Interopérabilité, signalisation et exploitation
Interopérabilité ferroviaire
L’interopérabilité ferroviaire vise à créer un système ferroviaire européen capable de permettre la circulation sûre et sans rupture de charge des trains en accomplissant les performances requises pour les lignes [Jabri et al, 2007b]. Cette aptitude repose sur l’ensemble des conditions réglementaires, techniques et opérationnelles qui doivent être remplies pour satisfaire aux exigences essentielles. Ainsi, le Parlement européen et la Commission européenne ont adopté en 1996 la directive 96/48/CE sur l’interopérabilité du système ferroviaire européen à grande vitesse, suivie en 2001 par la directive 2001/16/CE sur l’interopérabilité du système ferroviaire européen conventionnel. Les deux directives ont été ultérieurement modifiées par la directive 2004/50/CE. D’un point de vue fonctionnel et technique, l’interopérabilité est caractérisée par quatre points majeurs [Jabri et al, 2007b] :
● Le train ne doit pas changer de motrice aux frontières.
● Le train ne doit pas s’arrêter aux frontières.
● Il ne doit pas y avoir de changement d’agent de conduite aux frontières.
● Le conducteur ne doit pas réaliser d’actions de conduite autres que les actions normalisées ERTMS.
La fragmentation technique des réseaux ferroviaires est un handicap majeur entravant le développement de ce mode de transport. Les directives d’interopérabilité mettent en avant des exigences essentielles qui couvrent l’ensemble des conditions à satisfaire pour assurer l’interopérabilité du réseau européen à grande vitesse ou conventionnel. La directive est considérée comme l’élément de base d’une architecture à trois niveaux : la directive proprement dite avec les exigences essentielles que le système doit respecter; les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) qui doivent être adoptées dans le cadre établi par la directive; l’ensemble des autres spécifications européennes et notamment les normes européennes des organismes européens de normalisation: CEN (comité européen de normalisation), CENELEC (comité européen de normalisation électrotechnique) et ETSI (institut européen des normes de télécommunications).
Les deux directives d’interopérabilité ont formé le socle législatif européen engendrant la définition des STI. Ces dernières correspondent aux exigences essentielles concernant la sécurité, la fiabilité, la santé des personnes, la protection de l’environnement, la compatibilité technique et l’exploitation. Les États membres sont dans l’obligation de les respecter afin de réaliser les objectifs d’interopérabilité en Europe. Les premières spécifications techniques d’interopérabilité ont été adoptées en 2002 concernant les systèmes à grande vitesse. Ces STI liées aux sous-systèmes infrastructure, énergie, matériel roulant, système de contrôlecommande et de signalisation, maintenance et exploitation sont déjà entrées en vigueur depuis le 1er Décembre 2002. Elles précisent les éléments fondamentaux de chacun de ces sous-systèmes et identifient notamment les constituants qui ont un rôle critique du point de vue de l’interopérabilité.
Les STI concernant le contrôle-commande et la signalisation ont été adoptées le 28 Mars 2006 sous la forme de la directive 2006/679/CE. Depuis sa création en 2004, l’Agence ferroviaire européenne est chargée de l’élaboration et de la révision des STI sur la base des travaux réalisés ou au moins entamés par l’AEIF (l’Association Européenne d’Interopérabilité Ferroviaire). Le Comité des États membres, établi conformément à l’article 21 des directives 96/48/CE et 2001/16/CE, a fourni à l’Agence ferroviaire européenne le mandat de rédaction du troisième groupe de STI pour les systèmes ferroviaires conventionnels [Lancien, 2004].
Pour résumer, la commission européenne (cf. Fig.1.2) a pour objectif de créer un marché unique assurant la libre circulation des biens et des personnes. Ceci s’est concrétisé par la directive 91/440/CEE qui a séparé les missions des entreprises ferroviaires de celles des gestionnaires d’infrastructure (l’application de cette directive en France a donné naissance à Réseau Ferré de France (RFF), la Société Nationale de Chemins de Fer (SNCF) gardant elle son rôle d’exploitant de services de transports). Ensuite, les conditions d’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse et conventionnel ont été établies dans les directives 96/48/CE et 2001/16/CE. Le système ERTMS a pour objectif d’apporter au niveau des systèmes de signalisation et de contrôle commande, une solution économique et technique à l’interopérabilité ferroviaire [Castan, 2004]. Il résulte de l’adoption de la directive 96/48/CE qui fait référence aux STI. Il correspond aux deux sous-systèmes suivants : le sous-système contrôle commande et signalisation et le sous-système exploitation.
Les principes de base actuels de la signalisation ferroviaire
L’objectif de la signalisation ferroviaire est d’as L surer la sécurité des circulations des trains. En effet pour garantir un fonctionnement cohérent de l’ensemble du système ferroviaire, le dialogue entre le train (conduit par l’homme) et le sol (qui gère l’exploitation) doit être permanent. Ce dialogue est assuré grâce à un langage de communication appelé signalisation dont l’homme est l’interface [Chapas, 2007]. Cette communication recouvre les informations suivantes : la position du train dans l’espace et le temps, autrement dit ses coordonnées par rapport au programme prévu ; et les ordres susceptibles d’adapter la circulation en fonction des situations dégradées qui peuvent survenir au cours de la marche.
Ceci représente un réel défi technique, car les distances de freinage des trains sont bien plus importantes que celles des voitures [Lacôte & Poré, 2004]. À 100 ou 160 km/h, cette distance est de l’ordre de quelques centaines de mètres. Mais, à très grande vitesse, elle est de quelques kilomètres! Tant sur lignes conventionnelles que sur lignes à grande vitesse, il est dès lors nécessaire que le conducteur du train reçoive longtemps à l’avance les informations nécessaires à la conduite. Jusqu’à 160 km/h, la vitesse n’est pas très élevée, le conducteur peut alors observer la signalisation latérale qui se trouve le long de la voie [DG TREN, 2006]. Au-delà de cette vitesse, le conducteur aura des difficultés à voir et interpréter correctement la signalisation latérale ce qui implique qu’une signalisation en cabine est nécessaire.
La voie est divisée en sections, appelées «cantons», de longueur variable en fonction des caractéristiques des trains l’empruntant. Tout canton ne peut être occupé que par une seule circulation. Un système de gestion des enclenchements détecte la présence des trains dans chaque canton. Chaque canton est protégé par un signal lumineux, garantissant l’espacement des trains. Si le signal est rouge, il indique au conducteur que le canton suivant est occupé. S’il est jaune, il indique que le prochain signal est rouge. Le conducteur doit donc contrôler sa vitesse afin de pouvoir s’arrêter avant le prochain signal si celui-ci est toujours rouge (cf. Fig.1.3). Autrefois, le canton était à la commande manuelle, grâce au téléphone (c’était le cantonnement téléphonique). Il est maintenant automatique : le système de gestion des enclenchements déclenche la protection des circulations en fonction de l’occupation de la voie via les circuits de voie (qui détectent la présence d’un train sur la voie) et les itinéraires en cours. Le circuit de voie permet la protection des circulations contre les risques de nez à nez, de rattrapage, de présence d’obstacle sur la voie et de rail cassé.
Le principe reste le même sur les lignes à grande vitesse, mais le nombre de cantons entre deux trains augmente en raison des distances de freinage qui deviennent plus longues. De plus, la vitesse importante ne permet pas au conducteur d’appréhender la signalisation latérale. Ainsi, un signal émis par la voie est capté par la locomotive ou la rame pour afficher au conducteur, la vitesse maximale autorisée à cet endroit. C’est ce qu’on appelle la «signalisation en cabine». Le conducteur est alors responsable de la sécurité et doit respecter les indications de la signalisation. De plus, les systèmes de signalisation diffèrent d’un pays à un autre étant donné qu’ils ont été généralement développés au niveau national, par un industriel pour un client spécifique. Ainsi la fréquence d’émission des signaux et la nature des informations transmises diffèrent. En Europe, plus de vingt systèmes de signalisation et de contrôle de vitesses existent (cf. Fig.1.4). Ils sont incompatibles entre eux. Ainsi, un train, qui relie plusieurs pays doit être équipé de systèmes différents ; ce qui signifie, entre autres, des capteurs et des écrans de contrôle spécifiques en cabine. La multiplication des systèmes de contrôle commande en cabine complique la tâche des conducteurs étant donné qu’ils doivent connaître ces systèmes et les procédures associées.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1 CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
1.1 INTRODUCTION
1.2 INTEROPÉRABILITÉ, SIGNALISATION ET EXPLOITATION
1.2.1 Interopérabilité ferroviaire
1.2.2 Les principes de base actuels de la signalisation ferroviaire
1.2.3 L’exploitation ferroviaire
1.3 SYSTÈME ERTMS
1.3.1 Les niveaux de fonctionnement du système ERTMS
1.3.2 Les spécifications du système ERTMS
1.3.3 La mise en œuvre du système ERTMS
1.4 PROBLÉMATIQUE SCIENTIFIQUE
1.4.1 Gestion de la complexité
1.4.2 Modélisation des aspects dynamiques de la spécification
1.4.3 Vers une approche mixte pour la génération de scénarios de test
1.4.4 Démarche et objectifs
1.5 CONCLUSION
2 VERIFICATION DE CONSTITUANTS REACTIFS
2.1 INTRODUCTION
2.2 SYSTÈME RÉPARTI & CONSTITUANT RÉACTIF
2.2.1 Système réparti
2.2.2 Constituant réactif
2.3 VÉRIFICATION DES CONSTITUANTS RÉACTIFS
2.3.1 Techniques de vérification formelle
2.3.2 Vérification par la méthode de test
2.3.3 Le test de conformité pour la vérification de constituants réactifs
2.4 LES MÉTHODES ET LES OUTILS DE GÉNÉRATION DE SCÉNARIOS DE TEST DE CONFORMITÉ
2.4.1 Les méthodes de génération de test par dérivation de spécification
2.4.2 Les outils utilisés dans la génération de scénarios de test de conformité
2.5 LA COUVERTURE DES SCÉNARIOS DE TEST
2.5.1 La couverture des états
2.5.2 La couverture des branches
2.5.3 La couverture des paires de branches
2.5.4 La couverture des chemins
2.5.4 La couverture par hypothèse de test
2.6 CONCLUSION
3 FORMALISATION DES SPECIFICATIONS
3.1 INTRODUCTION
3.2 APPROCHES DE MODÉLISATION
3.2.1 Les principes de couplage des modèles semi-formels et formels
3.2.2 La technique de transformation de modèles
3.3 TRANSFORMATION DES MODÈLES UML EN RÉSEAUX DE PETRI INTERPRÉTÉS
3.3.1 Modèle source : le langage UML
3.3.2 Modèle cible : les réseaux de Petri
3.3.3 Méthode de transformation développée
3.4 EXEMPLE ILLUSTRATIF
3.4.1 Modélisation UML
3.4.2 Transformation des diagrammes d’états UML en Réseaux de Petri
3.4.3 Regroupement des graphes RdP
3.5 CONCLUSION
4 GENERATION DE SCENARIOS DE TEST
4.1 INTRODUCTION
4.2 SCÉNARIOS DE TEST
4.2.1 Les scénarios de test
4.2.2 Comportement du réseau de Petri
4.2.3 Gestion de l’explosion combinatoire par vérification à la volée
4.2.4 Réduction de l’explosion combinatoire
4.3 GÉNÉRATION DE SÉQUENCES DE FRANCHISSEMENT
4.3.1 Technique d’abstraction pour la génération de séquences de tirs
4.3.2 Filtrage de l’ensemble des séquences de franchissement
4.3.3 Réduction de l’ensemble des séquences de franchissement
4.4 EXEMPLE ILLUSTRATIF
4.4.1 Génération des séquences de test à partir d’un modèle RdP simple
4.4.2 Filtrage et réduction des séquences générées
4.5 PRODUCTION DES SCÉNARIOS DE TEST
4.6 CONCLUSION
5 CONCLUSION GENERALE