Internet ou l’émergence de clubs de lecture numériques

Internet et la force des communautés virtuelles

   Internet, lors de sa conception, a été influencé par des origines à la fois militaire, scientifique mais surtout libertaire. Au départ commande du Pentagone, son évolution en architecture décentralisée, avec des protocoles distribués et modifiables, a permis l’ouverture du réseau et de l’auto-transformation permanente d’Internet ainsi que de la croissance du nombre de réseaux interconnectés. Travaux réalisés par des chercheurs informaticiens, ce sont ensuite des étudiants qui ont pris la suite en considérant Internet comme un “instrument de communication libre et (…) de libération qui, avec l’ordinateur personnel, donnerait aux individus le pouvoir de l’information pour les affranchir à la fois des Etats et des grandes entreprises ».  Le pouvoir de l’information détaillé ici nous renvoie aussi bien au fait d’émettre l’information que de la recevoir, de paire à paire : chacun peut à son tour s’improviser émetteur ou récepteur dans les communautés virtuelles. Les communautés virtuelles, un des principaux piliers d’Internet, fonctionnent sur la base de deux grands traits culturels communs. Dans un premier temps, selon Manuel Castells, Internet devient la valorisation de la libre communication horizontale, incarnant “la liberté d’expression planétaire à une époque dominée par le gigantisme des médias et la censure des Etats”.S’affranchissant d’une société horizontale hiérarchique, l’une des valeurs dominantes d’Internet n’est avant tout que cette liberté d’expression de multitude à multitude. On notera la propagation de pratiques collectives comme les messageries, listes de diffusion, groupes de conversation, jeux multi-utilisateurs, outils d’auto publication, systèmes de conférences… Tous ces différents supports permettant une fois de plus à chaque personne de s’improviser émetteur, récepteur, de partager son avis avec une multitude de personnes, sans se préoccuper des frontières et d’un espace-temps désormais abolis. Patrice Flichy rappelle que : “Les communautés en ligne, qui constituent une nouvelle forme de réseau social, permettent d’organiser ces proximités, puisqu’elles réunissent des personnes ayant des goûts proches et font connaître celles qui émettent des avis.”De plus, une autre des valeurs prédominantes est la possibilité offerte à chaque internaute de trouver un centre d’intérêt sur la Toile et, s’il ne la trouve pas, d’en devenir lui-même le principal émetteur et de créer ainsi son propre réseau. Internet est devenu précisément “le support technologique de la communication horizontale et d’une nouvelle forme de liberté d’expression”. Le regroupement par communautés implique notamment la notion d’intérêt commun : dans les communautés virtuelles, il s’agit en réalité d’une occasion d’un perfectionnement des relations communautaires. Chaque internaute peut se regrouper avec ses pairs, spontanément, par centres d’intérêt au lieu de laisser agir le hasard des rencontres.

YouTube, « Broadcast Yourself »

   Le nom de domaine www.YouTube.com fut déposé le 14 février 2005. Dû à un constat simple, la création de YouTube repose sur le souhait de contourner la difficulté de partager des vidéos, à l’inverse des pages web, articles et photographies.  Le moteur de recherche Google rachète par la suite YouTube en 2006. Le nom de la plate-forme médiatique, YouTube, pourrait être traduite sous « TuFaisTaTélé » selon Damien Norcia57. « You » correspond au pronom vous ou tu et renvoie ainsi une personne physique. « Tube » correspond au code télévisuel et audiovisuel. Le logo n’est autre qu’un écran TV bombé, avec des couleurs impactantes, restant en mémoire : du rouge et du noir. D’emblée, YouTube de par son nom et son logo, rappelle que nous pouvons devenir notre propre média et pas des moindres : notre « propre télévision ». Si l’on s’intéresse aux baselines, la première « Upload, tag and share your videos onliner » utilisée en 2005 est remplacée ensuite par la baseline « Broadcast Yourself ». Cette dernière se veut être la raison du succès de YouTube en proposant de nombreux choses. On pourrait traduire « Broadcast Yourself » par « Diffusez vous, diffusez-vous même ». Il s’agit en premier temps de la promesse que chacun peut être le réalisateur de sa vie et où il n’y aura presque aucune difficulté d’exécution. En effet, pour uploader une vidéo sur YouTube, une caméra ou un téléphone et une connexion au site étaient les seules choses nécessaires. La partie en soit très technique concernant l’encodage est réalisée par YouTube lui-même. Chaque personne peut s’adresser au monde de chez soi ou de n’importe quel endroit sur terre, offrant la possibilité de partager, en quelques clics, ses contenus vidéos avec le monde. De manière analogue, chacun détient la possibilité de consulter ces contenus, sans obstacle : émetteur ou récepteur, tout est possible. Concernant les émetteurs, le terme « YouTubeur » leur est désormais affilié. Sa définition serait la suivante : « personne qui publie ses propres vidéos sur le site YouTube ». Fin février 2017, Google a annoncé que chaque jour, plus d’un milliard d’heures de vidéo sont visionnées sur YouTube. En terme de temps, cela équivaudrait à plus de 114 000 ans. 1,5 milliard de personnes vont également sur la plateforme chaque mois.59 Médiamétrie précise qu’en France, 4 054 millions de visiteurs uniques par jour et 23 397 millions par mois sur ordinateur sont à noter.60 Concernant notre cible, les 15-24 ans sur YouTube représentent 17% des utilisateurs français selon les résultats publiés par la troisième édition de Brandcast du 24 novembre 2016, où YouTube a présenté son audience et ses résultats en France. Le succès de YouTube dans l’hexagone n’est donc plus à prouver, aussi bien d’un point de vue mondial que national. L’atout phare de YouTube est qu’il peut être consulté sur une multiplicité de supports mobile : télévision, ordinateur, tablette, smartphone, console… Si l’on s’intéresse au mobile, selon Médiamétrie, il s’agirait de 25,7 millions de visiteurs par mois ! En effet, selon Olivier Donnat, ces appareils, très souvent nomades, offrent “une large palette de fonctionnalités au croisement de la culture, de l’entertainment et de la communication interpersonnelle”.61 Les écrans sont devenus des supports privilégiés de nos rapports à la culture et ont profondément transformé le paysage des pratiques en amateur, permettant l’émergence de nouvelles manières d’expression mais surtout de nouveaux modes de diffusion des contenus culturels autoproduits dans la sphère du temps libre. Les Millenials, nés depuis les années 1990, furent la cible de ce nouveau média : pour eux, Internet est le média de référence et le smartphone leur support de prédilection. Mais pourquoi le format YouTube est-il si plébiscité ? Quelles sont les raisons de ce succès ? Est-ce dû à la plateforme en tant que telle ou au format vidéo ? Pour Jocelyn Lachance, même si certaines BookTubeuses couplent leurs critiques vidéos d’une chronique écrite sur leur blog, la vidéo sera toujours plus plébiscitée. En effet,les temporalités du texte et de l’image, ici de la vidéo, sont différentes. Nous développerons l’idée que l’homme s’impose le texte alors que l’image s’impose à lui : le public adepte du blog développe une concentration et une capacité pour rentrer dans la temporalité du texte. La vidéo, grâce à sa temporalité immédiate, permet d’accrocher plus facilement l’internaute et l’image retient le spectateur. Dans le cas de ces deux supports, le but premier reste envers et contre tout le texte, les mots employés par l’émetteur. 63 C’est au fond ce qui intéressera toujours l’internaute, le discours employé par l’influenceur. La vidéo favorise un aspect spontané comme le précise Margaud Liseuse64, Moody Take a book65 et Pinupapple & Books. C’est d’ailleurs leur raison première pour avoir lancé leur chaîne : une spontanéité plus grande via ce support que par l’écriture de blogs. Lorsqu’elles décrivent leur processus de réalisation de vidéo, elles disent parler naturellement devant la caméra alors qu’un blog induit une réflexion devant l’écrit, un besoin de maturation.

YouTube, un univers aux codes multiples

   YouTube véhicule ici un nombre incalculable de codes et de tendances, diffusables instantanément et sans soucis des frontières. Différents influenceurs s’y expriment sur des sujets variés comme le maquillage, la mode, les jeux-vidéos. Selon une étude Vidclust reprise par Sylvie Le Roy dans l’ADN, certainesthématiques séduisent plus que d’autres et créent ainsi plus d’engagement : nous pouvons notamment évoquer le Gaming avec 28% des contenus consommés et 9,5 milliards de vues.Les vidéos type Lifestyle (incluant des vidéos mode, beauté et art de vivre) sont également très plébiscitées avec 2,4 milliards de vue, soit 7% des contenus consommés.Certes, les thématiques profondes divergent mais les YouTubeurs peuvent reprendre certains codes afin d’améliorer leur référencement sur YouTube et Google… Et attirer des personnes, qui ne se seraient pas dirigées vers leur chaîne au premier abord. Nous rappelons ici que le souhait d’une BookTubeuse est de sensibiliser les internautes à sa passion, qu’ils soient lecteurs ou non. C’est le cas de Margaud Liseuse qui explique qu’elle ne veut pas se cantonner à une catégorie de personne mais bien chaque internaute qui se rend sur sa chaîne, sciemment ou non.73 Selon notre théorie, la reprise des codes YouTube favoriserait une telle chose. Les internautes pourraient être éventuellement intrigués par la lecture mais il faut dans un premier temps susciter leur intérêt et cela passe par des vidéos répondant aux codes de YouTube. Comme elle l’explique, « Swap, Haul, le code de la vidéo est très plébiscitée par les adolescents. Et c’est un vocabulaire que reprennent les BookTubeurs.  » En s’adaptant aux codes de YouTube, les BookTubeuses permettent un meilleur référencement sur Google. Les tendances propres à YouTube étant bien trop multiples et variées, nous nous axerons ici sur une thématique bien précise : le cas du Haul. Notre théorie est que cette thématique de vidéo permet de fédérer sa communauté par le biais de vidéos plébiscitées par la plateforme YouTube.

Le Haul, raison d’un succès YouTube

   Le terme « Haul » signifie butin en anglais. Mais butin de quoi ? Il s’agit en réalité de la YouTubeuse, s’exprimant face caméra et qui détaille ses achats, en les sortant directement de son sac. Ils s’effectuent aujourd’hui dans toutes les catégories de vidéo : mode, beauté, jouets, gaming. L’influence sur YouTube du terme Haul n’est plus à prouver et à démontrer : en effectuant une recherche sur la plateforme, le terme Haul correspond à 600 000 résultats. EnjoyPhoenix, YouTubeuse beauté à la communauté affirmée, réalise très souvent des Hauls. Une de ses dernières vidéos « Haul Soldes et Try on : j’ai pas pu résister », publiée le 21 juillet 2017, comporte déjà 555 183 vues : elle y présente ses derniers achats vestimentaires. Le ton de chaque Haul est volontairement gai, insouciant et où la YouTubeuse beauté s’extasie sur ses différents achats, tous plus « beaux » les uns que les autres. Elle joue majoritairement sur l’accessibilité des produits afin que ses abonnés puissent à leur tour se les procurer, s’ils le désirent. Les raisons de ce succès sont multiples mais selon Alice Phaysane, le Haul confirme avant tout« cette tendance à s’immiscer dans la vie d’autrui et à étaler nos biens sur Internet ». En effet, plongés dans l’intimité et dans la vie quotidienne des YouTubeuses, les abonnés peuvent savoir précisément leurs derniers achats, comme le saurait une copine retrouvée à la terrasse d’un café après une session shopping. Ils savent où a été acheté l’objet, son prix, voir même comment la YouTubeuse compte-t-elle porter l’objet et comment il lui va. Dans sa dernière vidéo, EnjoyPhoenix réalise un essayage afin que ses abonnés puissent voir directement comment lui vont les vêtements procurés. Les abonnés suivent l’influenceuse dans ses achats comme une amie. Ils peuvent se projeter sur la YouTubeuse et souhaiter à leur tour se procurer l’objet, dans une démarche d’identification. Cette tendance est notamment reprise par d’autres communautés et précisément, les BookTubeuses.

Le Haul livresque, analyse d’une convergence des codes

   Au 31 août 2017, les occurrences du terme « Book Haul » sur YouTube atteignent 950 000 résultats. Le principe ici est le même que celui de la YouTubeuse beauté : la BookTubeuse présente à son tour face caméra les livres reçus pendant le mois. Elle les expose, cite l’auteur, la maison d’édition et éventuellement donne un rapide résumé de l’histoire. L’avantage certain de ce genre de vidéo permet de se conformer aux exigences du public, favoriser le référencement directement sur Google ainsi que la sérendipité produite par YouTube. Les BookTubeuses s’assurent une visibilité maximale pour un public qui peut être attiré par le Book Haul de manière générale mais également auprès d’une cible peu sensible à la littérature mais attiré par la pratique du Haul de manière globale. A l’identique des vêtements et des maquillages que s’est procurée la YouTubeuse beauté, les BookTubeuses dévoilent ici une part d’elle-même, de leur quotidien et présentent surtout le livre comme un objet de désir. Attendu et désiré, il est exhibé sous toutes les coutures et les informations principales (auteur, collection, prix) sont détaillées afin que le lecteur puisse se les procurer, s’il le souhaite. La majorité des livres présentés lors des Haulsne seront pas forcément lus immédiatement par la BookTubeuse : cette dernière peut à son tour les conserver longuement dans sa PAL. En réalité, à l’identique du Haul chez la YouTubeuse beauté, le Haul livresque vise à mettre en scène la possession d’un livre. Walter Benjamin, dans son essai « Je déballe ma bibliothèque », développe en quoi le collectionneur de livres reste un personnage atypique ainsi que les dessous de la possession. Il y explique notamment que : « La possession est la relation la plus profonde que l’on puisse entretenir avec les choses : non qu’alors elles soient vivantes en lui, c’est lui même au contraire qui habite en elles.80 » En se procurant un livre, il devient ainsi partie intégrante de la BookTubeuse : cette dernière se définit par lui d’une certaine manière. La valeur marchande du livre est balayée au profit de leur double valeur, artistique et expressive. Nous pouvons également évoquer l’article d’Olivier Aïm sur la sémanalyse de la « femme meublée », avec une vue sur la garde-robe via la chaîne YouTube de Vogue81. Le principe de garde-robe est ici mis en parallèle avec la bibliothèque où, ces deux lieux de conservation, sont en réalité des « réserves » personnelles, reliées à l’histoire et au pouvoir de chaque femme. De manière analogue, nous pouvons nous dire que le Haul d’une BookTubeuse, accompagné d’une vue sur sa bibliothèque, ne vise qu’à asseoir un rôle, celui de grande lectrice, et une mise en scène, celle de la passion de la lecture et de la possession. Pour Moody Take a book, qui réalise régulièrement des Hauls sur sa chaîne, ce sont les vidéos qu’elle préfère tourner et même regarder chez les autres BookTubeuses. La raison selon elle est simple : il s’agit d’une des meilleures façons de se tenir au courant des nouveautés mais surtout le moment où l’expression de la passion du BookTubeuse est la plus forte. Le mot passion est ici intéressant car il signifie « état affectif intense et irraisonné qui domine quelqu’un » ou « un penchant vif et persistant », selon le Larousse. La BookTubeuse serait dans le Haul en proie à une émotion très vive, qui la domine complètement : son âme de collectionneuse vibrerait.

Un conseil basé sur le registre de l’émotion et la spontanéité

   Certaines BookTubeuses développent leurs prescriptions littéraires avec un système de notation ou d’évaluation, comme le cas de Pinupapple qui, à la fin de chaque vidéo, attribue une note sur dix au livre lu, tout en justifiant son choix. Cependant, ce conseil se développe par une plongée dans l’intimité qui s’effectue par le registre de l’émotion, très largement employée par les BookTubeuses. Elles se basent sur leur ressenti pour détailler tel ou tel livre. Nous avons vu et expliqué que la prescription littéraire permettait cette plongée dans l’intime : les BookTubeuses appliquent ce concept et en sur-jouent même pour séduire et fidéliser cette communauté. Véritable monologue cathartique face à la caméra, elles détaillent leurs émotions avec précision en évoquant un « réel besoin » de partager leurs avis. Le choix d’un champ lexical fort, les intonations de voix, les gestuelles : tous les éléments sont présents pour démontrer avec véracité et spontanéité les émotions ressenties. Nous avons analysé neuf vidéos, trois de chaque BookTubeuse, afin d’appuyer et étayer notre propos, toutes qualifiées d’ « Update Lecture ». Ces vidéos visent à rendre compte à leur communauté de leur ressenti concernant les ouvrages, à un moment où elles se positionnent en figure de conseil. En analysant ce corpus, nous avons remarqué que sur neuf vidéos, la totalité dépasse 45 coupures vidéos pour une durée totale de vidéo entre 09 :01 et 16 :11. Toutes ces mêmes vidéos utilisent un champ lexical fort relié directement aux émotions et où à deux reprises, des BookTubeuses évoquent leur vie privée de manière discrète pour justifier un tel ressenti. En dévoilant ses émotions par les différents moyens expliqués ci-dessus, la BookTubeuse s’inscrit encore dans une démarche de dévoilement mais également de mise en scène. Elle joue la lectrice émue, heureuse ou déçue, elle se positionne comme une amie qui recommande à des copines un ouvrage via des mimiques, expressions et champs lexicaux. Et cette prise de partie est justifiée pour séduire une génération connectée. Comme l’explique Sylvie Octobre, ce mode de communication est propre aux internautes et plus particulièrement à cette génération digitale : « Cette question de l’émotion est liée à l’émergence du registre de l’expressivité et à sa domination, au moins symbolique, dans certains registres des loisirs notamment numériques. L’ère de l’information, économie affective qui se fonde sur l’émotion plus que sur l’analyse et la compréhension dans les processus de décision comportementaux, est fort différente de l’économie du savoir, qui met l’accent sur les dimensions cognitives de l’expérience vécue. (…) Par ce processus d’attraction émotionnelle, le spectateur va aimer la mise en série, la personnalisation de l’œuvre et la mise en avant de la vie de l’artiste ; (…) les échanges de contenus entre amateurs sont placés sous le registre de la conversation et de l’authenticité. » Ici, selon notre réflexion, la norme n’est autre qu’une mise en scène émotionnelle afin de jouer sur le processus de transmission. La BookTubeuse joue sur le dévoilement de soi et sur le registre de l’émotion via des conseils appuyés, faisant écho à son intimité et son ressenti. Son attitude permettrait l’émergence dans ses abonnés de notre communauté, celle des 15-24 ans, car elle utilise précisément le rouage de l’émotion, qui les séduit, en tant que génération familiarisée à la culture numérique

Une passion qui transforme

  Cette passion de la transmission et de la littérature est si grande qu’elle permet en soit à la BookTubeuse de transcender ses peurs et lacunes pour conserver et séduire sa communauté. Nous pouvons évoquer dans un premier temps une réalisation de soi-même psychique par la vidéo : affronter le regard des autres a permis à Margaud de se dépasser, de transmettre sa passion alors qu’elle ne s’en sentait pas capable. Pinupapple & Books confirme cette tendance, en décrivant même le fait de réaliser ses vidéos comme un challenge personnel125 : la passion de transmettre apparaît comme plus forte que les angoisses et les craintes. Elles ont pu également améliorer leur façon de s’exprimer, de manière plus fluide, pour éviter les bégaiements et autres maladresses orales. Motivés au démarrage par la simple idée de transmettre, les BookTubeuses ont par la suite travaillé sur elles-mêmes et développé différentes capacités, notamment d’un point de vue technique, sur les réalisations des vidéos. Elles ont investi peu à peu dans du matériel comme une caméra de haute qualité, des lumières, un micro… Nous avons démontré le nombre impressionnant de coupures vidéos afin de conserver l’attention des internautes : cela implique de manière analogue un montage vidéo suivi et approfondi . Tâche peu plébiscitée par les BookTubeuses, les trois de notre corpus nous ont confirmé qu’il s’agissait de la partie de la réalisation de la vidéo qui leur plaisait le moins et à laquelle elles s’astreignent… Pour séduire et fidéliser leurs communautés. Les BookTubeuses ont développé des expertises professionnelles comme la gestion des relations presse avec les professionnels du secteur du livre. Nous pouvons évoquer les recherches parallèles à l’élaboration d’une vidéo : Pinupapple & Books rappelle que ses vidéos suivent une logique bien précise et notamment un travail de recherche et de structure afin de proposer un contenu le plus qualitatif possible. 129 Lors de sa vidéo « Book Tag Spécial Classique », elle précise la différence entre le réalisme et le naturalisme ainsi que la définition d’un classique en littérature. Par le biais de ses recherches pour réaliser ses vidéos, elle vulgarise ces notions tout en s’assurant une maîtrise supplémentaire de ce sujet. Nous retrouvons ici la figure de l’amateur qui développe une “expertise ordinaire”, acquise par l’expérience peu à peu chaque jour. BookTube a permis à ces passionnées d’acquérir des compétences mais de les mettre en exergue sous différents aspects, comme le rappelle Patrice Flichy131. Les BookTubeuses se sont positionnées comme un amateur à deux visages : d’un côté, celui qui réalise, crée, fabrique et invente et de l’autre, celui qui apprécie, sait dénicher le livre qui fera mouche et le rendre attractif. Il y a donc une fusion avec d’un côté “l’amateur” et de l’autre “l’amateur de”. Cette réalisation de soi-même passe également par le conseil des autres, qu’il s’agisse de la communauté propre à chaque BookTubeuse ou alors de la communauté des BookTubeuses existante. Comme évoqué précédemment, les abonnés deviennent de véritables prescripteurs et contribuent indirectement à l’évolution du contenu de la chaîne BookTube, en réclamant certains types de vidéos ou recommandant des ouvrages. Ils apportent aux BookTubeuses un renouveau et de nouvelles idées concernant le contenu de la chaîne. La chaîne BookTube n’est plus uniquement le reflet de son propriétaire mais bel et bien le fruit des internautes visiteurs. Margaud Liseuse appelle ses abonnés « mes renards », animal dont elle s’affuble elle-même du surnom et Moody Take a book leur donne le surnom de “mes maraudeurs”. Ce possessif démontre que les BookTubeuses n’oublient pas qu’ils ont une audience à satisfaire. Si nous nous intéressons plus précisément à cet exemple, nous pouvons rappeler que la couverture YouTube de Margaud la représente sous le format dessiné, en train de lire à la lumière d’une bougie, accompagné d’un renard à ses pieds. La présence de l’animal aux côtés de Margaud dans la lecture renvoie de manière implicite aux abonnés qui suivent la BookTubeuse, avec lesquels elle communique et échange de manière régulière via ses différents réseaux sociaux (YouTube, Facebook, Instagram, Twitter, son blog personnel…). Ils font partie de la chaîne autant qu’elle-même. Un abonné ou une autre BookTubeuse peut s’opposer au YouTubeur sur l’avis d’un roman : une multitude d’éléments sont abordés afin de détailler les points de vue. Connaissances littéraires, de vie littéraire ou sur un écrivain sont explicitées : abonnés comme BookTubeuses témoignent de leur capital culturel. Il n’est pas rare que les abonnés conseillent leurs BookTubeuses, renversant une fois de plus le schéma de médiateur-médié et accentuant l’aspect réticulaire et communautaire de BookTube. En conclusion, l’espace commentaire est primordial sur YouTube : ils apportent ainsi une audience aux BookTubeuses et un espace de discussion, tout en permettant une influence des abonnés sur la BookTubeuse. Nous nous devons également d’évoquer la communauté de BookTubeuses francophones existantes, très chère à nos trois BookTubeuses interrogées. Basée sur l’entraide, ces passionnées se retrouvent, échangent et se donnent des conseils concernant la réalisation des vidéos, comme le confirment Pinupapple & Books et Margaud Liseuse. Les actions de cette communauté sont vastes mais mêlent à leur tour le mélange du personnel et de la prescription littéraire. En suivant et commentant les vidéos de chacune, en se recommandant et se donnant des conseils pour réaliser une vidéo, elles favorisent le succès et la légitimité de la chaîne BookTube de leurs consœurs.

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Table des matières

Avant-propos : définitions
Introduction
Partie I : BookTube, la version numérique du club de lecture
I. De la prescription littéraire aux clubs de lecture
A. On ne lit pas seul mais accompagné
B. Une communauté autour de la lecture : les clubs de lecture
II. Internet ou l’émergence de clubs de lecture numériques
A. Internet et la force des communautés virtuelles
B. Des communautés numériques de lecture
C. Les blogs littéraires, vers un « individualisme » de lecture ?
III. BookTube, un club de lecture idéal ?
A. YouTube, « Broadcast Yourself »
B. BookTube, créateur de communautés
C. BookTube, un club de lecture intemporel et universel
Conclusion partielle
Partie II : La BookTubeuse, une héroïne 2.0
I. La convergence des codes sur YouTube : une BookTubeuse pouvant être aimée de tous ?
A. YouTube, un univers aux codes multiples
B. Le Haul, raison d’un succès YouTube
C. Le Haul livresque, analyse d’une convergence des codes
II. La BookTubeuse, héroïne d’une communauté
A. Emotion & spontanéité, ressorts d’une communication
B. Une lectrice aux goûts qui nous ressemblent
III. La BookTubeuse : la figure d’une passion
A. Une passion qui se transmet
B. Une passion qui transforme
Conclusion partielle
Partie III : La sphère BookTube : un souffle nouveau pour l’édition jeunesse ? 
I. L’édition jeunesse : entre succès et cannibalisme ?
A. Une communauté organisée autour d’un genre : le Young Adult
B. Des sagas fonctionnant par mimétisme et délaissées par la critique
II. BookTubeuses, ces nouvelles influenceuses clés pour le domaine de l’édition
A. Une BookTubeuse est avant tout une lectrice
B. De nouvelles ambassadrices à la personnalité charismatique
C. Quand le numérique renvoie vers le papier
Conclusion
Bibliographie
Ouvrages
Articles de revues scientifiques
Articles publiés sur Internet
Etudes
Vidéos étudiées
Autres
Résumé
Mots clés
Tables des Annexes
Annexe 1 : Margaud Liseuse
A.1 Analyse de la chaîne et des vidéos
A.2 : Analyse sémiologique de la vidéo « Routine de Lecture »
A.3 : Commentaires présents sur la vidéo « Routine de Lecture »
A.4 : Interview de Margaud Liseuse, réalisée par Skype le 4 juillet 2017
Annexe 2 : Analyse de Moody Take a book
A.1 Analyse de la chaîne et des vidéos
A.2 : Analyse sémiologique de la vidéo « Book Haul Express »
A.3 : Interview de Moody Take a book, réalisée le 6 juillet 2017, via un formulaire
Annexe 3 : Pinupapple & Books
A.1 : Analyse de la chaîne et des vidéos
A.2 : Analyse sémiologique de la vidéo « Book Tag Spécial Classique »
A.3 : Interview de Pinupapple & Books, réalisée le 8 juillet 2017, via un formulaire
Annexe 4 : Analyse des Update Lecture des trois BookTubeuses

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