Les programmes d’EPS et les jeux collectifs
Les enjeux de formation, pour le champ d’apprentissage « conduire et maîtriser un affrontement collectif ou interindividuel » dans les programmes de 2016, préconisent de « connaître et assurer les rôles de juge de marque, d’observateur, d’arbitre, de coach, d’organisateur avec l’aide de l’enseignant ». Cela peut représenter un réel problème pour un/une élève car il/elle doit assurer tous les rôles sociaux mêmes ceux qui pourraient avoir des traits de caractère dits « féminin » ou « masculins ». Ils/elles doivent également « construire et partager collectivement une organisation de jeu dans un projet explicite » : les élèves sont donc « confronté.e.s » à jouer en collectif, voire en équipe mixte. Ils/elles devront donc accepter de jouer ensemble sans se soucier des représentations sexuées.
Au niveau des attendus de fin de cycle 3, il est demandé à l’élève de « respecter les niveaux de prestation de ses partenaires et accepter les erreurs » ainsi que de « coordonner ses actions à celles d’un partenaire pour atteindre un but commun et partagé ». Cela lui demande donc de dépasser les stéréotypes sexués qu’il/elle pourrait avoir et de respecter , ne serait-ce que les différences de genre et d’habilité, afin d’arriver à un but commun. Cette compétence est en lien avec le domaine 3 du socle commun des connaissances, des compétences et des capacités : « la formation de la personne et du citoyen ».
Basket-ball
Fontayne, Sarrazin et Famose (2001) ont établi un tableau représentant la répartition des garçons et des filles en fonction du type de pratique sportive. Ce classement a permis de présenter le basket-ball, comme tous les sports collectifs à l’exception du volley-ball, comme une activité physique sportive et artistique (APSA) dite « masculine ».
En cycle 3, cette activité peut être appréhendée par les filles ayant peur du contact ou de la réception brutale du ballon. C’est pourquoi le rôle des enseignant.e.s est essentiel afin de déconstruire les stéréotypes sexués en mettant en avant les interactions avec les élèves et en adaptant leur enseignement.
D’après Verscheure (2009), pour identifier les raisons à l’origine des inégalités entre filles et garçons, il convient de faire des observations très fines des « contenus qui sont transmis à l’école ainsi que la façon dont ils sont transmis ». Il est nécessaire de s’intéresser de plus près aux savoirs enseignés car le « rapport au savoir des élèves est un véritable facteur déterminant de leur engagement (ou non) dans leur processus d’apprentissage ». Pour cela, des approches par la didactique des disciplines semblent opportunes.
Approches didactiques
Inscription dans le cadre de l’action conjointe en didactique
La didactique comparée distingue le générique du spécifique dans les situations d’apprentissage. D’après Mercier (2002, p.7), elle cherche à distinguer ce qui relève du didactique, « compris comme l’expression de la volonté d’une personne de transformer le système de connaissance d’une autre », de ce qui relève de la didactique, dans ce qu’elle amène à chaque fois de spécifique à chaque situation d’apprentissage.
Par ailleurs, d’après Sensevy, lorsque les actions des uns et des autres s’influencent mutuellement, on nomme cette notion « d’action conjointe » (2007). Cette action didactique est nécessairement conjointe car le/la professeur.e enseigne à des élèves qui sont censés apprendre.
Analyse ascendante de la transposition didactique
L’étude du didactique met en évidence les relations complexes entre les attentes du/de la professeur .e, des élèves et du savoir. Selon Amade-Escot, celui-ci « relève de toutes les situations de partage et de distribution des savoirs » (2007, p 14). En effet, « le didactique » désigne le discours scientifique sur les différentes réflexions menées sur l’enseignement et l’apprentissage de l’EPS. Ce processus est appréhendé en termes de transposition didactique.
La transposition didactique « met en évidence les transformations que subit tout objet de savoir dès qu’il est enjeu de transmission » (2007, p 23). Quand un savoirsavant – c’est-à-dire celui des spécialistes du domaine – subit des transformations afin de les rendre accessible aux élèves, il devient alors un savoir à enseigner.
Pour analyser de manière ascendante l’action didactique conjointe entre le/la profeseur .e et les élèves, trois genèses peuvent être mobilisées : topogénèse, chronogénèse et mésogénèse.
Dans un premier temps, la mésogénèse correspond à l’évolution progressive des éléments du milieu qui sont utilisés pour faire vivre le savoir. D’après Chevallard (1991), « l’élaboration du savoir enseigné dans la classe ne relève pas uniquement de la responsabilité du/de la professeur.e, il y a une négociation entre le/la professeur.e et les élèves et entre les élèves de la répartition des tâches et des responsabilités. Les positions de chacun envers le savoir correspondent à la topogénèse. ». Enfin, la chronogénèse se définit comme l’évolution temporelle du savoir : avancée, accélération, ralentissement, stagnation ou bien disparition.
La dialectique – milieu didactique – contrat didactique
Il est indispensable d’accéder aux contenus sans qu’une analyse de l’agencement des dispositifs et des tâches soit proposée aux élèves. Elle est nommée « l’analyse a priori ». En effet, Brousseau (2010) définit ce milieu comme « tout ce qui agit sur l’élève ou l’enseignant et tout ce sur quoi l’élève ou l’enseignant agit ». D’après Amade-Escot(2002), le milieu didactique est l’outil du/de la professeur .e qui met en jeu le contrat didactique. « Il renvoie au système des objets (matériels et/ou symboliques) proposés aux élèves, tâches d’apprentissage et dispositifs ».
Ce milieu doit permettre aux élèves de se confronter à des contradictions, des difficultés, des déséquilibres afin que ceux/celles-ci puissent arriver à s’adapter à diverses situations. En proposant une tâche complexe aux apprenant.es, l’enseignement, mis à disposition par l’enseignant.e, « devient riche en savoirs ».
Le contrat didactique se définit « l’ensemble des comportements du maître qui sont attendus de l’élève et l’ensemble des comportements de l’élève qui sont attendus du maître », d’après Brousseau en 2003. . Les interactions des élèves dépendent de l’intention didactique de l’enseignant.e et des dispositifs matériels et pédagogiques mis en place pour eux/elles. En fonction de ce que le/la professeur.e va reproduire, l’élève va interpréter de façon consciente ou non, la situation présentée et les questions qui lui sont posées. De plus, ce contrat didactique est invisible : en effet, les attentes de l’enseignant.e sont implicites
Contrat didactique différentiel
Dans certains cas, l’évolution du contrat didactique engendre, à l’insu du professeur, des différenciations qui, pour certain.e.s élèves, vont à l’encontre de l’objectif qu’ils/elles s’étaient fixé.
Selon Schubauer-Leoni (2002), cette dynamique du contrat didactique est différentielle : elle est le résultat in situ de l’action conjointe. Le/la professeur .e doit sans cesse s’adapter aux réactions spontanées des élèves. C’est pourquoi, ses régulations s’avèrent capitales dans la dynamique d’apprentissage. Par exemple, lors d’une séance de football, l’objectif de l’enseignant.e est d’amener les élèves à gagner du terrain. Pour cela, il leur demande de se limiter à trois touches de balles chez les garçons et d’avoir une pression défensive plus faible vis-à-vis des filles. Au cours de la séance, ces consignes compromettent l’action des garçons plus faibles et limitent l’engagement de tous les élèves faibles. Ces divers comportements observés résultent de l’interprétation de la tâche par l’élève. En effet, chaque élève interprète différemment les attentes du professeur. Cette situation met en avant le fait que la relation didactique n’est pas une relation « totalement maîtrisable » par l’enseignant.e.
Verscheure et Amade-Escot (2007) parlent de « contrat didactique différentiel » selon le genre, comme une négociation de contrat entre le ou la professeur.e et un sous-groupe d’élèves correspondant à diverses positions scolaires. Certain.e.s élèves décodent plus finement les attentes des enseignant.e.s. Lors des interactions entre les professeur.e.s, des apprenant.e.s en tirent plus profit que d’autres : certain.e.s ne cherchent pas à repérer les enjeux sous-adjacents des apprentissages.
C’est pourquoi, il est primordial de proposer une « double valence de la tâche » afin de rendre possible « l’engagement différencié des élèves selon le rapport sexué au savoir ». C’est ce qu’atteste Verscheure (2013) lorsqu’elle explique que les enseignant.e.s doivent proposer des contenus d’enseignement assez exigeants et une pluralité des tâches afin que les élèves puissent s’engager selon leur position de genre. Par exemple, en gymnastique, le ou la professeur .e peut proposer comme tâches de « construire un alignement » et de « se maintenir dans un espace arrière ».
D’ailleurs, d’après Verscheure et Vinson (2018), en faisant vivre aux élèves une multitude de tâches, une culture commune se créée en permettant aux filles comme aux garçons d’avoir « la possibilité de choisir la stratégie la plus prometteuse pour être efficace, sans se fier aux stéréotypes.»
Problématique et questions de recherche
D’après les travaux d’Ucciani (2015), nous avons vu que la société véhicule des représentations de l’homme et de la femme qui comportent des inégalités. L’auteure parle de « domination du sexe masculin sur le féminin ». Cette situation se retrouve chez Zaidman (1997) lorsqu’elle met en avant l’espace qu’occupent les filles et les garçons lors de la récréation rappelant l’idée ancienne de l’homme associé « à l’extérieur » et de la femme « à l’intérieur ».
Ces inégalités sont aussi présentes à l’école à l’insu des élèves, des enseignant.e.s et des supports de son enseignement comme nous l’explique Mosconi (2009), « l’école lutte peu contre les stéréotypes qui étiquètent fortement les filières ».
L’auteure parle même de « division socio-sexuée des savoirs ». Plus spécifiquement, dans un cours d’EPS, la formation des stéréotypes est visible car, contrairement aux cours théoriques, les élèves engagent leur corps instinctif, davantage que leur esprit réflexif. En effet, d’après Davisse (2010), le sport est vécu par les filles comme la matière où les notes les plus basses leur sont généralement attribuées contrairement aux garçons.
Par ailleurs, au cycle 3 en sport collectif, les apprenant.e.s doivent atteindre un but commun en équipe mixte : ils/elles sont donc amené.e.s à travailler ensemble et en équipe « mixte » sans se soucier des représentations sexuées.
Ces constats nous amènent donc à nous demander , d’un point de vue didactique, comment, au cœur des interactions didactiques et à l’aide de la dimension non verbale, l’enseignant.e s’y prend-t-il/elle pour mettre en scène le savoir adressé aux filles et aux garçons, quelles que soient leurs représentations initiales en EPS, plus particulièrement l’APSA basket-ball.
Quel milieu didactique est proposé aux élèves ? Offre-t-il les mêmes opportunités aux filles qu’aux garçons, d’évoluer?
Existe-t-il l’émergence d’un contrat didactique différentiel, selon le sexe des élèves ?
Quelle est l’influence des régulations verbales et non-verbales sur les acquisitions différentielles des filles et des garçons ?
Méthodologie
Recueil des données
Afin de recueillir les données pour le sujet de mémoire, une étude a été menée dans une classe de 25 élèves de CM2, dont 8 garçons et 17 filles, avec une enseignante dans une école primaire du Gers. Tout d’abord, une séance de basket-ball a été filmée dans cette classe afin de s’intéresser particulièrement aux interactions entre l’enseignante et les élèves ainsi qu’aux relations des filles avec les garçons et vice-versa. Par la suite, un questionnaire adressé aux élèves a été distribué, après le cours d’EPS, sur les représentations qu’ils/elles ont des sports collectifs et notamment au basket-ball (cf annexe 2), Une distinction des réponses des filles et des garçons a été faite sans indication des noms. L’objectif est de recenser la fréquence des activités physiques, les qualités requises que les élèves attribuent aux joueurs/joueuses de basket-ball et ainsi que les représentations sexuées qu’ils/elles en ont.
Enfin, à la fin de cette journée, un entretien avec l’enseignante a été effectué sur son appréhension de la théorie du genre appliquée à son enseignement général comme spécifique à l’EPS (cf annexe 3). Cet échange réside dans la représentation sexuée qu’elle véhicule, qu’elle transmet et qu’elle peut construire consciemment ou à son insu à son public d’élèves : féminin ou masculin.
Traitement des données
Pour analyser la séance choisie, les descripteurs de l’action conjointe ainsi que du/de la professeur .e, selon les travaux de Sensevy (2007), sont utilisés.
Résultats
Pour exposer les résultats, nous présenterons dans un premier temps, les différents participant.e.s à la recherche. Puis, une analyse de la séance dans sa globalité sera effectuée, en identifiant les enjeux de savoirs proposés aux élèves à partir de l’analyse a priori des situations de basket-ball et en décryptant le comportement non-verbal de l’enseignante. Enfin, d’un point de vue didactique, l’analyse des moments remarquables sera proposée.
Participants et participantes à la recherche
Présentation de l’enseignante
Sabine a acquis une expérience certaine dans l’enseignement attestée par son ancienneté et sa capacité à prendre des décisions rapidement et à gérer son groupe avec sérénité.
Bien qu’elle ne soit pas spécialiste du basketball, elle suit les programmes de cette activité et s’en inspire pour créer un cycle adapté à ses élèves de cycle 3. Situées en face de l’école, les installations du gymnase sont proches : l’enseignante ne perd pas de temps pour s’y rendre. Les créneaux de disponibilité pour la salle polyvalente se situent le lundi et le vendredi à partir de 15h.
L’enseignante a précisé qu’elle ne rencontre pas de problèmes liés à la mixité lors des séances d’EPS : « les sports collectifs permettent aux élèves de dépasser les stéréotypes de genre : dans ma classe, une réelle cohésion d’équipe s’est installée. ». Elle juge même parfois absurdes les mises en garde préconisées à l’égard des enseignants, pour ne pas tomber dans les stéréotypes du genre, même inconsciemment : « je ne pense pas qu’il y ait des traits de caractère dits « féminins » ou « masculins », je considère cette distinction absurde. » (cf annexe 3). Dans le cadre du mémoire, la troisième séance est jugée plus intéressante à l’analyse car elle est située en cours d’apprentissage.
Les élèves de la classe
La classe est composée de vingt-cinq élèves avec huit garçons et dix-sept filles dont trois qui pratiquent du basketball en club en extrascolaire. La plupart des élèves pratiquent un sport en loisirs après les cours.
C’est une « classe relativement sage et studieuse », selon les propos de l’enseignante. La participation des élèves aux cours est importante : c’est une classe dynamique dans l’ensemble. Malgré le fait que la séance de sport soit placée le vendredi après-midi, l’observation montre que les élèves ne sont pas agités.
Selon Jean Pierre Muguet, spécialiste en didactique du basket-ball, diverses ressources sont sollicitées dans cette APSA. Tout d’abord, les ressources informationnelles, car il s’agit de prendre des décisions en action et de sélectionner les informations visuelles importantes. Puis, celles motrices, mises en œuvre lors des capacités d’adresse, d’équilibre, de vitesse et de coordination. Enfin, les ressources affectives sont sollicitées : les élèves doivent oser prendre des risques, se confronter à un adversaire, assumer différents rôles et accepter la défaite.
Dans le cadre de l’étude, l’analyse s’est focalisée sur quatre élèves : une fille et un garçon en position scolaire forte et une fille et un garçon en position scolaire faible (cf annexe 2). Ce choix s’explique par la volonté d’étudier un plus large panel et d’identifier l’ensemble des profils scolaires et sexués.
Contexte de l’observation
Dans le cadre de l’entretien, l’enseignante explique que, dans le cadre de ses enseignements, elle ne fait aucune différence de traitement entre ses élèves- filles ou garçons. De même, aucune distinction n’est apparente dans les propos échangés avec le groupe classe. C’est pourquoi, il a été choisi de centrer les observations sur les interactions non-verbales de l’enseignante, afin de mettre en évidence l’importance inconsciente du langage corporel.
Dans l’enseignement, la communication verbale est importante mais n’est qu’une forme d’échange consciente : le non-verbal s’avère plus déterminant dans les relations professeur .e-élève : la posture, le regard, les gestes, la distance établie avec les élèves. En effet, d’après Vinson et Verscheure (2018), le non-verbal renvoie aux « gestes et les usages proxémiques de l’enseignant.e dans l’analyse de son action didactique conjointe avec les élèves ».
Par ailleurs, d’après Moulin (2004), qu’il soit utilisé de façon plus ou moins consciente par l’enseignant.e, le non-verbal peut impacter les interactions sociales dans la classe et la qualité du climat scolaire. La plupart du temps, les enseignant.e.s, notamment lors des cours d’EPS, illustrent leurs consignes par une démonstration : elle vient appuyer le discours. D’après Pasco (2016), celle-ci aide les élèves à se représenter l’habilité motrice : ils/elles visualisent le geste à produire.
Les mots, parfois, ne suffisent pas : la démonstration créée chez les élèves l ’image de ce qu’il leur est demandé.
D’après Vinson (2015), analyser et interpréter le non-verbal semble permettre de mieux comprendre « ce qui se joue au cœur d’une classe, jeu à la fois entre le maître et l’élève autour d’un enjeu de savoir mais aussi jeu entre un/une adulte et un/une élève autour d’enjeu identitaire, de rapports sociaux de sexe. ». Le non-verbal sera donc considéré comme un « élément d’analyse à part entière ».
En EPS, deux types de démonstration sont utilisées : la démonstration partielle qui permet de montrer à l’élève de façon séquencée le geste qu’il/elle doit reproduire ; et la démonstration totale qui illustre de façon globale le mouvement.
De plus, les professeur.e.s sont parfois amenés à guider les élèves par manipulation ou bien à effectuer des gestes spatio-indiciels, indiquant les lieux et les directions exigés.
Enfin, d’après Forest (2006), la proxémie entre en jeu dans la didactique de l’enseignant.e : elle correspond à la distance physique entre l’enseignant.e et l’élève. Il en distingue quatre types : la distance intime qui correspond à l’engagement dans la sphère intime de la personne, la distance personnelle dans laquelle peu de surface du corps est en contact, la distance sociale où le corps semble juste qu’un support de conversation et enfin la distance publique lorsque le contact ou l’interaction ne sont pas recherchés.
Démonstration totale et partielle
Durant la séance filmée, il a été observé que l’enseignante ne faisait pas de démonstrations, que ce soient individuelles ou bien collectives. Elle a fait choix de demander à ses élèves de les assurer : en effet, elle demandait à certain.e.s de montrer aux autres l’exemple pour des tâches spécifiques.
Moment remarquable 1 : le jeu de la chasse au trésor
Analyse a priori de la situation
Le savoir visé dans cette activité porte sur l’efficacité du dribble : dribbler de façon la plus optimale en récupérant et transportant un objet à terre. Du point de vue des transformations visées, l’élève doit identifier des informations visuelles de l’objet à récupérer pour décider de la fréquence et de l’ampleur du dribble. Il/elle doit s’organiser au plan moteur pour être efficace sur ses foulées et gérer sa puissance de dribble. Il/elle doit également évaluer sa distance par rapport à l’objet et identifier le moment adéquat pour se baisser pour ramasser l’objet en ralentissant la fréquence et l’ampleur du dribble.
Du point de vue de la variable de commande, la tâche permet de construire le savoirfaire technique « dribbler efficacement. » Le critère de réussite étant de ramener le plus d’objets que l’équipe adverse en un temps limité, les élèves doivent réaliser un dribble efficace tout en se souciant du temps limité.
Comme pré-requis, l’élève doit alors maîtriser un minimum le dribble, coordonner ses foulées avec le rebondissement du ballon et savoir avancer en dribblant.
Plusieurs stratégies gagnantes sont possibles : au niveau informationnel, l’élève doit avoir le regard porté droit devant lui en ayant dans son champ de vision l’objet à aller récupérer . Au niveau moteur, il doit être orienté vers sa cible et ensuite dribbler en trajectoire rectiligne. La hauteur du dribble doit se situer entre la hanche et l’épaule. A l’approche de l’objet, il doit ralentir son dribble et se baisser.
Au regard de la problématique sur le genre, nous faisons l’hypothèse que les élèves ayant une position de genre « masculine » auront tendance à partir vite, en réalisant de grands dribbles vers l’avant dans le but de gagner, de réaliser une performance sans s’attarder à la technique alors que les élèves ayant une position de genre « féminine » auront tendance à partir plus doucement, en portant attention à la façon dont ils/elles manipulent le ballon.
Afin de poursuivre l’étude du moment remarquable, une analyse s’appuyant sur les descripteurs de l’action de l’enseignante est effectuée.
Interprétations didactiques en termes de contrat didactique différentiel et positionnement de genre des élèves
Louise, élève en position scolaire forte
Elle semble acquérir une bonne maitrise du dribble de façon continue.
L’enseignante institutionnalise le savoir en la montrant comme exemple aux autres : « Louise a dribblé et elle ne s’est jamais arrêtée ».
Romane, élève en position scolaire faible :
Elle se préoccupe de l’aspect technique de la course plutôt que de la vitesse. L’enseignante lui donne des conseils en institutionnalisant pour améliorer son dribble. Elle se sert du milieu pour donner des conseils, la faire interagir : « Faut que tu dribbles vers l’avant pour que tu voies le ballon, Romane ».
Antoine, élève en position scolaire forte :
Les échanges avec l’enseignante ne sont pas assez représentatifs pour permettre une interprétation fine du positionnement. Maël, élève en position scolaire faible :
Il semble vouloir aller vite dans son dribble, c’est la vitesse qui lui semble efficace : « Parce qu’on voulait aller très rapidement ». L’enseignante s’appuie sur mésogénèse pour donner des conseils sur la technique, améliorer le geste : « lève le regard », « monte le ballon ».
Analyse du moment remarquable 2 : Lucky-luke
Analyse a priori de la situation
Le savoir visé dans cette activité porte sur l’efficacité du tir en lancer franc. Du point de vue des transformations visées, l’élève doit s’organiser au plan moteur pour être efficace dans sa puissance et son adresse de tir . Il/elle doit également évaluer sa distance par rapport à la cible en identifiant les repères visuels adaptés.
Du point de vue de la variable de commande, la tâche permet de construire le savoir faire technique « tirer efficacement. » Le critère de réussite est de marquer un panier avant que l’adversaire de derrière ne le fasse à son tour.
Comme pré-requis, l’élève doit s’être déjà entraîné à marquer des paniers en partant de plusieurs endroits différents dont le lancer franc.
Plusieurs stratégies gagnantes sont possibles : au niveau informationnel, l’élève doit avoir le regard porté vers le haut en direction de la cible. Il/elle s’aide de la planche comme repère visuel. Au niveau moteur, il/elle doit être orienté.e vers sa cible avec les jambes écartées à la hauteur des épaules et les genoux légèrement fléchis. Il/elle doit positionner une main sur le côté du ballon qui sert à le stabiliser, et l’autre en dessous doit permettre d’orienter la trajectoire et de donner la puissance au lancer .
Le tir effectué, l’élève doit maintenir sa position des mains quelques secondes afin de ne pas dévier la trajectoire du ballon.
Enfin, au regard de la problématique sur le genre, nous faisons l’hypothèse que les élèves ayant une position de genre « masculine » auront tendance à émettre une grande puissance du lancer avec un tir peu précis, alors que les élèves ayant une position de genre « féminine » auront tendance à tirer avec précision mais avec moins de puissance.
Discussion et conclusion
Dans la cadre de la séance analysée, le clivage observé habituellement entre garçons et les filles et plus particulièrement en EPS n’est pas apparu. L’enseignante le confirme : « dans ma classe, une réelle cohésion d’équipe s’est installée. Cette dernière fait abstraction de la théorie du genre en affirmant « je ne pense pas qu’il y ait des traits de caractère dits « féminins » ou « masculins ». Je considère cette distinction absurde ». A première vue, la parole de l’enseignante est équitablement partagée.
Cependant, les résultats montrent dans une analyse micro didactique du langage verbal de l’enseignante qu’elle différencie la nature de ses interpellations selon le sexe : des conseils procéduraux pour les garçons et une transmission de connaissances aux filles. Ces échanges correspondent aux stéréotypes sexués habituels. De plus, elle valorise les filles en s’appuyant sur leurs réussites comme références : c’est le cas avec Louise, élève en position scolaire forte.
Au niveau du décryptage non-verbal, l’enseignante se révèle distante et sur une posture maîtresse : médiatrice de savoir. Ce qui doit conforter le contrat didactique qui privilégie les caractéristiques dites « féminines » d’obéissance et de réception de connaissance. D’ailleurs, Verscheure et Amade-Escot (2007) parlent de « contrat didactique différentiel » selon le genre, comme une négociation de contrat entre le ou la professeur.e et un sous-groupe d’élèves correspondant à diverses positions scolaires. Inconsciemment, elle est mue par des représentations plus sexuées qu’elle ne le croit. Ce qui nous donne à réfléchir sur les transmissions inconscientes d’images sociales genrées.
Nous pouvons constater que de nombreuses contraintes ont limité mes interprétations didactiques possibles. En effet, la parité garçons-filles n’étant pas respecté, l’enseignante est face à un groupe majoritairement féminin.
De plus, il aurait été préférable de suivre sur plusieurs séances les situations d’apprentissage afin de constater une éventuelle évolution des positionnements de genre des élèves face aux intentions didactiques de l’enseignante.
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Table des matières
1 Introduction
2 Cadre théorique
2.1 Inégalités filles et garçons à l’école
2.1.1 Sexe et genre
2.1.2 Les stéréotypes de sexe à l’école
2.2 L’enseignement de l’EPS à l’école élémentaire
2.2.1 Influence des stéréotypes sexués en EPS
2.2.2 Les programmes d’EPS et les jeux collectifs
2.2.3 Basket-ball
2.3 Approche didactique
2.3.1 Inscription dans le cadre de l’action conjointe en didactique
. 2.3.2 Analyse ascendante de la transposition didactique
2.3.3 La dialectique – milieu didactique – contrat didactique
2.3.4 Contrat didactique différentiel
2.3.5 Positionnement de genre épistémique
3 Problématique et questions de recherche
4 Méthodologie
4.1 Recueil des données
4.2 Traitement des données
5.1 Participants et participantes à la recherche
5.1.1 Présentation de l’enseignante
5.1.2 Les élèves de la classe
5.1.3 Contexte de l’observation
5.2 Analyse de la séance
5.2.1 Synopsis de séance
5.2.2 Analyse du non-verbal de l’enseignante
5.2.2.1 Nombre d’interpellations
5.2.2.2 Nature des interpellations
5.2.2.3 Proxémie
5.2.2.4 Démonstration totale et partielle
5.2.2.5 Manipulation des élèves selon leur sexe
5.3 Analyse de deux moments remarquables dans la séance mettant en évidence l’émergence d’un contrat didactique différentiel
5.3.1 Moment remarquable 1 : le jeu de la chasse au trésor
5.3.1.1 Analyse a priori de la situation
5.3.1.2 Analyse avec les descripteurs de l’action de la professeure
5.3.1.3 Analyse avec les descripteurs de l’action conjointe
5.3.2 Moment remarquable 2 : Lucky-luke
5.3.2.1 Analyse a priori de la situation
5.3.2.2 Analyse avec les descripteurs de l’action de la professeure
5.3.2.3 Analyse avec les descripteurs de l’action conjointe
5.4 Interprétations didactiques en termes de contrat didactique différentiel et positionnement de genre des élèves
6 Discussion et conclusion
7 Bibliographie
8 Annexes
8.1 Annexe 1 : Séquence de basketball
8.2. Annexe 2 : Questionnaire élèves
8.3 Annexe 3 : Entretien avec l’enseignante
8.4 Annexe 4 : Retranscription séance n°3, maîtriser le tir et son dribble
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