibles dโengendrer des rรฉpercussions sur la santรฉ humaine. Plus de 400 espรจces de poissons rรฉcifaux ont รฉtรฉ dรฉcrits comme รฉtant responsable de la ciguatera [3]. Les intoxications par les animaux marins sont dues ร des toxines prรฉsentes dans la peau, la chair et les viscรจres des poissons et la ciguatรฉra est lโintoxication par produit de mer la plus frรฉquente [4]. Dans le monde 10000 ร 50000 cas de ciguatera estimรฉs par an ont รฉtรฉ rapportรฉ. Elle touche principalement les habitants des rรฉgions endรฉmiques : Ocรฉan Pacifique, Ocรฉan Indien et Caraรฏbes. Certains cas sont liรฉs ร la consommation de poissons importรฉs de ces zones et le place au premier rang des intoxications alimentaires [5,6]. A Madagascar les รฉpisodes dโintoxication par consommation dโanimaux marins de type ciguatรฉrique ne sont pas rares et ce problรจme nโa commencรฉ ร รชtre รฉtudiรฉ quโau cours des annรฉes 1989-1993 oรน 28 cas d’ichtyosarcotoxisme de type ciguatera ont รฉtรฉ dรฉcrites ร Tulรฉar, dont deux familles de poissons ciguatoxiques ont รฉtรฉ mise en cause les carcharinidae (requins) et les scomboรฏdae (thons) [7]. Sur le littoral Est de Madagascar (province de Toamasina et Antsiranana) 175 dโรฉpisodes dโintoxication par consommation dโanimaux marins ont รฉtรฉ rapportรฉ au cours de lโannรฉe 1996 et 1997, dont 48% de ces รฉpisodes sont causรฉs par la consommation de requin famille des carcharhinidae et sphyrinidae [8].
LES RAPPELS SUR LA CIGUATERA
LA CIGUATERA
La ciguatรฉra est une ichtyosarcotoxisme liรฉe ร lโingestion des poissons tropicaux associรฉs aux rรฉcifs coralliens et habituellement consommable et contaminรฉs par des toxines appelรฉes ciguatoxines. Les signes cliniques apparaissaient aprรจs une incubation de30 minutes ร 48 heures. Ils associes des symptรดmes gastro-intestinaux, neurologiques, cardio-vasculaires, gรฉnรฉraux [3, 5, 5-11].
HISTORIQUE
Le terme ciguatรฉra a รฉtรฉ dรฉfini par lโichyologuePoey en 1866. Christophe Colomb, Vasco de Gama et Magellan lโont rencontrรฉ dans les Caraรฏbes au dรฉbut du XVIe et Harmansen dans lโOcรฉan Indien ร lโรฎle Maurice dรจs 1601. La premiรจre description probable de la ciguatรฉra serait lโลuvre du mรฉdecin chinois Chen Tsang Chi vers lโan 650 [5,12, 13]. Cโest en 1977 que lโรฉquipe de Bagnis de lโInstitut Louis Malardrรฉ de Papeete a dรฉcouvert lโagent responsable de la ciguatรฉra dans les รฎles Gambier. Cโest une algue unicellulaire benthique Gambierdiscustoxicusayant une coloration variable (vert clair au brun) et forme lenticulaire en moyenne 65u de diamรจtre ร 40u de hauteur. Peu mobile il se fixe aux thalles des algues macrophytes au sein des gazons algueux qui tapissent les coraux mortes [6, 9].
REPARTITION GEOGRAPHIQUE ET EPIDEMIOLOGIE
La ciguatรฉra sโรฉtend entre le 35รจme parallรจle nord et le 35รจme parallรจle sud englobant lโensemble des rรฉgions coralliennes (Pacifique, Caraรฏbes, Antilles, Ocรฉan Indien).Ont รฉtรฉ estimรฉ 50000 personnes intoxiquรฉs chaque annรฉe, cโest lโintoxication par produit de mer la plus frรฉquemment rapportรฉ au monde. A Madagascar on la trouve surtout sur le littoral Est et Sud- Ouest[9, 11, 13].
MECANISME DU PHENOMENE DE LA CIGUATERA
Plusieurs conditions sont nรฉcessaires pour maintenir lโรฉquilibre de lโenvironnement du rรฉcif corallien. Les eaux doivent รชtre chaudes supรฉrieur ร 18ยฐC, claires (non chargรฉes de particules en suspension), peu profonds (moins de 90 mรจtres) et avoir une salinitรฉ normale. La perturbation de cetรฉquilibre va entrainer la mort des coraux par des divers facteurs :
– Les agressions naturelles (cyclones, raz marrรฉe, embouchures de riviรจre, tsunami,โฆ)
– Les facteurs anthropiques (amรฉnagement du littoral, surpรชche, tourisme, โฆ)
– Le changement climatique ร lโรฉchelle planรฉtaire conduisant au rรฉchauffement des eaux.
Par consรฉquence il y a une colonisation des squelettes coralliens par des algues filamenteux ou calcaires sur lesquelles se fixent et prolifรจrent des microalgues de Gambierdiscus famille des dinoflagellรฉs et produitsde nombreux toxinesciguatรฉriques. Ces dinoflagellรฉs sont ingรฉrรฉs par des poissons herbivores puis se produit une bioamplification dans la chaรฎne trophique via les carnivores jusquโ ร lโHomme qui ingรจre les poissons [4, 6, 13-15].
LES ESPECES DE POISONS CIGUATOXIQUES
Plus de 400 espรจces de poissons rรฉcifaux ont รฉtรฉ dรฉcrits comme รฉtant responsables de ce type dโintoxication tropicale [3,14]. Les poissons carnivores en bout de chaรฎne alimentaire sont les plus susceptibles dโavoir emmagasinรฉ le plus de toxine et dont les plus dangereux sont : barracudas (sphyreanidae), loches (serranidae), gueules rouges (Lethrinidae), anglais (Lutjanidae), murรจnes (Muraenidae), requins [9, 16]. A Madagascar, les familles des Sphyrnidae (genre sphyrna requin marteau) et les Carcharhinidae (genre carcharinusamboinensis, carcharinusleucas), requin-tigre, Galeocerdocuvieri sont potentiellement les plus ciguatoxiques .
MECANISME DโACTION DES TOXINES
Les ciguatoxines
Les ciguatoxines se lient de maniรจre irrรฉversible aux canaux sodique dรฉpendant du potentiel (CSDPs) que lโon trouve dans de nombreux tissus (fibres nerveuses myรฉlinisรฉes, les neurones du systรจme parasympathique, les neurones ganglionnaires de la racine dorsale de la moelle รฉpiniรจre, fibres musculaires et cardiaque) jouent un rรดle dans la propagation de lโinformation dans les nerfs et les muscles. Cette liaison va entrainer lโouverture prolongรฉe de ces canaux mรชme au potentiel membranaire de repos ce qui se traduit par un flux entrant continu dโions de Na+ dans la cellule. Afin de pallier cette augmentation de sodium intracellulaire, des mรฉcanismes cellulaires se mettent en place pour permettre la fuite du Na+ contre une entrรฉe de Ca2+ dโoรน lโaugmentation du calcium intracellulaire. Plus rรฉcemment des travaux ont montrรฉ quโune autre cible potentielle des CTXs รฉtait les canaux calciques de type L. La fixation des CTXs sur ces canaux entrainerait une cascade dโรฉvรจnements enzymatiques aboutissant ร une surproduction du radical libre NO.
Ces mรฉcanismes ont pour consรฉquences :
– Altรฉration de la conduction nerveuse Une des consรฉquences de la fixation des CTXs sur CSDPs est lโapparition de dรฉcharge spontanรฉe et ou rรฉpรฉtitives de potentiels dโaction. Cette augmentation marquรฉe de lโexcitabilitรฉ nerveuse active ร son tour une libรฉration soutenue de neurotransmetteurs au niveau des terminaisons nerveuses.
– Altรฉration de la morphologie cellulaire Une autre consรฉquence de lโentrรฉe permanente dโions Na+ dans les cellules est lโaugmentation importante du volume des nลuds de Ranvier des fibres nerveuses myรฉlinisรฉe et des terminaisons synaptiques, suite a un appel dโeau du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire. Cโest cette ensemble induit par les CTXs (phรฉnomรจne de dรฉpolarisation et dโhyperexcitabilitรฉ, augmentation du Na+ et Ca2+ intracellulaire, libรฉration anarchique de neuromรฉdiateurs, gonflement liรฉ ร lโafflux dโeau) qui est ร lโorigine de la diversitรฉ des signes cliniques observรฉs dans les cas dโintoxication.
Au niveau neurologique, la multitude des symptรดmes rencontrรฉs lors dโune intoxication ciguatรฉrique tels que les atteintes motrices, sensitives, cรฉrรฉbelleuses, psychiatriques, ont รฉtรฉ les consรฉquences directes des fibres du systรจme nerveux pรฉriphรฉrique, centrale et autonome. Au niveau digestif cโest le niveau รฉlevรฉ de Ca2+ intracellulaire qui serait ร lโorigine dโune augmentation des secrรฉtions intestinales. Au niveau cardiaque lโaction des CTXs sโeffectuent par lโintermรฉdiaire du systรจme nerveux autonome .La bradycardie et lโhypotension รฉtant liรฉes ร une hyperstimulation parasympathique et ร un faible tonus sympathique.Au niveau musculaire lโaugmentation intracellulaire calcium gรฉnรจre une augmentation de la frรฉquence et de lโintensitรฉ des contractions musculaires tandis que les dรฉcharges de potentiels dโaction spontanรฉe et rรฉpรฉtitifs induisent des contractions musculaires dรฉsordonnรฉesย .
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: RAPPELS
I -1 – La ciguatera
I -2 โ Historique
I -3 – Rรฉpartition mondiale de la ciguatรฉra
I -4 – Mรฉcanisme du phรฉnomรจne de la ciguatรฉra
I -5 – Les espรจces de poisson ciguatoxiques
I -6- Les toxines
I -6-1 – Caractรฉristiques des toxines
I -6-2 – Mรฉcanismes dโaction des toxines
I -6-2- 1 – Les ciguatoxines
I -6-2-2 – La maรฏtotoxine
I -6-2-3 – La scaritoxine
I -6-2-4 – Lโacide okadaรฏque
I -7- Aspects cliniques
I -7-1- Forme aigue
I -7-2- Forme chronique
I-7-3- Forme chez la femme enceinte et allaitante
I – 8- Diagnostic de la ciguatรฉra
I โ 9- Le traitement
I- 9- 1-Traitement symptomatique
I-9-2- Rรจgle hygiรจno diรฉtรฉtique
I-9-3- Traitement spรฉcifique
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I- METHODES
I-1- Cadre dโรฉtude
I-2- Type dโรฉtude
I-3- Pรฉriode dโรฉtude
I-4- Population dโรฉtude
I-5- Critรจre dโinclusion
I-6- Critรจre dโexclusion
I-7- Mode de collecte des donnรฉes
I-8 โ Variables รฉtudiรฉs
I-9 โ Mode dโanalyse des donnรฉes
I-10- Limite de lโรฉtude
I-11- Considรฉration รฉthique
II- RESULTATS
II-1-Caractรฉristiques รฉpidรฉmiologiques
II-1-1 Caractรฉristiques de la population dโรฉtude
II-1-2-Rรฉpartition des malades selon lโรขge
II-1-3-Rรฉpartition des malades selon le genre
II-1-4- Rรฉpartition des malades selon le domicile
II-2-Caractรฉristiques cliniques
II-2-1-Incubation
II-2-2-Quantitรฉ de requin consommรฉe
II-2-3-Rรฉpartition des malades selon les signes gรฉnรฉraux
II-2-4-Rรฉpartition des malades selon les signes digestifs
II-2-5- Rรฉpartition des malades selon les signes neurologiques
II-2-6-Rรฉpartition des malades selon les signes cardio-vasculaires
II-2-7-Rรฉpartition des malades selon la partie du requin consommรฉe
II-2-8-Rรฉpartition des malades selon la consommation du requin et alcool
II-2-9 Aspects รฉvolutifs
II-2-9-1-Rรฉpartition des malades selon lโรฉvolution
II-2-9-2-Rรฉpartition des malades selon lโรฉvolution et partie du requin consommรฉe
II-2-9-3-Rรฉpartition des malades selon lโรฉvolution et prise dโalcool
II-2-9-4-Mortalitรฉ
1-Mortalitรฉ et genre
2-Mortalitรฉ et รขge
II-3-Aspect biologique et toxicologique
II-3-1-Caractรฉristique du requin
II-3-2-Caractรฉristique de la toxine
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
III-DISCUSSION
III-1- Paramรจtres รฉpidรฉmiologies
III-2-Paramรจtres cliniques
III-2-1-Selon lโincubation
III-2-2-Selon la quantitรฉ consommรฉe
III-2-3-Selon les signes gรฉnรฉraux
III-2-4-Selon les signes digestifs
III-2-5-Selon les signes neurologiques
III-2-6-Selon les signes cardio-vasculaires
III-2-7-Selon lโรฉvolution
III-3-Paramรจtres biologiques
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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