INTERRUPTEUR AUTO-COMMUTE A THYRISTOR 

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Du thyristor dual au thyristor dual disjoncteur

Les interrupteurs de puissance

Le rôle d’un interrupteur est d’autoriser ou de stopper le passage du courant. Il présente deux états stables, dits états statiques :
– L’état passant (ou état ON) où le courant est autorisé à circuler. La chute de tension aux bornes de l’interrupteur est négligeable par rapport à la tension imposée par les sources.
– L’état bloqué (ou état OFF) où le courant est stoppé. Le courant de fuite à travers l’interrupteur est négligeable par rapport au courant circulant par les sources.
Un interrupteur est toujours référencé en convention récepteur car la puissance moyenne dont il est le siège, même faible par rapport à la puissance transférée par les sources, est toujours positive. La caractéristique statique d’un interrupteur idéal peut être représentée dans le plan I(V) par deux « branches » confondues avec les axes : l’une pour l’état ON et l’autre pour l’état OFF. Chaque branche comprend deux segments : l’un décrit la caractéristique en direct et l’autre la caractéristique en inverse de l’interrupteur, pour les états ON et OFF (figure 1). La nature dissipative de l’interrupteur implique que les quadrants II et IV, correspondant à un produit VI<0, sont interdits.
En électronique de puissance, les fonctions interrupteur sont réalisées par des composants à semi-conducteur. Le principe de fonctionnement de ce type d’interrupteur est basé sur la propriété de conduction unidirectionnelle des jonctions PN, des contacts Schottky et des propriétés permettant le contrôle du passage du courant (effet transistor, effet de champ) [5]. Le comportement électrique des interrupteurs à semi-conducteur en régime statique est celui d’une résistance non linéaire de valeur très faible à l’état passant (chute de tension) et très élevée à l’état bloqué (courant de fuite). A la différence d’un interrupteur idéal, leur caractéristique statique est donc constituée d’au moins deux segments (deux demi « branches ») très proches des axes du plan I(V), situées dans les quadrants où le produit VI>0 (les interrupteurs à semi-conducteur sont des dipôles passifs). Leur régime statique est alors caractérisé par la tension blocable, le courant de fuite à l’état bloqué, la capacité en courant à l’état passant et la chute de tension à l’état passant (figure 1).
Le changement d’état d’un interrupteur, appelé commutation, correspond au passage du point de fonctionnement entre deux segments orthogonaux consécutifs. L’amorçage (ou mise en conduction) est le passage de l’état bloqué à l’état passant. Le changement d’état inverse est appelé blocage. La trajectoire suivie par le point de fonctionnement constitue la caractéristique dynamique de commutation de l’interrupteur. La transition est complexe et dépend, d’une part, des conditions imposées par le circuit extérieur et, d’autre part, de la manière dont on peut éventuellement agir sur le semi-conducteur pour forcer sa commutation. Ainsi la commutation peut être spontanée ou commandée à l’amorçage ou au blocage.
Dans le cas d’une commutation commandée, l’interrupteur possède une troisième électrode (électrode de commande) qui permet de modifier brusquement la valeur de la résistance interne et ainsi provoquer le changement d’état. Le point de fonctionnement statique situé sur un demi-axe passe alors sur un demi-axe perpendiculaire de même signe, i.e. au sein d’un même quadrant, I ou IV, en suivant une trajectoire éloignée de ces derniers (figure 2), ce qui implique des pertes dissipées significatives. Le temps de commutation de l’interrupteur ramené à sa période de découpage doit être le plus faible possible pour limiter les pertes dissipées et son échauffement. Dans le cas d’une commutation spontanée, parfaitement illustrée par le comportement de la diode, le point de fonctionnement passe d’un demi-axe à un autre demi-axe de signe opposé, i.e. par un changement de quadrant entre I et III. Le trajet s’effectue donc obligatoirement le long des axes, en passant par l’origine du plan I(V) (figure 2). Le blocage spontané s’effectue au passage par zéro du courant (mode ZCS) et l’amorçage spontané au passage par zéro de la tension (mode ZVS). Les changements d’état de l’interrupteur sont donc imposés par le circuit extérieur et les pertes dissipées sont beaucoup plus faibles que dans le cas d’une commutation commandée car le point de fonctionnement longe les axes.
La classification des interrupteurs peut être établie à partir de différents critères. Le plus couramment utilisé est fonction du nombre de segments de la caractéristique statique. La signification de ces segments indique la bidirectionnalité ou non d’un interrupteur. C’est une propriété importante car la réversibilité d’un convertisseur est obtenue grâce à la bidirectionnalité (en courant et/ou en tension) des interrupteurs qui le composent. Avec ce type de classement, il est possible d’envisager quatre types d’interrupteurs :
– Les interrupteurs unidirectionnels en tension et en courant. Leur caractéristique possède deux segments, c’est le cas de la diode et des transistors.
– Les interrupteurs bidirectionnels en tension, comme le thyristor. Ils présentent une caractéristique à trois segments (deux en tension et un en courant).
– Les interrupteurs bidirectionnels en courant qui présentent aussi une caractéristique à trois segments (deux en courant et un en tension).
– Les interrupteurs bidirectionnels en courant et en tension, dont la caractéristique est constituée de quatre segments. Seul le triac est capable d’assumer cette fonction seul.
Mis à part le thyristor et le triac, la synthèse des interrupteurs à trois et quatre segments nécessite l’association de plusieurs composants. Par exemple, un interrupteur bidirectionnel en tension peut être obtenu à l’aide d’un IGBT et d’une diode câblée en série. Mais des solutions discrètes pour réaliser ces fonctions interrupteur présentent peu d’intérêt car elles engendrent de nombreux inconvénients : augmentation des inductances de câblage, chute de tension en direct, multiplication des commandes et utilisation de logique complexe, alimentations auxiliaires volumineuses (coûteuses et sources de perturbations CEM) associées à ces circuits de commande…Toutes ces raisons ont motivé la recherche de solutions monolithiques pour réaliser de nouvelles fonctions interrupteur. Le thyristor dual est un exemple d’interrupteur obtenu par le biais de l’intégration monolithique qui illustre parfaitement l’intérêt de cette démarche.

Exemple de synthèse d’un interrupteur trois segments : Le thyristor dual

De nombreuses applications raccordées au réseau électrique nécessitent l’utilisation de convertisseurs statiques réversibles en courant, comme par exemple les dispositifs à récupération d’énergie. Trois interrupteurs (figure 3) peuvent réaliser ce type de conversion, en fonction des modes de commande au blocage et à l’amorçage:
– Le thyristor-diode : amorçage commandé et blocage spontané,
– Le thyristor dual : blocage commandé et amorçage spontané,
– L’interrupteur bicommandé : blocage et amorçage commandés.
La fonction thyristor dual s’est naturellement imposée car elle ne nécessite qu’une commande au blocage : elle est moins complexe qu’un interrupteur bicommandé et elle commute avec beaucoup moins de contraintes qu’un thyristor-diode. En effet, le blocage du thyristor dual correspond à la mise en conduction d’une diode alors que l’amorçage du thyristor-diode correspond au blocage d’une diode avec les problèmes liés à son recouvrement. Mais à la différence du thyristor qui est une structure monolithique, la fonction thyristor dual était quant-à elle obtenue en associant des composants de puissance de base (transistor bipolaire, MOST, IGBT, diode) avec une logique de commande et une alimentation auxiliaire (figure 4) [6].
Pour surpasser ces contraintes, le LAAS a développé une structure intégrée basée sur une nouvelle démarche de conception. Son principe consiste à associer des briques « fonctionnelles » intégrées, ou cellules élémentaires semi-conductrices, pour obtenir la fonctionnalité complète. Pour définir les différentes fonctions qui composent le thyristor dual, étudions ses propriétés. Elles s’obtiennent en appliquant les règles de dualité à celle du thyristor : le thyristor dual est un interrupteur bistable (à verrouillage de son état), réversible en courant, il s’amorce spontanément au passage par zéro de la tension et il se bloque par une commande pour des courants positifs. Or, le thyristor est le seul semi-conducteur de puissance disponible à présenter un comportement bistable (à maintien de ses états) sous une polarisation directe (il reste passant après la suppression de l’ordre de commande). Le dispositif permettant de réaliser l’intégralité de la fonction thyristor dual est donc constitué d’une structure thyristor complétée par une fonction d’auto-amorçage, une fonction de blocage, une fonction de maintien de l’ordre de blocage après suppression de l’impulsion de commande et une diode en antiparallèle assurant la conduction inverse [4] (figure 5).

Le thyristor dual disjoncteur

L’intégration fonctionnelle du thyristor dual a constitué une première étape vers la simplification des topologies des convertisseurs. En effet, cet interrupteur réversible en courant est capable de s’amorcer sans aucun contrôle. Pour pousser au maximum l’effort de simplification, il faudrait supprimer sa commande impulsionnelle au blocage. Si on raisonne en termes de cellules, cela signifie qu’il faut développer une fonction d’auto-blocage pour que la structure thyristor auto-amorçable et blocable devienne un thyristor auto-amorçable et auto-blocable.
Depuis quelques années, un nouveau type de commutation est venu s’ajouter à la commutation commandée et à la commutation spontanée: la commutation automatique. Ce nouveau mécanisme est basé sur le fonctionnement des protections rapprochées des interrupteurs. Il se traduit par une auto-commutation de l’interrupteur sur un seuil de courant pour le blocage et/ou sur un seuil de tension pour l’amorçage. La détection du seuil peut être réalisée par un capteur ou en exploitant une non-linéarité intrinsèque à l’interrupteur de puissance telle qu’une saturation en courant pour l’auto-blocage ou un latch-up pour l’auto-amorçage. Par exemple, dans le cas de l’auto-blocage qui nous intéresse, il est possible d’utiliser une disjonction pour réaliser la commutation. En effet, ce type de protection convient parfaitement à une auto-commutation car elle doit limiter le courant dès qu’il atteint une valeur seuil et ouvrir le dispositif. Antérieurement, une version intégrée d’un disjoncteur, appelée micro-disjoncteur, a été développée au LAAS [9]. Cette fonction de protection, construite autour d’un dispositif de puissance, associe une fonction de limitation en courant, une fonction de détection de l’ordre de blocage et une fonction de blocage (figure 7).
Expliquons son fonctionnement : l’augmentation du courant dans la structure provoque la saturation de l’IGBT1 ou du transistor MOSFET MP. Le courant est limité et la tension d’anode augmente. Par l’intermédiaire du canal préformé de l’IGBT2, le potentiel sur la grille de MP suit celui de l’anode, provoquant le blocage du transistor MP et l’augmentation de la tension entre la grille et l’émetteur de l’IGBT1 qui se bloque à son tour. Quand la tension sur la grille de MP est suffisamment élevée, l’IGBT2 se bloque et plus aucun courant ne circule dans la structure.
Le dispositif obtenu réalise la fonction disjonction et ne nécessite ni capteur externe ni commande de blocage. Il paraît donc intéressant d’adapter cette fonction et de l’associer au thyristor dual pour supprimer sa commande au blocage. On obtiendrait ainsi un thyristor dual auto-amorçable à disjonction, que nous appellerons un thyristor dual disjoncteur.
Cependant, pour que le mécanisme d’auto-commutation ait lieu, le thyristor dual disjoncteur ne peut être utilisé dans n’importe quel circuit de conversion. Pour être mis en situation, il doit absolument être associé à une charge ou à une source permettant l’auto-commutation du dispositif ; on parle alors de convertisseur auto-commuté ou auto-oscillant.
Comme tout interrupteur utilisé dans le contexte de la conversion d’énergie, les « disjoncteurs électroniques » sont associés par paire pour former des cellules de commutation. Dans le cadre de ce travail consacré au thyristor-dual disjoncteur, deux applications importantes peuvent être présentées :
– Le redresseur synchrone auto-commuté [10] (figure 8 a). Il s’agit du convertisseur AC/DC réversible en courant. La source AC est typiquement un transformateur raccordé au réseau, dont le secondaire possède un point milieu. La source DC est typiquement une charge ou un élément de stockage susceptible de renvoyer de l’énergie sur le réseau. Lors du changement de signe de la tension réseau, la diode opposée à l’interrupteur conducteur s’amorce et crée alors une maille de court-circuit, identique au processus d’empiètement d’un redresseur à la différence ici qu’il crée un courant additif dans l’interrupteur initialement amorcé : le courant traversant l’interrupteur augmente jusqu’à atteindre le niveau de disjonction. L’interrupteur initialement passant se bloque et le courant de charge est aiguillé spontanément vers l’interrupteur opposé.
– l’onduleur auto-oscillant (figure 8 b). Il s’agit du convertisseur DC/AC réversible en puissance. La source DC est typiquement une source de tension filtrée et découplée. La source AC est un transformateur dont le primaire est raccordé à l’onduleur et le secondaire raccordé à une charge. C’est typiquement le courant magnétisant du transformateur associé au courant de charge qui déclenche la disjonction et le blocage de l’interrupteur. Dès que ce courant total atteint le niveau de disjonction, la tension aux bornes du transformateur s’inverse ainsi que le sens d’évolution du courant. L’interrupteur initialement passant se bloque et la diode associée au deuxième interrupteur assure la conduction du courant. Quand le courant change de signe, la diode se bloque et l’interrupteur qui lui est associé s’amorce. La condition de commutation automatique repose ici sur la forme d’onde du courant de charge et elle est donc dépendante de la nature de la charge.
Citons pour information une troisième application qui peut être réalisée en associant les deux cellules précédentes : le transformateur à courant continu réversible (figure 9). Son principe de fonctionnement est le suivant : la cellule onduleur fonctionne grâce à l’inductance magnétisante du transformateur et crée une source de tension alternative permettant la commutation de la cellule redresseur. Ce montage réalise ainsi une liaison isolée entre deux sources continues. L’utilisation de convertisseurs autonomes permet d’obtenir un dispositif potentiellement hautement intégré à quatre bornes, similaire au transformateur classique fonctionnant en alternatif.

L’intégration de la fonction

L’intégration en électronique de puissance

L’intégration est pour les circuits de puissance une voie d’évolution tout à fait naturelle vers l’amélioration des performances, une meilleure fiabilité et une plus grande simplicité de conception (étapes de fabrication moins complexes et moins nombreuses) et d’emploi. Les raisons en sont évidentes : réduction et mutualisation du nombre de connexions, des substrats, ainsi que du packaging et des interfaces entre la partie puissance et la commande. Mais surtout l’intégration permet de réaliser des fonctions au coeur des composants et des substrats pour gagner en performance ou pour créer des caractéristiques nouvelles sans complexifier et sans « défiabiliser » la fonction première comme cela est généralement le cas en discret.
L’effort d’intégration en électronique de puissance, au niveau puce et assemblage, s’est développé depuis une vingtaine d’années, tiré par des marchés de plus en plus nombreux comme l’automobile, les transports, les appareils portatifs, la domotique, la gestion du réseau de distribution, l’éclairage ou l’électroménager. D’énormes progrès ont été réalisés, d’une part grâce à l’évolution des techniques d’isolation et d’autre part grâce aux avancées technologiques de la microélectronique. Bien que les performances à optimiser pour les composants de puissance soient différentes de celles des circuits intégrés (augmentation du rapport V.A/mm2 pour les composants de puissance et augmentation du nombre de transistors/mm2 pour les circuits intégrés), l’électronique de puissance a toujours bénéficié, avec un certain décalage, du transfert des progrès technologiques réalisés dans le domaine des circuits intégrés. Le décalage correspond à l’adaptation des caractéristiques électriques des dispositifs aux exigences des applications de puissance, c’est-à-dire la prise en compte des aspects d’isolation et de tenue en tension. L’un des exemples les plus importants est l’introduction des technologies MOS (Métal Oxyde Semi-conducteur) dans le domaine des dispositifs de puissance. Elle constitue l’étape décisive qui a marqué une rupture dans l’évolution des composants de puissance tant sur le plan des performances que sur celui des structures.
Jusqu’aux années 70, les composants de puissance étaient obtenus de façon discrète à partir de technologies bipolaires. Mais 15 ans après les premières structures MOS en microélectronique, l’électronique de puissance a pu bénéficier des avantages de ces nouveaux transistors. Les structures MOS ont permis de s’affranchir des commandes en courant à faible gain des dispositifs de puissance purement bipolaires. Les topologies des dispositifs ont commencé ainsi à se simplifier et de nouvelles possibilités d’intégration sont apparues. Deux évolutions majeures ont vu le jour :
– Les premiers travaux consistaient à adapter les structures MOS au domaine de l’électronique de puissance et à améliorer leurs performances, notamment le compromis résistance à l’état passant/tenue en tension. Ils ont abouti au développement des premiers composants MOS de puissance, les structures verticales VDMOS [12] dont la résistance à l’état passant a pu être fortement réduite grâce à la réduction des dimensions des canaux. Pour la première fois la réduction des dimensions d’un composant de puissance a conduit à une amélioration de ses performances, rejoignant ainsi le mode d’évolution des circuits intégrés. Mais cette réduction des dimensions a été possible grâce à l’amélioration des procédés technologiques de fabrication issus de la microélectronique (telle que la double diffusion basée sur la réalisation de grilles en silicium polycristallin). L’introduction des technologies MOS dans le domaine de la puissance a donc permis de créer une synergie entre les domaines de la microélectronique et de la puissance et ainsi de faire bénéficier les dispositifs de puissance des progrès réalisés en microélectronique. Cette évolution a conduit naturellement au développement des circuits intégrés de puissance.
Ces travaux sur les composants MOS de puissance ont permis d’améliorer leurs performances mais le compromis résistance à l’état passant/tenue en tension limite leur utilisation dans la gamme des basses et moyennes tensions.
– Afin de profiter de la facilité de commande des structures MOS pour des dispositifs adaptés aux applications hautes tensions, de nombreux travaux ont alors été développés au début des années 80, pour étudier la possibilité de combiner des structures MOS et bipolaires. Ces recherches ont donné naissance à une nouvelle famille de composants MOS-bipolaire dont est issu l’IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor) [13], composant de puissance le plus utilisé actuellement. Par la suite, des associations plus marginales comme le thyristor-MOS ont fait leur apparition avec notamment le MCT (MOS Controlled Thyristor) [14-15], le BRT (Base Resistance Thyristor) [16], l’EST (Emitter Switched Thyristor) [17]…Avec ces nouveaux dispositifs, l’interrupteur se voit doter de nouvelles fonctionnalités de commutation. L’intégration en électronique de puissance commence alors à s’orienter vers un nouveau concept qui consiste à rajouter les fonctionnalités à l’interrupteur et non à ajouter aux circuits intégrés un étage de puissance. C’est les débuts de l’intégration fonctionnelle où le composant de puissance devient le coeur d’une fonction évoluée [18-19].
L’intégration dans le domaine de la puissance est une avancée considérable. Elle a permis d’améliorer les performances des composants, et surtout de proposer de nouvelles structures silicium. Les dispositifs réalisent ainsi des fonctionnalités de plus en plus complètes et complexes. Mais la notion même d’intégration a évolué et actuellement différents modes d’intégration sont envisageables suivant l’application visée. Toutes ces évolutions découlent des avancées technologiques de la microélectronique. Cependant, les problèmes de l’intégration ne se posent évidemment pas dans les mêmes termes qu’en électronique de traitement du signal et de l’information. Les dispositifs de puissance intégrés doivent être capables de supporter des densités de puissance importantes, de fortes contraintes thermiques, des dI/dt et dV/dt élevés…Il paraît alors évident que l’intégration en électronique de puissance ne peut être considérée comme une simple miniaturisation. Elle doit toujours se justifier par un apport de solutions innovantes pour assurer des fonctionnalités bien identifiées.

Quelle intégration choisir?

Lorsque le dispositif répond aux critères d’intégration, se pose alors le choix du type d’intégration car l’approche est différente suivant les niveaux de puissance et les contraintes à supporter. On distingue l’intégration hybride et l’intégration monolithique.
L’intégration hybride se situe à mi-chemin entre l’intégration monolithique et le discret. Elle permet d’associer sur un même substrat les divers composants mis en jeu dans la réalisation d’une fonction de puissance « intelligente » grâce à l’utilisation simultanée de matériaux conducteurs et isolants réalisant plusieurs fonctionnalités dont la fabrication simplifiée permet une réduction des coûts (figure 12). Ce mode d’intégration est adapté aux applications fonctionnant dans des gammes en puissance importante, typiquement pour des densités de courant supérieures à 100 A/cm2 et des tensions se situant dans la fourchette 600 V/1700 V (traction ferroviaire, alimentation industrielle). Dans ces gammes de puissance, il est avant tout nécessaire de recourir à un mode d’intégration conduisant à une bonne évacuation de la chaleur et à une isolation galvanique parfaite entre les différents éléments. Les principaux travaux se focalisent sur le « packaging » : report de la puce, interconnexions, assemblage sur substrat et encapsulation sous boîtier, évacuation de la chaleur…
L’intégration monolithique
L’intégration monolithique consiste à réaliser au sein d’une même puce un ou plusieurs interrupteurs associés à des fonctions auxiliaires de commande, de protection ou de contrôle. Deux stratégies sont possibles pour l’intégration monolithique d’un dispositif de puissance: soit la fonctionnalité est privilégiée au dépend des éléments de puissance, soit l’optimisation de la partie puissance est favorisée [21-22]. Les dispositifs « Smart Power » et HVIC (High Voltage Integrated Circuit) correspondent davantage à la première approche et sont réalisés à partir de filières technologiques de type circuit intégré (CMOS ou BiCMOS). C’est une intégration essentiellement en surface favorable aux fonctionnalités MOS. Les dispositifs basés sur le mode d’intégration fonctionnelle procèdent de la deuxième approche, et sont basés sur des technologies de composants de puissance.

Les circuits intégrés de puissance

Les circuits intégrés de puissance (« Smart Power » et HVIC) constituent un prolongement de l’intégration du traitement du signal en rajoutant un étage de puissance à un circuit intégré classique. Ces dispositifs sont réalisés à partir de technologies CMOS et BiCMOS leur permettant d’intégrer sur la même puce des composants de puissance, des circuits logiques et analogiques qui assurent des fonctions de commande, de diagnostic et de protection (figure 13). L’utilisation de technologies VLSI leur permet aussi d’inclure des circuits digitaux complexes (DSP), des microcontrôleurs et des mémoires, augmentant considérablement la fonctionnalité. Mais le composant de puissance dispose de moins de libertés de conception étant donné que sa réalisation doit rester compatible avec les technologies VLSI. Dans ce mode d’intégration, la fonction est clairement privilégiée par rapport au composant de puissance, et on obtient des puces dont la surface est occupée majoritairement par les circuits intégrés et non par la partie puissance.

L’intégration fonctionnelle

Malgré les progrès réalisés par l’intégration Smart Power, un grand nombre d’applications échappait à l’intégration monolithique. Ces applications qui constituent une partie importante de la conversion d’énergie, concernent les fonctions alimentées à partir du réseau de distribution électrique (230-400 V) et d’une façon générale les fonctions haute tension (400-600 V), les fonctions de protection (qui travaillent sur des forts pics de courant), les fonctions bidirectionnelles en tension et en courant…La particularité de ces applications est de présenter de fortes contraintes d’isolement galvanique beaucoup trop élevées pour être assurées par des procédés d’isolation utilisés en microélectronique. Une intégration monolithique de type Smart Power n’est donc pas envisageable et une séparation matérielle doit être réalisée entre l’élément de puissance et la partie traitement du signal.
Il est toutefois possible de proposer l’intégration de fonctions de commande et de protection au plus près de l’interrupteur de puissance, c’est-à-dire d’intégrer la fonction interrupteur galvaniquement isolée de la partie traitement du signal. Cette répartition permet d’utiliser au mieux la surface délimitée par les terminaisons de jonction (réalisées pour améliorer les tenues en tension du composant) et autorise l’utilisation des technologies CMOS et BiCMOS les plus performantes pour la partie traitement du signal, qui sera réalisée sur une autre puce. Mais pour tirer tous les bénéfices de cette intégration, la démarche doit être différente de celle utilisée pour les circuits intégrés de puissance. Dans ces derniers, la partie traitement du signal constitue le coeur du dispositif et impose sa technologie, laissant peu de libertés de conception pour le composant de puissance. Au contraire, dans ce mode d’intégration, la partie traitement du signal n’apparaît pas. Il paraît évident de privilégier la partie puissance et de construire le dispositif autour de l’interrupteur qui devient alors le coeur de la fonction. Cette démarche d’intégration fonctionnelle est l’inverse de celle adoptée pour les circuits intégrés de puissance : La technologie de base devient celle du composant de puissance et les fonctions supplémentaires sont intégrées en utilisant l’architecture de base de l’interrupteur [27].
Etant données les gammes de tension et de courant visées pour ce type d’intégration, une disposition verticale du composant de puissance s’impose. Elle autorise un meilleur étalement des zones de charge d’espace à l’état bloqué et une meilleure répartition des lignes de courant à l’état passant. La structure de base est donc constituée soit d’un agencement vertical N+/P/N-/P+, pour les familles thyristor et IGBT, soit d’un agencement N+/P/N-/N+ pour les transistors VDMOS et bipolaire. L’intégration des éléments annexes, qui doit utiliser au mieux cet agencement de base, peut se faire soit en utilisant une région existante du composant de puissance, soit à l’intérieur d’une région isolée de la haute tension pour les composants basse tension [28]. A la différence des autres types d’intégration, la fonction de puissance ne résulte donc pas de l’interconnexion de composants individualisés et isolés les uns des autres, mais des multiples interactions électriques qui se créent entre les régions semi-conductrices judicieusement disposées et dimensionnées. Au lieu de subir ou d’isoler ces interactions naturelles souvent perçues comme parasites, elles sont ici exploitées pleinement comme fondement même de la conception des dispositifs et permettent ainsi d’obtenir de nouvelles fonctionnalités, inaccessibles en discret. Les premiers dispositifs de puissance, tels que les thyristors et les triacs, ont émergé de ce principe. Par exemple, dans le cas du thyristor, la mise en commun des deux régions de base des sections bipolaires permet d’obtenir un effet de latch-up, phénomène inexistant si les deux transistors bipolaires sont associés de façon discrète. L’introduction des technologies MOS dans le domaine de la puissance a constitué un véritable tournant pour l’intégration fonctionnelle. Elles enrichissent le concept en lui offrant une nouvelle dimension et permettent ainsi de superposer des fonctionnalités en surface aux interactions bipolaires en volume. De nouvelles familles de composants ont ainsi pu être développées associant la facilité de commande des transistors MOS et les hautes capacités en courant des dispositifs bipolaires : les associations MOS-thyristor [15] et les associations MOS-bipolaire dont l’IGBT est un des exemples les plus représentatifs. Ce dernier a connu, depuis son introduction au cours des années 1980, un développement industriel important et son champ d’application ne cesse de croître.
Le concept d’intégration fonctionnelle a apporté une solution d’intégration à de nombreuses applications de moyenne puissance. Bien entendu, avec ce type d’intégration, les fonctionnalités sont moins complexes que celle obtenues par Smart power. Mais l’intégration fonctionnelle permet d’envisager une nouvelle approche de l’intégration monolithique qui favorise le développement de nouvelles fonctions de puissance répondant aux besoins de la conversion d’énergie (figure 15).

L’intégration fonctionnelle : stratégie actuelle d’intégration et évolution

La démarche en intégration fonctionnelle consiste à développer des briques élémentaires pour réaliser différentes fonctions. Ces briques peuvent être constituées d’un seul composant ou d’une association de composants. Par exemple, un NMOSFET à canal préformé réalise une brique limiteur de courant et un thyristor-MOS [29] correspond à un interrupteur auto-amorçable. L’ensemble des briques fonctionnelles obtenues permet de constituer une bibliothèque de cellules, que le concepteur utilise pour toute nouvelle réalisation de dispositif [30]. Cette démarche de conception a permis de réaliser de nombreuses fonctions spécifiques qui se divisent en deux catégories :
– Les fonctions de puissance intégrées, qui sont des interrupteurs présentant des caractéristiques statiques ou modes de commutation originaux. Ces fonctions peuvent être de simples associations interrupteur-diode ou des fonctions plus complexes de type bistables ou auto-amorçables et autoblocables. Les fonctions qui entrent dans cette catégorie sont par exemple le thyristor dual [4], le micro-disjoncteur [7-9], l’IGTH [31-32], l’IGBT bidirectionnel en tension ou en courant [33]…
– Les fonctions auxiliaires intégrées qui contribuent à améliorer la fiabilité des interrupteurs et leur sécurité. Par exemple les fonctions de protection contre les courts-circuits [34], les fonctions de protection contre les surtensions [35-36], les surcourants [19-37-38-39], les fonctions de contrôle, les alimentations des commandes rapprochées [40-41]…
L’évolution logique de ces travaux consiste à réunir ces deux types de fonctions (protection-commande d’une part et interrupteur d’autre part) pour concevoir de nouvelles fonctionnalités de commutation de puissance dans le contexte de la conversion d’énergie. Cette démarche permettra de développer des puces de silicium intégrant des fonctionnalités de plus en plus nombreuses et réalisant des dispositifs autonomes fiables et compacts (intégration des commandes, des alimentations, des protections, du refroidissement…).
Mais cette augmentation de la complexité des fonctions de puissance nécessite le développement d’étapes technologiques spécifiques compatibles avec la technologie de base du composant de puissance. Ce développement conjoint entre les fonctions intégrables et les étapes technologiques spécifiques, illustré sur la figure 16, est le résultat de l’évolution d’une filière technologique flexible, décrite dans le prochain paragraphe. L’évolution de cette filière découle des progrès réalisés ces dernières années dans les techniques utilisées dans le domaine des microtechnologies : la gravure profonde du silicium par RIE (gravure ionique réactive), les dépôts chimiques en phase vapeur haute pression (CVD) ou basse pression (LPCVD), les dépôts de résine épaisses, les dépôts électrochimiques, la thermomigration d’aluminium… Une partie des travaux actuels s’oriente vers le développement d’étapes pour la réalisation de nouvelles fonctionnalités de stockage de l’énergie, d’isolation, de transmission de commandes isolées qui font intervenir des matériaux diélectriques, magnétiques, ferro-électriques ou piezo-électriques, externes aux filières silicium classiques. Ces étapes spécifiques devront être intégrées dans le procédé de fabrication des composants de puissance et permettront à terme de concevoir des structures de puissance intégrant en leur coeur des éléments actifs et passifs et ainsi de développer de nouvelles fonctionnalités qui tendent à se rapprocher des micro-systèmes. Dans le futur, les interrupteurs intégrés qui comprendront leur commande, leur protection et peut être même leur refroidissement seront donc des objets hétérogènes 3D à l’image de certains microsystèmes développés aujourd’hui.

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Table des matières

CHAPITRE 1 INTEGRATION FONCTIONNELLE D’UN INTERRUPTEUR AUTO-COMMUTE : LE THYRISTOR DUAL DISJONCTEUR 
Introduction
1. DU THYRISTOR DUAL AU THYRISTOR DUAL DISJONCTEUR
1.1. Les interrupteurs de puissance
1.2. Exemple de synthèse d’un interrupteur trois segments : Le thyristor dual
1.3. Le thyristor dual disjoncteur
1.4. Objectifs
2. INTEGRATION DE LA FONCTION
2.1. L’intégration en électronique de puissance
2.2. Quelle intégration choisir ?
2.3. L’intégration fonctionnelle
Stratégie actuelle d’intégration et évolution
3. CONCEPTION ET REALISATION DE LA FONCTION
3.1. La filière technologique flexible
3.2. Méthodologie
Conclusion
CHAPITRE 2 INTERRUPTEUR AUTO-COMMUTE A THYRISTOR 
Introduction
1. DEFINITION DE L’ARCHITECTURE
1.1. Présentation de l’architecture et de son fonctionnement
1.2. Conditions de fonctionnement
1.3. Discussion préliminaire à l’étude 2D
2. SIMULATION PHYSIQUE 2D
2.1. Dimensionnement des composants
2.2. Validation du fonctionnement de l’architecture
2.3. Etude des interactions électriques
3. SIMULATION DU PROCEDE TECHNOLOGIQUE
Conclusion
CHAPITRE 3 INTERRUPTEUR AUTO-COMMUTE A IGBT 
Introduction
1. DEFINITION DE L’ARCHITECTURE
1.1. Présentation de l’architecture et de son fonctionnement
1.2. Conditions de fonctionnement
1.3. Discussion préliminaire à l’étude 2D
2. SIMULATION PHYSIQUE 2D
2.1. Dimensionnement des composants
2.2. Validation du fonctionnement de l’architecture
3. INTEGRATION DE L’AUTO-ALIMENTATION
3.1. Le procédé technologique
3.2. Etude des interactions électriques
Conclusion
CHAPITRE 4 INTERRUPTEUR AUTO-COMMUTE A IGBT 
Introduction
1. CONCEPTION DES MASQUES
1.1. L’interrupteur auto-commuté à thyristor
1.2. L’IGBT-sense
2. REALISATION TECHNOLOGIQUE ET TESTS ELECTRIQUES
2.1. Implantation des canaux préformés
2.2. Réalisation de l’interrupteur auto-commuté à thyristor
2.3. Tests électriques de l’interrupteur auto-commuté à thyristor
2.4. Réalisation et tests électriques de l’IGBT-sense
Conclusion 
CONCLUSION GENERALE 
BIBLIOGRAPHIE

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