Interprétation de la généalogie des capacités de conception innovante à Turbomeca

Intégrer des capacités par la résolution de problèmes – Le niveau individuel

Dans la littérature, la créativité est souvent considérée comme une condition nécessaire mais non suffisante des processus d’innovation (Acar & Runco, 2012; Im & Workman, 2004; Mumford, Hester, & Robledo, 2012). En d’autres termes, une innovation ne pourrait certes apparaître sans processus créatif, c’est-à-dire sans un processus de génération de propositions nouvelles, mais la seule existence d’ «proposition créative » ne saurait, en retour, garantir la production d’une innovation. Pour favoriser l’émergence de projets, d’objets, de produits et de services radicalement innovants, une entreprise établie peut s’appuyer sur les travaux proposant des outils et des techniques stimulant la génération d’idées au niveau individuel (Legardeur, 2009; Legardeur, Boujut, & Tiger, 2010). De très nombreuses approches se sont développées, notamment au milieu du 20ème siècle, qui visaient à construire des processus pour émettre des solutions ou des idées créatives, considérant que ces processus n’étaient pas spontanés chez l’individu. Nous n’exposerons cependant ici qu’un bref aperçu de la littérature consacrée à la créativité, à travers les approches par la résolution de problèmes.

Selon Ward, la créativité et la résolution de problèmes ont beaucoup d’éléments en commun (Ward, 2012). Pour cet auteur, de nombreuses situations nécessitant une aptitude créative peuvent être abordées comme étant des « problèmes », et les processus de la pensée qui permettent de créer des résultats nouveaux et utiles dans ces situations peuvent ainsi être caractérisés comme de la résolution de problème (ibid). Ainsi, bien que tous les problem solving ne soient pas forcément créatifs, et que toutes les situations créatives ne soient pas forcément réductibles à du problem solving, les nombreux attributs communs entre ces deux notions rendent l’étude de la résolution de problèmes particulièrement riche pour comprendre la créativité. En psychologie, deux branches existent pour l’étude de la résolution de problème (ibid). La première est issue de la théorie du « traitement de l’information (en anglais Information Processing theory), et la seconde provient de la psychologie de la « Gestalt » (ou « psychologie de la forme »). Dans le cadre de l’information processing theory, la définition est formalisée à partir d’un état initial et d’un objecif ou état final. En ces termes, le « problème » est alors un écart entre un état initial et un état final.

Chez Newell and Simon (1972), plusieurs notions permettent de caractériser un « problème » :
➤ « l’espace du problème », qui est la représentation qu’a le problem solver du problème ;
➤ « l’environnement de la tâche » qui est le point de vue externe (« omniscient ») sur le problème ;
➤ l’espace du problème lui-même, qui contient des états de connaissances appelés « états du problème » ;
➤ les moyens de passer d’un état à un autre qui sont appelés « les opérateurs ».

Un « espace de problème » contient donc un état initial, un état à atteindre ainsi que tous les états intermédiaires. Les états intermédiaires sont représentés par des nœuds, et les liens entre ces nœuds sont les procédures ayant permis la transformation d’un nœud à un autre. Dans ce champ, l’accent est mis sur les processus qui permettent de passer d’un état initial (dans l’espace du problème) à un état désiré (goal state). Le processus de résolution de problème est créé à partir de certaines caractéristiques cognitives de l’homme comme un système de traitement de l’information (Ward, 2012) qui permet de se déplacer dans l’espace du problème. Pour cette théorie, deux types d’opérateurs permettent de passer d’un état à un autre : les algorithmes et les heuristiques (Newell & Simon, 1972; Ward, 2012). La différence majeure entre ces deux notions étant que la première permettra au concepteur d’arriver à la bonne solution s’il suit correctement l’algorithme, alors que la seconde le guidera vers un nombre de solutions restreint à partir de règles empiriques.

En ce qui concerne l’approche gestaltiste, Duncker et Lees (1945) définissent un problème ainsi : « une personne a un problème quand elle a un but à atteindre mais ne sait pas comment faire, une situation qui nécessitent un processus de la pensée». Nous précisons maintenant ces deux courants. Dans ce champ de la psychologie, les chercheurs ont orienté leurs études non pas sur le processus de recherche de la bonne solution, mais sur la recherche d’un nouveau cadre de représentation du problème. Dans ce courant, l’accent est mis sur la manière dont le problème est représenté dans l’esprit de la personne ayant à résoudre le problème. Ainsi, une des principales difficultés pour la résolution d’un problème relèverait davantage de la perception de l’espace du problème que du processus qui mène à la résolution de ce problème dans sa représentation conventionnelle. Pour Duncker et Lees (1945), structurer un problème de manière différente peut aider à sortir des voies de solutions classiques se révélant non satisfaisantes. Kaplan et Simon (1990) euxmêmes expliquent que la difficulté de trouver une solution dans la représentation initiale du problème peut inciter à redéfinir le cadre du problème. Ils proposent même une structuration heuristique pour la recherche d’un nouvel espace du problème, ainsi que différents types d’éléments internes et externes au problème pouvant aider à redéfinir sa représentation.

Intégrer de capacités collaboratives pour l’innovation radicale – Le niveau de l’équipe

Les travaux précédemment présentés étudient les mécanismes et les phénomènes cognitifs restreignant ou favorisant la génération d’idées créatives. Ces recherches ont cependant généralement négligé l’équipe ou le groupe comme niveau d’analyse actionnable. C’est pourquoi nous présentons dans cette section des travaux mettant en avant l’intérêt, pour intégrer des capacités d’innovation, d’étudier conjointement les processus sociaux et cognitifs au niveau du groupe.

Il est à noter que bien que l’on parle souvent de la créativité comme d’un «processus», en pratique, il consiste en fait en une succession de phases (Paulus, Dzindolet, & Kohn, 2012), dont la représentation canonique est la suivante : sélection du problème, idéation, évaluation, implémentation (Parnes, 1975). La majorité des recherches sur la créativité de groupe s’est focalisée sur la phase « divergente », c’est-à-dire la phase d’idéation et de génération de propositions créatives, qui semble être la plus critique de ce processus en termes sociocognitifs. Nombreux sont les travaux et champs de littérature ayant traité de ces sujets. Nous les étudions ici sous l’angle des différents leviers d’action permettant d’intégrer des capacités collaboratives pour générer des propositions en rupture.

Caractéristiques d’un « groupe de créativité » 

Les deux paramètres majeurs et évidents du dimensionnement d’un groupe sont le nombre et la diversité des membres. Etant donné que ces deux variables sont en partie corrélées, on pourrait penser que plus le groupe est large, plus il a de chances d’être diversifié en compétences, connaissances et capacités créatives. Certaines études vont d’ailleurs dans ce sens, et démontrent que plus une équipe est importante, plus le groupe a de chances d’être innovant (Hülsheger, Anderson, & Salgado, 2009). Ceci semble cohérent à première vue puisque, plus l’équipe est importante, plus elle a de chances d’aborder des perspectives variées concernant le problème (Paulus et al., 2012). Cependant, il existe des revers à l’augmentation de la taille du groupe. En effet, une taille de groupe trop importante peut diminuer le sentiment d’implication des participants au niveau individuel, et ainsi diminuer leur performance (Hülsheger et al., 2009). Certaines études des techniques de brainstorming montrent même que plus la taille est importante, moins la performance sera bonne en comparaison de l’évaluation d’un groupe similaire mais dont les membres auront généré des idées de manière individuelle (Mullen, Johnson, & Salas, 1991). Ainsi, ce dilemme implique que, pour un traiter problème complexe nécessitant la mobilisation de multiples champs d’expertise, l’on doive impliquer un groupe dont les compétences correspondent au spectre de connaissances nécessaires, sans pour autant accroître le nombre de participants plus qu’il n’est indispensable. Les auteurs insistent sur le fait que pour les sessions où les participants doivent interagir, il est important de limiter au maximum le nombre de participants, afin d’augmenter l’efficacité et le partage de connaissances. La taille optimale d’un groupe pour favoriser les interactions possibles serait ainsi de deux membres. En effet, Mullen et al. (1991) ont montré qu’un binôme de «brainstormers» ne présentait pas de déficit de production. D’autres analyses (Farrell, 2003) soutiennent ces études en montrant qu’en session de groupe, la meilleure efficacité est obtenue en binôme. Ainsi, dans un objectif de maximisation de l’efficacité de groupe, des binômes peuvent être détachés pour des sessions de travail puis être réintégrés au groupe projet plus important, et ainsi travailler en oscillant entre des sessions en binôme et d’autres avec le groupe entier.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I INTEGRER DES CAPACITES D’INNOVATION RADICALE : UNE APPROCHE PAR LA CONCEPTION
Chapitre 1 – analyse des limites de la littérature sur les capacités d’innovation radicale
Chapitre 2 – approches de la conception pour intégrer des capacités d’innovation radicale
PARTIE II L’INNOVATION RADICALE DANS UNE ENTREPRISE ETABLIE : ANALYSE HISTORIQUE DES CAPACITES DE CONCEPTION INNOVANTE DE TURBOMECA
Chapitre 3 – généalogie des capacités de conception innovante à turbomeca
Chapitre 4 – interprétation de la généalogie des capacités de conception innovante à Turbomeca
PARTIE III LES LECONS DE L’EXPERIENCE KCP : UNE TRANSITION ORGANISATIONNELLE PAR LA CONCEPTION
Chapitre 5 – origine, description et analyse de la methode KCP chez Turbomeca
Chapitre 6 – interprétation des impacts de la méthode : une transition organisationnelle par la conception
PARTIE IV LA CONCEPTION INNOVANTE : PRINCIPES D’ORGANISATION D’UNE NOUVELLE FONCTION STRATEGIQUE
CONCLUSION GENERALE

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