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Déplacement des niveaux d’énergie
Des changements dans la structure électronique des atomes apparaissent lorsque l’on compare les agrégats de taille nanométrique avec les mêmes atomes en phase gazeuse. En effet, l’interaction dipolaire entre les atomes de l’agrégat de Van der Waals, responsable de la cohésion de la macromolécule, va induire des déplacements des niveaux d’énergie des électrons par rapport à l’atome isolé, se traduisant par une modification des potentiels d’ionisation des atomes à l’intérieur de l’agrégat. Il n’existe pas, à notre connaissance, de données complètes sur l’évolution de l’énergie de liaison pour tous les électrons des atomes présents à l’intérieur de l’agrégat en fonction de leur taille. Cependant, certaines études expérimentales permettent d’évaluer quantitativement l’effet de la taille sur l’énergie de liaison des électrons.
Evolution du premier potentiel d’ionisation avec la taille
Le premier potentiel d’ionisation des petits atomes d’agrégats de gaz rare (inférieur à 30 atomes) a été étudié par l’équipe de Ding et collaborateurs du HMI (Hahn Meitner Institut) à Berlin en utilisant une méthode de coïncidence électrons – ions lors de l’ionisation par un rayonnement synchrotron d’agrégats de gaz rare produits par expansion adiabatique . Leurs résultats expérimentaux montrent qu’asymptotiquement le premier potentiel d’ionisation des atomes de l’agrégat tend vers le travail d’extraction du solide. Celui – ci diffère de l’ordre de 10 % (pour l’argon) à 20 % (pour le xénon) du premier potentiel d’ionisation des atomes isolés. Ceci se traduit par une baisse de l’éclairement d’apparition donnée typiquement par IBSI l’ionisation par suppression de la barrière coulombienne (BSI : Barrier Suppression Ionization ») comme nous allons voir dans les paragraphes suivante. Pour l’argon, IBSI est déplacé de (2,5×1014W/cm2) (atome) à 1,5×1014 W/cm2 (solide) et pour le xénon cet éclairement de saturation passe de 8,7×1013 W/cm2 (atome) à 3,5×1013 W/cm2 (solide) [14]. Cet effet sur les électrons de valence n’est, à l’heure actuelle, pris en compte dans aucun modèle traitant de la dynamique d’un agrégat sous champ laser intense.
Evolution de l’énergie de liaison des électrons internes avec la taille
La détermination des énergies de liaison des électrons internes pour les atomes d’un agrégat s’obtient par des mesures de spectroscopie d’absorption X (EXAFS : « Extended X – ray Absorption Fine structure Spectroscopy ») [13] ou de spectroscopie de photoélectron induite par rayonnement X (XPS : « X – ray Photoemission Spectroscopy ») [15].
En ce qui concerne l’argon, les niveaux 1s, 2p1/2 et 2p3/2 ont été étudiés expérimentalement et nous présentons sur la (Figure I.3) les spectres qui permettent d’en extraire l’énergie de liaison. En ce qui concerne le seuil K (1s) de l’argon, les auteurs estiment que le seuil d’absorption 1s est décalé d’un eV plus haut pour l’agrégat par rapport à un atome libre. De même, les spectres XPS dans la région 2p pour différentes tailles d’agrégats indiquent un décalage d’un eV pour les énergies de liaison des niveaux 2p1/2 et 2p3/2 dans le cas du solide par rapport à une cible purement atomique [14 ].
Ionisation multiphotonique
Bien que l’existence de transitions multiphotoniques ait été, théoriquement, envisagée très tôt dans les années trente, il aura fallu attendre l’arrivée de sources électromagnétiques relativement intenses pour observer ce phénomène tout d’abord dans le domaine des radiofréquences [17] puis dans le domaine optique. L’ionisation d’un atome ou d’un ion peut également être décrite par un mécanisme multiphotonique *18] du type : ++ .ℎ → +1++ −
L’absorption simultanée de N photons pour porter l’électron d’un état lié vers le continuum se traduit, expérimentalement, par un nombre d’ions variant en fonction de l’éclairement en IN pour (I < IBSI) puis en I3/2 pour des éclairements laser plus grands [19] : ceci traduit une saturation du taux d’ionisation avec l’éclairement, le nombre d’ions augmentant par l’éclairement d’apparition (régime de saturation). A. L’Huillier et al. *19], pour la première fois, la mise en évidence expérimentalement du processus d’ionisation en régime d’impulsion longue (> ps). En particulier, ils ont montré qu’un atome de xénon, soumis à un éclairement de quelques 1012 W/cm2, est ionisé par l’absorption simultanée de 6 photons et qu’il est ensuite possible de produire du Xe2+ par l’absorption de 10 photons à une longueur d’onde de 1064 µm. Ce mécanisme d’ionisation est représenté schématiquement sur la (Figure I.4)
T. Ditmire et coll. ont développé un modèle nommé « modèle nanoplasma » [1]. Ce modèle décrit la dynamique de l’ionisation, du chauffage et de l’expansion de la cible en considérant l’agrégat comme un plasma sphérique de taille nanométrique. T. Ditmire et coll. considèrent une distribution isotrope et maxwellienne des électrons. Ceci est justifié par la densité élevée à l’intérieur de l’agrégat (proche de celle d’un solide) qui induit des taux collisionnelle très importants. Les électrons sont également considérés comme étant uniformément répartis. L’agrégat est donc modélisé par un plasma homogène dont la densité et la température électronique ne dépendent que du temps.
Pour prendre en compte l’absorption de l’énergie laser, l’agrégat est assimilé à une sphère diélectrique. Le champ interne, calculé à l’aide de cette hypothèse, présente alors une résonance lorsque la densité électronique ne atteint une valeur particulière égale à trois fois la densité critique n , définie dans un plasma selon. = ( 2)/ 2 , où me et e sont respectivement la masse et la charge de l’électron, ε0 est la permittivité du vide, et ω0 est la pulsation du laser.
Cette résonance du champ interne induit une forte absorption de l’énergie laser par bremsstrahlung inverse.
L’éjection d’électrons énergétiques en dehors de l’agrégat est également prise en compte. Ce défaut de charges induit une pression coulombienne qui participe à l’expansion de l’agrégat. À cette pression coulombienne, T. Ditmire et coll. ajoutent une pression hydrodynamique. Cette pression provient de la conversion de l’énergie absorbée par les électrons en énergie cinétique ionique.
Le modèle nanoplasma indique que les collisions électron-ion jouent un rôle prépondérant. L’ionisation optique par le champ laser génère les premiers électrons. Ceux ci acquièrent ensuite de l’énergie par bremsstrahlung inverse et percutent les ions (ou atomes) environnants, induisant ainsi en quelques centaines de femtosecondes un degré d’ionisation très élevé à l’intérieur de l’agrégat. Les électrons libres deviennent alors suffisamment énergétiques pour quitter l’agrégat. Finalement, celui-ci explose dû aux effets combinés des pressions coulombienne et hydrodynamique.
E. Springate et coll. ont démontré que ce modèle permet de reproduire les variations de l’émission d’ions énergétiques en fonction de la taille des agrégats ainsi que des divers paramètres laser [26]. La (Figure I.6) présente l’énergie ionique maximale obtenue expérimentalement et théoriquement en fonction de la taille des agrégats irradiés. De plus, le modèle nanoplasma prévoit une durée d’impulsion optimale pour l’absorption, optimum mis en évidence expérimentalement [27]. En effet, lorsque la densité électronique atteint la valeur critique de 3nc, la résonance induit une très forte absorption de l’énergie du laser. L’absorption est optimale si cette résonance survient au moment où l’intensité du laser est maximale.
H. Milchberg et coll. ont étendu ce modèle en incluant une dépendance radiale de la densité électronique [28]. Les auteurs observent toujours une absorption résonante mais celle-ci se produit à (ne = nc) Compte tenu du gradient de densité, ceci signifie que la résonance ne survient à un temps t donné que pour une couche de l’agrégat donnée. L’évolution du rayon de l’agrégat induit un accroissement de l’absorption pour différentes couches du plasma en fonction du temps. Par conséquent, l’énergie laser est fortement absorbée tout au long de l’impulsion laser, contrairement au cas uniforme où la résonance est très brève. Ce modèle unidimensionnel présente également une durée optimale d’impulsion.
C. Rose-Petruck et coll. ont développé un modèle pour lequel les probabilités d’ionisation par le champ sont prises en compte par la méthode de Monte Carlo [29+. L’évolution de l’agrégat obtenue est la suivante : les premiers atomes sont ionisés par le champ laser dès lors que l’intensité devient suffisante pour vaincre la barrière coulombienne liant l’électron à son atome parent [2]. Les ions ainsi créés, confinés à l’intérieur de l’agrégat, induisent un champ électrostatique supplémentaire très important. L’ionisation par suppression de barrière subséquente, alors calculée dans le champ électrique total résultant du laser et des particules chargées, augmente la densité ionique. Le nombre d’ions augmentant, le champ total devient donc encore plus important ce qui permet finalement d’obtenir des états de charge élevés. Ainsi, l’ionisation initiale agit comme un déclic qui -allume- la dynamique de l’ionisation de l’agrégat, ce modèle a donc été nommé IIM, pour « Ionization Ignition Model ».
L’étude des trajectoires électroniques démontre que les électrons subissent plusieurs collisions avec les ions environnants avant de quitter l’agrégat. Le champ électrique combiné à ces collisions permet aux électrons de gagner de l’énergie par bremsstrahlung inverse. Lorsque les électrons deviennent suffisamment énergétiques, les collisions avec les ions peuvent alors générer des trous en couche interne. La désexcitation radiative induite par ces lacunes conduit à l’émission de rayonnement X.
K. Ishikawa et T. Blenski ont également étudié la dynamique de l’ionisation d’agrégats composés de 55 et 147 atomes [30+. Le modèle inclue les processus d’ionisation par effet tunnel et par collisions ainsi que la recombinaison électronique. Ils démontrent que l’ionisation des atomes s’effectue essentiellement par effet tunnel dû à la combinaison des champs électriques du laser, des ions et des électrons. Les auteurs démontrent également que l’explosion de l’agrégat est principalement coulombienne (dûe à la répulsion des ions entre eux).
I. Last et J. Jortner ont développé un modèle de dynamique moléculaire en trois dimensions dans lequel les atomes et les ions peuvent être ionisés par le champ électromagnétique et par collisions [31+. L’étude porte sur l’évolution des électrons libres à l’intérieur de l’agrégat et leur probabilité d’être éjectés en dehors de cet agrégat. Si des électrons quittent l’agrégat, il s’ensuit un défaut de charges négatives, les ions ont alors tendance à s’écarter les uns des autres et le rayon de l’agrégat augmente. Pour les plus gros agrégats étudiés (1061 atomes de xénon), les auteurs démontrent que, au temps t où le rayon de l’agrégat a augmenté jusqu’à une valeur donnée, l’éjection d’électrons augmente fortement. Il s’ensuit un important défaut de charge qui conduit à l’explosion de l’agrégat. Ainsi, le passage par cette taille d’agrégat particulière s’apparente à une quasirésonance pour laquelle l’énergie des électrons s’accroît nettement.
Afin de modéliser la dynamique pour de plus gros agrégats (∼ 104 atomes/agrégat), G. Petrov et coll. ont développé un modèle de dynamique moléculaire pour lequel les particules composant l’agrégat sont remplacées par des « macroparticules » (jusqu’à 1000 macroparticules pour les plus gros agrégats) [32]. Chaque macroparticule est composée de n particules identiques (électrons, ions ou atomes) de charge nq et de masse nm, q et m étant les charges et masse d’une particule individuelle. La position et l’impulsion de ces macroparticules sont déterminées par les équations relativistes du mouvement en 3 dimensions, les potentiels d’interaction entre ces macroparticules sont déterminés empiriquement.
Les résultats sont présentés pour des agrégats de xénon, une impulsion laser de 120 fs et un éclairement crête de 1016 W/cm². L’étude des états de charge atteints en fonction du rayon initial de l’agrégat révèle que plus le rayon augmente et plus l’ionisation collisionnelle joue un rôle prépondérant dans la dynamique de l’ionisation. L’étude de la variation de la densité électronique à l’intérieur de l’agrégat indique une augmentation quasi instantanée jusqu’à quelques 1022 cm−3. Puis la densité reste comprise entre 1022 et 1023 cm−3 pendant quelques dizaines de femtoseconds avant de décroître très rapidement. Cette décroissance est due à l’explosion de l’agrégat.
T. Ditmire et coll. supposent donc que la probabilité d’ionisation d’un atome par collision avec un électron de vitesse Ve peut être mise sous la forme d’une somme de deux taux, chacun de ces taux étant associé à une des composantes de la vitesse. Par conséquent, le taux d’ionisation ”thermique” Wth correspond à la probabilité d’ionisation par la composante thermique de la vitesse vth et le taux d’ionisation ”suprathermique” Wlas écrive de la composante de la vitesse acquise par oscillation Vosc(t). Le terme ”suprathermique” provient du fait que la vitesse d’oscillation des électrons dans le champ peut être beaucoup plus importante que la température électronique moyenne. Chaque taux peut être calculé à l’aide d’une section efficace de collision électron-ion σj et résulte d’une moyenne sur la distribution de vitesses pour le taux thermique, et sur une période optique pour le taux suprathermique :
Wth[s−1] = ne <σj vth > stribution de vitesses (II.23)
Wlas[s−1] = ne <σj vosc > période optique (II.24)
Pour l’ionisation d’atomes et de molécules en champ laser intense, il a été montré théoriquement [21] et observé expérimentalement [23] [49] qu’une augmentation de l’ellipticité de la radiation laser incidente induit une diminution des taux d’ionisation.
Les expériences de génération d’harmoniques d’ordre élevé ont montré une réduction importante du taux d’harmonique quand on augmente l’ellipticité de la radiation incidente [50]. Ceci peut s’interpréter, d’une manière schématique et classique, comme une diminution de la probabilité de recombinaison de l’électron vers son ion parent à cause de son orbite elliptique en polarisation circulaire.
Dans le cadre de l’interaction laser – solide, la polarisation joue un rôle très important dans le contrôle de l’efficacité de production d’un plasma chaud et dense. En effet, la polarisation s augmente le chauffage de la surface par rapport à une polarisation linéaire p [51]. Certains auteurs [52] ont également observé une baisse d’un facteur 2 de l’émission de rayons X durs avec une polarisation circulaire par rapport à une polarisation linéaire. Ils ont interprété ce phénomène par la production d’un plasma moins dense en polarisation circulaire à cause d’une moindre efficacité d’ionisation multiphotonique en polarisation circulaire (diminution du nombre de voie d’ionisation à cause des règles de sélection) qui joue ici un rôle pour ces mesures faîtes à faible éclairement (~ 3×1013 W/cm2).
Dans le cadre de l’interaction d’une cible gazeuse de grande densité atomique (~ 1017 at. / cm3) avec une impulsion laser femtoseconde (I ~ 1015 W/cm2), l’émission de rayons X mous (entre 10 nm et 30 nm) est trouvée plus importante en polarisation circulaire qu’en polarisation linéaire. Ce résultat, en contradiction avec ce qui a été observé en cible solide, est attribué à la présence d’électrons plus énergétiques produits par le champ laser [53].
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES
I.1. DEFINITIONS
I.1.1. L’agrégats. Généralités physiques des agrégats de gaz rare
a. Potentiel d’interaction
b. Structure cristalline
c. Déplacement des niveaux d’énergie
I.1.2. Le laser
I.2. MECANISMES FONDAMENTAUX
I.2.1. Ionisation par effet de champ
a. Ionisation multiphotonique
b. Ionisation par effet tunnel
c. Ionisation par suppression de la barrière coulombienne
I.2.2. Accélération des électrons dans le champ laser
I.2.3. Ionisation collisionnelle
a. Section efficace d’ionisation dans le formalisme de Lotz
I.3. MODELISATION DE L’INTERACTION: RESULTATS THEORIQUES
I.3.1. Modèle macroscopique: le modèle nanoplasma
I.3.2. Modèles de dynamique moléculaire
I.3.3. Bilan des résultats théoriques
CHAPITRE II. MODELE NANOPLASMA
II.1. PRINCIPE DU MODELE
II.2. SUPPOSITIONS
II.3. IONISATION OPTIQUE
II.4. CHAMP ELECTRIQUE INTERNE
II.4.1. Le champ laser
II.4.2. Le champ à l’intérieur de l’agrégat
II.5. FREQUENCE DE COLLISIONS ELECTRON-ION
II.5.1. De la nécessité d’un calcul adapté à l’interaction laser agrégat
II.5.2. Fréquence de collisions pour l’interaction laser-agrégat
II.6. IONISATION COLLISIONNELLE
II.6.1. Taux d’ionisation par collisions – méthode originelle
II.6.2. Amélioration du calcul du taux d’ionisation collisionnel par S. Micheau
II.6.3. Taux d’ionisation collisionnel : forme analytique
II.7. EMISSION D’ELECTRONS
II.8. EXPANSION DE L’AGREGAT
CHAPITRE III. INTERPRETATION DES RESULTATS OBTENUS PAR L’ETUDE DE L’AGREGAT DE L’Ar AVEC LE MODEL NANOPLASMA
III.1. Modèle dynamique d’ionisation
III.2. Effet de l’intensité LASER
III.3. Effet de la longueur d’onde
III.4. Effet du nombre d’atome
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIE
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