Interférométrie de coda

Interférométrie de coda

Onde de coda

Le terme CODA vient du latin et signifie “la queue” : initialement il désigne le mouvement à la fin d’une pièce de musique. En référence à la coda musicale, la coda sismique représente les signaux enregistrés dans un sismogramme après le passage des ondes directes (Campillo and Lemarchand, 2002). Le sismogramme présenté figure 1.1 a été enregistré lors du séisme en Arizona du 26 décembre 2004 (Hadziioannou, 2011). Le début du sismogramme correspond aux ondes de volume : les ondes de compression (P) et les ondes de cisaillement (S), ensuite arrivent les ondes de surface de grande amplitude, la coda sismique désigne les ondes arrivant à la suite des ondes surface. Les ondes P correspondent aux ondes longitudinales, tandis que les ondes SH et SV correspondent respectivement aux ondes transversales hors et dans le plan (Fig. 1.2).

Aki et Chouet (Aki, 1969; Aki and Chouet, 1975) se sont intéressés les premiers à la coda sismique pour étudier l’hétérogénéité de la lithosphère. La terre est un milieu très hétérogène à toutes les échelles, une partie des ondes est réfléchie, réfractée et diffusée au cours de la propagation. Lorsqu’une onde se propage dans un milieu hétérogène, à chaque rencontre avec un diffuseur, sa direction de propagation, son amplitude et sa phase seront changées. L’onde de coda est constituée de l’ensemble de ces ondes multiplement diffusées. Elle est caractérisée principalement par deux propriétés (Figure 1.3) : 1) l’amplitude de l’onde diminue exponentiellement en fonction du temps de propagation, 2) la phase de l’onde est similaire à celle du bruit ambiant (Planès and Larose, 2013). En raison d’une combinaison des ondes multiplement diffusées ayant suivi des trajets aléatoires et complexes, la coda sismique a été longtemps considérée comme du bruit dans les études géophysiques traditionnelles (Maggi, 2010). Cependant, elle est reproductible en l’absence de changement du milieu si les mêmes émetteurs et récepteurs sont utilisés : elle contient donc des informations sur le milieu de propagation (Grêt et al., 2005).

La coda a deux origines, qui expliquent son apparence :
1) les diffractions multiples , sous hypothèse que la longueur d’onde émise est du même ordre de grandeur que la taille des hétérogénéités du milieu de propagation ;
2) les réflexions multiples  par des bords du milieu. Dans ce cas, la taille des hétérogénéités est négligeable devant la longueur d’onde, le milieu de propagation peut être considéré comme étant quasi-homogène.

Dans un milieu hétérogène, dans lequel la longueur d’onde est de l’ordre de grandeur de la taille des hétérogenités, les effets des perturbations se cumulent au cours de la propagation des ondes multi-diffusées. La coda est composée des arrivées tardives des ondes ayant subi plusieurs évènements de diffraction ou reflection et ayant parcouru un chemin plus ou moins tortueux dans le matériau. Parce qu’elles se propagent beaucoup plus longtemps que les ondes directes et qu’elles parcourent une plus grande distance dans le matériau, elles ont plus de chances d’interagir avec les perturbations du milieu. L’onde de coda présente ainsi une grande sensibilité aux modifications du milieu de propagation, par exemple la variation de température (Zhang et al., 2011; Zhang et al., 2012; Snieder et al., 2002; Weaver and Lobkis, 2000; Larose et al., 2006), le changement de niveau de contrainte (Larose and Hall, 2009; Lillamand et al., 2010; Hilloulin et al., 2014; Rivière et al., 2014; Renaud et al., 2013b), le changement de l’état d’endommagement (Schurr et al., 2011; Zhang et al., 2013a; Zhang et al., 2013b; Niederleithinger et al., 2015; Niederleithinger et al., 2018), la présence de micro fissures et macro-fissures (Becker et al., 2003; Anugonda et al., 2001; Deroo et al., 2010; Quiviger et al., 2012) etc.

Dans un milieu de propagation complexe, le champ acoustique peut se décomposer en deux parties : le champ cohérent et le champ incohérent (Chekroun, 2008). Le champ cohérent résiste à la moyenne sur plusieurs configurations du désordre statistiquement équivalentes (du point de vue de la répartition des diffuseurs). Il correspond alors à une onde se propageant dans un milieu homogène effectif (ou équivalent). Le champ incohérent ne résiste pas à une moyenne sur le désordre et est propre à une configuration particulière des diffuseurs. Il est composé des arrivées tardives des ondes ayant subi plusieurs évènements de diffraction ou reflection et parcouru un chemin plus ou moins tortueux dans le matériau. L’onde de coda correspond à ce champ incohérent. L’onde de coda étant un mélange d’ondes P et S, lorsque les ondes sont suffisamment diffusées, la répartition de l’énergie des ondes P et S devient stable et indépendante de la source, ce régime est appelé le régime de diffusion (Snieder, 2002).

Interférométrie de coda

L’interférométrie de coda (CWI pour Coda Wave Interferometry) (Snieder et al., 2002) est une technique permettant d’évaluer la variation de vitesse de propagation à partir des informations d’amplitude et de phase de la coda. Dans les années soixante, les premières études de coda sismique par Aki (Aki, 1969; Aki and Chouet, 1975) se concentrent sur l’amplitude de la coda. Ensuite, dans les années quatre vingt, Poupinet a commencé à utiliser la phase de la coda (Poupinet et al., 1984). CWI a été principalement utilisée par les sismologues pour estimer des petites variations de vitesses de la croûte de la terre, i.e. les activités des volcans (Ratdomopurbo and Poupinet, 1995), les effets sismiques (Snieder et al., 2002), les variations saisonnières (Sens-Schönfelder and Wegler, 2006) etc. CWI a été aussi appliquée dans le domaine de l’ECND pour la détection des petits changements des matériaux ou des structures (Larose and Hall, 2009; Schurr et al., 2011; Zhang et al., 2013b).

Entre chaque paire de diffuseurs dans un milieu hétérogène, il existe deux raisons principales de perturbation de la propagation d’onde :
1) le changement de vitesse de propagation, qui conduit à un changement du temps de propagation pour un même trajet ;
2) le changement de distance entre les deux diffuseurs consécutifs, qui peut conduire au changement du temps de propagation, de la diffusion géométrique de l’énergie et de la direction de la propagation.

Sous l’hypothèse que la longueur d’onde (λ) est suffisamment petite devant le libre parcours moyen de transport 1 (l∗ ) (Tourin et al., 1999), l’influence de la perturbation de propagation entre deux diffuseurs consécutifs affecte principalement le changement du temps de propagation (Snieder, 2006). Snieder (Snieder et al., 2002) a étudié la relation entre le niveau de perturbation du milieu et la variation de vitesse de propagation (Fig. 1.5). Soit ϕ(t) la superposition de trains d’ondes d’amplitude aléatoire Ai arrivant en temps ti .

Acoustique non linéaire

La théorie de l’élasticité linéaire se limite au cas où la déformation est infinitésimale et le matériau parfaitement élastique. Le signal de sortie d’un système élastique linéaire conserve la nature du signal d’entrée et son contenu fréquentiel. Par exemple, si un signal d’entrée est sinusoïdal pur, le signal de sortie est aussi sinusoïdal pur avec la même fréquence. La relation entre la déformation ε et la contrainte σ pour un système élastique linéaire isotrope est décrite par la loi de Hooke 1.12.

σ = Mε , (1.12)

M est le module élastique du matériau. Lorsque le signal de sortie, la réponse d’un système élastique, n’est plus une combinaison linéaire des signaux d’entrée (c’est-à-dire que le principe de superposition n’est plus respecté), ce système est alors non linéaire .

Dans le cas des solides, on peut alors distinguer formellement trois types de nonlinéarités :
1) La non-linéarité géométrique, du fait des grandes déformations et de la façon de les décrire (terme dit « convectif » ou « advectif » en acoustique non linéaire) ;
2) la non-linéarité intrinsèque du matériau, appelée aussi la non-linéarité physique, propriété intrinsèque, qui résulte de la non-linéarité aux plus petites échelles (comme la non-linéarité du potentiel d’interaction entre atomes d’un cristal) ;
3) la non-linéarité mésoscopique, liée à la présence de défauts, perturbations, introduisant par exemple des contacts solides internes, des interfaces rugueuses en contact, et désignée selon le cas par non-linéarité non classique, non-linéarité de contact.

Dans le cadre acoustique, en petites déformations dans les matériaux complexes, la nonlinéarité géométrique est le plus souvent négligeable par rapport à la non linéarité mésoscopique (Guyer and Johnson, 1999; Johnson and Sutin, 2005; Guyer and Johnson, 2009).

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Table des matières

Introduction Générale
1 État de l’art
1.1 Interférométrie de coda
1.1.1 Onde de coda
1.1.2 Interférométrie de coda
1.1.2.1 Doublet
1.1.2.2 Stretching
1.2 Acoustique non linéaire
1.2.1 Non-linéarité non classique
1.2.1.1 Effet dynamique de la non-linéarité
1.2.1.2 Non-linéarité de contact
1.2.2 Méthodes d’ECND basées sur la non-linéarité non classique
1.2.2.1 Spectroscopie non linéaire par modulation d’ondes
1.2.2.2 Spectroscopie par résonance non linéaire
1.2.2.3 Acousto-élasticité dynamique
1.2.2.4 Méthode non linéaire d’interférométrie de la coda ultrasonore
1.3 Méthodes numériques
1.3.1 Problème élasto-dynamique
1.3.2 Méthodes de résolution numérique
1.3.3 Méthode des éléments spectraux (SEM)
1.3.3.1 Discrétisation spatiale
1.3.3.2 Système matriciel
1.3.3.3 Discrétisation temporelle
1.3.4 Implémentation à l’échelle d’études de la coda ultrasonore
2 Modélisation numérique de NCWI dans un milieu multi-diffusant avec un défaut non linéaire localisé
2.1 Introduction
2.2 Theoretical background
2.2.1 Coda Wave Interferometry (CWI)
2.2.2 Non-classical nonlinear mesoscopic elastic materials
2.3 Configurations
2.3.1 Reference experimental configuration
2.3.2 Numerical configurations
2.4 Numerical results
2.4.1 Influence of source/receiver positions on CWI observables
2.4.2 Dependence of CWI observables on the amount of change in Young’s modulus in the EDZ and on the EDZ area change
2.4.3 Dependence of CWI observables on the simultaneous change in Young’s modulus and attenuation coefficient in the EDZ
2.5 Comparison of CWI observables between experimental and numerical tests
2.6 Case of a heterogeneous material and a multiple scattered field
2.7 Conclusion
3 Influence du niveau d’endommagement et amélioration du modèle numérique
3.1 Dependence of CWI observables on the amount of change in EDZ Young’s modulus and area
3.1.1 Modeling and simulation
3.1.2 NCWI results
3.2 Comparison of numerical results for an homogeneous Effective Damaged Zone (EDZ) model and a micro-cracked EDZ model
3.2.1 Modeling and simulation
3.2.2 NCWI results
3.3 Conclusion
4 Sensibilité de NCWI à la taille de la micro-fissure dans un milieu très hétérogène
4.1 Modeling and simulation
4.2 NCWI results
4.3 Case of a reverberating medium
4.4 Conclusion
Conclusion Générale

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