Interférométrie atomique et oscillations de Bloch

La technique des oscillations de Bloch dans un réseau optique accéléré a été démontrée pour la première fois en 1996 par le groupe de Christophe Salomon au Laboratoire Kastler Brossel [Ben Dahan et al. 1996] ainsi que dans le groupe de Mark Raizen [Wilkinson et al. 1996]. Cette technique a depuis suscité un grand intérêt dans la communauté de la physique atomique, tant sur le plan de la compréhension des aspects fondamentaux de ce mécanisme [Madison et al. 1998 ; Witthaut et al. 2004] que sur le plan des applications des oscillations de Bloch, notamment dans le domaine de la métrologie pour la détermination de la constante de structure fine [Bouchendira et al. 2011 ; Cadoret et al. 2008 ; Cladé et al. 2006b], ainsi que pour augmenter la sensibilité des interféromètres atomiques [Chiow et al. 2011 ; Cladé et al. 2009 ; Müller et al. 2008].

La technique des oscillations de Bloch permet d’accélérer efficacement et de manière cohérente des atomes, en leur transférant un nombre élevé de reculs. Elle requiert une source d’atomes ultra-froids avec une distribution de vitesse sub-recul. Notre équipe utilise cette technique pour mesurer la vitesse de recul d’un atome de rubidium, afin d’en déduire une valeur de la constante de structure fine α avec une incertitude inégalée à ce jour [Bouchendira et al. 2011].

Transitions Raman et interférométrie atomique

Les premières réalisations expérimentales d’un interféromètre atomique avec une séparation spatiale du paquet atomique utilisaient des séparatrices atomiques matérielles, comme des fentes d’Young [Carnal et Mlynek 1991] ou des réseaux matériels [Keith et al. 1991]. Ces techniques ont rapidement été détrônées par l’utilisation de lumière laser pour manipuler les atomes. Les séparatrices atomiques fondées sur la lumière laser mettent à profit la grande impulsion des photons aux fréquences optiques, qui est 4 à 5 ordres de grandeur plus élevée que dans le domaine micro-onde.

L’inconvénient majeur de cette méthode est la durée de vie du niveau excité, qui induit rapidement des pertes d’atomes par émission spontanée. Les transitions Raman contra-propageantes, processus cohérents à deux photons, permettent de s’affranchir en partie de cette contrainte, en couplant deux états stables, comme deux états hyperfins du niveau fondamental de l’atome. C’est lors de la même année 1991 que la première démonstration expérimentale d’un interféromètre atomique avec des impulsions lumineuses Raman a été réalisée [Kasevich et Chu 1991].

Principe des transitions Raman 

Les transitions Raman sont un processus à deux photons dans lequel l’atome absorbe un photon à la fréquence ω1 provenant d’un laser, et émet un photon, de façon stimulée, à la fréquence ω2 correspondant au deuxième laser. Les lasers sont fortement désaccordés de la transition à un photon 5 2S1/2 → 5 2P3/2 , afin d’éviter que les atomes se désexcitent par émission spontanée, ce qui détruirait la cohérence du paquet atomique.

Nous travaillons avec des atomes alcalins de 87Rb, dont les niveaux d’énergie présentent une structure hyperfine due à l’interaction entre le spin nucléaire et le spin de l’électron externe. L’état fondamental 5 2S1/2 possède deux niveaux hyperfins, |F= 1i et |F = 2i, que nous noterons respectivement |ai et |bi dans la suite. Le désaccord des lasers par rapport au niveau excité |ei est de ∆ ∼ 2π ×100 GHz, fréquence très grande devant celle de la structure hyperfine ωSHF ‘ 2π × 6,834 682 611 GHz (Figure 1.1). Les transitions Raman couplent un niveau hyperfin à l’autre, en donnant lieu à un transfert d’impulsion entre les photons et les atomes. Les niveaux |ai et |bi sont alors séparés en impulsion de ~(k1 + k2). Ces niveaux d’énergie sont notés sous la forme |a, p − ~k1i et |b, p − ~k2i.

Oscillations de Bloch dans un réseau optique

Les oscillations de Bloch d’atomes froids dans un réseau optique ont été mises en évidence au milieu des années 1990 [Ben Dahan et al. 1996]. Elles ont ensuite connu un développement très important en physique atomique. Au-delà de son intérêt pour la mesure du rapport h/m [Battesti et al. 2004], la technique des oscillations de Bloch est la technique la plus prometteuse pour réaliser des séparatrices atomiques à grand transfert d’impulsion. Cela devrait permettre un gain substantiel sur la sensibilité des interféromètres atomiques, très attendu sur certains projets de grande envergure tels que le projet MIGA (Matter-wave laser Interferometer Gravitation Antenna) [Canuel et al. 2014].

Pour se ramener au cas des oscillations de Bloch tel qu’il a été décrit précédemment, on balaye continûment et linéairement la fréquence d’un laser par rapport à l’autre. Le potentiel U(x) vu par les atomes va alors se déplacer à accélération constante a, et les atomes ressentent une force d’inertie constante F = −ma.

Applications des oscillations de Bloch en métrologie

Les oscillations de Bloch dans un réseau optique représentent un outil très puissant pour accélérer les atomes de manière cohérente, c’est-à-dire sans qu’il y ait d’émission spontanée ; en effet, tous les faisceaux lasers sont fortement désaccordés par rapport à la transition à un photon, de l’ordre de ∆ ∼ 2π × 25 GHz >> ωSHF. Leur plus grand avantage réside dans leur efficacité très élevée, d’environ 99,97 % par oscillation [Cladé et al. 2006a], limitée principalement par les processus d’émission spontanée d’un photon, ainsi que par les transitions non-adiabatiques pouvant se produire au bord de la zone de Brillouin. L’accélération fournie par les oscillations de Bloch permet également d’augmenter la séparation spatiale entre les bras de l’interféromètre, et donc sa sensibilité.

Accélération cohérente 

Les oscillations de Bloch dans les expériences d’atomes froids sont principalement utilisées comme une manière d’accélérer les atomes en contrôlant exactement le nombre de reculs transférés. Nous allons ici évoquer brièvement deux applications exploitant l’accélération cohérente des atomes par oscillations de Bloch, avant d’y revenir plus en détail dans la suite de ce manuscrit : la mesure de la vitesse de recul du 87Rb ainsi que la technique des « ascenseurs atomiques » pour contrôler la position et la vitesse des atomes. Dans l’expérience visant à mesurer le rapport h/m, nous mettons à profit notre dispositif de mesure de vitesse, le capteur inertiel en configuration Ramsey-Bordé, auquel nous rajoutons une séquence de NR = 500 oscillations de Bloch entre la sélection et la mesure.

Ainsi les atomes subissent un changement de vitesse ∆v = 2NRvr qui se traduit par un décalage Doppler 2keff∆v. Nous mesurons ce dernier à l’aide de la position du centre des franges de l’interféromètre. Une oscillation de Bloch correspond à un incrément de fréquence égal à 2keffvr ∼ 30 kHz. L’utilisation de 500 oscillations de Bloch permet ainsi de diviser par 1000 l’incertitude statistique sur la mesure du rapport h/m.

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Table des matières

Introduction
I L’expérience
1 Interférométrie atomique et oscillations de Bloch
1.1 Transitions Raman et interférométrie atomique
1.1.1 Principe des transitions Raman
1.1.2 Interférométrie atomique
1.2 Les oscillations de Bloch
1.2.1 Introduction aux oscillations de Bloch
1.2.2 Atomes dans un réseau optique
1.2.3 Oscillations de Bloch dans un réseau optique
1.2.4 Applications des oscillations de Bloch en métrologie
2 Dispositif expérimental
2.1 Cellule ultra-vide
2.2 Piégeage des atomes
2.3 Les lasers de piégeage
2.4 Les lasers Raman
2.4.1 Étude de plusieurs profils temporels d’impulsion Raman
2.5 Le laser Bloch
2.5.1 Source laser
2.5.2 Contrôle des faisceaux
2.5.3 Efficacité des oscillations de Bloch
2.6 Stabilisation et mesure précise des fréquences
2.7 Préparation des atomes pour la mesure
2.7.1 État interne
2.7.2 État externe
2.8 Mesure et analyse des résultats
2.9 Contrôle informatique de l’expérience
II Principaux résultats
3 Gravimètre compact
3.1 Quelques rappels
3.1.1 Comparaisons entre gravimètres
3.1.2 Exactitude d’un gravimètre
3.2 Gravimétrie sur des atomes froids
3.2.1 Expérience fondatrice
3.2.2 État de l’art
3.2.3 Gravimétrie à l’aide d’oscillations de Bloch
3.3 Gravimètre atomique compact
3.3.1 Principe de la mesure
3.3.2 Résultats de l’expérience
3.3.3 Réduction de l’effet systématique dû aux faisceaux Bloch
3.3.4 Applications
3.3.5 Conclusion et perspectives
4 Mesure du rapport h/m
4.1 Bilan des mesures précédentes
4.1.1 Protocole de mesure
4.1.2 Effets systématiques
4.2 Réduction du bruit statistique sur l’expérience
4.2.1 Nouvelles plates-formes, isolation passive
4.2.2 Fiabilisation de l’expérience
4.3 Effet systématique lié à la phase de Gouy
4.3.1 Nouvelle source laser pour les faisceaux Bloch
4.3.2 Remplacement et caractérisation des collimateurs
4.4 Mesure du rapport h/m
4.4.1 Effet du champ magnétique
4.4.2 Effet systématique lié à l’efficacité des oscillations de Bloch
4.4.3 Conclusion
5 Double diffraction et LMTBS
5.1 Principe des LMTBS
5.2 Double diffraction
5.2.1 Principe
5.2.2 Application aux LMTBS
5.3 Mise en œuvre expérimentale
5.3.1 Double diffraction
5.3.2 Séparatrices à LMT
5.4 Résultats préliminaires
5.4.1 Double diffraction avec des impulsions Raman
5.5 Conclusion et perspectives
Conclusion

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